Interview de M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au numérique, à France Inter le 28 août 2017, sur les attentes de l'opinion vis-à-vis de la politique gouvernementale, l'annonce de la création d'un code du travail numérique et l'objectif 2022 du très haut débit pour tous.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Léa SALAME, votre invité ce matin, est le secrétaire d'État chargé du Numérique.
LÉA SALAME
Bonjour Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
LÉA SALAME
Merci d'être avec nous sur France Inter. Mounir MAHJOUBI, vous avez entendu Thomas LEGRAND, vous avez entendu Dominique SEUX. Qu'est-ce qui se passe ?
MOUNIR MAHJOUBI
Il se passe que les Français nous envoient un avertissement, ils nous disent : « Nous sommes là, on écoute », et ce que j'entends, moi, c'est plutôt quelque chose d'assez positif, c'est une exigence.
LÉA SALAME
Ah oui ?
MOUNIR MAHJOUBI
Et une exigence des Français, qui nous regardent et qui se posent la question de savoir ce que fait ce gouvernement. Et c'est tout à fait légitime. On sort d'un an et demi de campagne. Pendant un an et demi de campagne, on raconte ce qu'on va faire, on dit quelle est la vision, et puis après on arrive au pouvoir, et puis là, il y a le travail. Eh bien ce travail, il a démarré, il y a des choses qui sont arrivées, il y a eu les premières lois qui ont été votées, la loi pour la confiance qui a déjà été votée, et puis il y a eu beaucoup de choses qui ont été mises en place, pour annoncer la suite. Il va y avoir les ordonnances du travail qui arrivent...
LÉA SALAME
Alors, comment vous expliquez...
MOUNIR MAHJOUBI
Il y a eu le...
LÉA SALAME
On va en parler.
MOUNIR MAHJOUBI
... plan climat. Il y a énormément de choses qui ont déjà été faites, peu visibles certainement, mais regardez l'automne, attendons les prochaines étapes, et vous allez voir que ce gouvernement, il a bossé, et les promesses que l'on a faites, on est en train de les porter.
LÉA SALAME
Vous dites que vous avez bossé, vous dites que vous avez déjà bossé, que vous avez fait voter des textes, et pourtant il y a ce sondage, on est obligé d'en parler, une chute de 24 points en deux mois pour le président de la République. Est-ce que vous trouvez ça injuste ?
MOUNIR MAHJOUBI
Peu importe. Ce qui est important, c'est le signal. Les Français trouvent, aujourd'hui, quand on leur pose la question, il y en a moins qu'avant qui disent qu'ils soutiennent ce gouvernement, qu'ils soutiennent le président de la République. Bon ben ça, il faut qu'on le prenne.
LÉA SALAME
Mais pourquoi, essayons de comprendre. Comment vous expliquez ce sentiment de déception, de désamour, de trahison, qu'est-ce qui s'est passé cet été ?
MOUNIR MAHJOUBI
D'attente, d'exigence, et ça prend du temps de transformer. Vous savez, il y a une vision. Pendant cette campagne, tous les partis étaient d'accord sur une chose, c'est qu'il fallait transformer les règles du jeu. Par contre, on n'était pas d'accord sur la méthode. À l'extrême gauche, on avait des partis qui disaient... Vous savez, je pense que c'est très agréable d'être à France Insoumise, parce qu'on est capable d'annoncer tout ce qu'on veut pour les Français, et par contre on n'explique pas comment on va le faire. À l'extrême droite, on avait un parti qui expliquait que la seule solution c'était de monter une partie des Français contre les autres. Et puis il y en a une autre, qui vont essayer d'expliquer, comment on voulait, avec humanité, essayer d'aider les plus faibles et expliquer comment on allait créer les conditions économiques pour pouvoir financer cet accompagnement, et des mesures réelles, efficaces. Et puis il y a aussi...
LÉA SALAME
Donc vous avez, pardon, vous avez mal expliqué ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais ça, ce n'est pas intéressant.
LÉA SALAME
Ah bon ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, ce que je veux dire par là, c'est que je n'utiliserais jamais l'argument de dire « On a mal expliqué ». Ce qu'on a à faire, c'est à mieux expliquer, ça c'est certain, mais c'est surtout à bosser.
LÉA SALAME
Donc vous avez un peu mal expliqué.
MOUNIR MAHJOUBI
Ce qui est important c'est qu'on bosse. Ce week-end on a entendu : « Pas de blabla, le combat, pas de blabla la révolution », moi je vous dis : « Pas de blabla, le travail ».
LÉA SALAME
Voilà, c'était Jean-Luc MELENCHON. Alors, Jean-Luc MELENCHON, vous l'avez peut-être écouté, à Marseille, il a donné de la voix, il vous a critiqués, et voilà ce qu'il a dit.
[Extrait]
JEAN-LUC MELENCHON
Comme ils sont nombreux, ceux qui croient qu'à la rentrée, ils ne trouveront pas leur feuille d'impôt pour les taxes d'habitation, alors qu'ils vont les trouver, alors qu'ils vont voir la CSG augmenter, alors qu'ils vont voir les APL diminuer.
LÉA SALAME
Alors, qu'est-ce que vous lui répondez, à Jean-Luc MELENCHON ? Parce qu'il y a la com, il y a l'explication, et puis il y a le fonds. Les Français, et Dominique SEUX le disait, vont recevoir leur feuille d'impôt, ils vont recevoir leur salaire, et ils vont peut-être avoir des surprises.
MOUNIR MAHJOUBI
Ils vont recevoir leur feuille de salaire, et c'est là-dessus qu'il faudra être exigent avec le gouvernement, parce qu'ils vont voir qu'on aura, dans cette prochaine loi de finances, mis en place ce que nous avions promis, c'est-à-dire de transférer une partie du poids, une partie des charges, sur la CSG, et qui va faire que chaque salarié qui travaille aujourd'hui, va voir son salaire augmenter.
LÉA SALAME
En deux temps, Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
En deux temps.
LÉA SALAME
En deux temps. Vous avez...
MOUNIR MAHJOUBI
En 2018, en deux temps.
LÉA SALAME
Vous avez décidé, pour ce qui était la mesure emblématique pour les classes moyennes, et pour les classes moyennes d'Emmanuel MACRON, c'est-à-dire la baisse des cotisations sociales, vous avez décidé de le différer, de le faire en deux temps.
MOUNIR MAHJOUBI
On a décidé de...
LÉA SALAME
Donc ils ne vont pas le voir sur leur bulletin de salaire en janvier.
MOUNIR MAHJOUBI
Ils vont le voir, chaque mois, ils vont voir chaque mois qu'il y a eu une transformation, pareil sur la taxe d'habitation. Ça vient petit à petit, mais tout viendra quand même, dès 2018, sur la taxe d'habitation, et sur les salaires. Mais quand même, revenons sur une chose. Quand je vous dis que d'un côté il y a un parti qui annonce des choses, la France Insoumise, qui promet immédiatement la révolution, et nous, d'un côté, qui promettons une révolution aussi, dans les mentalités, mais aussi sur la fiche de paie, sauf que nous on est aussi des réalistes, et on est aussi des personnes qui pensons qu'il faut absolument mêler humanité avec efficacité. Eh bien aujourd'hui, on a un sujet, c'est si on veut mettre en place de façon durable, pérenne, tous ces dispositifs, il faut qu'on en ait les moyens. Et comme on a décidé de ne pas augmenter les impôts, et je pense que les Français nous ont aussi élus pour cela, et je pense que les Français, quels qu'ils soient, ne sont pas aujourd'hui à même de payer encore plus d'impôts, alors il faut être responsable budgétairement.
LÉA SALAME
Vous allez pourtant augmenter la CSG dès le 1er janvier à venir, donc il y aura une augmentation de l'impôt, en revanche vous allez différer les mesures comme la baisse des cotisations sociales pour les classes moyennes. Vous dites « nous sommes réalistes », et je vous entends ce matin. Mais alors, pourquoi est-ce que votre réalisme ne touche pas les plus riches ? Pourquoi est-ce que l'ISF entre, la réforme de l'ISF entre en vigueur dès le 1er janvier ? Il y avait urgence à bien traiter les très riches ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, il n'y a pas... Il y a urgence à traiter ceux qui ont moins, c'est pour ça que le plan qui pour moi est le plus important de ce quinquennat, c'est celui qu'on va annoncer à l'automne, sur les compétences des Français et sur le plan d'investissement d'avenir qu'on est en train de construire. Fin septembre on aura déjà les premières grandes orientations de ce plan d'investissements et les premières mises en place. Ce choc de compétences, pour les Français. L'idée, sur l'emploi, vous savez, il y a deux choses. Un, il faut aider les entreprises à créer plus d'emploi, donc pour ça il faut une France dynamique, il faut une capacité pour les entreprises à recruter plus facilement, c'est l'objet de la loi travail, et puis de l'autre côté, il faut que les Français aient les bonnes compétences, parce que certains, parce qu'ils ont été éloignés de l'emploi pendant trop longtemps, ne les ont pas eues. Et ça, ça coûte cher. Eh bien ça coûte cher, et on va le financer, et cette grande révolution du maintien de l'emploi, cette grande révolution sur l'emploi, eh bien elle se fait par étapes. On a commencé par la loi travail qui va faciliter, fluidifier le marché du travail. On l'a mis avec des mesures de compétitivité pour les entreprises, en allégeant le coût du travail. Et la troisième étape c'est de massivement investir sur les compétences des Français.
LÉA SALAME
Alors, la loi travail, le contenu des ordonnances sera dévoilé ce jeudi par le Premier ministre, les informations filtrent au compte-gouttes. Il y a quand même une information qui a été une annonce qui a été faite dans le journal Le Monde ce week-end par la ministre du Travail, Muriel PENICAUD, elle annonce qu'un Code du travail numérique va être créé. Comme c'est votre domaine, le numérique, qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que ça va changer ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce Code du travail numérique, il vient d'une réalité. Vous savez, avant de faire tout ce que j'ai fait dans le numérique, j'ai avant tout été délégué syndical, et j'ai tenu la permanence de droit du travail à la Bourse du travail à Paris. Tous le gens viennent, toute la journée ils font la queue, près de deux à trois heures, pour pouvoir parler avec un délégué syndical, pour essayer de comprendre le droit du travail, parce qu'un des plus grands, une des plus grandes inégalités sur le droit du travail, c'est entre ceux qui peuvent le comprendre et ceux qui ne le comprennent pas. Aujourd'hui, quand vous prenez le Code du travail dans les versions imprimées, quand vous allez sur Légifrance, vous ne pouvez pas naviguer sur ce Code du travail, il faut avoir passé du temps, il faut avoir été expert. Eh bien ce Code du travail numérique, il est là pour réparer ça. Ce sera un objet numérique, qui permettra à un citoyen lambda, à un salarié, à un employé, à un futur salarié, à un patron de PME qui n'a jamais compris les règles auxquelles il était sujet, de le construire.
LÉA SALAME
Vous allez mettre le Code du travail sur PDF, c'est ça la grande nouveauté ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais non ! Vous savez, c'est parce qu'on a trop pensé ça, longtemps, qu'on a fait du mauvais numérique. Mettre le Code du travail de façon numérique, c'est le faire pour que des gens, comme vous et comme moi, puissions le comprendre, autant que tous les salariés et tous les chefs d'entreprise à travers la France.
LÉA SALAME
Parc que, voyez, Mounir MAHJOUBI, quand moi j'ai lu Muriel PENICAUD disant « on aura un Code du travail numérique », je me suis dit « peut-être qu'il y aura des dispositions, des annonces dans le domaine du numérique ». Le domaine du numérique dont vous êtes en charge, c'est un domaine où il y aura le plus d'emplois créés dans les jours qui viennent, et en même temps c'est le domaine où on est le moins bien payé, et surtout où on est un peu des salariés Kleenex, et moi je pensais que vous alliez... il y aurait des dispositions de cette loi, pour sécuriser les salariés du numérique.
MOUNIR MAHJOUBI
En fait, le numérique il est partout dans cette loi, il est partout, dans tout ce qu'on fait, parce que le numérique c'est une des deux grandes transitions qu'on est en train de traverser, entre la transition environnementale et la transition numérique, qui vont de commun, tout est transformé. Aujourd'hui, il y a des emplois qui vont disparaitre, il y a des emplois qui vont apparaitre. La raison pour laquelle on forme tous les Français, la raison pour laquelle on va massivement investir pour la formation, c'est parce que le numérique va transformer les compétences. Il y a des emplois qui vont massivement disparaitre. Et si ces...
LÉA SALAME
Mais, est-ce que vous allez protéger les salariés du numérique dans cette loi, oui ou non ?
MOUNIR MAHJOUBI
On va protéger tous les salariés. Il faut vraiment se rendre compte...
LÉA SALAME
Pourquoi on n'entend pas la dimension sociale de cette réforme ?
MOUNIR MAHJOUBI
Parce que l'on est dans une phase où il a fallu parler du budget, il a fallu parler des lois de finance, il a fallu parler des économies qu'on allait faire, il aurait fallu parler du premier pilier dont je vous ai parlé tout à l'heure, de fluidifier le marché, et on oublie de raconter que notre seul objectif, c'est de permettre aux Français qui ont le moins aujourd'hui, de pouvoir traverser ces grandes transitions.
LÉA SALAME
Dernière précision, sur une promesse de campagne d'Emmanuel MACRON, il avait promis que toute la France serait couverte par le très haut débit en 2022, il semble être revenu sur cette promesse, en affirmant que toute la France serait couverte par le haut débit et le très haut débit. C'est une différence, et elle est de taille, puisqu'à peu près tous les Français aujourd'hui sont couverts déjà par le haut débit. Il avait promis le très haut débit, est-ce qu'il sera appliqué ou pas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Attention Léa SALAME ! Vous oubliez, il fait cette nouvelle promesse, mais il l'avance de deux ans. Donc, l'objectif 2022 du très haut débit pour tous, elle reste, sauf que nous, ce que nous disons aujourd'hui, c'est que nous faisons une nouvelle promesse, un nouvel engagement, c'est dès 2020, donc dans les deux prochaines années et demi, faire le...
LÉA SALAME
Je vous fais répéter, pour qu'on comprenne bien, ce sera le très haut débit pour toute la France, je précise, le très haut débit pour toute la France.
MOUNIR MAHJOUBI
Ça c'est sûr. Et dès 2020, mieux. Parce que, ce que je disais, ce que nous avons porté avec ce gouvernement, avec monsieur MEZARD, c'est qu'il faut que tous les Français, maintenant, aient accès à ce bon débit.
LÉA SALAME
Merci Mounir MAHJOUBI et très bonne journée à vous.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonne journée !
NICOLAS DEMORAND
Et merci Léa, on vous retrouve à 08h40.Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 septembre 2017