Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro, à l'Assemblée nationale le 1er décembre 2016.

Prononcé le 1er décembre 2016

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Circonstance : Examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro, à l'Assemblée nationale le 1er décembre 2016

Texte intégral


Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Députés, le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, qui est soumis aujourd'hui à l'approbation de l'Assemblée nationale, est important puisqu'il concourt à nos efforts de stabilisation des Balkans occidentaux.
Après les adhésions à l'OTAN de la Slovénie en 2004, de la Croatie et de l'Albanie en 2009, celle du Monténégro sera un gage de stabilité pour la région des Balkans occidentaux, alors même que la stabilisation durable de cette région est un enjeu de première importance pour la sécurité européenne.
Notre pays a, dans ce domaine, une responsabilité particulière, liée à l'histoire et au rôle qui a été le sien dans les Balkans au cours des vingt dernières années, responsabilité qu'il assume aujourd'hui pleinement dans le cadre des processus de coopération régionale de Brdo-Brioni et de Berlin. Le succès du sommet des Balkans occidentaux qui s'est tenu, à l'invitation du président de la République, le 4 juillet dernier en a été une illustration. La stabilité des Balkans est un enjeu de sécurité pour l'Europe aujourd'hui, comme elle l'a toujours été.
Le Monténégro, dès le lendemain de son indépendance, en juin 2006, a signifié sa volonté de se rapprocher de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord et d'en devenir membre. Il a été invité par les alliés, en décembre 2009, à rejoindre le plan d'action pour l'adhésion, qui donne le statut officiel de candidat et engage formellement le processus d'adhésion.
Dans le cadre d'un dialogue étroit avec l'OTAN, le Monténégro a conduit de nombreuses réformes. Il a fait d'importants efforts en matière de modernisation des forces armées et de réforme du secteur de la sécurité et du renseignement, comme l'ont souligné plusieurs rapports de l'OTAN. L'effort de défense du pays a été porté à 1,7% du PIB, légèrement en deçà de l'objectif de 2% que se sont fixés les alliés lors du sommet du Pays de Galles en septembre 2014. Le Monténégro a également conduit des réformes dans le domaine de la justice pour renforcer l'indépendance du système judiciaire, intensifier la lutte contre la criminalité organisée et la corruption et assurer l'état de droit.
Ces progrès constants ont été salués lors des sommets de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012. Le sommet du Pays de Galles de septembre 2014 a ouvert un «dialogue renforcé» avec le Monténégro en vue de permettre aux alliés de se prononcer, à la fin de l'année 2015, sur l'opportunité d'une adhésion à l'OTAN.
Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN des 1er et 2 décembre 2015, les alliés ont pris par consensus la décision d'inviter le Monténégro à engager d'ultimes pourparlers en vue de son adhésion. Cette démarche a abouti à la signature par les États membres de l'OTAN du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro le 19 mai 2016. Le Monténégro a alors obtenu le statut de pays «invité» et a pu ainsi participer au sommet de Varsovie.
La ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro permettra à ce pays, au terme des procédures de ratification par chaque membre de l'Alliance, de devenir, de plein droit, le vingt-neuvième allié de l'OTAN. Aujourd'hui, treize des vingt-huit membres de l'Alliance atlantique, ont d'ores et déjà ratifié ce protocole, et cela devrait être le cas d'une vingtaine d'alliés d'ici la fin de l'année.
Pour la France, l'adhésion du Monténégro à l'OTAN sera bénéfique car ce pays joue un rôle important dans la région des Balkans occidentaux.
Le Monténégro a recouvré son indépendance, perdue après la Première guerre mondiale, le 3 juin 2006, en se séparant pacifiquement par référendum de la communauté de Serbie-et-Monténégro. Son indépendance a été reconnue immédiatement par l'ensemble de la communauté internationale et, j'insiste particulièrement sur ce point, le Monténégro n'est en litige territorial ou diplomatique avec aucun de ses voisins. Pays multiethnique apaisé, il est au contraire un élément moteur de la coopération régionale dans les Balkans. Malgré sa taille modeste, la contribution du Monténégro à la sécurité de l'alliance sera réelle. Entre l'Albanie et la Croatie, ce pays assurera le long de l'Adriatique un continuum géographique qui a son importance stratégique en matière de défense collective - ce point était particulièrement important pour nos alliés de la zone.
Le Monténégro participe d'ores et déjà, comme partenaire et à hauteur de ses moyens, à plusieurs opérations de stabilisation : Resolute Support en Afghanistan s'agissant de l'OTAN, mais aussi dans le cadre de l'Europe de la défense et aux côtés des armées françaises au travers d'European Union Naval Force Operation Atalanta et de la mission de formation de l'Union européenne au Mali - EUTM-Mali. Ce sont des opérations européennes que la France a souhaitées. L'adhésion du Monténégro s'inscrira donc dans la continuité de cet engagement.
Concernant les conséquences de cette adhésion sur la politique d'élargissement de l'OTAN, je tiens à rappeler que l'ouverture du processus au Monténégro s'est faite dans le cadre d'un accord plus large entre alliés sur le traitement des questions d'élargissement à l'OTAN, en amont du sommet de Varsovie. La France s'est assurée, dans le cadre de cet accord, que l'invitation faite au Monténégro ne serait pas entendue comme le signal d'un élargissement non maîtrisé. J'insiste sur ce point qui est essentiel : pour la France, l'adhésion du Monténégro n'ouvre en aucun cas la voie à une relance générale de la politique dite «de la porte ouverte».
Pour la France, vous le savez, l'élargissement de l'OTAN n'est aujourd'hui ni une priorité, ni une fin en soi. Il ne peut s'envisager que dans la mesure où il renforce effectivement la sécurité de l'espace euroatlantique et la crédibilité de la défense collective.
Ainsi, nous avons accepté de considérer les mérites propres du Monténégro mais nous avons veillé à ce que soit parallèlement adoptée une série de conditions s'agissant des autres pays candidats pour l'adhésion desquels il n'existe pas aujourd'hui de consensus.
L'accord entre alliés sur ce point, dont les principes ont été repris dans le communiqué du sommet de Varsovie, stipule ainsi que l'attribution d'un plan d'action pour l'adhésion reste une étape incontournable pour la Géorgie ; qu'il revient aux pays candidats de prendre les mesures nécessaires s'ils souhaitent avancer dans la voie de l'adhésion, et non aux alliés de renoncer aux conditions posées ; que les candidatures seront évaluées, en priorité, à l'aune de la capacité des candidats à assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre, en particulier, à contribuer à la sécurité de l'espace euroatlantique.
Rappelons-nous qu'au lendemain de la guerre froide, la politique d'élargissement de l'OTAN a été un facteur de renforcement de la sécurité du continent européen. Une forte demande de stabilité et de sécurité émanait des anciens pays membres du pacte de Varsovie. Tout comme l'Union européenne, l'alliance y a répondu en définissant des modalités d'accession flexibles. L'objectif était de contribuer à une vaste architecture de sécurité européenne où les processus d'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne seraient perçus comme complémentaires, tout en étant clairement distincts.
Vingt-cinq ans plus tard, nous continuons de refuser l'idée d'un partage de l'Europe en sphères d'influence, comme celle d'un droit de regard extérieur sur le processus d'adhésion. Mais la dégradation durable de notre environnement stratégique a conduit l'OTAN à reconsidérer les perspectives d'élargissement actuelles. Nos partenaires comprennent bien désormais que les candidats à l'adhésion doivent être considérés, en premier lieu, en fonction de leur capacité à contribuer à notre défense collective et de la capacité de l'OTAN à garantir leur sécurité.
Voici, en résumé, les enjeux de la ratification de ce protocole d'accession aujourd'hui proposé à votre approbation.
L'adhésion du Monténégro n'affectera ni ne remettra en cause les conditions que notre pays avait fixées lors de sa réintégration dans la structure de commandement intégrée de l'OTAN, en 2009. Il ne préjuge en rien des décisions que l'Union européenne pourra prendre le jour venu s'agissant de l'adhésion du Monténégro à l'Union européenne, dont la procédure suit son cours et dont les critères d'accession sont différents, même si certains peuvent se recouper.
Je vous invite donc à juger ce projet de loi pour ce qu'il est : un développement circonscrit au cas du Monténégro, dont l'adhésion à l'OTAN est un signe positif pour la stabilité des Balkans occidentaux.
Telles sont, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Députés, les principales observations qu'appelle le protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République du Monténégro, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
Je remercie tout d'abord l'ensemble des orateurs, dont la plupart ont soutenu la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro. Ils ont notamment souligné, à la suite de Mme la Présidente de la commission et de M. le Rapporteur, l'enjeu géopolitique que constitue l'intégration de ce pays des Balkans qui a mené certaines réformes, même s'il faudra les poursuivre, et l'enjeu de sécurité que constitue cette région pour la sécurité de l'Europe. Ils ont donc bien montré à quel point cette évolution sert l'intérêt de la France. Néanmoins, trois orateurs, usant d'arguments parfois distincts et parfois convergents, ont exprimé leur désaccord, ce qui montre qu'il importait d'avoir ce débat. J'essaierai de répondre à certains de ces arguments.
Ces trois orateurs ont notamment avancé que ce nouvel élargissement de l'OTAN constituerait une forme d'alignement sur les États-Unis et poserait donc une question de principe par-delà cette décision particulière. Telle n'est pas la façon dont cette évolution est vécue au sein de l'OTAN. La France a toujours veillé au plein respect de sa souveraineté, même depuis son retour dans le commandement intégré de l'OTAN. Lorsque le président de la République a décidé, conformément à l'engagement pris pendant sa campagne, de mettre un terme à notre intervention militaire en Afghanistan, nous y avons procédé en toute transparence vis-à-vis de nos alliés de l'OTAN, en particulier des États-Unis.
Cela démontre que la France, qui est un partenaire essentiel au fonctionnement de l'OTAN et dont les officiers exercent d'ailleurs des commandements très importants, se détermine de façon indépendante en fonction de son intérêt national et de l'idée qu'elle se fait de la sécurité collective et non par alignement sur d'autres pays.
Un deuxième argument, miroir du précédent, consiste à présenter l'adhésion du Monténégro à l'OTAN comme une forme de provocation vis-à-vis de la Russie. J'ai d'ailleurs été un peu surpris d'entendre M. le député redouter à la fois un alignement de la France sur les États-Unis et une provocation vis-à-vis de la Russie.
Respectueux des arguments avancés, j'essaierai d'y répondre. Comme vous l'avez dit vous-même, la France a déjà soutenu l'adhésion de plusieurs pays des Balkans à l'OTAN, la jugeant nécessaire à la stabilité de cette région compte tenu des progrès constatés. Ainsi, l'Albanie et la Croatie ont adhéré à l'OTAN en 2009 à la suite d'une décision prise lors d'un sommet de l'OTAN en 2008. L'Assemblée nationale a ratifié ces adhésions en 2009, sous une autre majorité, et vous avez soutenu cet élargissement. À présent, un même processus, dans cette même région, nous amène à considérer, avec beaucoup de prudence et après de nombreuses vérifications, qu'il est de l'intérêt de l'OTAN, de la sécurité collective de ses membres, donc de l'Europe, que la France soutienne l'adhésion du Monténégro à l'OTAN afin de renforcer sa façade adriatique. Il ne s'agit en aucun cas d'une provocation vis-à-vis de la Russie.
Plus généralement, s'agissant de la relation entre l'OTAN et la Russie, la France continue de défendre un équilibre entre fermeté et dialogue. Si l'OTAN prend des mesures nécessaires à la défense des alliés, elle ne menace en aucun cas la Russie, comme nous l'avons solennellement réaffirmé récemment. Lors du dernier sommet de l'OTAN à Varsovie, nous avons confirmé que l'OTAN doit rester ouverte au dialogue avec la Russie tout en étant prête à faire face à toutes les éventualités. Nous voulons que les relations internationales présentent une certaine prévisibilité, ce qui n'est pas le cas dès lors que la Russie annexe la Crimée et soutient les séparatistes dans l'Est de l'Ukraine. Nous conjuguons donc ouverture et fermeté. Désireuse qu'il existe un dialogue structuré entre l'OTAN et la Russie, la France a souhaité avec l'Allemagne que les travaux du conseil OTAN-Russie, interrompus en 2014, reprennent. Nous avons obtenu qu'il se réunisse à nouveau. Sa troisième réunion a eu lieu. Ce dialogue nous semble nécessaire.
Un autre argument qu'il importe de prendre en considération repose sur le fait que beaucoup reste à faire au Monténégro pour s'assurer que ce pays mène la nécessaire lutte contre les trafics, d'armes en particulier, et assure le bon fonctionnement du système judiciaire et plus généralement un fonctionnement pleinement satisfaisant de l'état de droit. Bien entendu, cela fait partie de nos préoccupations, mais en la matière, l'adhésion à l'OTAN, postérieure à la vérification des progrès et de la mise en oeuvre des réformes, n'est pas un cadeau ! Elle implique au contraire la mise en place de procédures de vérification encore plus exigeantes et rigoureuses.
Que le Monténégro se soit engagé dans un processus d'adhésion à l'OTAN et que les négociations aient mené à l'adoption de certaines réformes vaut reconnaissance par lui qu'il y a là une exigence et une priorité. Tout comme l'Union européenne l'exige dans le cadre des négociations d'adhésion du Monténégro, nous voulons que celui-ci continue à réaliser des progrès substantiels en la matière. Vous avez mentionné les enjeux de sécurité. On ne peut douter que la majorité de la population du Monténégro soutienne cette décision prise par son gouvernement et ses majorités parlementaires successives. Le parti politique majoritaire n'a plus la même majorité que celle dont il jouissait avant les élections, ce qui montre que ce pays connaît aussi des évolutions.
L'inscription du Monténégro dans la communauté euroatlantique par le biais de son adhésion à l'OTAN fait l'objet d'un fort soutien politique et d'opinion. Parce qu'il en va de son propre intérêt de sécurité, parce qu'il veut contribuer à la stabilité de la région des Balkans et parce qu'il y entretient de très bonnes relations de voisinage, cette évolution doit être encouragée. Je remercie l'ensemble des orateurs et encourage la représentation nationale à soutenir largement la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2016