Interview de M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au numérique, à France Inter le 19 juin 2017, sur les résultats du deuxième tour des élections législatives, l'abstention, la représentation proportionnelle et les projets de réforme du Gouvernement, notamment du Code du travail.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN
Bonjour Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
PATRICK COHEN
Secrétaire d'Etat au Numérique. Vous êtes l'un des six ministres candidats élus députés hier, vous allez donc rester au gouvernement ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est la décision du Premier ministre et du président, vous savez, c'est ce qui va se passer dans les prochaines heures. Edouard PHILIPPE va présenter la démission de notre gouvernement, et il présentera un nouveau gouvernement qu'Emmanuel MACRON choisira d'accepter.
PATRICK COHEN
Un nouveau gouvernement, dont vous serez ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je pense, je l'espère, mais c'est entre leurs mains.
PATRICK COHEN
C'est entre leurs mains. Christophe CASTANER, porte-parole, parle ce matin de remaniement technique.
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, c'est ce que je pense qui va se passer. Aujourd'hui, tous les ministres ont fait leur travail, les six qui étaient candidats ont été élus, maintenant, il y a des nouveaux sujets à porter, donc je pense que c'est au tour de ces sujets-là qu'on aura des nouveautés.
PATRICK COHEN
Des nouveautés, donc ça veut dire des ministres supplémentaires, mais pas forcément du parti…
MOUNIR MAHJOUBI
Je dois vous avouer que je n'ai pas été consulté par le président de la République et par le Premier ministre sur ce sujet-là, et donc je ne peux pas vous dire…
PATRICK COHEN
Et ce sera quand ? Ce sera ?
MOUNIR MAHJOUBI
Donc la démission aura lieu aujourd'hui…
PATRICK COHEN
Donc démission aujourd'hui…
MOUNIR MAHJOUBI
Comme il est de pratique après chaque élection législative, et dans les heures et les jours qui suivent.
PATRICK COHEN
Alors, Mounir MAHJOUBI, vous avez été élu à Paris, dans la circonscription de Jean-Christophe CAMBADELIS, mais avec seulement 51 % des voix, 700 voix d'avance sur la candidate de la France Insoumise, alors qu'au premier tour, vous en aviez 6.000 d'avance. Qu'est-ce qui s'est passé ?
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, eh bien, il faut beaucoup d'humilité en politique, et à chaque élection. Et ce qui s'est passé hier, c'est un taux d'abstentions extrêmement élevé, des gens qui ne sont pas revenus voter, des nouvelles personnes qui sont venues voter qui n'avaient pas voté au premier tour, qui se sont mobilisées, et je pense que là, la leçon de ces deux tours, de ces quatre tours, avec la présidentielle, c'est vraiment tous ceux qui ne sont pas venus voter du tout. Alors, il faut remercier ceux qui sont venus, moi, je veux remercier ceux qui ont voté pour moi, mais je veux aussi remercier tous ceux qui ont voté la République En Marche, y compris ceux qui n'étaient pas complètement avec nous, mais qui avaient envie de voir et qui avaient envie de nous donner une majorité pour voir ce qu'on pouvait porter tous ensemble, mais surtout, là, il faut rester humble, c'est tous ceux qui ne sont pas venus voter du tout.
PATRICK COHEN
Oui, mais enfin, il y en a beaucoup qui sont venus voter pour votre adversaire, elle a gagné 6.000 voix d'un tour à l'autre.
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, mais, vous savez, c'est un arrondissement particulièrement à gauche, il y a une grande recomposition, les deux profils que nous représentions, les deux partis que nous représentions étaient très nouveaux, on ne savait pas ce que les électeurs du Parti socialiste allaient faire, on ne sait pas ce que les électeurs Verts allaient faire, on ne sait pas ce que les électeurs de l'extrême gauche traditionnelle, du Parti communiste traditionnel… vous savez, c'est une circonscription très riche avec de très nombreux partis de gauche représentés depuis très longtemps.
PATRICK COHEN
Quel est le message politique que vous en tirez, Mounir MAHJOUBI ? Vous n'y voyez pas un avertissement, l'idée que vous n'avez pas tout à fait les mains libres dans cette nouvelle Assemblée nationale ?
MOUNIR MAHJOUBI
En tout cas, vous avez, on nous avait dit qu'on n'aurait jamais de majorité, et puis, après, on nous a dit qu'on allait avoir une majorité trop importante, et puis, maintenant, on nous dit : vous avez vu, elle est limite, votre majorité. Je pense que, aujourd'hui, ceux qui avaient peur qu'il n'y ait pas d'opposition sont rassurés, il y aura bien une opposition, une diversité des partis représentés…
PATRICK COHEN
Ça, c'est une bonne nouvelle ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est une bonne nouvelle, parce que, à titre personnel, j'aime beaucoup le débat, et j'espère que cette assemblée en sera un bon exemple, et j'espère que le débat y sera serein, et qu'on pourra aller loin dans les sujets que nous présenterons…
PATRICK COHEN
Eh bien, serein, en tout cas, il y aura quelques grandes voix, quelques grandes figures, Jean-Luc MELENCHON, Marine LE PEN, c'est une bonne chose tout ça qu'ils soient représentés à l'Assemblée ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est une très bonne chose, et vous le savez, dans la réforme, on propose une consultation, un dialogue avec les Français dans les prochaines années, pour une réforme constitutionnelle afin d'introduire ce qu'on a appelé une dose de proportionnelle dans cette élection des législatives, parce qu'il y a un problème, les gens qui ne sont pas venus voter, il y a un ras-le-bol de cette élection qui a trop duré, l'élection, le cycle électorat dure depuis près d'un an et mi avec les premières primaires, et il y a la question de la confiance dans la politique, et puis, il y a un troisième sujet qui est : est-ce que, institutionnellement, on est encore bien configuré ? Est-ce qu'une législative avec un mode de vote comme celui-ci, juste après une présidentielle, est le meilleur mode possible. Donc cette discussion avec les Français à l'introduction d'une dose de proportionnelle, elle sera essentielle pour remobiliser les Français aux prochaines élections.
PATRICK COHEN
Une dose de proportionnelle, ça, on entend, donc pas de proportionnelle intégrale, ça, vous n'y êtes pas favorable. Emmanuel MACRON non plus, mais une dose de proportionnelle, et une réflexion y compris aussi sur le calendrier électoral, qui fait que ces législatives arrivant après la présidentielle, ça puisse poser question…
MOUNIR MAHJOUBI
Ce n'est pas dans les annonces que nous avons faites, mais par contre, ça doit faire partie de la réflexion, c'est-à-dire, de se dire : vu ce calendrier, vu ce cycle aujourd'hui, qu'est-ce que ça veut dire pour cette introduction une dose de proportionnelle.
PATRICK COHEN
Alors, je reviens au message du second tour des législatives, je parlais d'avertissement il y a un instant, c'est vrai qu'il y a un certain nombre de candidats d'En Marche, de la République En Marche, qui étaient en ballotage favorable et qui ont échoué pour quelques dizaines de voix, vous auriez pu en faire partie, Mounir MAHJOUBI, ce n'est pas passé loin.
MOUNIR MAHJOUBI
Merci de le rappeler pour la troisième fois.
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il n'y a pas l'idée que certains de vos projets inquiètent, notamment la réforme du code du travail ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne pense pas que ce soit aussi binaire, je pense qu'il y a un message plus global qui est que, après le score très important qu'on a fait au premier tour, il a pu y avoir des inquiétudes, il y a eu une très forte mobilisation des partis en face. Moi, je veux reconnaître le travail quand même sur le terrain des partis qui se sont opposés à nous, la France Insoumise a fait une très belle campagne de second tour, peut-être meilleure que celle du premier tour, c'est le cas chez moi, c'est le cas un peu partout en France, donc il y a eu une mobilisation d'un côté, et de l'autre, peut-être, des Français qui ont été désabusés par tout ce que l'on disait sur cette hyper majorité à venir.
PATRICK COHEN
Et cette mobilisation, elle n'est pas tombée du ciel, elle vient de l'inquiétude de l'opposition à certains de vos projets de réformes, non ?
MOUNIR MAHJOUBI
La mobilisation, c'est toujours une somme de deux choses, entre l'intérêt qu'on a pour un projet et le rejet qu'on a de l'autre, donc, je ne pourrai pas vous dire les chiffres exacts de cette équation, mais certains ont pu être inquiétés, les inquiétudes ont pu être nourries, et certains projets ont pu mieux se présenter aux Français.
PATRICK COHEN
La réforme du marché du travail elle sera débattue assez rapidement à l'Assemblée nationale, si on a bien compris, la loi d'habilitation, elle viendra assez rapidement ?
MOUNIR MAHJOUBI
Elle sera un des premiers textes, juste après celui de la confiance dans la vie politique, qui, lui, est celui qui commencera à être débattu dans les prochains jours.
PATRICK COHEN
Présenté par François BAYROU, ce qu'on a appelé la Moralisation de la vie publique, et ensuite la loi d'habilitation. Ça veut dire que les députés vont débattre de la loi d'habilitation avant que les syndicats n'aient fini de discuter avec le ministère du Travail ?
MOUNIR MAHJOUBI
Les consultations des syndicats ont déjà démarré, les syndicats ont déjà tous pu présenter leur feuille de route, avec leurs lignes rouges, avec leurs propositions, avec leurs demandes, la loi d'habilitation sera construite avec les syndicats, mais la consultation et l'information du Parlement commencera avant la présentation complète de la loi d'habilitation.
PATRICK COHEN
Donc, on y verra plus clair sur les intentions du gouvernement, assez vite, dans les prochaines semaines ?
MOUNIR MAHJOUBI
Dans les prochaines semaines. Vous savez, on est déjà à la fin du mois de juin, on parlait d'une date du 20 septembre, donc oui, ça avance, c'est un des sujets extrêmement important, et encore une fois, l'ordonnance, ce n'est pas un décret, c'est-à-dire qu'il y aura bien consultation, implication des syndicats pendant toute cette période de consultations, et implication du Parlement et de tous les élus, et de tous les groupes d'opposition, dans les prochaines semaines.
PATRICK COHEN
Jean-Christophe CAMBADELIS, que vous avez éliminé dès le premier tour, a annoncé sa démission hier soir, il ne va plus diriger le Parti socialiste. C'était l'un de vos objectifs, Mounir MAHJOUBI, dégager le leader du PS ?
MOUNIR MAHJOUBI
Un de mes objectifs c'est de construire la République En Marche, un de mes objectifs, c'est de créer une majorité pour la République En Marche, j'ai quitté le Parti socialiste il y a maintenant plus d'un an…
PATRICK COHEN
C'est pour ça que je vous en parle aussi.
MOUNIR MAHJOUBI
Et je l'ai quitté, en partie, parce que ce parti n'avait plus été capable de se transformer. Et tout à l'heure, je vous disais, un des objectifs de la République En Marche, c'est de changer la façon qu'on va avoir de parler aux Français et de travailler avec les Français. Le parti continue de vivre, il va falloir qu'on se transforme, puisqu'on est un parti d'élections, maintenant, il faut qu'on soit un parti du quotidien, et donc notre volonté, c'est d'être toujours utile, mais cette invitation qu'on se fait à nous-mêmes, moi, je la fais aux autres partis, et c'est aujourd'hui le débat qui va avoir lieu au Parti socialiste, ces partis doivent se transformer. S'ils veulent continuer à survivre, s'ils veulent continuer à incarner une pensée, il faut qu'ils changent la façon qu'ils ont d'impliquer les Français, de parler aux Français.
PATRICK COHEN
Et c'est un débat que vous regarderez avec intérêt ou c'est une autre partie de vie politique, le débat au Parti socialiste ?
MOUNIR MAHJOUBI
Pour moi c'est un passé absolu, et ce débat ne m'intéressera que très peu. Ceux qui portaient les idées qui étaient les miennes, au Parti socialiste, sont partis, et nous sommes partis ensemble, à la République En Marche, tout comme ceux qui à droite portaient une partie de mes idées, nous ont rejoints, moi, je suis très bien aujourd'hui à la République En Marche.
PATRICK COHEN
Et vous avez été surpris de la débâcle de CAMBADELIS dans votre circonscription ? Il a fait moins de 10 % des voix au premier tour.
MOUNIR MAHJOUBI
Oui, c'était surprenant, parce qu'il pensait avoir une assise historique, il était là depuis longtemps, et puis le candidat Vert, qui est un élu local, a fait près de 3 % de plus que lui. Une élection ça rend hyper humble sur la réalité fantasmée d'une relation avec les habitants et la réalité du bulletin de vote, et du quotidien qu'on peut avoir avec eux.
PATRICK COHEN
Merci Mounir MAHJOUBI d'être venu ce matin au micro de France inter.
MOUNIR MAHJOUBI
Merci beaucoup.
PATRICK COHEN
Secrétaire d'Etat au Numérique, et qui devrait le rester.Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juin 2017