Texte intégral
J.-P. Elkabbach Jusqu'à nouvel ordre, vous êtes donc le candidat Verts à l'Elysée. Vous êtes, vous le savez, sur la sellette. La France solidaire se recueille aujourd'hui devant les victimes de la catastrophe de Toulouse ; vous aussi sans doute vous y penserez. A qui la faute ?
- "Effectivement, je vis depuis 15 jours des cauchemars répétés. J'étais dans un autre accident extraordinairement grave, qui était le tremblement de terre de Mexico, j'ai passé des jours dans les décombres à aider, à connaître cet immense chagrin, et en même temps cette fantastique solidarité qui se lève chaque fois qu'un drame de ce genre a lieu. Dans le cas de Toulouse, à cette tristesse s'ajoute une colère profonde, en particulier pour les écologistes et pour les Verts, car il s'agit véritablement d'un désastre annoncé, que nous avions annoncé, qui faisait partie de la campagne des Verts aux dernières municipales. Tout le mouvement associatif, écologiste, depuis des dizaines d'années, soulignait le problème."
Mais alors pourquoi ?
- "Deux chaînes d'irresponsabilités sont entrées en collision : d'une part, l'administration, - les Direction de l'Equipement -, puis des municipalités ont laissé se faire une urbanisation autour d'une usine qui, dès l'origine était dangereuse, mais qui au début était isolée dans la campagne. D'autre part, les propriétaires de l'usine et ceux qui étaient chargés de la surveiller, ont laissé se dégrader, pour des économies de bouts de ficelle, la sécurité dans cette usine."
Mais quand on vous dit : "l'emploi, la rentabilité", est-ce que pour vous il vaut mieux plus de chômeurs que des salariés morts ?
- "Je pense que les morts ne regrettent pas d'avoir risqués d'être chômeurs ! C'est toujours dramatique après coup, que l'on constate que les Cassandre, que sont les écologistes, avaient finalement raison."
Faut-il vivre aussi, maintenant, avec le danger des bombes dans la proximité des villes ? C'est la grande polémique. Elles sont nombreuses : Marseille, Lyon, Bordeaux, Grand-Quevilly et d'autres. Dans ce cas, que recommandez-vous ?
- "Deux solutions : d'une part, éviter absolument l'urbanisation autour des usines - il en faut. On peut très bien avoir un emploi mais faire 15 km en bus de l'entreprise pour aller jusqu'à l'usine. Il ne faut absolument pas que ces usines restent encastrées dans les habitations. Donc, le chômage n'est pas la conséquence logique de la mise à l'écart des entreprises dangereuses. D'autre part, pour les usines qui sont déjà encastrées dans l'urbanisation par suite du manque de rigueur de l'administration et des élus, il faut, le plus rapidement possible, déménager ces entreprises. Et tant qu'elles n'ont pas déménagé, être d'une rigueur absolue dans leur contrôle. Vous parliez effectivement de la chasse au profit.. Qu'est-ce qui fait que cette usine est devenue dangereuse alors que c'était une entreprise nationalisée, etc. ? De privatisations en restructurations, les propriétaires de l'entreprise ont diminué par cinq le personnel de cette usine, et surtout, ont remplacé par de plus en plus de sous-traitants, de travailleurs précaires."
Donc, pour vous, on voit les responsabilités sur ce plan-là ?
- "Sur ce plan-là. Mais il y a une responsabilité toute aussi grande de la part des administrations de l'urbanisme et des élus qui ont laissé se faire l'urbanisation autour du site."
Monsieur le candidat Verts à l'élection présidentielle, encore aujourd'hui, l'autre problème c'est ce qu'il se passe dans le monde et peut-être en Afghanistan : G. Bush a déclenché l'opération militaire contre les taliban. Pour cette réaction punitive, vous sentez-vous un peu "Américain" ?
- "Je me suis senti New-Yorkais, comme je vous l'ai dit, face à un crime absolument monstrueux que je n'hésite pas à qualifier de "crime contre l'humanité." Dire que c'est un crime et pas un acte de guerre, cela veut dire qu'on doit être dans une logique non pas de vengeance, de représailles et de riposte, mais dans une logique d'enquête policière - avec ce que cela implique d'opérations armées, s'il faut se saisir à un moment donné des coupables identifiés, de leurs complices, de leurs réseaux, de leur matériel -, une logique de jugement et une logique de sanctions internationales."
Donc, vous soutenez les gendarmes américains ?
- "Je suis prêt à soutenir les gendarmes américains, dès l'instant que leur action s'inscrira dans le droit international. Il y a eu un crime contre l'humanité, 50 nations ont été frappées ! Je crois que même les petits pays lointains comme les Philippines ont eu des centaines de tués dans l'attentat de Manhattan. Donc, c'est un crime contre l'ensemble de l'humanité ; c'est au Conseil de sécurité, et je l'espère, un tribunal pénal international, de conduire l'action d'une gendarmerie internationale."
D'accord, mais pour le moment, les Américains ont envoyé leurs propres gendarmes. Et si, par exemple, on demandait au candidat Verts, s'il acceptait que les forces françaises s'engagent, si G. Bush le demandait - et il ne demande rien - aux côtés des armées américaines, que dirait-il ?
- "J'attendrai qu'une instance internationale légitime dise : "Voilà, nous avons suffisamment de preuves pour dire qu'à tel et tel endroit se trouvent des complices des criminels de New York. Nous vous demandons de mettre à la disposition de la justice internationale des forces pour les arrêter et démanteler leurs réseaux. A ce moment-là, je crois que la France doit le faire."
Chez les Verts, la rébellion a repris contre vous. Ca ne marche pas ! On a l'impression que c'est : "Lipietz on aura ta peau, on aura ta peau!" Qui la veut ?
- "J'ai été élu démocratiquement par les militants, mais je dois effectivement observer, reconnaître que, toutes les semaines, un petit groupe de personnalités des Verts repose la question de ma légitimité. Cela c'était un peu calmé pendant la semaine des attentats de New York. Cette fois-ci, on n'attend même pas l'enterrement des victimes de Toulouse, alors que tous les militants de base sont debout pour dénoncer les risques d'autres bombes industrielles comme celle de Toulouse, pour faire des propositions. Un petit groupe cherche systématiquement à casser la campagne du candidat des Verts. Je pense que cela a assez duré, les limites de l'odieux sont atteintes et j'ai décidé de demander moi-même à l'ensemble des adhérents d'infirmer ou de reconfirmer mon investiture."
C'est-à-dire que vous ne démissionnerez pas ?
- "Je ne démissionnerai pas tant que les Verts me conservent leur confiance. Et je demanderai moi-même la reconfirmation de cette confiance."
Mais vous n'avez pas l'impression que l'on va vers une destitution, si vous ne voulez pas démissionner? Vous voulez dire qu'il n'y aura pas de départ volontaire de Lipietz ?
- "Je demanderai moi-même - et j'avais posé la question vendredi à la secrétaire nationale - sous quelle forme cela peut être fait, je poserai la question aux adhérents des Verts qui m'ont élu déjà : voulez-vous que l'on continue, mais cette fois-ci on y va tous ensemble ? Ou : voulez-vous que je m'arrête ? Et alors là, il faudra qu'ils en élisent un autre."
Vous, vous ne décroche pas ?
- Je ne décroche pas ; je suis élu par l'ensemble des militants. Plus que jamais la société se tourne vers les Verts, en reconnaissant qu'ils avaient raison sur leur diagnostic, en leur demandant quelles sont leurs solutions - vous venez de le faire ce matin. Un certain nombre de dirigeants discréditent les Verts par leur petit jeu qui ne peut plus durer, les questions sont trop graves : New York, Toulouse..."
Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression que depuis Saumur, où les Verts sont réunis - sans vous d'ailleurs , vous n'y êtes pas allé...
- "Oui, j'étais ..."
Oui, je sais, vous êtes à Bruxelles, vous êtes député européen...
- "... hier, à Bruxelles, à un colloque que nous avons organisé avec tous les députés européens."
D'accord. D. Voynet vous a lâché ?
- "Pas du tout. Elle se pose exactement les mêmes questions que moi. Ca ne peut plus durer ! Ma proposition est de reconsulter les militants. Et je vais la rencontrer, dès vendredi, pour examiner les formes sous lesquelles cette consultation peut avoir lieu. Mais évidemment, tant que les Verts ne me disent pas "ça suffit !" je ne démissionnerai pas. S'ils disent "on continue", j'attends de tous les Verts qu'ils fassent bloc avec moi."
Et si ça ne marche pas, si les militants disent : "Au revoir, merci - je ne dis pas qu'ils diraient "dehors !" -, qui serait le mieux placé ? N. Mamère a dit...
- "Je ne veux pas me poser des questions qui, pour l'instant, ne sont pas à l'ordre du jour. Ce que je mets à l'ordre du jour aujourd'hui, c'est une consultation : "On continue avec moi", et à ce moment-là tous ensemble, les questions sont trop graves ..."
Ils n'ont en pas envie ...
- "S'ils n'en ont pas envie, il aura appel à candidature, et une nouvelle candidature."
Avec encore passage devant les militants ?
- "Exactement. C'est la règle démocratique des Verts. Il est lamentable qu'un petit groupe de dirigeants n'ait pas voulu prendre en compte un premier vote qui a eu lieu. C'est vraiment une question de démocratie..."
On note, en tout cas, ce matin, que vous êtes plutôt combatif !
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 septembre 2001)
- "Effectivement, je vis depuis 15 jours des cauchemars répétés. J'étais dans un autre accident extraordinairement grave, qui était le tremblement de terre de Mexico, j'ai passé des jours dans les décombres à aider, à connaître cet immense chagrin, et en même temps cette fantastique solidarité qui se lève chaque fois qu'un drame de ce genre a lieu. Dans le cas de Toulouse, à cette tristesse s'ajoute une colère profonde, en particulier pour les écologistes et pour les Verts, car il s'agit véritablement d'un désastre annoncé, que nous avions annoncé, qui faisait partie de la campagne des Verts aux dernières municipales. Tout le mouvement associatif, écologiste, depuis des dizaines d'années, soulignait le problème."
Mais alors pourquoi ?
- "Deux chaînes d'irresponsabilités sont entrées en collision : d'une part, l'administration, - les Direction de l'Equipement -, puis des municipalités ont laissé se faire une urbanisation autour d'une usine qui, dès l'origine était dangereuse, mais qui au début était isolée dans la campagne. D'autre part, les propriétaires de l'usine et ceux qui étaient chargés de la surveiller, ont laissé se dégrader, pour des économies de bouts de ficelle, la sécurité dans cette usine."
Mais quand on vous dit : "l'emploi, la rentabilité", est-ce que pour vous il vaut mieux plus de chômeurs que des salariés morts ?
- "Je pense que les morts ne regrettent pas d'avoir risqués d'être chômeurs ! C'est toujours dramatique après coup, que l'on constate que les Cassandre, que sont les écologistes, avaient finalement raison."
Faut-il vivre aussi, maintenant, avec le danger des bombes dans la proximité des villes ? C'est la grande polémique. Elles sont nombreuses : Marseille, Lyon, Bordeaux, Grand-Quevilly et d'autres. Dans ce cas, que recommandez-vous ?
- "Deux solutions : d'une part, éviter absolument l'urbanisation autour des usines - il en faut. On peut très bien avoir un emploi mais faire 15 km en bus de l'entreprise pour aller jusqu'à l'usine. Il ne faut absolument pas que ces usines restent encastrées dans les habitations. Donc, le chômage n'est pas la conséquence logique de la mise à l'écart des entreprises dangereuses. D'autre part, pour les usines qui sont déjà encastrées dans l'urbanisation par suite du manque de rigueur de l'administration et des élus, il faut, le plus rapidement possible, déménager ces entreprises. Et tant qu'elles n'ont pas déménagé, être d'une rigueur absolue dans leur contrôle. Vous parliez effectivement de la chasse au profit.. Qu'est-ce qui fait que cette usine est devenue dangereuse alors que c'était une entreprise nationalisée, etc. ? De privatisations en restructurations, les propriétaires de l'entreprise ont diminué par cinq le personnel de cette usine, et surtout, ont remplacé par de plus en plus de sous-traitants, de travailleurs précaires."
Donc, pour vous, on voit les responsabilités sur ce plan-là ?
- "Sur ce plan-là. Mais il y a une responsabilité toute aussi grande de la part des administrations de l'urbanisme et des élus qui ont laissé se faire l'urbanisation autour du site."
Monsieur le candidat Verts à l'élection présidentielle, encore aujourd'hui, l'autre problème c'est ce qu'il se passe dans le monde et peut-être en Afghanistan : G. Bush a déclenché l'opération militaire contre les taliban. Pour cette réaction punitive, vous sentez-vous un peu "Américain" ?
- "Je me suis senti New-Yorkais, comme je vous l'ai dit, face à un crime absolument monstrueux que je n'hésite pas à qualifier de "crime contre l'humanité." Dire que c'est un crime et pas un acte de guerre, cela veut dire qu'on doit être dans une logique non pas de vengeance, de représailles et de riposte, mais dans une logique d'enquête policière - avec ce que cela implique d'opérations armées, s'il faut se saisir à un moment donné des coupables identifiés, de leurs complices, de leurs réseaux, de leur matériel -, une logique de jugement et une logique de sanctions internationales."
Donc, vous soutenez les gendarmes américains ?
- "Je suis prêt à soutenir les gendarmes américains, dès l'instant que leur action s'inscrira dans le droit international. Il y a eu un crime contre l'humanité, 50 nations ont été frappées ! Je crois que même les petits pays lointains comme les Philippines ont eu des centaines de tués dans l'attentat de Manhattan. Donc, c'est un crime contre l'ensemble de l'humanité ; c'est au Conseil de sécurité, et je l'espère, un tribunal pénal international, de conduire l'action d'une gendarmerie internationale."
D'accord, mais pour le moment, les Américains ont envoyé leurs propres gendarmes. Et si, par exemple, on demandait au candidat Verts, s'il acceptait que les forces françaises s'engagent, si G. Bush le demandait - et il ne demande rien - aux côtés des armées américaines, que dirait-il ?
- "J'attendrai qu'une instance internationale légitime dise : "Voilà, nous avons suffisamment de preuves pour dire qu'à tel et tel endroit se trouvent des complices des criminels de New York. Nous vous demandons de mettre à la disposition de la justice internationale des forces pour les arrêter et démanteler leurs réseaux. A ce moment-là, je crois que la France doit le faire."
Chez les Verts, la rébellion a repris contre vous. Ca ne marche pas ! On a l'impression que c'est : "Lipietz on aura ta peau, on aura ta peau!" Qui la veut ?
- "J'ai été élu démocratiquement par les militants, mais je dois effectivement observer, reconnaître que, toutes les semaines, un petit groupe de personnalités des Verts repose la question de ma légitimité. Cela c'était un peu calmé pendant la semaine des attentats de New York. Cette fois-ci, on n'attend même pas l'enterrement des victimes de Toulouse, alors que tous les militants de base sont debout pour dénoncer les risques d'autres bombes industrielles comme celle de Toulouse, pour faire des propositions. Un petit groupe cherche systématiquement à casser la campagne du candidat des Verts. Je pense que cela a assez duré, les limites de l'odieux sont atteintes et j'ai décidé de demander moi-même à l'ensemble des adhérents d'infirmer ou de reconfirmer mon investiture."
C'est-à-dire que vous ne démissionnerez pas ?
- "Je ne démissionnerai pas tant que les Verts me conservent leur confiance. Et je demanderai moi-même la reconfirmation de cette confiance."
Mais vous n'avez pas l'impression que l'on va vers une destitution, si vous ne voulez pas démissionner? Vous voulez dire qu'il n'y aura pas de départ volontaire de Lipietz ?
- "Je demanderai moi-même - et j'avais posé la question vendredi à la secrétaire nationale - sous quelle forme cela peut être fait, je poserai la question aux adhérents des Verts qui m'ont élu déjà : voulez-vous que l'on continue, mais cette fois-ci on y va tous ensemble ? Ou : voulez-vous que je m'arrête ? Et alors là, il faudra qu'ils en élisent un autre."
Vous, vous ne décroche pas ?
- Je ne décroche pas ; je suis élu par l'ensemble des militants. Plus que jamais la société se tourne vers les Verts, en reconnaissant qu'ils avaient raison sur leur diagnostic, en leur demandant quelles sont leurs solutions - vous venez de le faire ce matin. Un certain nombre de dirigeants discréditent les Verts par leur petit jeu qui ne peut plus durer, les questions sont trop graves : New York, Toulouse..."
Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression que depuis Saumur, où les Verts sont réunis - sans vous d'ailleurs , vous n'y êtes pas allé...
- "Oui, j'étais ..."
Oui, je sais, vous êtes à Bruxelles, vous êtes député européen...
- "... hier, à Bruxelles, à un colloque que nous avons organisé avec tous les députés européens."
D'accord. D. Voynet vous a lâché ?
- "Pas du tout. Elle se pose exactement les mêmes questions que moi. Ca ne peut plus durer ! Ma proposition est de reconsulter les militants. Et je vais la rencontrer, dès vendredi, pour examiner les formes sous lesquelles cette consultation peut avoir lieu. Mais évidemment, tant que les Verts ne me disent pas "ça suffit !" je ne démissionnerai pas. S'ils disent "on continue", j'attends de tous les Verts qu'ils fassent bloc avec moi."
Et si ça ne marche pas, si les militants disent : "Au revoir, merci - je ne dis pas qu'ils diraient "dehors !" -, qui serait le mieux placé ? N. Mamère a dit...
- "Je ne veux pas me poser des questions qui, pour l'instant, ne sont pas à l'ordre du jour. Ce que je mets à l'ordre du jour aujourd'hui, c'est une consultation : "On continue avec moi", et à ce moment-là tous ensemble, les questions sont trop graves ..."
Ils n'ont en pas envie ...
- "S'ils n'en ont pas envie, il aura appel à candidature, et une nouvelle candidature."
Avec encore passage devant les militants ?
- "Exactement. C'est la règle démocratique des Verts. Il est lamentable qu'un petit groupe de dirigeants n'ait pas voulu prendre en compte un premier vote qui a eu lieu. C'est vraiment une question de démocratie..."
On note, en tout cas, ce matin, que vous êtes plutôt combatif !
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 septembre 2001)