Texte intégral
Monsieur le Sénateur-Maire,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je me retrouve aujourd'hui en votre compagnie.
Pour la deuxième année consécutive, je prends part à l'Assemblée Générale des Conseillers du Commerce Extérieur.
Je veux vous dire tout l'intérêt que les pouvoirs publics portent à votre institution et à votre activité, toute l'importance que mon Gouvernement attache au commerce extérieur de la France et à son développement.
Que cette Assemblée se tienne dans la région Nord-Pas-de-Calais, à Lille, est une innovation heureuse. Les Présidents SEGUY et THIEBOT, que je remercie pour leur accueil, ont justement souligné l'importance économique du Nord-Pas-de-Calais et la place exceptionnelle qu'il tient dans les échanges extérieurs de la France.
Représentant 5 % du PIB français, sa part dans les exportations françaises atteint 9 %. 29 % de l'activité du Nord-Pas-de-Calais est consacré à l'exportation, soit quelque 10 points de plus que la moyenne française.
Ces résultats témoignent de la vitalité d'une tradition commerçante et manufacturière qui remonte au Moyen-Age, lorsque Boulogne était en relation avec l'Angleterre et la Hanse, lorsque le blé français s'échangeait sur la foire de Lille contre les draps des Flandres.
Aujourd'hui, les résultats exceptionnels du Nord-Pas-de-Calais dans le domaine du commerce extérieur s'expliquent par la force du secteur industriel et par le dynamisme des nombreuses PME locales.
Ici, plus que dans d'autres régions, les PME participent largement à l'exportation. Leur effort est soutenu par les pouvoirs publics : le contrat de plan Etat-région pour 1994-1998 prévoit une enveloppe financière qui est en forte progression par rapport à celle de la période précédente : les entreprises devraient ainsi pouvoir développer leur service d'exportation ou prospecter les marchés étrangers.
Cet effort collectif est justifié. L'exportation est une cause qui doit mobiliser les énergies nationales. La France dispose d'atouts importants dans la compétition internationale, mais il lui faut s'adapter aux évolutions profondes du commerce mondial.
Celui-ci sera marqué dans les années à venir par deux grands mouvements :
- La première grande donnée est la mondialisation du commerce international. Cette évolution s'explique par le développement économique de nombreux pays du Tiers Monde et par leur insertion croissante dans le commerce mondial.
La part de l'Asie dans les exportations de produits manufacturés était de 5 % en 1975 ; elle est de 15 % aujourd'hui. La Chine, qui compte 1,2 Md d'habitants s'est déclaré candidate pour rejoindre le GATT et affiche pour objectif de son commerce extérieur en l'an 2000, 2000 Mds de dollars. Ce ferait d'elle l'un des premiers exportateurs et l'un des premiers importateurs mondiaux.
De même, la conversion des pays d'Europe centrale et orientale et de la Russie aux principes de l'économie de marché fait entrer sur la scène économique internationale des Etats qui jusque-là n'y figuraient pas.
Le commerce international n'est donc plus réduit aux échanges entre pays développés. Il concerne un nombre croissant d'Etats, dans des situations économiques, sociales et culturelles encore très différentes.
Les derniers accords du GATT en auront été l'illustration frappante : jamais encore dans l'histoire pareil accord commercial, associant 118 pays, n'avait été conclu.
- La deuxième tendance qui se dessine est l'émergence de très vastes marchés régionaux.
Pendant longtemps, l'Europe a été la seule à tenter d'unifier un marché régional. L'ALENA en Amérique du Nord, l'APEC et l'ASEAN en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique manifestent des aspirations similaires, même si ces ensembles sont encore loin du niveau d'intégration européen.
Ces deux mouvements constituent à la fois un défi et une chance pour la France. Le développement économique et l'intégration d'un nombre croissant d'Etats dans le commerce mondial offrent à l'évidence des perspectives remarquables à nos exportateurs. Mais en même temps de nouveaux concurrents apparaissent pour nos productions nationales. De même l'intégration régionale est à la fois un facteur de croissance, dont nous avons d'ailleurs nous mêmes bénéficié en Europe, et une menace pour la liberté du commerce si elle débouchait sur un affrontement entre les blocs.
Cette dernière crainte n'est pas vaine : à l'évidence, l'âpreté de certaines négociations, le recours de plus en plus fréquent à la pression politique pour arracher des marchés témoignent que, la guerre froide finie, c'est sur le terrain commercial que se reporteront de plus en plus souvent les affrontements entre les grandes puissances.
Dans cette situation, quelle est la politique de la France ? Nous sommes le quatrième exportateur mondial, le deuxième si l'on ne retient que les services.
Nous devons exporter plus, pour maintenir et créer des emplois. Un salarié sur quatre en France travaille directement ou indirectement pour l'exportation. On peut estimer qu'en 1993 le dynamisme de notre commerce extérieur a permis de préserver 100 000 emplois. L'enjeu de l'exportation est donc vital pour nous.
La stratégie du gouvernement tient en quatre idées simples : il faut maintenir et renforcer notre compétitivité, ouvrir à nos produits les marchés en forte croissance, créer les conditions d'une concurrence loyale, adapter notre appareil de soutien à l'exportation.
1) Il faut renforcer la compétitivité de la France. L'excédent du commerce extérieur français en 1993, qui atteint 90 milliards de francs, est partiellement lié à certains facteurs exceptionnels, notamment au ralentissement de la conjoncture et des importations de biens d'équipement.
Des signes prouvent cependant la solidité de cet excédent :
- tout semble indiquer qu'après un léger recul au premier semestre, les parts de marchés françaises dans le monde ont de nouveau progressé au second semestre et se maintiennent à un niveau élevé.
- dans un secteur clé, comme l'automobile, bien représentée dans cette région, la part de marché de nos constructeurs sur le marché national a augmenté, pour la première fois depuis 1987.
Je ne veux pas faire de pronostic, mais il paraît acquis qu'en 1994 nous enregistrerons un nouvel excédent commercial important.
Tout montre que la France est désormais entrée dans une longue période d'excédents extérieurs. C'est un changement majeur pour notre économie.
La politique du Gouvernement vise à renforcer la compétitivité de la France pour maintenir ces bons résultats. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé l'allègement des charges des entreprises, notamment par la baisse des charges sociales sur les bas salaires et le remboursement anticipé de la TVA. C'est également dans ce but qu'il convient de réduire les déficits, budgétaires et sociaux, et de maîtriser l'évolution de nos coûts.
Au moment où plusieurs de nos grands partenaires -je pense en particulier à l'Allemagne- mettent en oeuvre des politiques ambitieuses pour retrouver leur compétitivité, la France ne doit pas relâcher ses efforts mais persévérer dans la voie des réformes. Le changement et le renouveau doivent demeurer notre ambition.
2) Dotée d'une économie performante et ouverte, la France doit donc adopter une stratégie visant à l'ouverture des marchés tiers. Ceux qui plaident pour le protectionnisme oublient une vérité simple : dans les années à venir, l'Europe croîtra au mieux de 3 % par an. L'Asie du Sud Est connaîtra une croissance de 8 à 10 %. Notre intérêt est donc d'éviter que ne se forment dans ces zones en pleine expansion des ensembles régionaux intégrés qui seraient fermés aux entreprises européennes. Nous devons au contraire tout faire pour inciter ces pays à abaisser au niveau européen leurs droits de douane.
C'est pourquoi la France avait fortement intérêt à ce que l'accord du GATT se conclue dans de bonnes conditions. Cet accord a permis des abaissements très significatifs des droits de douane pour des produits où nos entreprises sont compétitives, comme l'acier, les spiritueux, la pharmacie, la chimie, les parfums. Certains pays comme la Corée du Sud ou l'Inde ont accepté de réduire leurs droits de douane de plus de 40 %.
En même temps, l'Union Européenne a su maintenir hors de la négociation certains secteurs qui sont aujourd'hui dans une phase de transition, comme l'automobile, l'électronique grand public, l'aluminium.
L'accord de Marrakech n'a cependant pas réglé tous les dossiers. Sur l'aéronautique, sur l'acier, il faut désormais concrétiser les progrès enregistrés au cours de la négociation. La conclusion d'un accord dans ces secteurs, accompagnée d'un règlement des contentieux en cours sur l'acier, est nécessaire à l'établissement d'une paix commerciale durable.
Enfin, la France ne se satisfait pas de l'état actuel des offres textiles que certains pays d'Asie ont déposées. Elles ne sont pas à la hauteur de notre attente. Je sais à quel point ce dossier préoccupe le Nord-Pas-de-Calais. Sachez que le Gouvernement a demandé à la Commission Européenne de reprendre les négociations avec les pays concernés. A défaut de concessions significatives de leur part, l'Europe doit prendre les mesures commerciales appropriées pour ne pas déséquilibrer les conditions de la concurrence. Nous y veillerons. De même, nous avons demandé à la Commission de tenir compte de la situation particulière du textile dans la répartition des aides à l'adaptation industrielle. Enfin, M. LONGUET m'a proposé -et j'ai accepté- que le Comité Français des Manifestations Economiques à l'étranger finance un programme exceptionnel pour aider les entreprises textiles françaises à prospecter les marchés étrangers. Ces mesures devraient largement bénéficier au Nord-Pas-de-Calais.
3) Le troisième de nos efforts doit consister à promouvoir les conditions d'une concurrence loyale. Je l'ai dit, la France est compétitive et ne craint pas la concurrence des pays tiers. Encore faut-il que celle-ci s'opère dans un cadre organisé et loyal.
Aussi était-il nécessaire que la négociation du GATT aboutisse à la création d'une nouvelle organisation multilatérale, l'Organisation Mondiale du Commerce. Ainsi nos exportateurs ne devraient-ils plus être victimes de mesures unilatérales de rétorsion, injustifiées.
De même, la France plaide sans relâche depuis un an pour que l'OMC prenne en compte des problèmes sociaux et de l'environnement. Nous ne pouvons en effet accepter que l'ouverture des frontières s'opère au bénéfice de ceux qui ne respectent pas les règles les plus élémentaires en matière sociale ou produisent sans se soucier du milieu naturel. Nous ne pouvons tolérer que des emplois disparaissent en Europe du fait de cette concurrence déloyale.
Un consensus s'est dégagé pour examiner dans le cadre de l'OMC les questions d'environnement. En revanche, nous avons longtemps été seuls à réclamer une clause sociale. Je constate qu'aujourd'hui bon nombre d'Etat s'y rallient, au premier chef les Etats-Unis. J'ai pu le constater lors de mes entretiens avec le Président CLINTON. Rien n'est encore acquis, mais les choses évoluent dans la bonne direction. Pour ma part, je suis confiant. La France ne réclame rien d'autre que l'application de trois principes de bon sens :
- tout Etat doit respecter les conventions fondamentales de l'OIT, et par exemple assurer la liberté syndicale et prohiber le travail forcé ou le travail des enfants ;
- tout Etat doit respecter sa propre législation sociale ;
- la législation sociale doit évoluer au même rythme que le progrès économique.
Je peux vous assurer de la détermination du Gouvernement français pour faire progresser ces idées.
4) Notre quatrième action doit être de renforcer notre appareil exportateur. Nos entreprises manifestent de plus en plus de hardiesse à l'exportation. Les outils de soutien aux exportations sont souples et fiables. L'administration du commerce extérieur et notamment les Postes d'expansion économique, ont fait un grand effort d'adaptation et de modernisation que je voudrais saluer ici. Enfin, notre présence à tous ici est le témoignage de la collaboration efficace entre les entreprises et l'administration.
Naturellement, le dispositif peut encore être amélioré. Mme de GASTINES a remis récemment un rapport intéressant à MM. ALPHANDERY et LONGUET. J'espère qu'il pourra déboucher rapidement sur des propositions concrètes, notamment de simplification des procédures. Il convient de mettre plus vigoureusement l'accent sur trois priorités dont je me félicite de constater qu'elles rencontrent les préoccupations des conseillers du Commerce Extérieur : nous devons nous tourner davantage vers les pays en forte croissance, et en particulier vers l'Asie du Sud Est. Nous devons faciliter l'accès des PME à l'exportation. Nous devons donner à un plus grand nombre de nos concitoyens le goût du travail à l'exportation.
- Comme je le disais il y a quelques minutes, certains pays en Amérique Latine ou en Asie connaissent un fort développement, mais nous n'y sommes pas suffisamment présents. Ainsi, l'Asie Pacifique et du Sud Est représente-t-elle aujourd'hui 32 % du PNB mondial contre 12 % en 1960. Nos exportations vers l'Asie progressent rapidement : elles ont doublé depuis 1980. Néanmoins, notre part de marché dans ces pays n'est que de 2 %, alors qu'elle est de trois fois supérieure au niveau mondial. Il faut que nos entreprises soient plus présentes sur ces marchés. L'abaissement des barrières douanières n'est qu'un préalable. Le Gouvernement se doit aussi de lever les obstacles politiques qui interdiraient à nos entreprises de remporter des contrats. C'est le sens du déplacement que j'ai effectué en Chine, afin de rétablir des relations politiques et économiques normales avec ce grand pays qui est également doté d'un immense marché. La position de la France sur la question des droits de l'homme ne souffre naturellement aucune ambiguïté.
On peut simplement constater que les Etats-Unis viennent de renouveler la clause de la nation la plus favorisée qu'ils ont accordée à la Chine. La France doit lutter à armes égales avec ses concurrents. Le Gouvernement s'y emploie.
Notre présence sur le continent asiatique suppose également que notre appareil de soutien aux exportations s'oriente davantage vers cette zone. C'est le sens de l'initiative française vers l'Asie qu'a lancée G. LONGUET, et qui sera, je n'en doute pas, couronnée de succès.
D'un grand intérêt me semble en particulier, l'idée d'associer l'Etat, les régions, les organisations professionnelles et les chambres de commerce pour offrir aux PME-PMI françaises la possibilité de disposer pour un temps d'un bureau d'accueil dans une métropole asiatique.
- Notre deuxième priorité doit être d'inciter les PME à exporter davantage.
250 entreprises réalisent la moitié des exportations françaises ; le quart de nos exportations est redevable à 10 grands groupes industriels. Cette concentration est un facteur de fragilité pour notre commerce extérieur.
Notre dispositif de soutien à l'exportation doit être adapté aux besoins et aux attentes des PME. Les Conseillers du Commerce Extérieur ont un rôle important à jouer dans ce domaine, en mettant au service des PME leur connaissance du terrain.
Par ailleurs, j'ai demandé à un parlementaire en mission, M. Olivier DASSAULT, de réfléchir à l'aide que les grands groupes pourraient apporter aux PME qui souhaitent développer leurs exportations. Il faudra que, le moment venu, les ministres concernés me fassent des propositions utiles et efficaces.
D'ores et déjà, MM. ALPHANDERY et LONGUET m'ont indiqué qu'ils comptaient désigner un "médiateur PME" au sein de la Direction des Relations Economiques Extérieures. Celui-ci devrait aider les PME à mieux utiliser les dispositifs qui permettent de soutenir l'exportation. Les ministres m'ont suggéré par ailleurs que dans le cadre de l'assurance-prospection, une aide en trésorerie soit attribuée aux PME qui embauchent un salarié travaillant dans un service exportations. Cette mesure est favorable à l'emploi. J'ai demandé à ce qu'elle soit mise en oeuvre rapidement.
- Notre troisième priorité doit être de familiariser un nombre croissant de Français avec l'exportation. Il s'agit là encore d'un sujet à la fois essentiel et difficile.
Le rayonnement d'un pays passe souvent par la présence et le travail de ses ressortissants aux quatre coins du monde. Les conseillers du Commerce Extérieur qui vivent à l'étranger le savent bien.
Mais il est malaisé de changer rapidement les mentalités. Les Français, contrairement à ce qu'on croit, sont assez peu nombreux hors des frontières, beaucoup moins par exemple que les Japonais ou les Allemands.
Nous devons donc encourager un nombre croissant de jeunes Français à vivre à l'étranger et à pratiquer les métiers de l'exportation. Les régions qui sont responsables de la formation professionnelle doivent être conscientes de cet impératif. Les Chambres de Commerce et d'Industrie, les organisations professionnelles, mais aussi les conseillers du Commerce Extérieur ont également un rôle clé à jouer. Je me félicite, Monsieur le Président, des initiatives que vous allez prendre en ce domaine et je souhaite qu'elles soient coordonnées avec l'action de tous les autres organismes ou parties intéressées.
La Charte Nationale de l'exportation, qui réunit les principaux acteurs du dispositif d'appui au développement international des entreprises, sera bientôt renouvelée ou est en cours de l'être. J'ai demandé à G. LONGUET de réunir, dès le mois prochain, le Comité Supérieur du Développement International des Entreprises, créé pour approfondir la concertation entre les partenaires. L'un de ses objectifs premiers devra être de concentrer le plus possible les analyses et les efforts sur ce sujet essentiel de la formation des jeunes à l'étranger.
L'Etat, pour sa part, a d'ores et déjà entrepris de faciliter l'emploi de coopérants du service national en entreprises. Il a décidé de privilégier des stages hors de l'OCDE et notamment en Asie du sud-est. Je souhaite, par ailleurs, que cette procédure soit démocratisée et qu'elle puisse concerner tout jeune qui a une qualification susceptible d'intéresser une entreprise.Mesdames et Messieurs, Messieurs les Présidents, la France est sans doute en ce moment à un tournant de son histoire économique. Pour la première fois depuis longtemps, elle se redonne les moyens d'être un grand pays exportateur. Ses hommes, ses investissements, ses produits sont présents dans l'ensemble du monde. Je souhaite qu'ils le soient plus encore demain. Peu de batailles sont aussi nécessaires à la prospérité et au rayonnement d'un pays que cette lutte, acharnée mais pacifique. Pour la gagner, nous avons besoin de vous tous. Vous le savez, le Gouvernement a fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour la modernisation et la force de notre appareil de production et d'exportation. Je suis certain que, de votre côté, vous ferez le même effort.
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je me retrouve aujourd'hui en votre compagnie.
Pour la deuxième année consécutive, je prends part à l'Assemblée Générale des Conseillers du Commerce Extérieur.
Je veux vous dire tout l'intérêt que les pouvoirs publics portent à votre institution et à votre activité, toute l'importance que mon Gouvernement attache au commerce extérieur de la France et à son développement.
Que cette Assemblée se tienne dans la région Nord-Pas-de-Calais, à Lille, est une innovation heureuse. Les Présidents SEGUY et THIEBOT, que je remercie pour leur accueil, ont justement souligné l'importance économique du Nord-Pas-de-Calais et la place exceptionnelle qu'il tient dans les échanges extérieurs de la France.
Représentant 5 % du PIB français, sa part dans les exportations françaises atteint 9 %. 29 % de l'activité du Nord-Pas-de-Calais est consacré à l'exportation, soit quelque 10 points de plus que la moyenne française.
Ces résultats témoignent de la vitalité d'une tradition commerçante et manufacturière qui remonte au Moyen-Age, lorsque Boulogne était en relation avec l'Angleterre et la Hanse, lorsque le blé français s'échangeait sur la foire de Lille contre les draps des Flandres.
Aujourd'hui, les résultats exceptionnels du Nord-Pas-de-Calais dans le domaine du commerce extérieur s'expliquent par la force du secteur industriel et par le dynamisme des nombreuses PME locales.
Ici, plus que dans d'autres régions, les PME participent largement à l'exportation. Leur effort est soutenu par les pouvoirs publics : le contrat de plan Etat-région pour 1994-1998 prévoit une enveloppe financière qui est en forte progression par rapport à celle de la période précédente : les entreprises devraient ainsi pouvoir développer leur service d'exportation ou prospecter les marchés étrangers.
Cet effort collectif est justifié. L'exportation est une cause qui doit mobiliser les énergies nationales. La France dispose d'atouts importants dans la compétition internationale, mais il lui faut s'adapter aux évolutions profondes du commerce mondial.
Celui-ci sera marqué dans les années à venir par deux grands mouvements :
- La première grande donnée est la mondialisation du commerce international. Cette évolution s'explique par le développement économique de nombreux pays du Tiers Monde et par leur insertion croissante dans le commerce mondial.
La part de l'Asie dans les exportations de produits manufacturés était de 5 % en 1975 ; elle est de 15 % aujourd'hui. La Chine, qui compte 1,2 Md d'habitants s'est déclaré candidate pour rejoindre le GATT et affiche pour objectif de son commerce extérieur en l'an 2000, 2000 Mds de dollars. Ce ferait d'elle l'un des premiers exportateurs et l'un des premiers importateurs mondiaux.
De même, la conversion des pays d'Europe centrale et orientale et de la Russie aux principes de l'économie de marché fait entrer sur la scène économique internationale des Etats qui jusque-là n'y figuraient pas.
Le commerce international n'est donc plus réduit aux échanges entre pays développés. Il concerne un nombre croissant d'Etats, dans des situations économiques, sociales et culturelles encore très différentes.
Les derniers accords du GATT en auront été l'illustration frappante : jamais encore dans l'histoire pareil accord commercial, associant 118 pays, n'avait été conclu.
- La deuxième tendance qui se dessine est l'émergence de très vastes marchés régionaux.
Pendant longtemps, l'Europe a été la seule à tenter d'unifier un marché régional. L'ALENA en Amérique du Nord, l'APEC et l'ASEAN en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique manifestent des aspirations similaires, même si ces ensembles sont encore loin du niveau d'intégration européen.
Ces deux mouvements constituent à la fois un défi et une chance pour la France. Le développement économique et l'intégration d'un nombre croissant d'Etats dans le commerce mondial offrent à l'évidence des perspectives remarquables à nos exportateurs. Mais en même temps de nouveaux concurrents apparaissent pour nos productions nationales. De même l'intégration régionale est à la fois un facteur de croissance, dont nous avons d'ailleurs nous mêmes bénéficié en Europe, et une menace pour la liberté du commerce si elle débouchait sur un affrontement entre les blocs.
Cette dernière crainte n'est pas vaine : à l'évidence, l'âpreté de certaines négociations, le recours de plus en plus fréquent à la pression politique pour arracher des marchés témoignent que, la guerre froide finie, c'est sur le terrain commercial que se reporteront de plus en plus souvent les affrontements entre les grandes puissances.
Dans cette situation, quelle est la politique de la France ? Nous sommes le quatrième exportateur mondial, le deuxième si l'on ne retient que les services.
Nous devons exporter plus, pour maintenir et créer des emplois. Un salarié sur quatre en France travaille directement ou indirectement pour l'exportation. On peut estimer qu'en 1993 le dynamisme de notre commerce extérieur a permis de préserver 100 000 emplois. L'enjeu de l'exportation est donc vital pour nous.
La stratégie du gouvernement tient en quatre idées simples : il faut maintenir et renforcer notre compétitivité, ouvrir à nos produits les marchés en forte croissance, créer les conditions d'une concurrence loyale, adapter notre appareil de soutien à l'exportation.
1) Il faut renforcer la compétitivité de la France. L'excédent du commerce extérieur français en 1993, qui atteint 90 milliards de francs, est partiellement lié à certains facteurs exceptionnels, notamment au ralentissement de la conjoncture et des importations de biens d'équipement.
Des signes prouvent cependant la solidité de cet excédent :
- tout semble indiquer qu'après un léger recul au premier semestre, les parts de marchés françaises dans le monde ont de nouveau progressé au second semestre et se maintiennent à un niveau élevé.
- dans un secteur clé, comme l'automobile, bien représentée dans cette région, la part de marché de nos constructeurs sur le marché national a augmenté, pour la première fois depuis 1987.
Je ne veux pas faire de pronostic, mais il paraît acquis qu'en 1994 nous enregistrerons un nouvel excédent commercial important.
Tout montre que la France est désormais entrée dans une longue période d'excédents extérieurs. C'est un changement majeur pour notre économie.
La politique du Gouvernement vise à renforcer la compétitivité de la France pour maintenir ces bons résultats. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé l'allègement des charges des entreprises, notamment par la baisse des charges sociales sur les bas salaires et le remboursement anticipé de la TVA. C'est également dans ce but qu'il convient de réduire les déficits, budgétaires et sociaux, et de maîtriser l'évolution de nos coûts.
Au moment où plusieurs de nos grands partenaires -je pense en particulier à l'Allemagne- mettent en oeuvre des politiques ambitieuses pour retrouver leur compétitivité, la France ne doit pas relâcher ses efforts mais persévérer dans la voie des réformes. Le changement et le renouveau doivent demeurer notre ambition.
2) Dotée d'une économie performante et ouverte, la France doit donc adopter une stratégie visant à l'ouverture des marchés tiers. Ceux qui plaident pour le protectionnisme oublient une vérité simple : dans les années à venir, l'Europe croîtra au mieux de 3 % par an. L'Asie du Sud Est connaîtra une croissance de 8 à 10 %. Notre intérêt est donc d'éviter que ne se forment dans ces zones en pleine expansion des ensembles régionaux intégrés qui seraient fermés aux entreprises européennes. Nous devons au contraire tout faire pour inciter ces pays à abaisser au niveau européen leurs droits de douane.
C'est pourquoi la France avait fortement intérêt à ce que l'accord du GATT se conclue dans de bonnes conditions. Cet accord a permis des abaissements très significatifs des droits de douane pour des produits où nos entreprises sont compétitives, comme l'acier, les spiritueux, la pharmacie, la chimie, les parfums. Certains pays comme la Corée du Sud ou l'Inde ont accepté de réduire leurs droits de douane de plus de 40 %.
En même temps, l'Union Européenne a su maintenir hors de la négociation certains secteurs qui sont aujourd'hui dans une phase de transition, comme l'automobile, l'électronique grand public, l'aluminium.
L'accord de Marrakech n'a cependant pas réglé tous les dossiers. Sur l'aéronautique, sur l'acier, il faut désormais concrétiser les progrès enregistrés au cours de la négociation. La conclusion d'un accord dans ces secteurs, accompagnée d'un règlement des contentieux en cours sur l'acier, est nécessaire à l'établissement d'une paix commerciale durable.
Enfin, la France ne se satisfait pas de l'état actuel des offres textiles que certains pays d'Asie ont déposées. Elles ne sont pas à la hauteur de notre attente. Je sais à quel point ce dossier préoccupe le Nord-Pas-de-Calais. Sachez que le Gouvernement a demandé à la Commission Européenne de reprendre les négociations avec les pays concernés. A défaut de concessions significatives de leur part, l'Europe doit prendre les mesures commerciales appropriées pour ne pas déséquilibrer les conditions de la concurrence. Nous y veillerons. De même, nous avons demandé à la Commission de tenir compte de la situation particulière du textile dans la répartition des aides à l'adaptation industrielle. Enfin, M. LONGUET m'a proposé -et j'ai accepté- que le Comité Français des Manifestations Economiques à l'étranger finance un programme exceptionnel pour aider les entreprises textiles françaises à prospecter les marchés étrangers. Ces mesures devraient largement bénéficier au Nord-Pas-de-Calais.
3) Le troisième de nos efforts doit consister à promouvoir les conditions d'une concurrence loyale. Je l'ai dit, la France est compétitive et ne craint pas la concurrence des pays tiers. Encore faut-il que celle-ci s'opère dans un cadre organisé et loyal.
Aussi était-il nécessaire que la négociation du GATT aboutisse à la création d'une nouvelle organisation multilatérale, l'Organisation Mondiale du Commerce. Ainsi nos exportateurs ne devraient-ils plus être victimes de mesures unilatérales de rétorsion, injustifiées.
De même, la France plaide sans relâche depuis un an pour que l'OMC prenne en compte des problèmes sociaux et de l'environnement. Nous ne pouvons en effet accepter que l'ouverture des frontières s'opère au bénéfice de ceux qui ne respectent pas les règles les plus élémentaires en matière sociale ou produisent sans se soucier du milieu naturel. Nous ne pouvons tolérer que des emplois disparaissent en Europe du fait de cette concurrence déloyale.
Un consensus s'est dégagé pour examiner dans le cadre de l'OMC les questions d'environnement. En revanche, nous avons longtemps été seuls à réclamer une clause sociale. Je constate qu'aujourd'hui bon nombre d'Etat s'y rallient, au premier chef les Etats-Unis. J'ai pu le constater lors de mes entretiens avec le Président CLINTON. Rien n'est encore acquis, mais les choses évoluent dans la bonne direction. Pour ma part, je suis confiant. La France ne réclame rien d'autre que l'application de trois principes de bon sens :
- tout Etat doit respecter les conventions fondamentales de l'OIT, et par exemple assurer la liberté syndicale et prohiber le travail forcé ou le travail des enfants ;
- tout Etat doit respecter sa propre législation sociale ;
- la législation sociale doit évoluer au même rythme que le progrès économique.
Je peux vous assurer de la détermination du Gouvernement français pour faire progresser ces idées.
4) Notre quatrième action doit être de renforcer notre appareil exportateur. Nos entreprises manifestent de plus en plus de hardiesse à l'exportation. Les outils de soutien aux exportations sont souples et fiables. L'administration du commerce extérieur et notamment les Postes d'expansion économique, ont fait un grand effort d'adaptation et de modernisation que je voudrais saluer ici. Enfin, notre présence à tous ici est le témoignage de la collaboration efficace entre les entreprises et l'administration.
Naturellement, le dispositif peut encore être amélioré. Mme de GASTINES a remis récemment un rapport intéressant à MM. ALPHANDERY et LONGUET. J'espère qu'il pourra déboucher rapidement sur des propositions concrètes, notamment de simplification des procédures. Il convient de mettre plus vigoureusement l'accent sur trois priorités dont je me félicite de constater qu'elles rencontrent les préoccupations des conseillers du Commerce Extérieur : nous devons nous tourner davantage vers les pays en forte croissance, et en particulier vers l'Asie du Sud Est. Nous devons faciliter l'accès des PME à l'exportation. Nous devons donner à un plus grand nombre de nos concitoyens le goût du travail à l'exportation.
- Comme je le disais il y a quelques minutes, certains pays en Amérique Latine ou en Asie connaissent un fort développement, mais nous n'y sommes pas suffisamment présents. Ainsi, l'Asie Pacifique et du Sud Est représente-t-elle aujourd'hui 32 % du PNB mondial contre 12 % en 1960. Nos exportations vers l'Asie progressent rapidement : elles ont doublé depuis 1980. Néanmoins, notre part de marché dans ces pays n'est que de 2 %, alors qu'elle est de trois fois supérieure au niveau mondial. Il faut que nos entreprises soient plus présentes sur ces marchés. L'abaissement des barrières douanières n'est qu'un préalable. Le Gouvernement se doit aussi de lever les obstacles politiques qui interdiraient à nos entreprises de remporter des contrats. C'est le sens du déplacement que j'ai effectué en Chine, afin de rétablir des relations politiques et économiques normales avec ce grand pays qui est également doté d'un immense marché. La position de la France sur la question des droits de l'homme ne souffre naturellement aucune ambiguïté.
On peut simplement constater que les Etats-Unis viennent de renouveler la clause de la nation la plus favorisée qu'ils ont accordée à la Chine. La France doit lutter à armes égales avec ses concurrents. Le Gouvernement s'y emploie.
Notre présence sur le continent asiatique suppose également que notre appareil de soutien aux exportations s'oriente davantage vers cette zone. C'est le sens de l'initiative française vers l'Asie qu'a lancée G. LONGUET, et qui sera, je n'en doute pas, couronnée de succès.
D'un grand intérêt me semble en particulier, l'idée d'associer l'Etat, les régions, les organisations professionnelles et les chambres de commerce pour offrir aux PME-PMI françaises la possibilité de disposer pour un temps d'un bureau d'accueil dans une métropole asiatique.
- Notre deuxième priorité doit être d'inciter les PME à exporter davantage.
250 entreprises réalisent la moitié des exportations françaises ; le quart de nos exportations est redevable à 10 grands groupes industriels. Cette concentration est un facteur de fragilité pour notre commerce extérieur.
Notre dispositif de soutien à l'exportation doit être adapté aux besoins et aux attentes des PME. Les Conseillers du Commerce Extérieur ont un rôle important à jouer dans ce domaine, en mettant au service des PME leur connaissance du terrain.
Par ailleurs, j'ai demandé à un parlementaire en mission, M. Olivier DASSAULT, de réfléchir à l'aide que les grands groupes pourraient apporter aux PME qui souhaitent développer leurs exportations. Il faudra que, le moment venu, les ministres concernés me fassent des propositions utiles et efficaces.
D'ores et déjà, MM. ALPHANDERY et LONGUET m'ont indiqué qu'ils comptaient désigner un "médiateur PME" au sein de la Direction des Relations Economiques Extérieures. Celui-ci devrait aider les PME à mieux utiliser les dispositifs qui permettent de soutenir l'exportation. Les ministres m'ont suggéré par ailleurs que dans le cadre de l'assurance-prospection, une aide en trésorerie soit attribuée aux PME qui embauchent un salarié travaillant dans un service exportations. Cette mesure est favorable à l'emploi. J'ai demandé à ce qu'elle soit mise en oeuvre rapidement.
- Notre troisième priorité doit être de familiariser un nombre croissant de Français avec l'exportation. Il s'agit là encore d'un sujet à la fois essentiel et difficile.
Le rayonnement d'un pays passe souvent par la présence et le travail de ses ressortissants aux quatre coins du monde. Les conseillers du Commerce Extérieur qui vivent à l'étranger le savent bien.
Mais il est malaisé de changer rapidement les mentalités. Les Français, contrairement à ce qu'on croit, sont assez peu nombreux hors des frontières, beaucoup moins par exemple que les Japonais ou les Allemands.
Nous devons donc encourager un nombre croissant de jeunes Français à vivre à l'étranger et à pratiquer les métiers de l'exportation. Les régions qui sont responsables de la formation professionnelle doivent être conscientes de cet impératif. Les Chambres de Commerce et d'Industrie, les organisations professionnelles, mais aussi les conseillers du Commerce Extérieur ont également un rôle clé à jouer. Je me félicite, Monsieur le Président, des initiatives que vous allez prendre en ce domaine et je souhaite qu'elles soient coordonnées avec l'action de tous les autres organismes ou parties intéressées.
La Charte Nationale de l'exportation, qui réunit les principaux acteurs du dispositif d'appui au développement international des entreprises, sera bientôt renouvelée ou est en cours de l'être. J'ai demandé à G. LONGUET de réunir, dès le mois prochain, le Comité Supérieur du Développement International des Entreprises, créé pour approfondir la concertation entre les partenaires. L'un de ses objectifs premiers devra être de concentrer le plus possible les analyses et les efforts sur ce sujet essentiel de la formation des jeunes à l'étranger.
L'Etat, pour sa part, a d'ores et déjà entrepris de faciliter l'emploi de coopérants du service national en entreprises. Il a décidé de privilégier des stages hors de l'OCDE et notamment en Asie du sud-est. Je souhaite, par ailleurs, que cette procédure soit démocratisée et qu'elle puisse concerner tout jeune qui a une qualification susceptible d'intéresser une entreprise.Mesdames et Messieurs, Messieurs les Présidents, la France est sans doute en ce moment à un tournant de son histoire économique. Pour la première fois depuis longtemps, elle se redonne les moyens d'être un grand pays exportateur. Ses hommes, ses investissements, ses produits sont présents dans l'ensemble du monde. Je souhaite qu'ils le soient plus encore demain. Peu de batailles sont aussi nécessaires à la prospérité et au rayonnement d'un pays que cette lutte, acharnée mais pacifique. Pour la gagner, nous avons besoin de vous tous. Vous le savez, le Gouvernement a fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour la modernisation et la force de notre appareil de production et d'exportation. Je suis certain que, de votre côté, vous ferez le même effort.