Texte intégral
A. Ardisson La nouveauté du jour en ce qui concerne la Corse, c'est la déclaration de Jean-Guy Talamoni à un journal suisse Le Temps. Il ne condamne pas la violence, mais il dit que le processus de Matignon doit absolument se poursuivre. Quel est votre commentaire sur cette déclaration et sur la situation générale ?
- "Je regrette que Jean-Guy Talamoni se soit exprimé dans un journal suisse et qu'il n'ait pas comme préalable dit qu'il fallait que la violence s'arrête en Corse. Je voudrais faire quelques remarques sur la politique du Gouvernement à l'égard de la Corse, mais dans ces remarques, il n'y a de ma part aucune volonté de faire une leçon à qui que ce soit, le problème corse est suffisamment difficile pour que je ne donne pas de leçon. Y a-t-il une politique du Gouvernement Jospin à l'égard de la Corse ? Non, il y en a eu deux. Il y a eu celle de M. Chevènement qui s'est conclue par les turpitudes du préfet Bonnet après l'assassinat de M. Erignac, et puis il y a maintenant la politique de M. Jospin qui a amené d'ailleurs M. Chevènement à démissionner. Or, la politique de M. Jospin, ce qu'on appelle le processus de Matignon, qui devait aboutir à l'arrêt de la violence, n'a pas atteint son but. En dehors des plastiquages et des mitraillages de gendarmeries, qu'est-ce que je constate ? Je constate que depuis janvier 2001, il y a eu 20 meurtres au moins en Corse et une dizaine de tentatives d'homicides volontaires ; en 2000 il y en avait eu 27 contre 26 l'année précédente et 20 en 1998. Autrement dit, la violence se développe et les interlocuteurs nationalistes du Premier ministre ne remettent pas en cause cette violence. De plus, pourquoi le Gouvernement négocie-t-il dans le cas du processus de Matignon avec des nationalistes qui ne disent pas ce qu'ils veulent, ou plus exactement qui disent que, pour eux, le processus de Matignon n'est pas une fin en soi mais une étape, un paravent derrière lequel ils se cachent pour amener la Corse à l'indépendance. Je demande que le Gouvernement dise très clairement si pour lui, oui ou non, le processus de Matignon doit aboutir à l'indépendance de la Corse et que les nationalistes qui sont les interlocuteurs privilégiés du Premier ministre disent très clairement quelle est leur finalité. En toute hypothèse, permettez-moi de vous dire, ce n'est ni au Premier ministre, ni aux nationalistes de choisir l'avenir de la Corse : c'est aux citoyens. C'est pour cela que je crois très profondément, au point où nous en sommes, en la nécessité de consulter ceux qui sont à la source de la légitimité en République, les citoyens, soit par un référendum, soit par la dissolution de l'assemblée territoriale. A ce moment, on verra quel est le poids réel des nationalistes."
Est-ce que les oreilles vous ont teinté hier vers 08H20 lorsque J. Lang, à ce même micro, vous a renvoyé aux circonstances difficiles dans lesquelles vous-même aviez entamé le dialogue avec le FNLC en 1996 avec cette fameuse conférence de presse à Tralonca : 600 hommes en cagoule, la veille de votre venue dans l'île, qui du coup a entaché toute la suite. Cela vous suivra toute votre vie, si j'ose dire.
- "J'assume parfaitement. Je trouve tout à fait normal que les socialistes et M. Lang nous critiquent. Quand la politique qu'ils suivent est un échec, il faut essayer de faire diversion. "
Et inversement.
- "La meilleure méthode, lorsqu'on est en situation difficile, c'est d'attaquer. Tralonca. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une conférence de presse, cela n'était d'ailleurs pas la première conférence de presse de ce type et ce n'était pas la dernière puisque j'ai vu à la télévision il y a quelques jours encore des images de conférences de presse postérieures. Cette conférence de presse avait comme but, c'est dans le texte que les gens qui ont fait cette conférence de presse ont publié, l'arrêt de la violence et le dépôt des armes. C'était une étape importante. Je préfère ce genre de conférence de presse que j'ai condamnée, dont je n'ai pas été informé, aux assassinats. Je préfère que des gens disent " On va arrêter d'assassiner ", plutôt que des gens qui ne disent rien et qui assassinent. J'avais, c'est vrai, depuis longtemps, comme tous les gouvernements, pris des contacts avec les mouvements nationalistes. J'avais reçu M. Talamoni, j'avais reçu tous les nationalistes élus à l'assemblée territoriale corse deux fois : une fois à la mairie d'Ajaccio et une fois au ministère de l'Intérieur. La presse de l'époque avait abondamment rendu compte de ces deux rencontres. Je n'ai eu aucun autre contact avec qui que ce soit. J'ai même lu, ce qui est quand même assez fantastique de la part des socialistes - je pense qu'ils ont soit mauvaise mémoire, soit qu'ils sont mal intentionnés - que j'avais négocié cette conférence de presse avec M. Santoni. Ce n'est pas moi qui ai remis M. Santoni en liberté, ce sont les amnisties précédentes votées par les socialistes. Je suis le ministre de l'Intérieur qui assume la responsabilité d'avoir fait interpeller M. Santoni, de l'avoir fait déférer au parquet de la République à Paris. Il a été incarcéré avec sa compagne d'alors et il a été condamné. Donc, je n'ai négocié avec personne, j'ai simplement pris des contacts avec l'ensemble des nationalistes élus pour arriver au dépôt des armes car je ne voulais pas, contrairement au Gouvernement actuel, aller plus avant sur une discussion sur un statut de l'île, s'il n'y avait pas comme préalable le dépôt des armes et l'arrêt de la violence. C'est pour cela que je suis critique à l'égard de ce Gouvernement : il discute avec des gens qui refusent de condamner la violence, qui refusent"
Vous dites vous-même que aviez reçu M. Talamoni, ce sont les mêmes
- "J'avais reçu l'ensemble des représentants élus des mouvements nationalistes, je n'avais pas un interlocuteur privilégié."
C'est pareil
- "Je leur avais dit à tous : "En tant que ministre de l'Intérieur, je n'irai pas plus loin dans la discussion avec vous s'il n'y a pas un arrêt effectif de la violence et une déclaration solennelle selon laquelle vous arrêtez ces attentats et ces agressions". C'était le but de la conférence de Tralonca, conférence de presse qui a été malheureuse, absurde, de laquelle je n'ai pas été informé. Vous savez pourquoi je n'ai pas été informé ? Pour deux raisons que j'ai expliquées dans la mission parlementaire d'enquête mais que les socialistes ne veulent pas lire, pourtant ils étaient en présence : d'une part, elle était prévue dans la plaine de Figari, et j'avais pris des dispositions pour que cette conférence de presse n'ait pas lieu. Puis le bruit courait, car c'était la tradition à l'époque, que chaque fois qu'un ministre l'Intérieur arrivait en Corse il y avait une conférence de presse clandestine. Pour éviter cela, j'avais différé à plusieurs reprises mon déplacement en Corse, et quand j'avais été informé que cela devait avoir lieu dans la plaine de Figari, j'ai mis des forces de police pour que ça n'ait pas lieu, mais naturellement, ils l'ont fait à un autre endroit. Donc, je n'ai pas été informé, je n'ai pas négocié. Je leur ai dit, aux uns et aux autres, " Vous ne pouvez pas discuter avec le gouvernement de la République si vous ne commencez pas par dénoncer la violence et si vous ne commencez pas par déposer les armes "."
Vous avez tout à l'heure suggéré la dissolution de l'assemblée de Corse, est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal alors que cette assemblée est majoritairement à droite et qu'elle est présidée par quelqu'un qui est quand même de l'opposition.
- "Le problème n'est pas de savoir qui est à droite ou à gauche, le problème est de savoir qui représente les Corses. Ce ne sont pas des représentants d'un mouvement nationaliste minoritaire, ce sont l'ensemble des élus, et il faut - c'est la République - que lorsqu'il y a un véritable problème, ce soit ceux qui sont à la source de la légitimité qui disent quel est l'avenir de la Corse."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 août 2001)
- "Je regrette que Jean-Guy Talamoni se soit exprimé dans un journal suisse et qu'il n'ait pas comme préalable dit qu'il fallait que la violence s'arrête en Corse. Je voudrais faire quelques remarques sur la politique du Gouvernement à l'égard de la Corse, mais dans ces remarques, il n'y a de ma part aucune volonté de faire une leçon à qui que ce soit, le problème corse est suffisamment difficile pour que je ne donne pas de leçon. Y a-t-il une politique du Gouvernement Jospin à l'égard de la Corse ? Non, il y en a eu deux. Il y a eu celle de M. Chevènement qui s'est conclue par les turpitudes du préfet Bonnet après l'assassinat de M. Erignac, et puis il y a maintenant la politique de M. Jospin qui a amené d'ailleurs M. Chevènement à démissionner. Or, la politique de M. Jospin, ce qu'on appelle le processus de Matignon, qui devait aboutir à l'arrêt de la violence, n'a pas atteint son but. En dehors des plastiquages et des mitraillages de gendarmeries, qu'est-ce que je constate ? Je constate que depuis janvier 2001, il y a eu 20 meurtres au moins en Corse et une dizaine de tentatives d'homicides volontaires ; en 2000 il y en avait eu 27 contre 26 l'année précédente et 20 en 1998. Autrement dit, la violence se développe et les interlocuteurs nationalistes du Premier ministre ne remettent pas en cause cette violence. De plus, pourquoi le Gouvernement négocie-t-il dans le cas du processus de Matignon avec des nationalistes qui ne disent pas ce qu'ils veulent, ou plus exactement qui disent que, pour eux, le processus de Matignon n'est pas une fin en soi mais une étape, un paravent derrière lequel ils se cachent pour amener la Corse à l'indépendance. Je demande que le Gouvernement dise très clairement si pour lui, oui ou non, le processus de Matignon doit aboutir à l'indépendance de la Corse et que les nationalistes qui sont les interlocuteurs privilégiés du Premier ministre disent très clairement quelle est leur finalité. En toute hypothèse, permettez-moi de vous dire, ce n'est ni au Premier ministre, ni aux nationalistes de choisir l'avenir de la Corse : c'est aux citoyens. C'est pour cela que je crois très profondément, au point où nous en sommes, en la nécessité de consulter ceux qui sont à la source de la légitimité en République, les citoyens, soit par un référendum, soit par la dissolution de l'assemblée territoriale. A ce moment, on verra quel est le poids réel des nationalistes."
Est-ce que les oreilles vous ont teinté hier vers 08H20 lorsque J. Lang, à ce même micro, vous a renvoyé aux circonstances difficiles dans lesquelles vous-même aviez entamé le dialogue avec le FNLC en 1996 avec cette fameuse conférence de presse à Tralonca : 600 hommes en cagoule, la veille de votre venue dans l'île, qui du coup a entaché toute la suite. Cela vous suivra toute votre vie, si j'ose dire.
- "J'assume parfaitement. Je trouve tout à fait normal que les socialistes et M. Lang nous critiquent. Quand la politique qu'ils suivent est un échec, il faut essayer de faire diversion. "
Et inversement.
- "La meilleure méthode, lorsqu'on est en situation difficile, c'est d'attaquer. Tralonca. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une conférence de presse, cela n'était d'ailleurs pas la première conférence de presse de ce type et ce n'était pas la dernière puisque j'ai vu à la télévision il y a quelques jours encore des images de conférences de presse postérieures. Cette conférence de presse avait comme but, c'est dans le texte que les gens qui ont fait cette conférence de presse ont publié, l'arrêt de la violence et le dépôt des armes. C'était une étape importante. Je préfère ce genre de conférence de presse que j'ai condamnée, dont je n'ai pas été informé, aux assassinats. Je préfère que des gens disent " On va arrêter d'assassiner ", plutôt que des gens qui ne disent rien et qui assassinent. J'avais, c'est vrai, depuis longtemps, comme tous les gouvernements, pris des contacts avec les mouvements nationalistes. J'avais reçu M. Talamoni, j'avais reçu tous les nationalistes élus à l'assemblée territoriale corse deux fois : une fois à la mairie d'Ajaccio et une fois au ministère de l'Intérieur. La presse de l'époque avait abondamment rendu compte de ces deux rencontres. Je n'ai eu aucun autre contact avec qui que ce soit. J'ai même lu, ce qui est quand même assez fantastique de la part des socialistes - je pense qu'ils ont soit mauvaise mémoire, soit qu'ils sont mal intentionnés - que j'avais négocié cette conférence de presse avec M. Santoni. Ce n'est pas moi qui ai remis M. Santoni en liberté, ce sont les amnisties précédentes votées par les socialistes. Je suis le ministre de l'Intérieur qui assume la responsabilité d'avoir fait interpeller M. Santoni, de l'avoir fait déférer au parquet de la République à Paris. Il a été incarcéré avec sa compagne d'alors et il a été condamné. Donc, je n'ai négocié avec personne, j'ai simplement pris des contacts avec l'ensemble des nationalistes élus pour arriver au dépôt des armes car je ne voulais pas, contrairement au Gouvernement actuel, aller plus avant sur une discussion sur un statut de l'île, s'il n'y avait pas comme préalable le dépôt des armes et l'arrêt de la violence. C'est pour cela que je suis critique à l'égard de ce Gouvernement : il discute avec des gens qui refusent de condamner la violence, qui refusent"
Vous dites vous-même que aviez reçu M. Talamoni, ce sont les mêmes
- "J'avais reçu l'ensemble des représentants élus des mouvements nationalistes, je n'avais pas un interlocuteur privilégié."
C'est pareil
- "Je leur avais dit à tous : "En tant que ministre de l'Intérieur, je n'irai pas plus loin dans la discussion avec vous s'il n'y a pas un arrêt effectif de la violence et une déclaration solennelle selon laquelle vous arrêtez ces attentats et ces agressions". C'était le but de la conférence de Tralonca, conférence de presse qui a été malheureuse, absurde, de laquelle je n'ai pas été informé. Vous savez pourquoi je n'ai pas été informé ? Pour deux raisons que j'ai expliquées dans la mission parlementaire d'enquête mais que les socialistes ne veulent pas lire, pourtant ils étaient en présence : d'une part, elle était prévue dans la plaine de Figari, et j'avais pris des dispositions pour que cette conférence de presse n'ait pas lieu. Puis le bruit courait, car c'était la tradition à l'époque, que chaque fois qu'un ministre l'Intérieur arrivait en Corse il y avait une conférence de presse clandestine. Pour éviter cela, j'avais différé à plusieurs reprises mon déplacement en Corse, et quand j'avais été informé que cela devait avoir lieu dans la plaine de Figari, j'ai mis des forces de police pour que ça n'ait pas lieu, mais naturellement, ils l'ont fait à un autre endroit. Donc, je n'ai pas été informé, je n'ai pas négocié. Je leur ai dit, aux uns et aux autres, " Vous ne pouvez pas discuter avec le gouvernement de la République si vous ne commencez pas par dénoncer la violence et si vous ne commencez pas par déposer les armes "."
Vous avez tout à l'heure suggéré la dissolution de l'assemblée de Corse, est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal alors que cette assemblée est majoritairement à droite et qu'elle est présidée par quelqu'un qui est quand même de l'opposition.
- "Le problème n'est pas de savoir qui est à droite ou à gauche, le problème est de savoir qui représente les Corses. Ce ne sont pas des représentants d'un mouvement nationaliste minoritaire, ce sont l'ensemble des élus, et il faut - c'est la République - que lorsqu'il y a un véritable problème, ce soit ceux qui sont à la source de la légitimité qui disent quel est l'avenir de la Corse."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 août 2001)