Interview de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à "RTL" le 23 juin 2017, sur les dossiers du nouveau ministre de l'agriculture (retard de paiement des primes à la PAC, préparation des états généraux de l'alimentation).

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez aujourd'hui le ministre de l'Agriculture Stéphane TRAVERT.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour à vous Stéphane TRAVERT, merci mon d'être dans ce studio de RTL ce matin...
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes en effet ministre depuis deux jours, les Français vous connaissent encore peu, il faut dire que vous êtes plutôt du genre discret, d'ailleurs - malgré une carrure de 3ème ligne de rugby si vous me permettez - on vous a beaucoup moins vu que d'autres dans la proximité, dans l'environnement proche d'Emmanuel MACRON alors que vous êtes membre de sa garde rapprochée, réélu donc député dimanche dans la Manche, nommé ministre mercredi. Franchement, question un peu rituelle - mais soyez sincère - vous vous y attendiez ?
STEPHANE TRAVERT
Oui je m'y attendais, je m'attendais à occuper une fonction, c'est quelque chose qui était dans les germes depuis quelques jours, mais je ne savais pas quelle était la fonction que l'on me confierait et je suis aujourd'hui très, très honoré de la confiance que me témoignent à la fois le Premier ministre le président de la République.
ELIZABETH MARTICHOUX
On dit que le gouvernement est plus technique que politique, mais, vous, vous êtes alors un pur politique, vous êtes tombé dans la marmite du Parti socialiste il y a une trentaine d'années...
STEPHANE TRAVERT
Oui, c'est vrai.
ELIZABETH MARTICHOUX
Plutôt côté frondeur, vous avez fait un virage à 180 degrés, par exemple la réforme du Code du travail sans état d'âme ?
STEPHANE TRAVERT
Non, je n'ai pas fait de virage particulier. Vous savez qu'avec Emmanuel MACRON il sait travailler avec des gens dont il connaît les sensibilités, les valeurs, personne ne me demande de me rogner sur ce que je porte et sur ce qui fait mon ADN politique et, sur la loi Travail, sur un certain nombre de ces de ces questions, moi j'ai toujours dit qu'il fallait que nous puissions évoluer - moi je viens du monde de l'entreprise...
ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin il y a une époque où vous disiez : « Pas touche au Code du travail », au début du quinquennat Hollande en particulier ?
STEPHANE TRAVERT
Mais moi je ne l'ai peut-être pas dit comme ça, mais je n'ai jamais été sur la question de ne pas toucher au Code du travail, moi je souhaite que le Code du travail permette aux salariés de pouvoir se défendre, permette aux salariés de pouvoir être protégés, mais permette aussi aux entreprises de pouvoir travailler, de libérer comme on dit les énergies et de faire en sorte que là où c'est possible les accords de branches puissent fonctionner et, lorsqu'il n'y a pas d'accord de branche, que ce soit les accords d'entreprise qui prennent le pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est Muriel PENICAUD qui s'occupe de ça au gouvernement...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous, vous héritez d'un portefeuille ultra sensible. Au passage, c'est le hasard de la distribution des postes ?
STEPHANE TRAVERT
Non, je ne crois pas. Vous savez moi je viens du département de la Manche, qui est le premier bassin laitier français, avec les difficultés que l'on connait - la crise laitière - et c'est un département profondément rural auquel je...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous aviez dit à Emmanuel MACRON : « Tiens, l'agriculture, ça j'aimerais bien me...
STEPHANE TRAVERT
Non ! Non, non, je ne lui ai rien dit parce que je ne demande rien.
ELIZABETH MARTICHOUX
Me mettre dans ces dossiers, non ?
STEPHANE TRAVERT
Non, non, je ne lui ai rien dit parce que je ne demande rien...
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.
STEPHANE TRAVERT
Et je ne demande jamais rien. Par contre j'ai travaillé à ses côtés pendant la campagne sur ces sujets qu'est le sujet agricole, sujet maritime, pêche et sujet média. Voilà !
ELIZABETH MARTICHOUX
Et sujet média, eh bien non c'est l'agriculture donc pour vous au gouvernement, on verra combien de temps. La canicule a fait des dégâts ces derniers jours –là, vous avez eu des retours ou pas ?
STEPHANE TRAVERT
Non pas précisément, mais je dois faire un point aujourd'hui. Parce que c'est vrai qu'un bon nombre de producteurs et d'éleveurs nous disent manquer d'eau bien évidemment, on a des phénomènes de sécheresse qui sont caractérisés sur certains territoires agricoles et aujourd'hui concernant la canicule et les gens, et la santé des gens, je n''ai pas de retour particulier à ce stade, mais que j'ai demandé hier soir est ce qu'on puisse m'en fournir.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Eh oui vous commencez, donc vous prenez les dossiers. Deux questions brûlantes à propos, d'abord évoquons les retards de paiement des primes à la PAC, votre prédécesseur était déjà sur le coup si je puis dire, ça va être réglé ?
STEPHANE TRAVERT
Ca va être réglé, il a mis en place juste avant de partir - en accord avec les organisations - un calendrier pour les paiements de la PAC et, donc, nous allons suivre de près ce calendrier pour qu'enfin les retards qui durent depuis 2015 pour beaucoup puissent être réglés avant la rentrée septembre.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avant la rentrée de septembre, ça c'est un engagement ; Autre retard, le versement des aides liées à la grippe aviaire dont ont été victimes les éleveurs deux ans de suite, les aides promises qui n'ont pas été versées encore ?
STEPHANE TRAVERT
Il y a ce matin dans les Landes un rassemblement de l'interprofession du foie gras, auquel je ne peux pas de participer, mais j'ai transmis à cette interprofession un message de ma part en leur disant que nous allions trouver les solutions pour permettre de récupérer ce retard et que nous allions lancer un deuxième régime d'aides qui va permettre je dirais aux éleveurs – à celles et ceux qui ont vécu durement cette crise sanitaire – de pouvoir passer le cap.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc deuxième, on va dire ça, d'aide qui va être lancée sous votre autorité ?
STEPHANE TRAVERT
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'annoncez ce matin ?
STEPHANE TRAVERT
Je l'annonce ce matin et cela sera repris auprès des interprofessionnels du foie gras.
ELIZABETH MARTICHOUX
Monsieur le Ministre, selon les chiffres de la Mutualité Sociale Agricole – on en parlait tout à l'heure sur RTL – un tiers des exploitations gagnaient ou ont gagné moins de ou plutôt 350 euros par mois en 2015, ce serait la même chose, peut-être pire même en 2016, on attend les chiffres. Qu'est-ce vous dites à ces agriculteurs à bout ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez les agriculteurs ce sont des professionnels qui se lèvent tôt, travaillent très dur et comme vous le dites gagnent peu ou pas grand chose et, donc, nous avons cette volonté de travailler sur la question du prix, sur la question de la volatilité des prix sur un certain nombre de filières, sur la question du revenu agricole qui est aujourd'hui essentiel –on ne peut pas rester dans cette situation-là – donc il va falloir que nous mettions en place un certain nombre de mesures, je m'y attèle dès maintenant à travers un certain nombre de dispositifs, la continuité de ce qu'on appelle la loi Sapin 2 sur la compétitivité des exploitations, mais aussi les Etats généraux de l'alimentation qui vont arriver - que nous allons lancer dès le mois de juillet – pour remettre en valeur le triptyque producteur, transformateur et consommateur pour une juste répartition de la valeur.
ELIZABETH MARTICHOUX
Les Etats généraux de l'Alimentation, c'est le gros chantier dont avait parlé Emmanuel MACRON pendant la campagne, pour dire les choses de façon peut-être plus imagée c'est un Grenelle de l'agriculture, vous allez mettre tout le monde autour de la table...
STEPHANE TRAVERT
C'est ça !
ELIZABETH MARTICHOUX
Et essayer de régler cette fameuse question du prix pour beaucoup – pas tous d‘ailleurs – mais pour beaucoup d'agriculteurs produire reste trop cher pour autoriser d'avoir des revenus décents, vous abordez comment la question ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, c'est comment est-ce qu'on répartit à la fois la valeur autour du triptyque que je vous disais tout à l'heure : transformateur, producteur, consommateur ? C'est quelle est la traçabilité, la question sanitaire ? Et nous allons donc développer des ateliers, nous allons réfléchir à la manière de mieux consommer, comment nous pouvons aussi faire monter en gamme la qualité des produits – l'agriculture française c'est une fenêtre ouverte sur le monde – et donc nous avons la mise en valeur à mettre en place et, autour de ces différents chantiers, de ces ateliers qui auront lieu dans toute la France, eh bien définir je dirais une valeur contractuelle autour de ces enjeux de l'alimentation...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors, ça, ça va être... effectivement vous dites : « on va se mettre autour de la table mi-juillet », l'objectif, le calendrier c'est d'aboutir à des solutions à quelle date ?
STEPHANE TRAVERT
Des solutions, des solutions le plus rapidement possible, il faut qu'à l'automne nous puissions dégager un certain nombre de propositions et ensuite de les traiter au plus près du terrain.
ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que beaucoup a été fait et beaucoup d'argent surtout a été versé, par exemple sur le quinquennat Hollande il y a deux milliards d'euros qui ont été versés, qui ont été injectés pour soutenir le secteur à bout de bras, on a arrosé le sable ?
STEPHANE TRAVERT
Non, on n'arrose jamais le sable, mais on sait très bien que....
ELIZABETH MARTICHOUX
On les aide à tenir déjà, je veux dire on les aide, mais on n'a...
STEPHANE TRAVERT
Qu'il faut aider aussi nos producteurs à tenir le choc, on est parfois sur des effets mondialisés sur un certain nombre de produits, par exemple le lait c'en est une...
ELIZABETH MARTICHOUX
Le lait 30 centimes vendu le litre aujourd'hui, 34 centimes produit par les éleveurs...
STEPHANE TRAVERT
C'est ça !
ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce qu'on fait ? Parce que finalement les marges des distributeurs elles ne sont pas non plus extraordinaires sur ce produit-là ?
STEPHANE TRAVERT
Oui, parce que le lait est une valeur mondialisée aujourd'hui et donc le travail que nous devons faire c'est redonner je dirais une certaine puissance aux organisations de producteurs pour pouvoir mieux négocier avec encre une fois le triptyque producteur, distributeur et transformateur, faire en sorte de mettre en avant la compétitivité des exploitations par l'investissement. Nous allons lancer un plan de cinq milliards d'euros d'investissement pour les exploitations agricoles, je crois que nous allons essayer de donner de l'air ; ça passe aussi par la simplification...
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, trop de règles, trop de règles disaient les producteurs...
STEPHANE TRAVERT
Nous avons des règles et bien sûr transpositions parfois qui peuvent venir troubler un certain nombre d'administrations et sur lesquelles nous devons travailler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Tout ça, voilà, c'est une feuille de route un peu générale, vous ne pouvez pas vous avancer encore sur des solutions, elles n'ont pas émergé. Est-ce qu'il faut continuer à interdire les pesticides ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, il faut travailler pour que nous puissions avoir des conditions environnementales les plus vertueuses. Aujourd'hui nous savons qu'il y a des produits qu'il ne faut plus utiliser et il faut veiller à pouvoir les remplacer et, donc, nous devons faire aussi travailler nos services sur la recherche, sur l‘innovation, comment remplacer un certain nombre de produits ? Je vois que nous avons par exemple sur la production de la carotte, par exemple il existe un produit, une molécule particulière pour faire pousser ces produits – c'est le cas dans la Manche sur toutes les stations maraîchères sur le littoral – aujourd'hui la recherche n'a pas permis de trouver un pendant plus vertueux je vais dire au dipropylène et aujourd'hui je crois que nous avons besoin de continuer à travailler, donc il faut investir dans la recherche, investir dans l'innovation pour nous approcher le plus près possible à supprimer un certain nombre de pesticides jugés dangereux, mais là il y a un travail à faire avec le ministère de l'Environnement et nous travaillons en total collaboration sur ces sujets.
ELIZABETH MARTICHOUX
Eh oui parce que vous êtes coincé entre Nicolas HULOT et puis la FNSEA qui s'inquiète d'avoir des règles toujours justement encore plus draconiennes et plus compliquées à appliquer ?
STEPHANE TRAVERT
Il ne s'agit pas d'être coincé mais il s'agit de travailler en collégialité, de discuter, de trouver des compromis.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un tout petit mot pour finir qui ne regarde pas votre ministère mais qui regarde le gouvernement, Gérard COLLOMB refuse de créer des nouveaux camps malgré la pression migratoire, Jacques TOUBON est venu tout à l'heure dans le studio avec Yves CALVI dire qu'il y avait une obligation fondamentale de la France à accorder des droits fondamentaux à ces migrants. Vous vous situez où dans ce débat, plutôt COLLOMB, plutôt TOUBON ?
STEPHANE TRAVERT
Efficacité et humanité, voilà, ce sont les mots du président de la République.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et en même temps ?
STEPHANE TRAVERT
Efficacité et humanité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Donc ça ne vous gêne pas...
STEPHANE TRAVERT
Et c'est sur cette base-là que nous devons travailler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ca ne vous embarrasse pas quand même ce débat, le fait que Gérard COLLOMB ferme la porte ?
STEPHANE TRAVERT
Non, moi ce qui m'embarrasse madame c'est la situation de ces gens qui ont tout perdu et qui arrivent dans notre pays parce qu'ils connaissent la France comme étant le pays des droits de l‘Homme et nous devons aussi travailler pour pouvoir les accueillir de façon digne.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, ça s'appelle la solidarité gouvernementale, une notion à laquelle est très attachée Emmanuel MACRON, elle vous a été rappelée au premier conseil des ministres auquel vous avez participé au titre de votre nouvelle charge gouvernementale.
STEPHANE TRAVERT
C'est bien normal !
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Stéphane TRAVERT.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
YVES CALVI
Le nouveau ministre de l'Agriculture qui rappelle qu'il vient de la Manche premier bassin laitier français et confirme le règlement des retards de la PAC de même pour les aides aux producteurs de foie gras après la grippe aviaire. L'intégralité de l'entretien est à retrouver sur le site rtl.fr. Merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juin 2017