Interview de M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, à RTL le 25 juillet 2017, sur le projet de baisse de 5 euros par mois des allocations logement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

LA JOURNALISTE
Jérôme CHAPUIS, vous recevez ce matin le ministre de la Cohésion des territoires, en charge notamment du logement.
JEROME CHAPUIS
Et c'est important de le préciser ce matin. Bonjour Jacques MEZARD.
JACQUES MEZARD
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Puisque nous allons parler de la baisse de 5 euros par mois des allocations logement à partir du mois d'octobre. Est-ce que vous vous attendiez à une telle fronde notamment de la part des associations, mais aussi de la Caisse nationale d'Allocations familiales ?
JACQUES MEZARD
Oui, bien sûr, lorsqu'on annonce une baisse d'allocation, ça ne peut pas générer des réactions d'enthousiasme…
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous allez reculer ?
JACQUES MEZARD
Non, il n'est pas question de reculer. Très clairement, aujourd'hui, nous sommes face à une situation budgétaire qui est connue, avec, sur cette question de l'APL, une sous-budgétisation du montant des APL, du budget APL, par le précédent gouvernement. Et moi, je n'entends pas faire le procès systématique du précédent gouvernement, je constate. Et pour celui qui subit une baisse de 5 euros, il n'en a pas grand-chose à faire de savoir si c'est de la responsabilité du précédent gouvernement ou de l'actuel. La réalité, elle est là. En tout cas, la réalité, c'est ça. Ça avait été volontairement sous-estimé, ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans le rapport de la Cour des comptes qui a été déposé en juin, c'est clairement exprimé dans la page 237 de l'annexe, c'est écrit comme ça : la sous-budgétisation des APL est liée à l'absence de mise en oeuvre des mesures d'économies décidées dans la Loi de finances 2017. Donc ça…
JEROME CHAPUIS
Vous, vous estimez que 5 euros, c'est supportable ?
JACQUES MEZARD
Je ne dis pas que c'est supportable, la question qui est posée en fait, qui est posée depuis longtemps dans ce pays, mais à laquelle personne ne veut vraiment, jusqu'ici, n'a voulu s'attaquer, c'est que nous avons un budget d'APL de 19 milliards d'euros, un budget global d'aide au logement de 30 milliards d'euros, ce qui est, je dirais, le record en Europe, avec, en corolaire, pas suffisamment de logements et des loyers trop importants. Il y a donc un problème. Madame FACK, qui a fait vraiment les études les plus costauds sur cette question depuis de longues années, a indiqué après toutes ces études, très clairement, que quand on met 1 euro de plus sur l'APL, ça fait 78 centimes de hausse des loyers. Il faudra bien sortir de ce système qui est pervers.
JEROME CHAPUIS
Donc un système pervers. On va reparler du système global de l'aide au logement, mais avant cela, sur cette baisse du mois d'octobre d'abord, est-ce qu'elle est définitive ou est-ce que c'est juste pour boucler le budget sur les trois derniers mois de l'année ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, en l'état, nous sommes sur le budget 2017. Ce budget, il faut le boucler, nous avons – et c'est là encore les constatations qui ont été faites par la Cour des comptes – il y a 9 milliards globalement qui malheureusement ont fait l'objet d'une sous-estimation volontaire, ce n'est pas moi qui parle d'insincérité, je n'utilise jamais ce terme directement, c'est la Cour des comptes qui l'a utilisé. Il y a 9 milliards d'euros, comment on les trouve ces 9 milliards ? En augmentant les impôts ? Nous avons pris la décision de ne pas faire une décision modificative pour augmenter les impôts…
JEROME CHAPUIS
Pour l'instant, non, mais, bon, ma question concernait l'année prochaine en fait, est-ce que, une fois que les trois derniers mois de l'année seront passés, que le budget 2017 aura été bouclé, sans augmenter les impôts, est-ce que vous garderez ce niveau d'allocation, 5 euros de moins par mois ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, nous devons engager une réforme globale des aides personnelles au logement. Je viens de vous le dire, c'est quelque chose qui est tout à fait indispensable parce que nous sommes dans une situation… c'est comme un camion fou, un paquebot ivre, nous sommes avec des montants qu'il faut arriver à maîtriser, mais surtout, avec des réformes structurelles à mettre en place. Donc je ne vous…
JEROME CHAPUIS
Alors, on va parler des réformes structurelles, je termine juste sur ce débat qui nous occupe depuis maintenant quatre, cinq jours, vous parliez d'une sous-budgétisation de l'ancien gouvernement, vous dites : c'est une mesure qui a été – on a entendu – c'est une mesure qui a été finalement programmée par l'ancien gouvernement. On a cherché partout, mais à aucun moment, il n'était question de couper de 5 euros dans les allocations, à aucun endroit en tout cas on n'a retrouvé de document de l'ancien gouvernement qui proposait cette mesure.
JACQUES MEZARD
Ecoutez, hier soir, votre confrère BFM a communiqué sur la lettre de cadrage pour 2017, et avec dedans, en annexe, les 156 millions d'euros à réaliser sur les APL, nous en sommes à…
JEROME CHAPUIS
Mais ça, ce sont des économies à faire, mais à aucun moment, il était dit : il faut baisser les allocations logement, d'autres disent par exemple : au moment où on va…
JACQUES MEZARD
Ça vise directement, c'est marqué, je l'ai lu, ça vise directement les APL. Alors, ensuite, de savoir si ça se serait concrétisé par une baisse de 5 euros, uniforme ou par d'autres éléments de calculs, mais en tout cas, le chiffre était de 156 millions d'euros, nous, nous en sommes à 140 millions d'euros, mais ce jeu-là, je dirais, de ce… moi, je pars d'un constat, ce constat, c'est qu'il manquait ces 156 millions…
JEROME CHAPUIS
140 millions, oui, 150 millions…
JACQUES MEZARD
156 millions. Donc ensuite, comment on calcule ? Vous savez que les APL sont calculées à l'année N-2, c'est-à-dire que c'est d'une complication extrême, d'ailleurs, au passage, je tiens à vous faire remarquer que ce qui justifie aussi une réforme, c'est que le coût du fonctionnement des APL est de 600 millions d'euros. Donc nous sommes dans un système – je l'ai dit et je le redis – qui est en partie un système mal contrôlé.
JEROME CHAPUIS
Mais, vous entendez cette critique, on nous dit, d'un côté, on va réformer l'impôt sur la fortune pour en sortir le capital mobilier, et puis de l'autre, on va couper dans les aides au logement, ça n'est pas lisible.
JACQUES MEZARD
J'entends parfaitement la critique, je l'entends. Sur 2017, là, il ne s'agit pas de l'ISF, aucune mesure n'a été prise sur l'ISF, et il y a eu d'ailleurs une confusion dans un certain nombre de communications, parce qu'une mesure juste, qui avait été prise sous le gouvernement précédent était de dire que quand il y a un membre de la famille qui peut bénéficier de l'APL, et que, il y a d'un autre côté soumission à l'ISF, ce n'est pas logique, et donc il faut arrêter ça, ils l'ont arrêté. Donc il n'y a pas de polémique là-dessus. Et en ce qui concerne le budget 2017, la question de l'ISF ne se pose pas. Ce sera sur l'année 2018, et je tiens à dire aussi que l'ISF ne sera pas supprimé, il y aura, et il y aura toujours l'ISF, mais qui concernera uniquement la rente et pas les investissements productifs.
JEROME CHAPUIS
La refonte des aides au logement que vous appelez de vos voeux, elle doit se faire à quelle échéance et selon quels critères ?
JACQUES MEZARD
Alors, d'abord, nous travaillons sur un texte, sur un projet de loi logement, je crois qu'il faut avoir une vision globale de la politique du logement…
JEROME CHAPUIS
Mais ça se fera quand ? C'est pour 2018 ?
JACQUES MEZARD
Le texte sur le projet de loi logement sera prêt à l'automne. Il sera déposé en octobre/novembre, et je souhaite qu'il soit débattu le plus rapidement possible parce que, quel est l'objectif ? L'objectif, c'est de permettre de construire plus vite, plus facilement, simplifier toutes les formalités, et prendre un certain nombre de mesures pour provoquer un choc de l'offre. Dans ce pays, nous avons toute une série de situations dans les zones tendues qui sont absolument intolérables, on voit d'ailleurs l'augmentation…
JEROME CHAPUIS
Il y a des associations, notamment la CLCV, qui suggèrent, pour faire des économies, et notamment dans ce dispositif d'aide au logement, de supprimer le dispositif PINEL, enfin, pour faire des économies dans le budget global, le dispositif PINEL, est-ce qu'il pourrait ne pas être reconduit en 2017 ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, nous sommes en train de travailler là-dessus, on ne peut pas, je vous donne mon avis personnel, et ce sur quoi nous sommes en trian de travaciller, si on arrête brutalement le dispositif PINEL, on va avoir une diminution de mises en chantier de logements. Donc il faut trouver une solution équilibrée, sachant que le dispositif PINEL génère aussi des recettes fiscales, il faut avoir une vision globale de la politique du logement, il faut qu'on puisse construire davantage et construire moins cher. Sachez – et vous le savez – que sur le logement social, ces dernières années, on est passé d'un coût de construction par logement social de 90.000 à 140.000 euros, pourquoi ? Parce que nous avons accumulé des normes considérables, que nous avons du manque de foncier aussi, et il faut que nous soyons capables de travailler à la réforme de ce système, et la question des allocations logement est un des éléments de ce travail. Mais nous allons aller vite. Moi, ce que je souhaite… je vais vous donner un exemple…
JEROME CHAPUIS
Rapidement…
JACQUES MEZARD
Oui, allez, un exemple, je suis élu dans une ville moyenne du Massif central…
JEROME CHAPUIS
Dans le Cantal…
JACQUES MEZARD
Oui. Et le responsable de la société anonyme des HLM me dit qu'il allait baisser les loyers sur 450 logements dans cette ville, les loyers en logement social, comment ? En augmentant le temps de remboursement des prêts. J'ai consulté – et j'attends la réponse – LA CAISSE DES DEPÔTS, pour multiplier ce genre d'initiative, parce que, on peut arriver, avec un certain nombre de systèmes, à faire…
JEROME CHAPUIS
… Des économies…
JACQUES MEZARD
A obtenir des baisses de loyers.
JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup en tout cas pour ces explications. On a bien compris en tout cas qu'il n'était pas question de revenir sur cette mesure qui frappera les allocataires à partir d'octobre, mais on ne sait pas encore si elle sera reconduite l'année prochaine. Merci Jacques MEZARD pour ces explications ce matin sur RTL.
JACQUES MEZARD
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 juillet 2017