Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-suédoises et euro-turques, à Stockholm le 13 mars 2017.

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Circonstance : Déplacement en Suède-conférence de presse conjointe avec son homologue suédois, Mme Margot Wallström, à Stockholm le 13 mars 2017

Texte intégral


* Union européenne - Relations bilatérales
Merci Margot. Merci beaucoup pour ton accueil. Nous nous voyons souvent aux dans les réunions internationales et à Bruxelles à Paris, encore il y a peu de temps à l'occasion de la conférence que la France avait organisée le 15 janvier pour la paix au Proche-Orient. La Suède est un partenaire de confiance très engagé sur le conflit israélo-palestinien, pour remettre à l'ordre du jour la perspective et la nécessité de deux États. Donc je profite de cette occasion pour remercier la Suède, remercier Margot Wallström pour son engagement et celui de son pays. Et puis cela faisait plusieurs mois que nous évoquions ma visite en Suède. Nous avons enfin pu trouver une date et c'est l'occasion d'approfondir notre dialogue et nos échanges, parce que nous voyons bien que, dans ce moment d'incertitude que le monde traverse, les valeurs et les principes que la France et la Suède partagent doivent demeurer une boussole pour notre action, en particulier pour l'avenir de l'Union européenne.
Nous avons évoqué, bien sûr, nos relations bilatérales. La France est présente dans tous les domaines, en particulier sur le plan économique. J'aimerais donner deux chiffres : 100.000 Français travaillant dans des entreprises suédoises en France, 40.000 Suédois pour les entreprises françaises dans des secteurs comme l'énergie, le transport, le logement qui sont aussi des secteurs d'excellence de la France. Tout à l'heure je visiterai avec Mme la Maire de Stockholm l'éco-quartier d'Hammarby Sjöstad. Il y aussi le domaine de l'université et de la recherche, les échanges d'étudiants, le secteur de la culture. Je me souviens de cette exposition «un Suédois à Paris au XVIIIème siècle» au Musée du Louvre. La France en Suède est aussi présente au Stockholms Kulturnatt et va poursuivre cette action.
Je voudrais remercier à cet instant la Suède pour la solidarité qu'elle a manifestée, après les attentats qui ont profondément touché mon pays. Et je voudrais encore une fois exprimer ma gratitude aux Suédois et leur dire notre reconnaissance d'avoir apporté leur soutien dans le cadre de l'article 42.7 du traité de l'Union européenne. Sur le plan international, je tiens à saluer ici l'intense coopération qui est la nôtre au conseil de sécurité dont est désormais membre la Suède, un membre particulièrement actif. Nous nous retrouvons sur des questions essentielles comme la lutte contre les dérèglements climatiques, le développement et en particulier de l'Afrique, mais aussi en associant sécurité et développement en Afrique, au Sahel où nos deux pays sont engagés dans la MINUSMA. Et puis, dans la mesure où nous pouvons apporter notre contribution ensemble, pour la résolution des crises, je pense à l'Ukraine, je pense à la Syrie. Et concernant la Syrie nous sommes très attachés au processus de négociation qui est engagé à Genève. Je voudrais aussi saluer l'implication personnelle de Margot Wallström sur l'agenda «Femme, paix et sécurité» de l'ONU, en apportant tout le soutien de la France. Nous avons le 8 mars à Paris organisé une rencontre internationale à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Nous avons adopté une déclaration que nous avons appelé le «Serment de Paris».
Bien sûr, nous avons évoqué l'avenir de l'Union européenne à quelques jours du 60e anniversaire du Traité de Rome. Et notre dialogue a pour objectif de renforcer cette Union, d'autant plus qu'après la décision du Brexit il est important de montrer au monde et d'abord aux Européens que l'Union européenne est l'avenir de nos nations et que nous ne devons pas aborder la question de la négociation du Brexit séparément mais solidairement et avec la volonté de faire une négociation qui soit non pas agressive mais équitable et respectueuse des intérêts de chacun.
Bien entendu des questions aussi difficiles que la crise migratoire ont été à l'ordre du jour de nos échanges.
Et puis l'agenda social européen. La Suède a pris l'initiative d'approfondir l'Europe sociale en organisant un sommet social pour les emplois et la croissance durable le 17 novembre prochain à Göteborg. La France salue cette initiative et apportera sa contribution pour que ce sommet soit une vraie réussite pour les Européens.
Plus que jamais en effet nos pays doivent être unis sur des valeurs, des principes qui paraissent établis mais qui peuvent être en permanence remis en cause : l'État de droit, la paix, la démocratie, la solidarité, l'attachement au multilatéralisme. Et c'est la raison pour laquelle nous avons aussi exprimé notre souhait à une coordination plus grande dans le domaine de la défense, l'Europe de la défense, même si chacun a son approche et son histoire. C'est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que le monde incertain dans lequel nous vivons et que j'ai évoqué au début de mon propos a été accentué avec l'élection d'un nouveau président aux États-Unis et que nous avons besoin d'être éclairés, nous avons besoin d'être rassurés. C'est pourquoi avec les États-Unis nous voulons poursuivre évidemment le dialogue, mais dans la transparence. Nous serons d'ailleurs ensemble prochainement à Washington le 21 et 22 mars à la réunion de coalition contre Daech contre le terrorisme. Nous rappellerons à cette occasion notre attachement au multilatéralisme, au respect du droit à l'échelle internationale, basé sur les valeurs qui ont été établies après la Deuxième guerre mondiale, en particulier la déclaration universelle des droits de l'Homme, qui encore une fois guide notre action et notre engagement. (...).
* Turquie
(...)
Q - Question sur la Turquie/ réactions aux propos du ministre et du président turc/ que va faire l'Europe concrètement
R - Oui, nous avons parlé de cette question ensemble, parce que nous sommes confrontés à la même situation : des associations turques, des résidents turcs dans chacun de nos pays, qui souhaitent organiser des réunions à l'occasion de la campagne pour le référendum constitutionnel qui a lieu en Turquie dans quelques jours. C'est une question qui doit être abordée sur la base du droit et des principes.
En ce qui concerne la France, nous avons rappelé que les membres de l'Union européenne sont des États qui respectent la liberté de se réunir. C'est la raison pour laquelle lorsque nous avons fait l'objet de demandes de réunions, nous les avons examinées sous cet angle . Et notamment pour savoir s'il existe des menaces à l'ordre public ; et le cas échéant, interdire les réunions. Dans le cas de la réunion qui s'est tenue à Metz, après une enquête approfondie du préfet, représentant de l'État dans cette région, aucune menace avérée à l'ordre public n'a été constatée.
En ce qui concerne les autres pays européens, Margot répondra pour la Suède, mais c'est sur ces bases que des décisions d'interdiction ont été prises. Naturellement, la France est aussi solidaire de ses partenaires européens. C'est pourquoi hier, j'ai appelé à l'apaisement. Et j'ai demandé aussi aux autorités turques de s'abstenir de toute déclaration qui pourrait être interprétée comme une vraie provocation. Il est vrai que quand on emploie les mots «nazisme» ou «fascisme», cela ne peut qu'être ressenti douloureusement par les pays qui sont visés. Ce n'est pas une bonne méthode, ce n'est pas acceptable. C'est un message que j'adresse également aux autorités turques.
De même, la France est attentive à ce que l'État de droit soit respecté partout, y compris en Turquie. J'ai eu l'occasion lors de ma visite à Ankara, en présence de mon homologue turc, à l'occasion d'une conférence de presse, d'être très clair sur ce point et de rappeler que la Turquie est un pays membre du Conseil de l'Europe, que la Turquie a signé et ratifié la convention européenne des droits de l'Homme et, qu'à ce titre, cela implique évidemment des devoirs qu'il est important de rappeler. Je constate que cet appel à l'apaisement, l'appel au respect de l'État de droit a été rappelé par Mme Mogherini il y a quelques instants dans une déclaration qu'elle a faite sur la situation en Turquie. Elle a rappelé également qu'il appartenait à chaque État membre de l'Union européenne, en fonction des règles de droit qui prévalent dans chaque pays, de prendre les décisions qui s'imposent, tout en souhaitant l'apaisement. Car l'apaisement c'est la bonne méthode ; l'escalade verbale, l'agressivité n'est pas une méthode et ne peut être que préjudiciable à des relations qui doivent être équitables et calmes entre les pays membres de l'Union européenne et la Turquie. Il est vrai que, dans les pays où ont lieu des élections - je pense à mon pays -, il y a un risque de polémique et d'exploitation politicienne. Je crois qu'une fois que les principes sont clairs et qu'on s'y tient, une fois qu'on a rappelé à tout le monde - et en particulier aux autorités turques - que nous ne pourrons accepter ni ingérence dans notre pays à l'occasion des échéances électorales, ni de paroles excessives, alors les choses sont dites et j'espère que chacun sera conscient qu'il est temps de garder son calme et son sang-froid, sans renoncer pour autant à ses principes et à ses valeurs.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2017