Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations de la France avec les pays baltes et sur la politique étrangère de l'Union européenne, à Paris le 16 novembre 2016.

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Circonstance : 25e anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et les États baltes, à Paris le 16 novembre 2016

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Nous souhaitions nous adresser ensemble à la presse, après cette cérémonie d'anniversaire. Je veux vous dire d'abord le bonheur qui est le mien de recevoir ici, au Quai d'Orsay, mes collègues ministres des affaires étrangères, MM. Ligi, Rinkevics et Linkevicius, pour les trois pays, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie pour cet anniversaire, le 25e anniversaire du rétablissement de nos relations diplomatiques intervenu en 1991.
J'ai rappelé il y a quelques instants que la France a toujours été aux côtés des États baltes et qu'elle n'avait jamais reconnu l'annexion de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie par l'Union soviétique. C'est pour cela que la France a voulu préserver, pendant près d'un demi-siècle, le patrimoine que les trois pays avaient confié à la France. Si le président François Mitterrand a été le premier chef d'État européen à se rendre en visite officielle en Lituanie, en Lettonie et en Estonie dès le mois de mai 1992, c'est parce que cela faisait sens par rapport à l'Histoire et en particulier à l'histoire tragique de l'Europe. Un nouveau chemin était en train de s'ouvrir pour les peuples européens avec un nouvel espoir.
Les tables rondes qui viennent de se tenir ont été d'ailleurs l'occasion de revenir sur ces 25 années de relations et d'échanges, que ce soit en matière politique, en matière d'économie, dans le domaine culturel et éducatif. Cela nous a permis de mesurer tout le chemin parcouru et de rendre hommage à la volonté des États baltes qui est constante, d'être à l'avant-garde de la construction européenne. C'est aussi la volonté de faire partie du premier cercle de solidarité de l'Union européenne, cela m'a toujours frappé de constater cette volonté d'être européen et de l'être à part entière.
C'est une cérémonie que nous avons tenu il y a quelques instants, mais ce n'est pas uniquement tourné vers le passé. Le passé est important, il permet de comprendre notre Histoire, mais c'est aussi une rencontre qui a un impératif qui est celui de parler ensemble de l'avenir et surtout de parler de l'avenir de notre continent et du projet européen. Nos pays ont à coeur de développer leurs échanges, de renforcer leur coopération dans l'intérêt de nos relations bilatérales bien sûr. La journée d'aujourd'hui m'a permis d'avoir des échanges tout à fait fructueux avec mes homologues, car la France a et veut avoir dans la durée des relations particulières avec chacun des États baltes. Mais nous souhaitons aussi, et ces rencontres en attestent, intensifier nos relations dans l'intérêt de l'avenir de l'Union européenne. J'ai évoqué le résultat du référendum britannique et le souhait de garder l'unité et la cohésion des Européens dans cette étape, nouvelle pour nous, et aussi d'aborder ensemble toutes les questions d'intérêts communs.
D'abord la question de notre propre sécurité. Lundi à Bruxelles, nous avons adopté au conseil des affaires étrangères, des propositions communes en matière de défense et de sécurité. C'est une nouvelle étape de solidarité pour faire face à de nouveaux défis et à de nouvelles menaces, tout en préservant, il n'y a aucune ambiguïté à ce sujet, notre place dans l'Alliance atlantique et le rôle essentiel de l'OTAN.
Nous sommes donc dans une étape nouvelle, parce que nous voulons protéger nos peuples face à de nouveaux défis, à de nouvelles menaces. La lutte contre le terrorisme bien sûr, mais aussi les enjeux de sécurité en général ont été au coeur de nos échanges.
À Bratislava, les chefs d'État et de gouvernement se sont retrouvés pour un conseil informel en septembre dernier qui avait été précédé d'une réunion des ministres des affaires étrangères également à Bratislava. Ce fut un moment très important qui a montré aux concitoyens de chacun de nos peuples que l'Europe ne s'arrêtait pas et qu'elle continuait et qu'elle voulait au contraire être plus offensive, plus efficace et aussi mieux comprise dans ses intentions et dans ses projets de nos peuples qui parfois deviennent sceptiques à l'égard de l'Europe.
C'est donc notre responsabilité, en particulier la nôtre en tant que ministres, de mettre en oeuvre la feuille de route qui a été élaborée. Notre travail va se poursuivre et nous nous sommes donné rendez-vous en mars prochain à Rome, à l'occasion du 60e anniversaire du Traité de Rome, mais ce n'est pas pour une commémoration. Certes, il faut rappeler l'Histoire, je l'ai dit il y a quelques instants, car c'est là que l'on puise nos ressources, nos valeurs, les enjeux essentiels pour éclairer le présent et l'avenir. C'est une Europe qui va être tournée vers le futur afin que, dans un monde nouveau, profondément transformé, qui n'est plus celui de la fin de l'Union soviétique, l'Europe puisse apporter à la fois un respect des nations, de leur culture, de leur identité propre et de leurs spécificités, mais un avenir à nos concitoyens qui, lorsqu'ils sont ensemble dans l'Europe, sont plus forts. Je pense en particulier aux réponses que nous devons à la jeunesse qui attend de nous des réponses concrètes, des réponses d'espoir.
Ce sont tous ces sujets que nous avons abordés, mais pas seulement aujourd'hui, car j'ai souvent l'occasion de voir mes collègues ici présents, et c'était un plaisir de les retrouver, nous avons simplement poursuivi nos échanges et nous l'avons fait ce soir dans un cadre plus solennel.
Je vous remercie encore d'avoir accepté mon invitation pour célébrer cet anniversaire porteur d'avenir.
Q - Vous parlez des défis de l'Europe mais je n'ai pas une fois entendu parler de Donald Trump. Concernant les pays baltes, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l'élection de M. Trump ? Êtes-vous inquiet que l'alliance forte avec les États-Unis soit susceptible de se dégrader dans les prochains mois ?
Je crois que vous avez un rendez-vous demain à Berlin avec les États-Unis. Le sujet de nouvelles sanctions envers la Russie, sur l'Ukraine et éventuellement sur la Syrie seront-ils évoqués ?
R - J'ai évoqué les changements qui sont devant nous, les incertitudes aussi, puisque j'ai évoqué les interrogations sur la posture de la prochaine administration américaine. J'ai donc bien évoqué, sans citer le nom, les élections aux États-Unis. Bien entendu, nous avons parlé de ces questions bilatérales et nous pensons tout d'abord que c'est le peuple américain qui s'est prononcé. Il a donc fait le choix qu'il entendait faire et nous n'avons pas de commentaire à apporter sur les choix du peuple américain qui concerne la politique américaine.
En revanche, c'est vrai que les décisions des États-Unis, qui sont une grande puissance - et en ce qui concerne la France nous sommes le plus vieil allié de ce pays-, concernant la politique internationale ont une conséquence sur le reste du monde. On l'a vu lorsque les États-Unis avaient décidé d'intervenir en Irak par exemple. Ce serait la même chose si les États-Unis retournaient à une politique isolationniste qui est inscrite dans leur tradition politique, et ce n'est pas toujours le cas.
Nous sommes dans cette attente de clarification sur beaucoup de questions, l'accord de Paris, l'accord sur le nucléaire iranien, etc., je ne parlerai pas de toutes ces questions.
Nous sommes attachés, je le dis pour la France, et si je dis «nous», c'est parce que nous avons échangé sur ce point, nous sommes attachés à la relation transatlantique. Nous ne voulons pas faire l'impasse sur cette nécessité.
Concernant l'OTAN, nous sommes membres de l'alliance atlantique et nous entendons que les décisions prises à Varsovie soient mises en oeuvre. Pour nous, il n'y a aucun malentendu. À Berlin, le président François Hollande représentera la France, on peut dire qu'il s'agit d'une visite d'adieu du président Obama, et c'est une attention à l'Europe. Il faut la prendre positivement. Auparavant à Hanovre, le président Obama était venu y faire un discours sur l'Europe qui était un discours pro-européen. Il est important que soit affirmé par le président sortant, que l'Europe est indispensable pour elle-même, mais aussi pour la construction d'un monde équilibré, un monde de paix et de sécurité.
Ce que nous souhaitons, c'est que cette conception multilatérale puisse continuer à être au coeur de la relation transatlantique.
Concernant les sanctions, nous en avons déjà décidé au conseil des affaires étrangères et il a été reconfirmé par les chefs d'État et de gouvernement au Conseil européen qu'il y avait des sanctions concernant les Syriens et les responsables militaires syriens en particulier qui avaient été prises.
Concernant la Russie, des sanctions existent déjà et qui sont renouvelées. Elles sont justifiées par les atteintes qui ont été portées aux frontières de l'Ukraine au moment où la Russie a soutenu les séparatistes ukrainiens. C'est là quelque chose d'essentiel. La paix en Europe s'est construite après la Seconde guerre mondiale, et notamment après la réunification allemande et la chute de l'Union soviétique sur le respect des frontières issues de la Seconde guerre mondiale et l'intégrité des États. C'est vrai pour les États baltes, nous l'avons rappelé à l'occasion de cet anniversaire. Si la paix a été aussi solide, c'est aussi pour cela. Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, un pays a porté atteinte à cette stabilité. Il y a donc eu des sanctions prises mais ces sanctions ne sont pas le but ultime. Les sanctions sont un moyen : quel est le but ultime ? Quel est l'objectif ? C'est que les accords de Minsk soient mis en oeuvre.
C'est pourquoi la France et l'Allemagne jouent leur rôle dans le cadre du format Normandie, en relation étroite avec leurs partenaires et régulièrement nous faisons le point au conseil des affaires étrangères ou au Conseil européen. C'est légitime par rapport à nos pays amis, membres de l'Union européenne, mais nous voulons faire vivre ce format parce que l'objectif est bien la mise en oeuvre des accords de Minsk.
C'est la position sur laquelle nous avons échangé en réunions bilatérales aujourd'hui, mes collègues pourront le dire eux-mêmes, nous avons partagé cette approche.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2016