Texte intégral
YVES CALVI
Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
YVES CALVI
Bienvenue sur RTL, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle. J'avais envie de vous demander, en guise de bonjour, si vous vous sentiez soulagée d'en avoir fini avec votre loi.
MYRIAM EL KHOMRI
Soulagée, non, puisque la loi, il faut qu'elle puisse être appliquée, et pour cela, ça demande un travail important, notamment pour élaborer les décrets, pour aller vite dans les concertations, et pour aller très vite dans la mise en oeuvre, notamment, de nombreux droits qui vont s'ouvrir dès le 1er janvier 2017.
YVES CALVI
Les manifestants qui sont encore dans la rue, ça vous pèse ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, ça me pèse... je suis bien sûr, je suis ministre du Dialogue social, donc moi je suis respectueuse de toutes les positions. S'agissant de la manifestation d'hier, en effet, les cortèges étaient certes moins denses, mais ce qui est inacceptable, c'est que des citoyens ne puissent pas manifester sans être confrontés à la brutalité de casseurs, et ce qui est inacceptable, permettez-moi de continuer, c'est que des fonctionnaires des forces de l'ordre, soient blessés, des manifestants également, 15 fonctionnaires blessés, dont deux grièvement, voilà cette réalité-là. La brutalité de certains casseurs, c'est inacceptable, parce que voilà, la démocratie c'est le pluralisme et le pluralisme c'est aussi permettre justement de pouvoir manifester ses opinions de façon pacifique.
YVES CALVI
Dans un instant, vous allez répondre aux questions d'Elizabeth MARTICHOUX. A tout de suite, bienvenue à toutes les deux.
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YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez ce matin la ministre du Travail, Myriam El KHOMRI.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous faites en quelque sorte votre rentrée médiatique ce matin, merci d'avoir choisi RTL. Pour conclure sur les manifestations d'hier dont on vient de dire un mot avec Yves CALVI, pour vous c'était quand même le clap de la fin de la contestation ?
MYRIAM EL KHOMRI
Écoutez, les organisations syndicales, l'intersyndicale elle-même, ont dit que c'était leur dernier rendez-vous. Ils souhaitent aujourd'hui attaquer la Loi travail à travers des recours juridiques...
ELIZABETH MARTICHOUX
Des recours juridiques qui ont des chances d'aboutir ou pas ? Qui ont des chances de bloquer votre texte ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ce texte a été énormément... a beaucoup été amélioré au fil du temps, mais ça a fait l'objet d'un travail assez sérieux et rigoureux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Quand vous dites « amélioré », vous êtes aimable à l'égard de ce texte qui a été...
MYRIAM EL KHOMRI
Non, il a beaucoup évolué, mais je veux dire, il y a eu un travail très important, et le Conseil d'Etat a justement, à juste titre, dans le contrôle, ça a fait l'objet d'un travail rigoureux, c'est ça que je vais vous dire, et donc à cette occasion le Conseil d'Etat a bien fait son travail et donc a jugé que ce texte n'était en aucune opposition, à la fois avec les conventions internationales et le droit constitutionnel, donc je suis sereine, néanmoins, bien sûr, à chaque fois, voilà, c'est le pouvoir des juges, bien évidemment, de ce point de vue là et donc... mais je suis sereine.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a une autre bataille de celle juridique, que veulent lancer les syndicats, c'est celle qu'a formulée ainsi Philippe MARTINEZ cette semaine : il ne faut pas que cette loi rentre dans l'entreprise. Vous lui répondez quoi ?
MYRIAM EL KHOMRI
On a vraiment deux conceptions du syndicalisme différent, et cette loi a été compliquée parce qu'elle s'est trouvée aussi au centre d'un conflit syndicat avec deux visions du syndicalisme. Cette loi elle renforce les moyens des syndicats et elle renforce leur pouvoir et leur responsabilité, au niveau de l'entreprise. Ça c'est quelque chose que ne partagent pas certaines organisations syndicales, alors que d'autres les revendiquent, je pense à la CFDT, à l'UNSA, à la CFTC. Donc il y a ces deux conceptions-là. Moi j'ai un étonnement toujours par rapport à la question des accords d'entreprise, quand on sait que des grandes organisations syndicales comme la CGT ou FO signent près de 80 % des accords dans les entreprises, il y a une réalité aujourd'hui. La capacité d'adaptation, elle peut se faire aussi au niveau de l'entreprise, et...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne redoutez pas que la CGT soit en mesure de bloquer ces accords d'entreprise.
MYRIAM EL KHOMRI
Moi je fais confiance à l'intelligence collective. Aujourd'hui, ils signent près de 80 % des accords. Demain, les accords...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous leur dites « chiche » alors.
MYRIAM EL KHOMRI
Demain, les accords, ils devront être majoritaires. En effet, ça sera plus difficile d'obtenir un accord, parce que nous avons souhaité, à partir du moment où on élargissait l'objet de l'accord, nous avons souhaité justement qu'il puisse y avoir un verrou, et ce verrou majoritaire il est à mes yeux essentiel. Néanmoins, je pense qu'aujourd'hui, dans notre pays, nous avons bien sûr besoin d'un ordre public social, prévu par la loi, qui s'applique à toutes les entreprises, et c'est le cas de la durée légale du travail, et donc dans ce cas-là on a une vraie opposition avec les programmes aujourd'hui présentés par la droite, parce que là c'est pas l'abrogation de la Loi travail, c'est l'abrogation du droit du travail. Et c'est ça la vraie distinction. Mais il y a un enjeu essentiel, c'est de pouvoir s'adapter, pour mieux répondre à un carnet de commandes, et s'il n'y a pas d'accord, c'est le droit actuel qui s'applique. Où est le scandale ?
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, avant qu'il y ait des accords d'entreprise, il faut que les décrets de la loi soient publiés, et là il y a une course du travail, je rappelle que la loi Rebsamen sur le dialogue social, il a fallu un an pour que tous les décrets soient publiés. Est-ce que vous pouvez vous engager ce matin sur une date et nous dire par exemple : janvier, février 2017, ma loi sera applicable dans toutes les entreprises ?
MYRIAM EL KHOMRI
80 % des décrets seront sortis d'ici avant la fin de l'année 2016. Il y a des droits nouveaux qui vont être mis en oeuvre dès le 1er janvier 2017, je pense par exemple à la généralisation de la garantie jeunes, pour les jeunes qui sont en situation de précarité, qui ne sont pas en études, pas en emploi, pas en formation, c'est un droit très important, le compte personnel d'activité, et puis il y a des décrets qui vont arriver au mois d'octobre, je pense à tous ceux relatifs...
ELIZABETH MARTICHOUX
Les nouvelles règles de licenciement économique, par exemple, qui sont...
MYRIAM EL KHOMRI
Ça c'est à partir du 1er décembre 2016, qu'elles seront appliquées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, ce sera fait.
MYRIAM EL KHOMRI
Voilà. Donc nous avons 80 % des décrets d'ici la fin de l'année, et donc une application directe, à la fois de nombreux droits et de nombreuses capacités de négociations, au plus près de l'entreprise.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes fière de cette loi ?
MYRIAM EL KHOMRI
Oui. Oui, parce que je pense qu'à un moment, lorsqu'on regarde notre marché du travail, lorsqu'on regarde les difficultés que nous avons dans notre pays, il faut que nous permettions cette capacité d'adaptation, mais elle ne doit pas se faire contre les salariés, et c'est pour cela qu'elle renforce le pouvoir des syndicats, c'est ça qui est assez paradoxal.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais sans refaire toute l'histoire, parce qu'on en a déjà beaucoup parlé, évidemment, mais est-ce que vous avez quand même un regret ? Par exemple, le 49.3...
MYRIAM EL KHOMRI
J'ai un regret, bien sûr, sur le démarrage...
ELIZABETH MARTICHOUX
Le 49.3 d'entrée, c'est un regret.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais bien évidemment que j'aurais souhaité, j'aurais souhaité qu'il puisse y avoir un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat autour de cette loi. Ça n'a pas été possible. On a cherché, avec le Premier ministre et beaucoup d'autres, les voies d'un compromis, notamment avec une part des députés socialistes qui étaient minoritaires au sein du groupe socialistes, nous n'avons pas réussi à le trouver. Bien évidemment, on le regrette, bien évidemment, mais néanmoins, ce qui compte aujourd'hui, c'est cette application, et je vous rappelle qu'elle est soutenue aussi par une part des organisations syndicales, qui nous demandent aujourd'hui de mettre en oeuvre le plus rapidement possible les décrets d'application.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous vous êtes engagée sur une date d'ailleurs à ce titre-là. Mais, ce qui est intéressant aussi de voir, c'est qu'aujourd'hui, finalement, la CGT elle est aussi hostile à l'égard de François HOLLANDE, qu'elle ne l'était à l'égard de Nicolas SARKOZY, à la fin de son mandat. Il n'y a pas un loupé, là ? Il n'y a pas un problème, pour vous, qui dites « je suis une femme de gauche » ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, la CGT doit aussi savoir reconnaitre les avancées qu'il y a eu durant ce quinquennat, en matière de dialogue social. Moi, quand je vois par exemple à travers la loi Rebsamen, la possibilité aussi d'une plus grande présence des représentants des salariés, dans certaines instances, quand je vois aussi que nous avons permis la complémentaire santé, quand je vois que nous allons avoir des élections professionnelles très importantes, très importantes, dans les petites entreprises, du 28 novembre au 12 décembre...
ELIZABETH MARTICHOUX
Et on verra d'ailleurs le nouvel équilibre syndical à ce moment là, mais vous...
MYRIAM EL KHOMRI
Non, on le verra au printemps, parce que...
ELIZABETH MARTICHOUX
Au printemps.
MYRIAM EL KHOMRI
Au printemps.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avec les élections professionnelles. Mais vous ne répondez pas tout à fait à ma question. Je comprends ce que vous dites. La CGT ne reconnait pas tous les progrès sociaux que l'on a mis en oeuvre sur le quinquennat, mais le point d'arrivée, c'est que la CGT aujourd'hui, encore une fois, elle est aussi hostile à l'égard d'un président socialiste que d'un président de droite. Et...
MYRIAM EL KHOMRI
Je ne le comprends pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne le comprenez pas.
MYRIAM EL KHOMRI
Cette question, vous devriez leur poser. Je ne comprends pas, aujourd'hui, lorsque...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne voyez pas votre part de responsabilité.
MYRIAM EL KHOMRI
Je...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne prenez pas votre part de responsabilité.
MYRIAM EL KHOMRI
Ce n'est absolument pas que je ne prends pas ma part de responsabilités, je travaille avec la CGT sur de nombreux dossiers, par exemple dans la Loi travail, il y a tout un travail sur les emplois saisonniers, parce que ce sont un, peu les invisibles du monde du travail, des vraies avancées en direction justement du droit des saisonniers. J'y travaille bien sûr avec la CGT. Sur la lutte contre les discriminations, nous avons une action qui est très dynamique, avec un testing des entreprises, nous y travaillons aussi avec les organisations syndicales, aujourd'hui le Congrès de Marseille a été, dans l'histoire de la CGT, le Congrès de Marseille récemment a été aussi un clivage au sein de la CGT, il faut aussi s'en rendre compte. Moi je n'ai pas à faire de la... à mettre la CGT, ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas qu'autour de la loi travail qu'il y a eu des difficultés avec la CGT, que des conférences sociales, ils avaient décidé de les boycotter en amont, donc cette cristallisation et cette difficulté...
ELIZABETH MARTICHOUX
La CGT c'est en quelque sorte la gauche de l'obstruction dont parle François HOLLANDE, dans sa longue interview accordée... le débat qui a été publié en extrait hier dans Le Monde.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais, il y a eu une politique d'obstruction, en effet, autour de la loi travail, quand monsieur MARTINEZ ne venait pas au rendez-vous, lorsque... En effet, c'est important. On a des élections, en effet, qui vont se dérouler au printemps prochain. Moi je refuse, en tant que ministre du Travail, de
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors là, vous parlez des élections dans les entreprises, mais là, l'élection présidentielle, au mois de mai.
MYRIAM EL KHOMRI
L'élection présidentielle. Moi je refuse qu'un calendrier électoral nous fasse retarder des sujets extrêmement importants. La CGT devrait porter avec nous la question de la pénibilité, ils la portent mais ils n'en parlent pas. La CGT, dans le cadre des...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous nous dites ce matin que la CGT revienne dans le jeu pour défendre les progrès sociaux. Mais ça va se payer dans les urnes, pour François HOLLANDE, non, cette fracture, puisque vous parlez de l'élection présidentielle.
MYRIAM EL KHOMRI
La question de la trahison, la gauche, nous l'avons toujours eu lorsque la gauche est dans l'exercice des responsabilités. Qu'il y ait aujourd'hui, en effet, que la gauche n'aille pas très bien en France, le fait que la sociale démocratie n'aille pas très bien, généralement en Europe, ça c'est une réalité qui n'est pas que française et qu'il faut aussi regarder dans ce cadre-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
La machine à perdre est en marche, à gauche, pour vous ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, je ne sais pas, mais en tout cas, quand je vois la primaire de droite, je n'ai pas l'impression que la machine à gagner est lancée non plus.
ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais on va en parler de la droite dans un instant, mais la machine à perdre est en marche à gauche. Je vous demande ça, parce que Manuel VALLS a fait des confidences, on en a parlé sur RTL, bon, pour lui c'est perdu d'avance que François HOLLANDE ou pas soit candidat, c'est perdu d'avance.
MYRIAM EL KHOMRI
Non, on ne peut jamais... Une élection n'est jamais perdue d'avance et il faut toujours se battre. Moi je me refuse à avoir un choix entre une vision d'un projet, d'une France rabougrie, portée par la droite, ou une France qui... d'extrême droite. Voilà. Non, je me battrai jusqu'au bout pour nos valeurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
Nicolas SARKOZY peut-il redevenir président ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je ne le souhaite absolument pas, et sincèrement, l'agressivité, la vision de la France, les coupables désignés, les musulmans, les chômeurs, les fonctionnaires, les syndicalistes, voilà la réalité de ce qu'il présente aujourd'hui aux Français. J'ai eu le sentiment en regardant quelques extraits, je n'ai pas vu l'intégralité de l'émission d'hier, mais en tout cas, moi j'ai le sentiment qu'il participait à une primaire de l'extrême droite.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le mettez sur le même plan que Marine LE PEN aujourd'hui, pour vous, la fusion est faite.
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, c'est une vision de la France qui divise. Moi je suis assez choquée justement. Où est l'humanisme, où est la générosité qui font justement l'identité de notre pays ? Nos valeurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous vous battrez ? Vous vous battrez, vous êtes candidate...
MYRIAM EL KHOMRI
Vous savez, il y a la liberté, l'égalité et la fraternité, et je crois que la fraternité c'est ce qui permet l'égalité et la liberté.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous vous battrez, vous serez candidate aux législatives à Paris ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est pas encore décidé. Cette décision, elle se prendra avec...
ELIZABETH MARTICHOUX
Si vous l'êtes, vous le serez à Paris ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ah non, une chose est sûre, et ça peut paraitre atypique, je milite là où je vis, et je suis élue du XVIIIème, je vous dis, ça sera dans le XVIIIème arrondissement, si je décide d'être candidate, et ça se fera dans le cadre des instances et des structures du parti, dans le cadre de primaires, et ça sera, si Christophe CARESCHE en décide, ça sera sur la circonscription de Christophe CARESCHE, mais nous le faisons avec Christophe CARESCHE, qui est député rigoureux et engagé, et j'attends sa décision.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est entendu. Merci beaucoup Myriam El KHOMRI, d'avoir été avec nous.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
YVES CALVI
Myriam El KHOMRI, qui nous dit être sereine sur les recours juridiques contre sa loi, 80 % des décrets devront être signés avant la fin de l'année, et qui ajoute que la CGT a mené une politique d'obstruction contre la Loi travail. Merci à vous deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2016