Interview de M. Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à France 2 le 12 juin 2017, sur les résultats du premier tour des élections législatives de 2017.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
C'est le secrétaire d'Etat des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement. Il arrive largement en tête dans les Alpes de Haute-Provence, il est l'un des symboles de cette vague de la République En Marche.
Bonjour Christian CASTANER.
CHRISTIAN CASTANER
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Alors la France est devenue macroniste ?
CHRISTIAN CASTANER
Non, mais la France est cohérente, elle avait envie de donner une majorité au président Emmanuel MACRON et à Edouard PHILIPPE pour mener à bien les réformes sur lesquelles nous sommes attendus.
CAROLINE ROUX
Une abstention record, vous le savez bien, un Français sur deux ne s'est pas rendu aux urnes, est-ce que ça vous rend humble ce matin ?
CHRISTIAN CASTANER
Oui, oui évidemment parce que c'est un échec de cette élection, c'est un échec qui se répète, hélas ! Sur des élections qui sont considérées comme secondaires alors qu'elles sont majeures comme les élections législatives. Je crois qu'effectivement il faut l'entendre, il faut redonner confiance. D'abord il y a quelques jours, avant le second tour sur lequel j'appelle tous les candidats, quel que soit leur parti politique, à se mobiliser pour donner envie. Et puis ensuite, c'est notre responsabilité gouvernementale, celle du président, celle du Premier ministre de redonner confiance dans l'élection.
CAROLINE ROUX
Vous savez ce qui se passe en général, en général le lendemain d'une élection où il y a une forte abstention, on dit « il faut écouter cette abstention, ces Français qui ne se sont pas rendus aux urnes, il va falloir s'adresser à eux ». Et puis 3 semaines plus tard, on tourne la page et on passe à autre chose. Est-ce que maintenant, vous dites que ce scrutin-là d'une certaine manière, il vous oblige pour la suite ? Il y a quelques semaines encore, on disait qu'il y avait une France en colère, qu'il y avait une colère sourde qui s'exprimait dans le pays, est-ce que vous allez leur parler à ces français-là ?
CHRISTIAN CASTANER
Vous avez tout dit dans votre question parce qu'avant même l'abstention, il y a effectivement le fait que celles et ceux qui ont élu Emmanuel MACRON ne l'avaient pas choisi au premier tour ; et qu'on avait des extrêmes des deux côtés qui sont à un niveau extrêmement élevé, même si là elles sont affaiblies hier. Et donc c'est à eux qu'il faut s'adresser, c'est effectivement à ces femmes et ces hommes qui ont exprimé un vote de colère et qui doivent retrouver confiance. Donc il faut que le président de la République, le gouvernement soit un gouvernement de réponse du quotidien. Si on veut redonner confiance, si on se fixe cet objectif rappelé par Emmanuel MACRON que dans 5 ans, les extrêmes soient le plus bas possible, il faut des réponses concrètes qui parlent aux gens, qui touchent le quotidien des gens.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez besoin d'une majorité écrasante ?
CHRISTIAN CASTANER
Ce n'est pas une question de besoin mais c'est une question de cohérence. Les gens votent dans chacune des 577 circonscriptions, ils ne votent pas pour donner 210, 230, 240 députés…
CAROLINE ROUX
Vous savez bien pourquoi je vous pose la question…
CHRISTIAN CASTANER
Ils votent pour un député.
CAROLINE ROUX
Vous entendez depuis hier droite et gauche qui disent : ça va être très compliqué, Emmanuel MACRON va avoir les pleins pouvoirs, il y en a certains qui appellent à un second tour du pluralisme pour que l'opposition soit audible au Parlement. Qu'est-ce que vous leur répondez dans cet entre deux tours ?
CHRISTIAN CASTANER
Ce sont les mêmes qui, au lendemain de la présidentielle, n'ont cessé de nous dire : de toute façon, il n'y aura pas de majorité pour Emmanuel MACRON, ce n'est pas possible, ces gens-là – parlant des candidats de la République en marche – ne sont pas formés, ne sont pas mûrs, laissez les vieux briscards faire de la politique. Les Français ont choisi le renouvellement et dans toutes les circonscriptions de France, ils veulent de nouveaux visages pour ces nouveaux usages et ces nouveaux engagements politiques. Faisons-leur confiance.
CAROLINE ROUX
Donc ce n'est pas une question de pleins pouvoirs, vous ne réclamez pas les pleins pouvoirs à Emmanuel MACRON ?
CHRISTIAN CASTANER
Absolument pas…
CAROLINE ROUX
Ce qu'on entend aussi à droite et à gauche.
CHRISTIAN CASTANER
D'abord… non mais d'abord il y a deux chambres, j'ai en tête que le Sénat n'a pas basculé politiquement et je ne crois pas qu'en septembre, il bascule. Et donc du coup aujourd'hui, il y a un équilibre du pouvoir et puis il y a les institutions, il y a la presse. On est évidemment aujourd'hui dans une démocratie et c'est le fait démocratique qui fait que dans toutes les circonscriptions, on est libre de choisir des candidats qui portent le projet d'Emmanuel MACRON et sa mise en oeuvre par Edouard PHILIPPE.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez quand même une pensée pour vos anciens camarades socialistes…
CHRISTIAN CASTANER
Oui.
CAROLINE ROUX
Les barons locaux balayés, les frondeurs balayés, les anciens ministres balayés, il y a une forme d'injustice dans ce qui est en train de se passer, sincèrement ?
CHRISTIAN CASTANER
Oui, oui, mais je pense à mes amis, moi j'ai des amis députés sortants au Parti socialiste en particulier. Et donc je pense à eux, il y a évidemment une forme d'injustice dans un mouvement politique, parce qu'ils n'ont pas été battus par l'absence de travail qu'ils ont fait sur le terrain. Certains n'ont pas été à la hauteur du rendez-vous, d'autres ont donné une énergie folle pendant ces 5 années. Mais il ya un mouvement politique, il y a un choix politique qui est fait. La politique a sa part d'injustice mais elle a aussi sa part de plaisir. On le sait quand on est élu, j'ai été élu aussi à un moment donné avec une vague. Et donc ensuite quand on s'aperçoit que la réalité, ça n'est pas soit dans son rapport à l'électeur mais c'est plutôt le mouvement politique, au fond c'est assez cohérent, c'est assez démocratique.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qu'il paie le Parti socialiste ?
CHRISTIAN CASTANER
Ses incohérences, il paie ses frondeurs, il paie ses divisions, il paie le fait qu'une majorité relative finalement pour François HOLLANDE l'a empêché d'agir, relatif parce qu'elle avait en son sein des frondeurs qui l'ont empêchés, qui l'ont immobilisés. Et donc je pense que ce double langage permanent, ils le paient. Et d'ailleurs, ces frondeurs notamment qui pensaient qu'en tapant sur le gouvernement à Paris pouvaient se faire réélire dans leur circonscription se sont aperçus que non. Il y a une logique politique, ils ont coupé la branche sur laquelle ils étaient assis.
CAROLINE ROUX
Si je termine la fin de la phrase que vous venez de prononcer, c'est presque un message que vous adressez à votre future majorité. Je rappelle que vous êtes le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, c'est compliqué à manier une majorité comme celle-ci, si elle se concrétise autour de 400 parlementaires. Est-ce que vous entendez les commentaires ce matin de certains observateurs qui disent : ce n'est pas forcément un cadeau une majorité comme ça.
CHRISTIAN CASTANER
Ça n'est pas un cadeau mais on ne cherche pas un cadeau, vous avez raison. On a des femmes et des hommes d'horizons très différents, on a pour l'essentiel des gens qui n'ont jamais été élus et qui, par contre, étaient chef d'entreprise, syndicaliste, agriculteur, qui vont découvrir une nouvelle façon, une façon différente technique de travailler. A charge pour nous de les accompagner, mais en même temps ils vont apporter…
CAROLINE ROUX
Comment est-ce que vous allez les accompagner…
CHRISTIAN CASTANER
Ce regard, cette énergie.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous savez déjà comment vous allez les accompagner, ça veut dire quoi les accompagner ?
CHRISTIAN CASTANER
Alors d'abord le parti La République en marche a cette responsabilité-là, il en aura les moyens demain après ces élections. Un séminaire rassemblera tous les candidats de la République en marche devenus députés pour travailler ensemble, pour définir ensemble qui seront en responsabilité à l'Assemblée nationale. C'est aussi une nouvelle façon de faire, je n'ai pas vécu ça en 2012.
CAROLINE ROUX
Comment vous la voyez cette majorité, aux ordres, le petit doigt sur la couture du pantalon, monochrome, forcément elle l'est de fait de l'étiquette de la République en marche, comment est-ce que vous l'imaginez ?
CHRISTIAN CASTANER
Je la vois comme le Conseil des ministres et je pense en vous disant cela aux propos du président de la République, qui nous a dit lors du premier Conseil des ministres : je ne veux pas l'uniformité, si je vous ai choisi avec le Premier ministre c'est dans vos différences, différences politiques, différences de parcours, la moitié du gouvernement qui vient de la société civile et pas de la politique. Voilà ! C'est la même chose, il n'y aura pas d'uniformité, par contre il faut de la cohérence. Une fois qu'une décision collective est prise, elle doit être respectée…
CAROLINE ROUX
Donc de la discipline…
CHRISTIAN CASTANER
Elle doit être appliquée.
CAROLINE ROUX
Ce que vous appelez… oui, c'est ça, c'est de la discipline !
CHRISTIAN CASTANER
Une fois qu'ensemble on prend une décision, effectivement il faut de la discipline, il ne faut pas avoir peur de la discipline. Mais ça ne veut pas dire que vous êtes godillot, vous contribuez à la décision, c'est ça qui est essentiel.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous considérez ce matin qu'en réalité, vous avez les mains libres désormais pour réformer ? L'opposition n'aura pas lieu au Parlement, elle aura lieu où et comment est-ce que vous appréhendez justement les réformes à venir, maintenant désormais les choses sont très simples dans le gouvernement…
CHRISTIAN CASTANER
Non, l'opposition aura lieu aussi au Parlement, il y aura des voix fortes, je ne vais pas vous annoncer les résultats du second tour, je ne les connais pas mais je sais qu'il y a des candidats de certains partis qui ne pas dans la majorité, qui sont même des opposants farouches qui peuvent siéger à l'Assemblée nationale. Ensuite une chose est sûre, c'est que le débat il a lieu et surtout, les Français ont donné au président de la République le soir du 7 mai le devoir de prendre des risques pour réformer la France, pas pour être tranquille. Et donc on ne veut pas une majorité pour être tranquille, on veut une majorité pour réformer…
CAROLINE ROUX
Il a les mains libres, c'était la question, il a les mains libres désormais pour conduire toutes les réformes qu'il avait promises pendant cette présidentielle ?
CHRISTIAN CASTANER
Ce n'est pas une question de mains libres, mais il a la capacité à prendre ces risques sur lesquels il s'est engagé et à tenir ce contrat signé avec les Français le 7 mai à 20 h 00.
CAROLINE ROUX
Quelle a été la réaction du président de la République hier, il était heureux ?
CHRISTIAN CASTANER
Ce n'est pas un expressif, il était satisfait du résultat parce que le risque était de rentrer en cohabitation. J'ai le souvenir de monsieur BAROIN il y a quelques semaines qui nous annonçait une cohabitation avec lui comme Premier ministre…
CAROLINE ROUX
Vous y avez vraiment cru ?
CHRISTIAN CASTANER
Manifestement lui y a cru, nous on était un peu plus observateur des rites de la 5ème République et du fait qu'on pensait que les Français seraient cohérents. Et donc le président de la République était au travail pour préparer la suite, pour conseiller ou recommander à Catherine BARBAROUX d'accueillir au mieux dans le parti La République en marche ces nouveaux députés.
CAROLINE ROUX
Est-ce qu'il vous arrive de temps en temps de vous retourner sur ce qui vient de se passer ces derniers mois, l'élection d'Emmanuel MACRON, cette majorité dont certains observateurs disaient « c'est impossible, il n'aura pas de majorité, ce sera compliqué ». Est-ce que collectivement avec le président de la République, il vous arrive de vous retourner en disant « on l'a fait » ?
CHRISTIAN CASTANER
Oui, bien sûr parce qu'au fil de ces mois chaque fois qu'on avançait, on nous disait « vous verrez, ça n'est pas possible, faire une campagne présidentielle sans les bons vieux grands partis politiques ça n'est pas possible, casser et dépasser le droite-gauche ça n'est pas possible, avoir une majorité ça n'est pas possible ». Et c'est vrai qu'il y a l'énergie, l'intelligence d'un homme extraordinaire qu'est Emmanuel MACRON qui nous a guidés, qui nous a conduits. Il y a aussi aujourd'hui tous ces marcheurs et toute cette nouvelle génération, pensez qu'il va y avoir plus de 50 députés qui ont entre 25 et 35 ans à l'Assemblée nationale, c'est bien aussi un coup de jeune sur nos institutions.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Christian CASTANER…
CHRISTIAN CASTANER
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2017