Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Louis Gallois,
Monsieur le Directeur Général, cher Florent Gueguen,
Monsieur le Président de la FAS Bourgogne-Franche-Comté,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
A l'occasion de son congrès, la FAS a depuis longtemps une tradition d'hospitalité pour les ministres du Logement, qu'ils soient plus ou moins impliqués sur les questions de solidarité.
C'est donc cette fois-ci en qualité de Ministre du Logement et de l'Habitat durable, en charge de l'hébergement, que je suis à vos côtés, et je vous remercie très sincèrement de votre invitation à prononcer le discours de clôture de votre congrès. C'est un plaisir, un honneur et j'en mesure la responsabilité en ces temps troublés et en cette année de grandes échéances politiques pour le combat qui nous rassemble, celui de la solidarité.
Car nombres d'entre vous le savent : je ne découvre pas votre congrès en habits de Ministre. J'ai le souvenir précis d'être venue lors d'une autre campagne électorale. Je sais que ce sont des moments importants pour mettre en lumière les difficultés auxquelles vous répondez mais aussi les solidarités et les expériences dont vous êtes les porteurs.
Pour cela, sans me dérober une seule seconde à mes responsabilités et mes engagements de Ministre, j'aimerais vous parler le plus directement possible, avant tout comme une militante du logement depuis des années, mais aussi comme une femme engagée qui a été formée par les luttes contre les discriminations, toutes les discriminations.
Vous avez établi de nombreux constats, vous avancez des propositions fortes, et j'imagine que l'on vous a fait plus encore de promesses tout au long de cette journée. Ce n'est pas mon rôle aujourd'hui d'arbitrer entre les différents projets, mais il est évident que sur nos questions - je suis du côté des ambitieux qui ne promettent pas des grands soirs.
Je me reconnais dans l'exigence que vous avez, qui ne se départit jamais de pragmatisme. En campagne, en responsabilité dans un exécutif local, au gouvernement, j'ai toujours tenu à m'appliquer cette discipline qui consiste à préférer obtenir des avancées institutionnelles structurantes plutôt que des victoires médiatiques de court terme.
Mais rentrons dans le vif du sujet. La situation de l'hébergement et des solidarités cet hiver est-elle la plus difficile que nous ayons connue depuis bien longtemps ? Je le redis ici, en responsabilité, devant vous qui portez les réalités de notre action : je ne le pense pas.
Pour autant, est-ce que tout va bien ? Est-ce qu'une ministre de l'hébergement peut venir à votre congrès se féliciter de son action et vous présenter de façon auto-satisfaite son bilan : je ne le pense pas non plus.
La crise économique et financière de 2008, la crise migratoire, les tendances sociales lourdes comme la décohabitation, le délitement de certaines solidarités familiales ou territoriales, les mutations de la pauvreté (plus jeune, plus profonde, plus excluante), les accélérations technologiques et sociétales continuent de pousser une part trop importante de nos concitoyens dans la grande précarité. Les grands-exclus sont bien entendus toujours là, mais les plus fragiles d'entre nous se trouvent aussi chez les travailleurs pauvres, les personnes victimes d'une maladie chronique, les femmes seules à élever leurs enfants, les étudiants précaires
Pour toutes ces raisons, je ne me satisferai pas de mon action, et je partage les indignations qui ont été exprimées ces dernières semaines. Ma responsabilité, en plein cur de l'hiver, c'est de porter les politiques publiques vers un plus haut niveau d'exigence. Notre dialogue permanent, qu'il soit aimable ou rugueux, reste le plus sûr moyen de faire progresser notre actions commune au service des plus pauvres.
Nous sommes au service des 8,5 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et j'inscris pleinement notre action dans le cadre du Plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, lancé en 2013 et renouvelé en 2015.
Les questions d'hébergement, de logement ne peuvent en effet se penser hors des conditions économiques, de l'accès au soin, de l'accès aux services publics. J'ai donc la responsabilité de concevoir et d'animer des politiques qui tiennent compte de l'ensemble du parcours de vie des personnes, mais aussi de leur environnement.
Et le fracas du monde n'a épargné personne cette année encore. Je dois évoquer plus précisément la crise migratoire qui touche l'ensemble des pays européens. Des centaines de milliers de femmes, d'hommes, de mineurs ont quitté des pays en guerre, des villes en feu, des situations dangereuses pour traverser la Méditerranée et chercher refuge en Europe.
Nous leur devons l'accueil en France, dans un cadre européen. C'est un impératif humanitaire et moral, et une nécessité politique. Vous avez été les grands acteurs de cet accueil. Je sais que nous vous avons demandé beaucoup ces derniers mois. Je sais que vos équipes n'ont pas compté leur énergie ni leur temps pour tenir les engagements que nous avons pris devant les Français. Et je suis venue ici vous dire ma profonde gratitude pour cela.
Je n'ignore pas que notre volonté a mis en tension un certain nombre de dispositifs. Mais je sais aussi que vous avez ainsi contribué à montrer que la France sait faire face en cas de crise et que la République sait innover tout en restant fidèle à ses principes. Nous sommes allés plus vite, nous avons rendu plus efficace certains processus, nous avons développé des démarches partenariales inédites.
Je sais que ces derniers mois ont été éprouvants sur le front de l'hébergement, mais vous avez présenté le meilleur profil de notre pays aux côtés d'une France bienveillante, qui accueille des migrants et bat des records de générosité pour les grandes causes.
Grâce à vous, nous avons ainsi réussi à mener de front deux combats majeurs : mettre fin aux campements d'infortune de Calais et de Paris, et donner toute sa mesure à notre parc d'hébergement pour l'ensemble des publics qui en ont la nécessité. C'est notre honneur à tous d'avoir sorti de la boue, de la poussière et du froid près de 40.000 migrants en 18 mois, dans le même temps qu'on continuait de faire de la place à ceux que notre société a laissé de côté.
Autre constat que je me dois de faire et qui est un peu lié : l'interrogation ou la mise à l'épreuve régulière du principe d'inconditionnalité. Les adhérents de la FAS me le signalent régulièrement, et je veux redire les choses très clairement devant vous aujourd'hui.
La règle générale est simple : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ». Quelle que soit la raison, quel que soit le statut administratif des personnes, quelle que soit l'interprétation des décisions du Conseil d'Etat que l'on peut faire sur certains territoires, je ferai appliquer la plus stricte observance des articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du Code d'Action sociale et des Familles.
Cela n'interdit pas les départements de prendre également à leur charge les différents publics qui relèvent de leur compétence. Bien que juriste de formation, je ne laisserai pas ce débat juridique sur les frontières des compétences des différents acteurs publics nous empêcher de penser politiquement la question des plus précaires.
Je viens du combat pour les minorités, et j'y ai appris qu'une société ne se caractérise pas seulement par les droits et les protections qu'elle procure au plus grand nombre, mais aussi par le traitement qu'elle accorde à ceux qui sont à ses marges, car c'est ainsi qu'elle définit ses limites et qu'elle désigne ceux qu'elle rejette.
J'y ai aussi acquis une conviction tenace, dont je trouve l'écho dans vos propositions pour « investir dans la solidarité » : quand on améliore la vie des plus fragiles, cela bénéficie à tout le monde. Quand on gagne des droits pour des malades du SIDA, on en fait bénéficier tous les assurés sociaux. Quand on invente des dispositifs pour les migrants, ils peuvent être transposés à d'autres publics. Quand une collectivité investit dans la solidarité, c'est tout son territoire qui vit mieux. Ce qui se cache derrière les interrogations juridiques et jurisprudentielles sur l'inconditionnalité, c'est bien le combat politique pour une mobilisation générale en faveur des plus précaires. Et c'est celui que nous devons gagner ensemble contre les égoïsmes territoriaux et les replis identitaires.
L'engagement de l'Etat et des acteurs de la solidarité en faveur des plus précaires ne commence ni ne s'arrête au premier pic de froid de l'hiver. C'est pourtant à cette période que les projecteurs sont tournés vers les personnes qui ont besoin de la solidarité nationale et vers ceux qui s'en occupent.
Pour nous tous, c'est parfois désagréable de prêcher dans le désert une bonne partie de l'année, pour s'apercevoir que l'on redécouvre nos sujets au premier froid.
Mais ne nous en plaignons pas, il n'y a jamais de mauvais moment pour faire changer le sort de ceux qui souffrent d'exclusion. Saisissons-nous ensemble du temps de l'exposition médiatique pour mettre au coeur des politiques publiques et au coeur des programmes des candidats la nécessité de poursuivre et de réinventer les politiques de solidarité.
Sur ce point, au-delà des chiffres que j'évoquerai et qui traduisent une volonté forte et constante depuis 2012 de lutter contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, ce quinquennat a changé la conception de l'hébergement en France.
Souvenez-vous des crises endémiques que nous connaissions : une ouverture de places de mauvaise qualité, très tardivement, souvent dans la précipitation et en réaction au thermomètre. Des personnes étaient alors majoritairement remises à la rue le matin même. Et au 1er avril, tous les hébergés se retrouvaient sans solution ni accompagnement social. Voilà, sans même grossir le trait, ce qui se pratiquait communément avant 2012.
Je ne vous dis pas qu'aujourd'hui tout est parfait. Je ne vous dis pas que nous sommes passés de l'enfer au paradis. Je ne vous dis pas non plus que la situation est satisfaisante. Car sur ces questions, il faut se prononcer avec humilité.
Une seule personne sans domicile et c'est déjà un drame. Un seul mort à la rue et c'est notre échec collectif. Je veux le dire ici solennellement : à la rue, on meurt en hiver quand les médias et les campagnes électorales s'intéressent aux SDF, mais on meurt aussi l'été. Car à la rue, on meurt avant tout d'exclusion, de pauvreté, de maladie.
Et sur ces sujets, notre besoin d'indignation est intarissable. Tant qu'il restera une situation humaine intolérable, un bon chiffre jamais ne pourra nous satisfaire.
Pourtant, nous savons qu'aujourd'hui, ensemble, nous avons largement changé la donne : l'hébergement n'est majoritairement plus une affaire hivernale, il est un engagement constant, tout au long de l'année.
Je veux vous rappeler ce que nous avons réussi, collectivement, durant le quinquennat, car c'est sans précédent. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : quand en 2012, il y avait 82.000 places d'hébergement disponibles, au soir du 1er janvier 2017, nous proposions 129.159 places d'hébergement sur l'ensemble du territoire métropolitain. Nous avons ainsi créé en moyenne 10.000 places chaque année, soit une progression de 50% en près de 5 ans.
Pour ce qui est de l'actualité la plus brûlante, les Demandes Non Pourvues sont en baisse de 5% par rapport à la même période l'hiver dernier, pour s'établir à 31% (chiffre qui ne peut nous satisfaire malgré tout). Sous ces mentions un peu techniques, vous comprendrez que ces chiffres parlent de milliers de destins qui ont pu être rattrapés, d'accidents de vie qui ont trouvé une issue plus favorables que la rue, ses dangers, ses trafics et ses périls.
Vous le savez, ces engagements ont connu des traductions budgétaires elles-mêmes inédites. Le budget de l'hébergement a été considérablement renforcé en 5 ans. En 2012, on consacrait 1,2 milliards d'euros à l'hébergement. En 2017, ce sera 1,7 milliards, en nette progression par rapport à 2016, de 200 millions. Et en 2016, pour faire face à la crise migratoire tout en poursuivant notre effort sur l'hébergement classique, nous n'avons pas hésité, par le biais de deux décrets d'avance, en octobre et en décembre, à renforcer notre capacité d'intervention de 184 millions d'euros.
La mobilisation des services de l'Etat et des Préfets a ainsi été totale ces derniers mois pour maximiser nos engagements et les mettre en adéquation avec les réalités des territoires. Et pour en finir avec ces nécessaires histoires de gestion, nous allons déléguer en région les premiers crédits de l'année dans les prochains jours.
Mais les chiffres ne font pas tout. Ils nous permettent simplement d'objectiver des transformations qualitatives importantes. Le plan de réduction des nuitées hôtelières, par exemple, vise à mettre fin à l'augmentation continue et considérable de l'utilisation de l'hébergement à l'hôtel et à offrir aux familles des conditions d'hébergements plus dignes et mieux adaptées à leurs besoins.
Nous avons voulu d'abord stabiliser le nombre de nuitées hôtelières avant de le faire descendre. Comme l'a dit une bonne connaissance du système d'hébergement, le recours à l'hôtel est « une drogue dure » dont nous sommes en train de nous désintoxiquer.
Mais la réalité, vous la connaissez mieux que moi, c'est que la création de places alternatives ne se fait pas dans les mêmes temporalités que les besoins d'hébergement. Il faut évidemment plus de temps pour créer du logement adapté que pour réserver une nuitée supplémentaire à l'hôtel. Et il n'était pas question d'imposer immédiatement une réduction sans solution alternative, au risque sinon de mettre des milliers de personnes à la rue.
Nous devons tous ensemble, services de l'Etat et opérateurs, faire notre révolution culturelle sur cette question. Je sais que nous avons pu compter sur les adhérents de la FAS pour contribuer à faire changer les mentalités et à renouveler nos ambitions.
A l'autre bout du parcours de l'hébergement, depuis 2012, le nombre de places en logements accompagnés a augmenté de près de 70%, soit 90 000 places. Et c'est un effort considérable que le Président de la République nous a demandé de poursuivre en lançant l'année dernière un plan de développement de 7500 places en pensions de famille en 5 ans.
Dès le début de cette année, pour donner une meilleure visibilité aux acteurs de terrain, pour que les projets se mettent en place rapidement, pour leur donner une traduction budgétaire claire, je souhaite fixer des objectifs régionaux de création de ces places. En alliant le respect des spécifiés territoriales à l'ambition nationale, dans le cadre d'un véritable rapport partenarial avec vous, nous pourrons tenir cet engagement.
Mais nous savons tous que la production de places d'hébergement ne serait rien si nous n'avions pas une politique volontariste pour le logement abordable, pour permettre aux personnes pauvres de trouver à se loger, y compris dans les grandes métropoles.
Ainsi, depuis 2012 (en comptabilisant les logements ANRU), nous avons déjà produit un total de 478 969 logements sociaux financés, dont 104 186 PLAI.
Pour 2016, j'attends encore la consolidation des remontées, mais nous devrions, quoi qu'il en soit, être en progression importante par rapport à l'année 2015. Et la part de PLAI doit se maintenir au-delà des 25%.
Mais, vous le savez, on ne met pas fin à une crise du logement vieille de plusieurs décennies en 5 ans. Le rythme devra se poursuivre en 2017, et je veille à prolonger nos efforts pour qu'un maximum de projets aboutisse.
Cela dit, je dois à la vérité de le dire devant vous : une partie des programmes et des intentions des candidats à l'élection présidentielle m'inquiète pour l'avenir des plus précaires. Quand on m'interpelle en plein pic de froid sur le sort des SDF, mais qu'on veut brader le logement social. Quand on participe à des actions de charité, mais qu'on fait tout pour ne pas respecter la loi SRU. Quand on met les mots République et devoir dans chaque phrase, mais qu'on joue des égoïsmes territoriaux pour s'exonérer de l'impératif de solidarité nationale : ce n'est simplement pas tolérable.
Alors, oui, en plein accord avec vous, et avec d'autres comme la Fondation Abbé Pierre, avec la plupart des acteurs de la solidarité, on doit répéter que la question de l'hébergement se règlera dans le logement et c'est à cela que nous devrons être collectivement attentifs.
Nous devons bien entendu faire plus, mais nous avons aussi la nécessité de faire mieux pour améliorer la vie des personnes hébergées, leur insertion sociale, la mobilisation de leurs droits. Dans le dialogue permanent avec les nombreux acteurs de l'hébergement et en particulier avec votre infatigable président, Louis Gallois, et avec votre dynamique directeur général, Florent Gueguen, que je salue tous les deux, je veux continuer la mue des pratiques et des dispositifs de l'hébergement.
Tout d'abord, il faut rappeler un principe essentiel : l'hébergement n'est pas un horizon de vie. Nous devons tous tendre vers l'autonomie des personnes hébergées, dès leur entrée dans nos centres, mêmes pour les personnes qui semblent les plus éloignées de ce que les spécialistes appellent le « savoir-habiter ». Une vie autonome, une vie de citoyen, c'est une existence avec un logement car cela engage tous les autres pans de nos vies.
Nous avons des réussites qui doivent nous guider en ce sens. L'expérimentation « un chez soi d'abord » entamée en 2012 a montré que l'on pouvait réinsérer des exclus, avec des troubles psychiques importants, en les accompagnant dans le logement. Pour bon nombre d'acteurs, il a fallu pour cela « penser à l'envers ». Et cela fonctionne très bien pour les personnes qui peuvent ainsi se redresser, tout en contribuant à l'équilibre de l'ensemble de notre système d'accueil. Cette expérience, j'ai voulu la pérenniser et nous engagerons le travail pour l'extension dès 2017 bien au-delà des 4 villes d'origine. Le décret est paru en toute fin d'année dernière.
Notre enjeu commun, c'est aussi de mieux comprendre nos publics, mais également de poser un diagnostic plus précis et mieux partagé des besoins des plus précaires.
Ce que l'on ne mesure pas, on ne peut l'améliorer. Je me souviens que le baromètre du 115 est né à une époque durant laquelle régnait une véritable omerta sur les chiffres et les réalités. Il fallait bousculer ces vieilles habitudes régaliennes qui consistent à penser qu'on gouverne mieux à l'abri des regards. Vous l'avez fait et vous avez bien fait.
Aujourd'hui, c'est une première et je suis heureuse de vous l'annoncer ici, je vais donc rendre publics et transparents les grands indicateurs de l'hébergement en France.
J'ai demandé à la Direction Générale de la Cohésion Sociale de nous permettre de publier dès février 2017 les principales remontées : le nombre de places d'hébergement pérennes, le nombre de places du dispositif hivernal, les Demandes Non Pourvues, les disponibilités dans le parc d'hébergement. Au même titre que j'ai voulu faire la transparence sur les chiffres du logement social, je publierai sur le site du Ministère du Logement les grands indicateurs de l'hébergement.
Plus largement, en ce qui concerne les données de l'hébergement, nous avons la nécessité de faire converger nos diagnostics. C'est dans l'intérêt des politiques publiques, des personnes qui en sont bénéficiaires, et de notre crédibilité commune.
Je ne me résous à laisser perdurer un hiatus entre les chiffres des services de l'Etat, qui proviennent des SIAO eux-mêmes, et les constats des grands acteurs de la solidarité.
J'ai donc demandé à mon cabinet et à mes services de monter très rapidement un groupe de travail pour analyser les données et les faire converger autant que possible. Et je crois que la généralisation du SI-SIAO, dont le volet "Urgence" est en cours de test par des 115 volontaires permettra à terme, grâce à la précision et au caractère homogène des définitions des concepts, de mettre fin aux querelles de chiffres.
Ainsi chers amis, bientôt - et je vous le dis en forme de boutade - nous serons peut-être en désaccord, mais nous le serons sur des bases communes
Enfin, pour en finir avec notre volonté partagée d'évaluation, j'ai décidé de contribuer, au titre du ministère du Logement et de l'Habitat durable, au financement de l'étude commandée par la FAS sur les différents publics auxquels se consacrent ses adhérents.
Elle s'installera sur une longue durée, questionnera 1000 personnes et nous permettra, 15 ans après la grande enquête que vous aviez commandée à Serge Paugam et Mireille Clémençon, de mettre en perspective les mouvements de notre société et d'en prendre une photographie qui nous permettra à tous de progresser dans la prise en charge des différents publics.
Toujours dans l'idée de contribuer à l'amélioration de nos dispositifs, comme nous en a donné l'obligation la loi ALUR, nous allons transmettre au Parlement le rapport sur « Le statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement ».
Vous avez grandement contribué à la production de ce rapport où vous avez abordé des questions essentielles comme le statut des personnes accueillies, le statut des institutions, les obligations en termes de ressources humaines et de besoin matériel, et bien sûr les modalités de financement.
Je proposerais très rapidement de reprendre un groupe de travail sur cette question, qui demande à la fois de dépasser nos habitudes et de prendre en compte avec finesse les réalités.
Pour finir, je dois vous dire quelques mots sur la mobilisation qui nous occupe tous en cette période hivernale. En cas de nouvelle vague de froid, je donnerai des instructions claires aux préfets pour harmoniser et améliorer la prise en charge et les délais de réaction. Aucun problème budgétaire ne pourra venir retarder notre action, car j'ai fait en sorte que des crédits soient délégués tout début janvier, avec plus de 3 semaines d'avance par rapport aux autres années.
Enfin, sachez que nous préparons d'ores et déjà la pérennisation de places hivernales pour les intégrer dans le parc pérenne. Je ne veux pas vous annoncer un chiffre cette année, mais une ambition. Mon cabinet et les services sont d'ores et déjà mobilisés sur cette question, et j'enverrai un courrier aux préfets dans le courant du mois de février pour anticiper la sortie de l'hiver.
Pour autant, je n'en oublie pas les difficultés que nous rencontrons tous au quotidien.
Nous ne pouvons pas faire abstraction d'une atmosphère politique pénible. C'est un combat quotidien, dans tous nos territoires, que de faire de la place aux plus précaires, aux plus fragiles, qu'ils soient des hommes isolés venus du bout du monde, des grands exclus ou des femmes victimes de violence intra-familiales.
Pour certains élus, ce n'est jamais ni le bon moment, ni le lieu de se montrer solidaires avec celles et ceux que la vie n'a pas épargné. Sur certains territoires, nous avons batailler ferme pour ouvrir des CAO, des Centres d'Hébergement d'Urgence ou encore pour créer des logements sociaux.
Il faut être clair, à l'approche des élections, certains exacerberont les tendances au repli, à l'égoïsme local, au dévoiement des engagements républicains.
Il n'est pas question d'accepter que la tentation du repli permette de s'exempter des devoirs de solidarité qui incombent à tous. Pour ma part, je ne fais pas de différence ni de hiérarchie entre les précarités et entre les exclusions. Ce sont les mêmes qui refusent un centre d'accueil pour migrants qui tentent tout pour ne pas appliquer la loi SRU.
Il faut avoir vu la majorité sénatoriale tout faire pour remettre en question cette grande loi de solidarité à l'occasion de la discussion du projet de loi Egalité et Citoyenneté avec lequel nous reprenons le pilotage du contingent préfectoral des logements sociaux.
Alors je veux le dire solennellement : nous ne laisserons pas faire cela. Comme l'a dit le Premier Ministre devant la représentation nationale, nous devons faire de chaque jour un jour utile pour nos concitoyens. Je m'y engage, et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation sans faille pour que chaque territoire prenne sa part dans l'effort de solidarité.
Vous avez la lourde tâche d'acclimater les politiques publiques sur votre territoire, mais je sais que vous êtes aussi de véritables vigies républicaines et que vous dénoncerez les petites stratégies égoïstes de ceux qui font tout pour fermer les portes aux plus fragiles.
Il faudra pour cela porter haut et dans la durée l'exigence d'une politique globale contre la pauvreté et pour le logement accessible à tous. Cette vision large, la seule à même de faire enfin reculer la précarité et l'exclusion, vous l'exprimez à travers vos « propositions pour investir dans la solidarité », et je suis à vos côté dans ce combat.
A titre d'exemple, l'encadrement des loyers, dont vous prônez l'application à l'ensemble des agglomérations en tension, et dont on m'a rabâché l'impossibilité politique de l'étendre au-delà de Paris lorsque je suis entrée au Gouvernement : il entrera en vigueur à Lille dans quelques jours, et dans l'ensemble de l'agglomération parisienne dans quelques mois.
Alors oui, nous avons besoin d'être collectivement intraitables face à ceux, peu nombreux mais bruyants et parfois violents, qui font le pari électoral du grand renfermement et de l'égoïsme. Ce n'est pas le nôtre, et ce n'est surtout pas la réalité des Français.
Car à côté de quelques démagogues et pyromanes, au-delà des peurs et des préventions, nous voyons se lever des vagues de solidarité. Partout, des trottoirs du Nord-Est parisien jusqu'aux plus petits villages, une France bienveillante et généreuse s'exprime.
Elle n'a ni parti ni confession. Elle se déclare seulement solidaire et dit sa volonté de faire une place à celles et ceux qui ont fui la guerre, à celle qui a quitté un mari violent, à celui dont la maladie a compliqué le parcours. A bas bruit, sans déclaration tonitruante, sans faire la une des journaux, des citoyens s'organisent pour donner du sens aux mots fraternité.
Cette France-là, c'est la nôtre, celle que vous incarnez, celle qui refuse d'avoir peur et de se fermer, celle qui au contraire agit et va vers l'autre.
Professionnels ou bénévoles, élus ou simples citoyens, engagés d'un jour ou d'une vie, c'est en ne nous résignant jamais à la douleur, à la détresse, à l'exclusion, que nous inventerons un monde durable et solidaire.
Je vous remercie.Source http://www.logement.gouv.fr, le 16 janvier 2017
Monsieur le Directeur Général, cher Florent Gueguen,
Monsieur le Président de la FAS Bourgogne-Franche-Comté,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
A l'occasion de son congrès, la FAS a depuis longtemps une tradition d'hospitalité pour les ministres du Logement, qu'ils soient plus ou moins impliqués sur les questions de solidarité.
C'est donc cette fois-ci en qualité de Ministre du Logement et de l'Habitat durable, en charge de l'hébergement, que je suis à vos côtés, et je vous remercie très sincèrement de votre invitation à prononcer le discours de clôture de votre congrès. C'est un plaisir, un honneur et j'en mesure la responsabilité en ces temps troublés et en cette année de grandes échéances politiques pour le combat qui nous rassemble, celui de la solidarité.
Car nombres d'entre vous le savent : je ne découvre pas votre congrès en habits de Ministre. J'ai le souvenir précis d'être venue lors d'une autre campagne électorale. Je sais que ce sont des moments importants pour mettre en lumière les difficultés auxquelles vous répondez mais aussi les solidarités et les expériences dont vous êtes les porteurs.
Pour cela, sans me dérober une seule seconde à mes responsabilités et mes engagements de Ministre, j'aimerais vous parler le plus directement possible, avant tout comme une militante du logement depuis des années, mais aussi comme une femme engagée qui a été formée par les luttes contre les discriminations, toutes les discriminations.
Vous avez établi de nombreux constats, vous avancez des propositions fortes, et j'imagine que l'on vous a fait plus encore de promesses tout au long de cette journée. Ce n'est pas mon rôle aujourd'hui d'arbitrer entre les différents projets, mais il est évident que sur nos questions - je suis du côté des ambitieux qui ne promettent pas des grands soirs.
Je me reconnais dans l'exigence que vous avez, qui ne se départit jamais de pragmatisme. En campagne, en responsabilité dans un exécutif local, au gouvernement, j'ai toujours tenu à m'appliquer cette discipline qui consiste à préférer obtenir des avancées institutionnelles structurantes plutôt que des victoires médiatiques de court terme.
Mais rentrons dans le vif du sujet. La situation de l'hébergement et des solidarités cet hiver est-elle la plus difficile que nous ayons connue depuis bien longtemps ? Je le redis ici, en responsabilité, devant vous qui portez les réalités de notre action : je ne le pense pas.
Pour autant, est-ce que tout va bien ? Est-ce qu'une ministre de l'hébergement peut venir à votre congrès se féliciter de son action et vous présenter de façon auto-satisfaite son bilan : je ne le pense pas non plus.
La crise économique et financière de 2008, la crise migratoire, les tendances sociales lourdes comme la décohabitation, le délitement de certaines solidarités familiales ou territoriales, les mutations de la pauvreté (plus jeune, plus profonde, plus excluante), les accélérations technologiques et sociétales continuent de pousser une part trop importante de nos concitoyens dans la grande précarité. Les grands-exclus sont bien entendus toujours là, mais les plus fragiles d'entre nous se trouvent aussi chez les travailleurs pauvres, les personnes victimes d'une maladie chronique, les femmes seules à élever leurs enfants, les étudiants précaires
Pour toutes ces raisons, je ne me satisferai pas de mon action, et je partage les indignations qui ont été exprimées ces dernières semaines. Ma responsabilité, en plein cur de l'hiver, c'est de porter les politiques publiques vers un plus haut niveau d'exigence. Notre dialogue permanent, qu'il soit aimable ou rugueux, reste le plus sûr moyen de faire progresser notre actions commune au service des plus pauvres.
Nous sommes au service des 8,5 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et j'inscris pleinement notre action dans le cadre du Plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, lancé en 2013 et renouvelé en 2015.
Les questions d'hébergement, de logement ne peuvent en effet se penser hors des conditions économiques, de l'accès au soin, de l'accès aux services publics. J'ai donc la responsabilité de concevoir et d'animer des politiques qui tiennent compte de l'ensemble du parcours de vie des personnes, mais aussi de leur environnement.
Et le fracas du monde n'a épargné personne cette année encore. Je dois évoquer plus précisément la crise migratoire qui touche l'ensemble des pays européens. Des centaines de milliers de femmes, d'hommes, de mineurs ont quitté des pays en guerre, des villes en feu, des situations dangereuses pour traverser la Méditerranée et chercher refuge en Europe.
Nous leur devons l'accueil en France, dans un cadre européen. C'est un impératif humanitaire et moral, et une nécessité politique. Vous avez été les grands acteurs de cet accueil. Je sais que nous vous avons demandé beaucoup ces derniers mois. Je sais que vos équipes n'ont pas compté leur énergie ni leur temps pour tenir les engagements que nous avons pris devant les Français. Et je suis venue ici vous dire ma profonde gratitude pour cela.
Je n'ignore pas que notre volonté a mis en tension un certain nombre de dispositifs. Mais je sais aussi que vous avez ainsi contribué à montrer que la France sait faire face en cas de crise et que la République sait innover tout en restant fidèle à ses principes. Nous sommes allés plus vite, nous avons rendu plus efficace certains processus, nous avons développé des démarches partenariales inédites.
Je sais que ces derniers mois ont été éprouvants sur le front de l'hébergement, mais vous avez présenté le meilleur profil de notre pays aux côtés d'une France bienveillante, qui accueille des migrants et bat des records de générosité pour les grandes causes.
Grâce à vous, nous avons ainsi réussi à mener de front deux combats majeurs : mettre fin aux campements d'infortune de Calais et de Paris, et donner toute sa mesure à notre parc d'hébergement pour l'ensemble des publics qui en ont la nécessité. C'est notre honneur à tous d'avoir sorti de la boue, de la poussière et du froid près de 40.000 migrants en 18 mois, dans le même temps qu'on continuait de faire de la place à ceux que notre société a laissé de côté.
Autre constat que je me dois de faire et qui est un peu lié : l'interrogation ou la mise à l'épreuve régulière du principe d'inconditionnalité. Les adhérents de la FAS me le signalent régulièrement, et je veux redire les choses très clairement devant vous aujourd'hui.
La règle générale est simple : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ». Quelle que soit la raison, quel que soit le statut administratif des personnes, quelle que soit l'interprétation des décisions du Conseil d'Etat que l'on peut faire sur certains territoires, je ferai appliquer la plus stricte observance des articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du Code d'Action sociale et des Familles.
Cela n'interdit pas les départements de prendre également à leur charge les différents publics qui relèvent de leur compétence. Bien que juriste de formation, je ne laisserai pas ce débat juridique sur les frontières des compétences des différents acteurs publics nous empêcher de penser politiquement la question des plus précaires.
Je viens du combat pour les minorités, et j'y ai appris qu'une société ne se caractérise pas seulement par les droits et les protections qu'elle procure au plus grand nombre, mais aussi par le traitement qu'elle accorde à ceux qui sont à ses marges, car c'est ainsi qu'elle définit ses limites et qu'elle désigne ceux qu'elle rejette.
J'y ai aussi acquis une conviction tenace, dont je trouve l'écho dans vos propositions pour « investir dans la solidarité » : quand on améliore la vie des plus fragiles, cela bénéficie à tout le monde. Quand on gagne des droits pour des malades du SIDA, on en fait bénéficier tous les assurés sociaux. Quand on invente des dispositifs pour les migrants, ils peuvent être transposés à d'autres publics. Quand une collectivité investit dans la solidarité, c'est tout son territoire qui vit mieux. Ce qui se cache derrière les interrogations juridiques et jurisprudentielles sur l'inconditionnalité, c'est bien le combat politique pour une mobilisation générale en faveur des plus précaires. Et c'est celui que nous devons gagner ensemble contre les égoïsmes territoriaux et les replis identitaires.
L'engagement de l'Etat et des acteurs de la solidarité en faveur des plus précaires ne commence ni ne s'arrête au premier pic de froid de l'hiver. C'est pourtant à cette période que les projecteurs sont tournés vers les personnes qui ont besoin de la solidarité nationale et vers ceux qui s'en occupent.
Pour nous tous, c'est parfois désagréable de prêcher dans le désert une bonne partie de l'année, pour s'apercevoir que l'on redécouvre nos sujets au premier froid.
Mais ne nous en plaignons pas, il n'y a jamais de mauvais moment pour faire changer le sort de ceux qui souffrent d'exclusion. Saisissons-nous ensemble du temps de l'exposition médiatique pour mettre au coeur des politiques publiques et au coeur des programmes des candidats la nécessité de poursuivre et de réinventer les politiques de solidarité.
Sur ce point, au-delà des chiffres que j'évoquerai et qui traduisent une volonté forte et constante depuis 2012 de lutter contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, ce quinquennat a changé la conception de l'hébergement en France.
Souvenez-vous des crises endémiques que nous connaissions : une ouverture de places de mauvaise qualité, très tardivement, souvent dans la précipitation et en réaction au thermomètre. Des personnes étaient alors majoritairement remises à la rue le matin même. Et au 1er avril, tous les hébergés se retrouvaient sans solution ni accompagnement social. Voilà, sans même grossir le trait, ce qui se pratiquait communément avant 2012.
Je ne vous dis pas qu'aujourd'hui tout est parfait. Je ne vous dis pas que nous sommes passés de l'enfer au paradis. Je ne vous dis pas non plus que la situation est satisfaisante. Car sur ces questions, il faut se prononcer avec humilité.
Une seule personne sans domicile et c'est déjà un drame. Un seul mort à la rue et c'est notre échec collectif. Je veux le dire ici solennellement : à la rue, on meurt en hiver quand les médias et les campagnes électorales s'intéressent aux SDF, mais on meurt aussi l'été. Car à la rue, on meurt avant tout d'exclusion, de pauvreté, de maladie.
Et sur ces sujets, notre besoin d'indignation est intarissable. Tant qu'il restera une situation humaine intolérable, un bon chiffre jamais ne pourra nous satisfaire.
Pourtant, nous savons qu'aujourd'hui, ensemble, nous avons largement changé la donne : l'hébergement n'est majoritairement plus une affaire hivernale, il est un engagement constant, tout au long de l'année.
Je veux vous rappeler ce que nous avons réussi, collectivement, durant le quinquennat, car c'est sans précédent. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : quand en 2012, il y avait 82.000 places d'hébergement disponibles, au soir du 1er janvier 2017, nous proposions 129.159 places d'hébergement sur l'ensemble du territoire métropolitain. Nous avons ainsi créé en moyenne 10.000 places chaque année, soit une progression de 50% en près de 5 ans.
Pour ce qui est de l'actualité la plus brûlante, les Demandes Non Pourvues sont en baisse de 5% par rapport à la même période l'hiver dernier, pour s'établir à 31% (chiffre qui ne peut nous satisfaire malgré tout). Sous ces mentions un peu techniques, vous comprendrez que ces chiffres parlent de milliers de destins qui ont pu être rattrapés, d'accidents de vie qui ont trouvé une issue plus favorables que la rue, ses dangers, ses trafics et ses périls.
Vous le savez, ces engagements ont connu des traductions budgétaires elles-mêmes inédites. Le budget de l'hébergement a été considérablement renforcé en 5 ans. En 2012, on consacrait 1,2 milliards d'euros à l'hébergement. En 2017, ce sera 1,7 milliards, en nette progression par rapport à 2016, de 200 millions. Et en 2016, pour faire face à la crise migratoire tout en poursuivant notre effort sur l'hébergement classique, nous n'avons pas hésité, par le biais de deux décrets d'avance, en octobre et en décembre, à renforcer notre capacité d'intervention de 184 millions d'euros.
La mobilisation des services de l'Etat et des Préfets a ainsi été totale ces derniers mois pour maximiser nos engagements et les mettre en adéquation avec les réalités des territoires. Et pour en finir avec ces nécessaires histoires de gestion, nous allons déléguer en région les premiers crédits de l'année dans les prochains jours.
Mais les chiffres ne font pas tout. Ils nous permettent simplement d'objectiver des transformations qualitatives importantes. Le plan de réduction des nuitées hôtelières, par exemple, vise à mettre fin à l'augmentation continue et considérable de l'utilisation de l'hébergement à l'hôtel et à offrir aux familles des conditions d'hébergements plus dignes et mieux adaptées à leurs besoins.
Nous avons voulu d'abord stabiliser le nombre de nuitées hôtelières avant de le faire descendre. Comme l'a dit une bonne connaissance du système d'hébergement, le recours à l'hôtel est « une drogue dure » dont nous sommes en train de nous désintoxiquer.
Mais la réalité, vous la connaissez mieux que moi, c'est que la création de places alternatives ne se fait pas dans les mêmes temporalités que les besoins d'hébergement. Il faut évidemment plus de temps pour créer du logement adapté que pour réserver une nuitée supplémentaire à l'hôtel. Et il n'était pas question d'imposer immédiatement une réduction sans solution alternative, au risque sinon de mettre des milliers de personnes à la rue.
Nous devons tous ensemble, services de l'Etat et opérateurs, faire notre révolution culturelle sur cette question. Je sais que nous avons pu compter sur les adhérents de la FAS pour contribuer à faire changer les mentalités et à renouveler nos ambitions.
A l'autre bout du parcours de l'hébergement, depuis 2012, le nombre de places en logements accompagnés a augmenté de près de 70%, soit 90 000 places. Et c'est un effort considérable que le Président de la République nous a demandé de poursuivre en lançant l'année dernière un plan de développement de 7500 places en pensions de famille en 5 ans.
Dès le début de cette année, pour donner une meilleure visibilité aux acteurs de terrain, pour que les projets se mettent en place rapidement, pour leur donner une traduction budgétaire claire, je souhaite fixer des objectifs régionaux de création de ces places. En alliant le respect des spécifiés territoriales à l'ambition nationale, dans le cadre d'un véritable rapport partenarial avec vous, nous pourrons tenir cet engagement.
Mais nous savons tous que la production de places d'hébergement ne serait rien si nous n'avions pas une politique volontariste pour le logement abordable, pour permettre aux personnes pauvres de trouver à se loger, y compris dans les grandes métropoles.
Ainsi, depuis 2012 (en comptabilisant les logements ANRU), nous avons déjà produit un total de 478 969 logements sociaux financés, dont 104 186 PLAI.
Pour 2016, j'attends encore la consolidation des remontées, mais nous devrions, quoi qu'il en soit, être en progression importante par rapport à l'année 2015. Et la part de PLAI doit se maintenir au-delà des 25%.
Mais, vous le savez, on ne met pas fin à une crise du logement vieille de plusieurs décennies en 5 ans. Le rythme devra se poursuivre en 2017, et je veille à prolonger nos efforts pour qu'un maximum de projets aboutisse.
Cela dit, je dois à la vérité de le dire devant vous : une partie des programmes et des intentions des candidats à l'élection présidentielle m'inquiète pour l'avenir des plus précaires. Quand on m'interpelle en plein pic de froid sur le sort des SDF, mais qu'on veut brader le logement social. Quand on participe à des actions de charité, mais qu'on fait tout pour ne pas respecter la loi SRU. Quand on met les mots République et devoir dans chaque phrase, mais qu'on joue des égoïsmes territoriaux pour s'exonérer de l'impératif de solidarité nationale : ce n'est simplement pas tolérable.
Alors, oui, en plein accord avec vous, et avec d'autres comme la Fondation Abbé Pierre, avec la plupart des acteurs de la solidarité, on doit répéter que la question de l'hébergement se règlera dans le logement et c'est à cela que nous devrons être collectivement attentifs.
Nous devons bien entendu faire plus, mais nous avons aussi la nécessité de faire mieux pour améliorer la vie des personnes hébergées, leur insertion sociale, la mobilisation de leurs droits. Dans le dialogue permanent avec les nombreux acteurs de l'hébergement et en particulier avec votre infatigable président, Louis Gallois, et avec votre dynamique directeur général, Florent Gueguen, que je salue tous les deux, je veux continuer la mue des pratiques et des dispositifs de l'hébergement.
Tout d'abord, il faut rappeler un principe essentiel : l'hébergement n'est pas un horizon de vie. Nous devons tous tendre vers l'autonomie des personnes hébergées, dès leur entrée dans nos centres, mêmes pour les personnes qui semblent les plus éloignées de ce que les spécialistes appellent le « savoir-habiter ». Une vie autonome, une vie de citoyen, c'est une existence avec un logement car cela engage tous les autres pans de nos vies.
Nous avons des réussites qui doivent nous guider en ce sens. L'expérimentation « un chez soi d'abord » entamée en 2012 a montré que l'on pouvait réinsérer des exclus, avec des troubles psychiques importants, en les accompagnant dans le logement. Pour bon nombre d'acteurs, il a fallu pour cela « penser à l'envers ». Et cela fonctionne très bien pour les personnes qui peuvent ainsi se redresser, tout en contribuant à l'équilibre de l'ensemble de notre système d'accueil. Cette expérience, j'ai voulu la pérenniser et nous engagerons le travail pour l'extension dès 2017 bien au-delà des 4 villes d'origine. Le décret est paru en toute fin d'année dernière.
Notre enjeu commun, c'est aussi de mieux comprendre nos publics, mais également de poser un diagnostic plus précis et mieux partagé des besoins des plus précaires.
Ce que l'on ne mesure pas, on ne peut l'améliorer. Je me souviens que le baromètre du 115 est né à une époque durant laquelle régnait une véritable omerta sur les chiffres et les réalités. Il fallait bousculer ces vieilles habitudes régaliennes qui consistent à penser qu'on gouverne mieux à l'abri des regards. Vous l'avez fait et vous avez bien fait.
Aujourd'hui, c'est une première et je suis heureuse de vous l'annoncer ici, je vais donc rendre publics et transparents les grands indicateurs de l'hébergement en France.
J'ai demandé à la Direction Générale de la Cohésion Sociale de nous permettre de publier dès février 2017 les principales remontées : le nombre de places d'hébergement pérennes, le nombre de places du dispositif hivernal, les Demandes Non Pourvues, les disponibilités dans le parc d'hébergement. Au même titre que j'ai voulu faire la transparence sur les chiffres du logement social, je publierai sur le site du Ministère du Logement les grands indicateurs de l'hébergement.
Plus largement, en ce qui concerne les données de l'hébergement, nous avons la nécessité de faire converger nos diagnostics. C'est dans l'intérêt des politiques publiques, des personnes qui en sont bénéficiaires, et de notre crédibilité commune.
Je ne me résous à laisser perdurer un hiatus entre les chiffres des services de l'Etat, qui proviennent des SIAO eux-mêmes, et les constats des grands acteurs de la solidarité.
J'ai donc demandé à mon cabinet et à mes services de monter très rapidement un groupe de travail pour analyser les données et les faire converger autant que possible. Et je crois que la généralisation du SI-SIAO, dont le volet "Urgence" est en cours de test par des 115 volontaires permettra à terme, grâce à la précision et au caractère homogène des définitions des concepts, de mettre fin aux querelles de chiffres.
Ainsi chers amis, bientôt - et je vous le dis en forme de boutade - nous serons peut-être en désaccord, mais nous le serons sur des bases communes
Enfin, pour en finir avec notre volonté partagée d'évaluation, j'ai décidé de contribuer, au titre du ministère du Logement et de l'Habitat durable, au financement de l'étude commandée par la FAS sur les différents publics auxquels se consacrent ses adhérents.
Elle s'installera sur une longue durée, questionnera 1000 personnes et nous permettra, 15 ans après la grande enquête que vous aviez commandée à Serge Paugam et Mireille Clémençon, de mettre en perspective les mouvements de notre société et d'en prendre une photographie qui nous permettra à tous de progresser dans la prise en charge des différents publics.
Toujours dans l'idée de contribuer à l'amélioration de nos dispositifs, comme nous en a donné l'obligation la loi ALUR, nous allons transmettre au Parlement le rapport sur « Le statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement ».
Vous avez grandement contribué à la production de ce rapport où vous avez abordé des questions essentielles comme le statut des personnes accueillies, le statut des institutions, les obligations en termes de ressources humaines et de besoin matériel, et bien sûr les modalités de financement.
Je proposerais très rapidement de reprendre un groupe de travail sur cette question, qui demande à la fois de dépasser nos habitudes et de prendre en compte avec finesse les réalités.
Pour finir, je dois vous dire quelques mots sur la mobilisation qui nous occupe tous en cette période hivernale. En cas de nouvelle vague de froid, je donnerai des instructions claires aux préfets pour harmoniser et améliorer la prise en charge et les délais de réaction. Aucun problème budgétaire ne pourra venir retarder notre action, car j'ai fait en sorte que des crédits soient délégués tout début janvier, avec plus de 3 semaines d'avance par rapport aux autres années.
Enfin, sachez que nous préparons d'ores et déjà la pérennisation de places hivernales pour les intégrer dans le parc pérenne. Je ne veux pas vous annoncer un chiffre cette année, mais une ambition. Mon cabinet et les services sont d'ores et déjà mobilisés sur cette question, et j'enverrai un courrier aux préfets dans le courant du mois de février pour anticiper la sortie de l'hiver.
Pour autant, je n'en oublie pas les difficultés que nous rencontrons tous au quotidien.
Nous ne pouvons pas faire abstraction d'une atmosphère politique pénible. C'est un combat quotidien, dans tous nos territoires, que de faire de la place aux plus précaires, aux plus fragiles, qu'ils soient des hommes isolés venus du bout du monde, des grands exclus ou des femmes victimes de violence intra-familiales.
Pour certains élus, ce n'est jamais ni le bon moment, ni le lieu de se montrer solidaires avec celles et ceux que la vie n'a pas épargné. Sur certains territoires, nous avons batailler ferme pour ouvrir des CAO, des Centres d'Hébergement d'Urgence ou encore pour créer des logements sociaux.
Il faut être clair, à l'approche des élections, certains exacerberont les tendances au repli, à l'égoïsme local, au dévoiement des engagements républicains.
Il n'est pas question d'accepter que la tentation du repli permette de s'exempter des devoirs de solidarité qui incombent à tous. Pour ma part, je ne fais pas de différence ni de hiérarchie entre les précarités et entre les exclusions. Ce sont les mêmes qui refusent un centre d'accueil pour migrants qui tentent tout pour ne pas appliquer la loi SRU.
Il faut avoir vu la majorité sénatoriale tout faire pour remettre en question cette grande loi de solidarité à l'occasion de la discussion du projet de loi Egalité et Citoyenneté avec lequel nous reprenons le pilotage du contingent préfectoral des logements sociaux.
Alors je veux le dire solennellement : nous ne laisserons pas faire cela. Comme l'a dit le Premier Ministre devant la représentation nationale, nous devons faire de chaque jour un jour utile pour nos concitoyens. Je m'y engage, et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation sans faille pour que chaque territoire prenne sa part dans l'effort de solidarité.
Vous avez la lourde tâche d'acclimater les politiques publiques sur votre territoire, mais je sais que vous êtes aussi de véritables vigies républicaines et que vous dénoncerez les petites stratégies égoïstes de ceux qui font tout pour fermer les portes aux plus fragiles.
Il faudra pour cela porter haut et dans la durée l'exigence d'une politique globale contre la pauvreté et pour le logement accessible à tous. Cette vision large, la seule à même de faire enfin reculer la précarité et l'exclusion, vous l'exprimez à travers vos « propositions pour investir dans la solidarité », et je suis à vos côté dans ce combat.
A titre d'exemple, l'encadrement des loyers, dont vous prônez l'application à l'ensemble des agglomérations en tension, et dont on m'a rabâché l'impossibilité politique de l'étendre au-delà de Paris lorsque je suis entrée au Gouvernement : il entrera en vigueur à Lille dans quelques jours, et dans l'ensemble de l'agglomération parisienne dans quelques mois.
Alors oui, nous avons besoin d'être collectivement intraitables face à ceux, peu nombreux mais bruyants et parfois violents, qui font le pari électoral du grand renfermement et de l'égoïsme. Ce n'est pas le nôtre, et ce n'est surtout pas la réalité des Français.
Car à côté de quelques démagogues et pyromanes, au-delà des peurs et des préventions, nous voyons se lever des vagues de solidarité. Partout, des trottoirs du Nord-Est parisien jusqu'aux plus petits villages, une France bienveillante et généreuse s'exprime.
Elle n'a ni parti ni confession. Elle se déclare seulement solidaire et dit sa volonté de faire une place à celles et ceux qui ont fui la guerre, à celle qui a quitté un mari violent, à celui dont la maladie a compliqué le parcours. A bas bruit, sans déclaration tonitruante, sans faire la une des journaux, des citoyens s'organisent pour donner du sens aux mots fraternité.
Cette France-là, c'est la nôtre, celle que vous incarnez, celle qui refuse d'avoir peur et de se fermer, celle qui au contraire agit et va vers l'autre.
Professionnels ou bénévoles, élus ou simples citoyens, engagés d'un jour ou d'une vie, c'est en ne nous résignant jamais à la douleur, à la détresse, à l'exclusion, que nous inventerons un monde durable et solidaire.
Je vous remercie.Source http://www.logement.gouv.fr, le 16 janvier 2017