Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur l'action publique concernant la santé mentale et la psychiatrie, Paris le 10 novembre 2016.

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J'ai tenu à être présente parmi vous aujourd'hui pour clôturer votre journée de travail dont la thématique était « Quels défis pour la santé mentale ? » car je partage, avec la Ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine, votre combat pour faire changer le regard de la société sur la santé mentale, sur les maladies psychiatriques et les handicaps associés.
La santé mentale est à la fois un enjeu majeur de santé publique et un projet de société, c'est un enjeu social autant que sanitaire. Nous sommes tous concernés de près ou de loin par la santé mentale.
C'est une problématique transversale, particulièrement complexe. Les troubles psychiques et psychiatriques bouleversent la vie d'un individu, dans tous les domaines : à l'école, en société, en famille, au travail. La collaboration entre les professionnels de différents horizons est indispensable pour progresser en matière de santé mentale.
L'OMS a défini un plan d'action pour la santé mentale 2013-2020 et la France en partage à la fois les valeurs, les principes et les objectifs.
Ce sont aussi des rapports comme le vôtre Monsieur le Député Denys Robiliard et celui de Monsieur Michel Laforcade, remis lors l'ouverture du Conseil National de Santé Mentale du 10 octobre dernier, qui contribuent à guider le Ministère des affaires sociales et de la santé dans l'élaboration des politiques publiques.
Ainsi, dans la Loi Santé, Marisol Touraine a souhaité pour s'attaquer aux inégalités en santé, donner une place déterminante à la prévention et l'éducation en santé et ensuite installer un parcours de soin avec une prise en charge dans la proximité, y compris santé mentale.
C'est son article 69 qui porte spécifiquement sur la santé mentale. L'objectif est clairement affirmé : réduire les inégalités d'accès aux soins, à la santé, aux droits et à la participation sociale qui frappent tout particulièrement nos concitoyens concernés par un trouble de santé mentale. Les mesures concernant la psychiatrie et la santé mentale réaffirment l'organisation de la psychiatrie par secteur, ce dispositif spécifiquement français, qui permet à la population d'un territoire géographique d'avoir accès à des soins coordonnés, de proximité, et dispensés par une même équipe. Mais la mission de psychiatrie de secteur est incitée à évoluer.
Une adaptation est tout d'abord nécessaire pour que l'hospitalisation ne soit qu'une période la plus courte possible dans un parcours de soins. Cela implique de développer une offre de services diversifiée et basée sur l'ambulatoire et la proximité, à partir du domicile ou du lieu de résidence. Nous savons par exemple que chaque fois qu'une équipe mobile est mise en place dans le cadre du secteur de psychiatrie, le nombre d'hospitalisations diminue ainsi que le taux d'occupation des lits. La mission de psychiatrie de secteur consiste aussi à garantir à la population desservie la continuité des soins psychiatriques et leur accessibilité territoriale et financière.
Je le redis : la santé mentale est l'affaire de tous. Et c'est donc l'objectif du projet territorial de santé mentale d'ouvrir le sujet à tous. Il faut une plus grande participation des habitants, des élus, des personnes concernées et de leurs familles, ainsi que de tous les acteurs intervenant dans la santé mentale. Je veux ici insister sur la place des élus locaux et je tiens donc à saluer l'investissement des collectivités présentes aujourd'hui pour cet évènement.
C'est tout le sens de la démocratie sanitaire en santé mentale portée également par la loi de modernisation. C'est pour faire vivre cette démocratie locale en santé mentale que Marisol Touraine a souhaité que les conseils locaux de santé mentale soient entérinés par la loi : pilotés par les élus, ils font partie intégrante du projet territorial de santé, et sont les instances de concertation et de coordination entre la psychiatrie et les habitants, pour l'inclusion sociale, le logement, les loisirs, le travail.
En agissant sur les déterminants de santé, ces conseils locaux participent aussi à la prévention et à la promotion de la santé mentale à l'échelle d'un quartier, d'une commune, ou d'une intercommunalité.
Pour mieux anticiper les évolutions futures et poursuivre les réflexions en matière de santé mentale, nous avons besoin d'une instance nationale de référence. C'est pourquoi, le Conseil National de Santé Mentale (CNSM), installé le 10 octobre dernier, est représentatif de l'ensemble des personnes impliquées dans les parcours de santé, des usagers aux professionnels des champs sanitaire, social et médico-social, en passant par les élus et les chercheurs. Le CNSM a aussi vocation à adopter, par définition, une dimension interministérielle et à veiller à la cohérence des politiques des différents champs qui contribuent à la santé mentale.
Ce conseil, il doit permettre de nourrir nos réflexions, être force de propositions, adopter une démarche prospective. Le souhait du Ministère des affaires sociales et de la santé est vraiment que des propositions concrètes et opérationnelles émergent.
D'ores et déjà, 4 priorités ont été fixées sur lesquelles le CNSM va formuler des propositions dans les prochains mois :
- le développement local de la politique de santé mentale dans nos territoires ;
- la santé mentale des enfants et des jeunes pour mieux prévenir les troubles mentaux et les problèmes sociaux dès le plus jeune âge ;
- la réduction des risques pouvant amener au suicide ;
- et enfin la santé mentale des personnes en grande précarité afin de renforcer le parcours de soins de ces personnes pour éviter toute rupture.
Agir en faveur de la santé mentale, c'est aussi changer le regard porté par la société, agir pour la déstigmatisation et reconnaitre les compétences, les rôles sociaux des personnes concernées. De nombreuses initiatives existent et nous devons poursuivre nos efforts pour faire dépasser les préjugés concernant les maladies mentales.
Le Ministère des Affaires sociales et de la Santé apporte son soutien à ces initiatives. Je veux à ce propos vous dire l'importance que revêt à mes yeux le développement des groupes d'entraide mutuelle (GEM). Les GEM sont des dispositifs concrets, de proximité, qui ne sont pas des lieux de soins ou des structures médico-sociales. Ils constituent un véritable lieu de rencontres, d'échanges, de socialisation dans un cadre convivial, gérés par les personnes elles-mêmes. Je suis favorable à ce qu'ils puissent se développer de plus en plus, partout en France.
C'est d'ailleurs pour cela que d'ici trois ans, 100 nouveaux GEM supplémentaires verront le jour. Dès début 2017, 2,8 millions de crédits nouveaux seront alloués aux ARS pour développer de nouveaux GEM et revaloriser certains des GEM existants encore sous-dotés.
Je souhaite aussi partager avec vous un principe qui me tient particulièrement à cœur : ne rien faire sans les personnes elles-mêmes et sans les familles. Ce que les anglo-saxons appellent l'« empowerment » et que l'on pourrait tout simplement appeler l'autonomisation, ou ce que j'appelle la liberté de choix celui de décider et d'agir. Cela suppose que les soins et services, qui étaient jusqu'ici l'affaire des professionnels et des institutions, se recentrent sur la capacité et le pouvoir des personnes malades à gérer leurs troubles avec l'aide des professionnels.
La création d'une nouvelle fonction au sein des équipes de santé mentale et psychiatrie : les médiateurs de santé pairs en est un bon exemple. Ces personnes qui ont connu la maladie et les services de psychiatrie, aujourd'hui stabilisées, interviennent dans les services de psychiatrie eux-mêmes, pour des actions de médiation et de réhabilitation. Cette initiative, soutenue par la CNSA, a fait l'objet d'une évaluation financée par la direction générale de la santé et pourrait être étendue, en partenariat avec le secteur médico-social.
Redonner l'espoir aux personnes, c'est agir pour leur rétablissement et les techniques de soins et d'accompagnement évoluent en ce sens. Nous avons en France des expériences probantes en matière de réhabilitation psychosociale centrée sur le rétablissement des personnes. Nous avons aussi des équipes de recherche associant d'ailleurs les personnes et les familles.
Mais pouvoir vivre avec son handicap, c'est aussi pouvoir travailler. Je n'ai cessé de défendre l'accès et du maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap psychique, depuis ma première rencontre avec l'ancien Président de l'UNAFAM, Monsieur Charrier.
Cette est une priorité de mon action menée en lien étroit avec Myriam El-Khomri, Ministre du Travail.
C'est pour soutenir les initiatives existantes, je pense notamment aux expérimentations comme celles portées par Messidor ou encore par le Collectif National pour l'Emploi accompagné, et les développer partout en France que j'ai souhaité que la définition et les conditions concrètes de mise en œuvre de l'emploi accompagné soit portés dans le cadre de l'article 52 de la loi « Travail » qui reconnaît le concept d'« emploi accompagné ».
L'objectif est simple : faire en sorte que tous les partenaires, allant du service public de l'emploi aux équipes médico-sociales et sanitaires ainsi que les MDPH mettent en œuvre ensemble les accompagnements individuels auprès des personnes et le soutien aux employeurs.
Le décret d'application de cette mesure est actuellement en cours d'élaboration, il devrait être publié au dernier trimestre 2016 (avant le Comité Interministériel du Handicap). Le projet de décret prévoit que les fonds (FIPHFP et AGEFIPH) participent au financement du dispositif. Ce sont les ARS, avec les DIRECCTE (pour l'emploi) et les fonds qui feront des appels à candidature sur les territoires.
Le projet de décret institue également la possibilité pour les MDPH d'avoir recours à une prestation d'aide à l'orientation pour évaluer avec la personne l'opportunité d'une décision CDAPH vers l'emploi accompagné.
Ce sont donc 5 millions d'euros de dépenses nouvelles qui sont inscrites dans le cadre du projet de loi de finances pour favoriser l'émergence des projets locaux en matière d'emploi accompagné.
La citoyenneté, cela passe aussi par le travail, et c'est essentiel d'agir pour permettre la levée les obstacles vécus au quotidien par les personnes en situation de handicap psychique.
L'emploi accompagné, tout comme le logement ou l'éducation, sont les véritables piliers d'une société toujours plus inclusive.
Ces efforts, nous les poursuivons à travers le renforcement et la transformation des dispositifs d'accompagnement des personnes handicapées. Le PLFSS 2017 prévoit la création de 4 100 places nouvelles à destination des personnes handicapées. Les moyens dédiés à l'aide à domicile sont également renforcés. De plus, vous le savez, dans le cadre du plan de transformation de l'offre médico-sociale, annoncé par le Président de la République lors de la CNH de mai dernier, ce sont 180 millions d'euros supplémentaires sur 2017-2021 qui seront alloués. Un volet consacré au handicap psychique est en cours d'élaboration. Ce volet n'a pas vocation à se limiter à la question des soins ; plus globalement nous avons voulu qu'il permette la mise en œuvre effective du droit des personnes concernées à vivre comme tout le monde. Toutes ces actions menées actuellement concourent à permettre l'émancipation et la liberté de choix des personnes.
Pour cela nous avons besoin d'un réseau associatif solide, c'est pour cela que je me suis ainsi réjouie de l'annonce récente faite par le Premier Ministre de la mesure dite du « CICE associatif ». Il est important que chacun comprenne ce qu'apporte ce crédit d'impôt aux associations : dès le 1er janvier 2017, les associations pourront recevoir un crédit d'impôt correspondant à 4% de leur masse salariale (pour l'ensemble des salaires inférieurs à 2,5 SMIC). En aidant ainsi les acteurs associatifs, ce que le gouvernement a voulu c'est non seulement leur donner les moyens de continuer à s'engager mais également leur permettre de s'engager sur le long terme.
Je veux terminer en vous remerciant vous remercie pour la qualité des actions que vous menez tous ensemble et votre forte détermination. Il y a encore tant à faire pour la santé mentale, j'ai confiance en vous, il nous faut continuer, continuer à garder le cap pour une santé mentale positive.
On peut toujours faire mieux, faire plus car les connaissances progressent.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 21 novembre 2016