Interview de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, avec Radio Classique le 7 juillet 2017, sur le plan climat présenté par Nicolas Hulot, la réunion du G20 à Hambourg et sur la vie politique.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


RENAUD BLANC
08h14, sur Radio Classique. Bonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Bonjour.
RENAUD BLANC
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. On va beaucoup parler de l'international, parce que les sujets ne manquent pas, et puis bien sûr du gouvernement, des débuts de ce gouvernement, mais tout de suite, « Les coulisses du pouvoir » avec Guillaume TABARD.
- « Les coulisses du pouvoir » -
RENAUD BLANC
Rebonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Rebonjour.
RENAUD BLANC
Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. On vient d'écouter Guillaume TABARD avec intérêt, c'est vrai que ce plan présenté par Nicolas HULOT est de très grande ampleur, mais beaucoup parmi même des gens qui lui sont proches, disent : « Le problème c'est que ce n'est pas très concret, c'est pas très chiffré ».
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais, vous savez, il indique un cap, et le cap il faut avoir une vision qui est à longue échéance, comment veut-on transformer le pays, comment veut-on faire en sorte que la France aborde cette transition écologique qui est en fait une composante dans notre transformation économique, les modèles évoluent, les business-modèles évoluent, il faut prendre en compte tout cela, et donc l'industrie automobile, par exemple, qui est très concernée par ce plan, elle fait sa mutation, on le voit, et donc...
RENAUD BLANC
400 000 personnes travaillent dans le secteur automobile, et donc, plus de voitures, ça peut poser des problèmes d'emploi.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, plus de voitures thermiques.
RENAUD BLANC
Plus de voitures thermiques, oui.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais on le voit bien, la transformation elle est vraiment en cours, avec des modèles qui sortent, qui maintenant ont une autonomie de plus en plus grande en électrique, et tout cela c'est de l'innovation, c'est de la R&D, et donc la France, qui est d'ailleurs très en pointe dans ces domaines-là, je crois, ne peut que conforter et doit conforter son avance, et donc ça veut dire qu'il ne faut pas être frileux, il faut y aller à fond et c'est l'objet du plan de Nicolas HULOT.
RENAUD BLANC
Alors, Jean-Baptiste LEMOYNE, je rappelle, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Il y a un G20 qui va débuter dans quelques heures, un G20 sous haute tension. On attend beaucoup de ce premier face à face entre Vladimir POUTINE et Donald TRUMP. Est-ce que vous aussi vous attendez, avec beaucoup d'intérêt, cette rencontre entre le président américain et le président russe ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Eh bien je note déjà que par exemple Emmanuel MACRON, le président de la République française, lui, a d'ores et déjà eu des tête à tête, des face à face avec l'un comme avec l'autre, et donc...
RENAUD BLANC
Oui, on a beaucoup commenté les poignées de mains du président.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Donc, ce que je veux dire, c'est que, alors même qu'il y a ce premier tête à tête TRUMP – POUTINE, vous avez vu que la France, elle, n'a pas attendu et a été de retour sur la scène internationale très rapidement, et qu'Emmanuel MACRON a suscité justement une attente, une espérance, et qu'un certain nombre de partenaires dans le monde sont très heureux de pouvoir agir avec lui, pour, en matière de commerce international, avoir des résultats très rapidement. Naturellement, en matière de climat, pouvoir défendre et mettre en oeuvre cette COP21, l'accord de Paris.
RENAUD BLANC
Ça veut dire que vous allez reparler en Allemagne, énormément, climat avec TRUMP, parce qu'on sent que chez les Français, on va beaucoup insister sur ces accords de Paris. Est-ce que c'est un point essentiel pour vous ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je vous confirme que les accords de Paris leur mise en oeuvre c'est un point essentiel, et que d'ailleurs de nombreux partenaires, de nombreux grands pays membres du G20 souhaitent véritablement, sont attachés à ces accords, et donc en réalité, la décision de Donald TRUMP, de ce point de vue-là, est plutôt l'exception qui confirme la règle, et la règle c'est que les Etats sont attachés à cette mise en oeuvre. Hier, le président de la République recevait le président de la République mexicaine, et je peux vous dire que ce sujet-là était au coeur des entretiens, et que le Mexique qui est partie prenante également des entretiens de ce week-end, est très attaché lui aussi à ces accords, tout simplement parce qu'il y a un moment, demandez à Thomas PESQUET, qui était dans l'espace, qui a vu véritablement les transformations de notre planète, on ne peut pas faire l'autruche, on ne peut pas faire comme s'il ne sa passait rien, donc il y a besoin d'agir.
RENAUD BLANC
L'international c'est aussi la crise entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. On revient sur un dossier, on revient sur ce dossier, sur ce qu'on avait connu pendant des années, c'est-à-dire France/Etats-Unis d'un côté, puisque vous réclamez des sanctions, et puis la Chine et la Russie qui bloquent.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
On voit qu'il y a là un Etat, qui est manifestement très dangereux, qui développe un certain nombre de programmes, et donc voilà, la fermeté s'impose. L'ordre international ne peut pas s'accommoder comme ça, d'Etats qui peuvent mettre en danger la planète.
RENAUD BLANC
Est-ce qu'il faut une riposte militaire, pour vous ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
En tout cas, on voit que la Corée du Nord n'hésite pas à venir titiller son voisin, avec des essais qui ont vocation manifestement à impressionner, et donc je crois que la Communauté internationale ne doit pas se laisser impressionner tout simplement.
RENAUD BLANC
Ça veut dire quoi, concrètement ? Ça veut dire qu'éventuellement on peut imaginer une riposte militaire, vous pourriez la comprendre de la part des Etats-Unis ou pas, Jean-Baptiste LEMOYNE ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je ne veux pas et je ne peux pas m'engager sur ce terrain-là. On est là dans... vous avez des négociations de très haut niveau et je n'engagerai pas la parole de la France sur ce sujet-là de façon légère. Donc je crois qu'en tous les cas il y a une conscience aigüe du sujet, qui est devant nous, et d'ailleurs on est dans un monde, de façon globale, au-delà du sujet de la Corée, on le voit bien, un monde qui est en ébullition, un monde où de nouvelles fractures sont à l'oeuvre, on le voit dans le Golfe également, et cela veut dire que la diplomatie française a toute sa part à prendre pour essayer de contribuer à une paix durable.
RENAUD BLANC
Autre sujet très important et très chaud. Les migrants et l'Europe, 100 000 migrants depuis janvier dernier, en Europe, cri d'alarme de l'Italie. Est-ce que ce n'est pas l'échec de l'Europe, ce qui se passe actuellement avec les migrants ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je pense que l'on est tous d'accord pour constater que l'Europe, dans un certain nombre de domaines, n'a pas été assez efficiente, et naturellement il faut la refonder, et ce sujet-là, et le premier sujet, effectivement, vous avez raison, Emmanuel MACRON d'ailleurs dans la campagne présidentielle s'était engagé pour qu'on augmente le corps des gardes-frontières européens, que les frontières extérieures de l'Union soient mieux protégées. Et puis par ailleurs...
RENAUD BLANC
Et vous comprenez les Italiens qui disent « On n'en peut plus, on ne peut plus accueillir tout le monde, c'est plus possible » ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Les Italiens sont en première ligne et donc ça pose des sujets, en matière effectivement d'accueil, tout simplement de capacité à pouvoir accueillir dans de bonnes conditions. Parce qu'après, il faut naturellement assurer le droit d'asile de celles et de ceux, qui sont éligibles, parce qu'ils sont persécutés, mais il y a également, vous le savez, dans ces vagues, des migrants économiques, et donc c'est pour ça qu'il y a un lien, il y a un continuum avec la politique de développement. On a besoin aussi, l'Europe et l'Afrique, de bâtir un nouveau partenariat, pour que véritablement des emplois soient créés, que les jeunes du continent africain aient envie de pouvoir se développer sur place, les PME, et donc n'aillent pas chercher le bonheur ailleurs, parce que, eux-mêmes, sont malheureux d'aller chercher ce bonheur ailleurs. Donc il y a là tout un enjeu qui est aussi un enjeu au coeur des discussions au niveau européen et international, bref, le co-développement est plus que jamais d'actualité.
RENAUD BLANC
Et l'activité en France actuellement, c'est l'évacuation d'un camp de migrants porte de la Chapelle. Anne HIDALGO, réclame une loi sur l'accueil des migrants, vous répondez quoi à la maire de Paris ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, je crois que, honnêtement, le robinet législatif, en toute matière, en réalité, n'est pas la réponse à tout. Ce qui compte, c'est tout simplement d'avoir des résultats. Le président de la République, le Premier ministre, se sont engagés à ce que justement les dossiers d'asile présentés par les personnes, notamment qui sont présentes...
RENAUD BLANC
Parce que ce n'est pas la première fois que l'on évacue un camp, et on voit les gens revenir, etc. on a toujours l'impression finalement qu'on revient à la case départ.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Bien sûr. Mais ce qui compte c'est quoi ? C'est que les dossiers de demande d'asile soient examinés dans le délai de six mois maximum, que les personnes qui sont éligibles, eh bien soient accompagnées, et que les personnes qui ne sont pas éligibles, elles, soient raccompagnées. Parce qu'on ne peut pas se satisfaire du maintien sur le territoire français, de personnes qui ont été déboutées. Et donc, du coup, Gérard COLLOMB, eh bien il est naturellement dans la mise en oeuvre de cette politique, et puis là il y avait des conditions tout simplement humanitaires, qui n'étaient pas requises, avec des personnes qui effectivement campaient à proximité d'un stand d'accueil. Aujourd'hui, ce qui se passe, c'est une mise à l'abri de ces personnes-là, donc il y a 2 700 places, je crois, qui sont mobilisées...
RENAUD BLANC
Toutes ces personnes ne vont pas revenir ? Parce que les riverains vont vous dire « on va les revoir dans quelques temps ».
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
L'idée, c'est de pouvoir justement les mettre dans des endroits qui soient plus décents, je crois, et que surtout les procédures afférant à leur situation administrative, soient très vite mise en place, pour que, eh bien après il y a une option très claire, soit elles sont éligibles au droit d'asile, soit elles ne le sont pas, et dans ces conditions-là, si elles ne le sont pas, eh bien elles n'auront pas vocation à rester sur le territoire national.
RENAUD BLANC
Jean-Baptiste LEMOYNE, vous l'ancien copéiste, l'ancien juppéiste, c'est facile de travailler avec Jean-Yves LE DRIAN ? Vous étiez adversaire politique il y a encore quatre mois.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je ne dirais pas les choses comme ça, parce que Jean-Yves LE DRIAN, au ministère de la Défense, a été un ministre justement éminemment respecté sur tous les bancs de l'hémicycle à l'Assemblée nationale. Vous avez, Les Républicains comme les centristes ou les socialistes, ont partagé l'essentiel de son action, de sa loi de programmation, de ses orientations, et donc Jean-Yves LE DRIAN, c'est un homme d'expérience, qui je le crois, à la tête de ministères régaliens, justement, sait s'abstraire de clivages artificiels. Et d'ailleurs, moi si j'ai rejoint Emmanuel MACRON dès avant le premier tour de l'élection présidentielle, c'est parce que j'ai senti que, en sincérité, il voulait tout simplement réunir les bonnes volontés, des gens qui effectivement ont eu des engagements différents par le passé, mais qui aujourd'hui regardent tous dans la même direction et partagent un chemin pour la France.
RENAUD BLANC
« Premier nuage sur l'exécutif » c'est le titre du Figaro ce matin, avec un sondage dans le journal qui indique que 54 % des Français n'ont pas été convaincus par le discours du président devant le Congrès et de la déclaration de politique générale du Premier ministre. C'est la fin de l'état de grâce ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, je crois que nous, on considère qu'il n'y avait pas d'état de grâce, en fait, tout de suite les Français ils veulent des résultats, et je comprends les Français. Si vous voulez, ça fait des années et des années qu'ils se disent : « On entend ces paroles, mais on veut des actes ». Eh bien nous, le président de la République, le Premier ministre, naturellement, ont fait ces discours qui sont des moments importants pour poser les bases du travail de la majorité, mais pour autant on est tous conscients que ce qui compte c'est que l'on puisse produire des résultats rapidement et je peux vous dire que le gouvernement tout entier est tendu vers cela, des résultats de l'efficacité de l'efficience. Voilà.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Jean-Baptiste LEMOYNE, d'avoir répondu à mes questions. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Très bonne journée à vous.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2017