Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes ravis de rejoindre nos amis de Paris Première pour cette Matinale spéciale avec Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Economie, bonjour et bienvenue.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Les sujets ne manquent pas ce matin, vous savez que c'est la grande journée de manifestation sociale avec, depuis l'aube d'ailleurs, quelque chose qui n'était pas totalement prévu, c'est le blocage de la Concorde et d'une partie de la place de l'Etoile par les forains de Marcel CAMPION qui hurlent contre la Mairie de Paris qui veut démanteler une partie de leurs installations dans ce quartier de Paris. Mais nous parlerons évidemment de la réforme de la fiscalité, de l'entretien donné aux Echos et de la situation politique avec la présence, aussi, d'Emmanuel MACRON à Saint-Martin.
( ) Edito de Guillaume TABARD.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, nous allons parler évidemment de politique, de fiscalité et de beaucoup d'autres sujets ce matin, le voici, il est en direct. Bruno LE MAIRE, est-ce que le vocabulaire employé risque d'être explosif ? D'abord, bienvenue évidemment, nous allons parler de tous ces sujets ensemble, mais cette affaire de « fainéants », d'une France qui n'est pas réformable, est en train de créer peut-être un effet boule de neige qui pourrait augmenter une mobilisation qui, au départ, était faible puisqu'il n'y avait pas tous les syndicats.
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne crois pas du tout, je crois qu'on est sur une de ces fausses polémiques, que la vie politique française adore, le vrai sujet c'est est-ce que nous sommes capables de transformer, ou non, la France. c'est vrai que quand on regarde ce qui a été fait depuis 20 ans, 30 ans, il y a des bonnes choses qui ont été faites, mais l'essentiel n'a pas été fait, et ce que nous voulons engager, avec Emmanuel MACRON, avec le Premier ministre, c'est cette transformation complète du modèle économique français pour qu'il produise plus de richesses, et donc qu'il profite à tous les Français, c'est ça notre cap.
GUILLAUME DURAND
On va y arriver évidemment dans le détail, mais la question des mots est quand même importante. On a beaucoup reproché à Nicolas SARKOZY, parfois à Jacques CHIRAC, même à Dominique de VILLEPIN, d'utiliser des mots qui n'étaient pas des mots extrêmement diplomatiques, nous sommes quand même dans une journée importante, et vous savez très bien, pour avoir été au pouvoir en 2006 aux côtés de Dominique de VILLEPIN, qu'on sait comment ça commence, mais qu'on ne sait jamais comment ça se termine une manifestation.
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis très serein. Il est parfaitement légitime que les syndicats, qui s'opposent à cette réforme du Code du travail, aillent défiler dans la rue, s'ils le font dans le calme et dans le respect des lois républicaines. Nous, notre travail, notre mission, pour laquelle nous avons été mandatés par le peuple français, puisque nous avons été élus pour ça, c'est de poursuivre, avec constance, et avec une détermination totale, dans la transformation économique du pays. Et ce n'est pas facile. Bien sûr que des transformations fiscales, que le Premier ministre a annoncées hier, que j'ai précisées ce matin dans Les Echos, sont difficiles, c'est plus que des transformations fiscales, Guillaume DURAND, c'est une révolution culturelle que nous demandons aux Français. Ça va demander de la pédagogie, ça va demander des explications, mais je suis convaincu que le cap est le bon.
GUILLAUME DURAND
« Fainéants » ce n'est pas très pédagogique, « hostiles à la réforme » ce n'est pas très pédagogique
BRUNO LE MAIRE
J'étais en Grèce avec Emmanuel MACRON quand il a tenu ces propos, moi, ce que j'ai retenu de ces propos, c'est la détermination sans faille du président de la République, et je crois que ce qu'il faut entendre derrière ces mots c'est la détermination, sans faille, d'un homme qui a été élu, je le rappelle, face aux extrêmes, qui a été élu avec un mandat, je le rappelle, très clair, de transformation complète du pays. Donc, ne nous laissons pas divertir par l'écume des choses et continuons à tracer notre sillon.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'on est proche de ce que disait Raymond BARRE en 76, c'est-à-dire que la politique d'un gouvernement ne se mesure pas à la longueur des cortèges, c'est-à-dire qu'en gros, à terme, quoi qu'il arrive, même s'il y a une sorte de report de manifestations en manifestations, puis la journée des Insoumis le 23 septembre, il n'y aura pas de recul du gouvernement, c'est-à-dire que, ce matin, vous pouvez être certain de ça, sur aucun domaine ?
BRUNO LE MAIRE
Nous tiendrons, nous tiendrons, et la politique d'un gouvernement elle se mesure d'abord à ses résultats. Les résultats, soyons clairs, mettront du temps à venir, c'est pour ça que j'appelle chacun à la sérénité, à la constance, à la détermination. Parce que ce n'est pas demain, ce n'est pas après-demain, ce n'est pas dans quelques semaines, que nous allons voir, tout d'un coup, la croissance française exploser, toutes nos entreprises devenir florissantes, et surtout un emploi pour chaque Français et un chômage qui baisse à un niveau qui soit à peu près acceptable, ce qui n'est pas arrivé depuis une vingtaine d'années dans notre pays. Ça prendre du temps, donc ça va demander de la force d'âme.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous confirmez justement ce délai qui a été donné par Emmanuel MACRON, c'est-à-dire 18, 24 mois, après l'entrée en vigueur des lois sur le travail ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il faudra plusieurs mois avant que tout ce que nous avons engagé, la transformation du Code du travail, demain la transformation de la formation, qui est essentielle, la transformation de notre fiscalité, pour qu'elle permette aux entreprises de mieux se financer, donc d'investir, donc d'innover, donc de créer des emplois pour demain, ça prendra effectivement plusieurs mois, et je pense que d'ici 2 ans, je l'espère, nous commencerons à voir de vrais résultats de cette politique.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi d'insister sur ce domaine, mais nous tiendrons y compris sur les régimes spéciaux qui ont été annoncés. c'est-à-dire qu'il est question de mettre fin à ces régimes spéciaux, notamment à la SNCF, en avalant une partie de la dette, 44 milliards, de cette grande société nationale, est-ce que ce n'est pas là le danger, parce que vous vous souvenez que c'est ce qui s'était passé avec Alain JUPPE, tout était passé, sauf ça.
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a des dangers partout Guillaume DURAND, mais nous avons été élus pour surmonter ces dangers. Et par ailleurs, il y a une énorme différence, par rapport aux échecs que vous citez, par rapport aussi à l'échec de François HOLLANDE sur la réforme du Code du travail, c'est qu'Emmanuel MACRON l'a dit avant, c'est que c'est dans son programme. On peut critiquer toutes ces réformes, on est libre et nous sommes en démocratie, chacun est libre de s'exprimer, mais on ne peut pas contester qu'Emmanuel MACRON a été élu en annonçant qu'il toucherait aux régimes spéciaux de retraite, en annonçant qu'il supprimerait l'ISF, en annonçant qu'il ferait la transformation du Code du travail. Personne n'est pris en traître, il y a eu une élection, nous sommes en démocratie, en démocratie c'est la voix de la majorité qui doit l'emporter. Et s'il y a un bien un changement dans la vie politique, que personnellement j'apprécie comme membre du gouvernement, c'est que nous sommes déterminés à tenir parole.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais quand MARTINEZ dit que c'est une première étape d'une mobilisation ce matin, il vient de le dire chez nos camarades de France 2, ce qui veut dire qu'il y aura manifestation aujourd'hui, puis, peut-être, toute une série de manifestations comme ça s'est passé, malheureusement, dans le passé.
BRUNO LE MAIRE
Mais quelle réponse monsieur MARTINEZ apporte-t-il aux difficultés des Français, au chômage, à l'injustice que représente pour les Français le fait que certains ont des régimes de retraite normaux et d'autres des régimes spéciaux ? C'est quoi la réponse de monsieur MARTINEZ ?
GUILLAUME DURAND
Donc on tient ?
BRUNO LE MAIRE
On tient parce que c'est juste, et on tient parce que ça a été voulu par les Français.
GUILLAUME DURAND
Quand je dis on tient, je ne le prends pas pour moi
BRUNO LE MAIRE
Mais nous tiendrons parce que c'est juste, Guillaume DURAND, et parce que ça a été voulu par les Français.
GUILLAUME DURAND
Alors, il y a plusieurs questions à caractère fiscal que vous traitez ce matin dans Les Echos, et puis après on reviendra évidemment à la situation politique, car il faut savoir aussi si vous avez la force politique de tenir justement sur ces dossiers. Commençons par l'ISF, quel est maintenant exactement l'arbitrage qui a été pris par Bercy ?
BRUNO LE MAIRE
C'est l'arbitrage qui a été présenté par le candidat Emmanuel MACRON dans sa campagne, c'est-à-dire que nous supprimons l'imposition sur les valeurs mobilières. Et pourquoi est-ce que nous faisons ça ? Nous le faisons tout simplement parce que nous voulons récompenser le risque. Si vous voulez mettre votre argent dans des actions pour financer l'économie française, financer nos entreprises, ensuite vous les revendez, vous gagnez de l'argent, vous avez pris un risque, vous gardez votre argent, il n'y a plus d'ISF, et je pense que c'est à la fois juste et efficace. Que chaque Français comprenne bien le choix économique qui est derrière. Qu'est-ce que nous voulons pour le financement de notre économie ? est-ce que nous voulons continuer à taxer le financement de notre économie à des niveaux qui peuvent dépasser les 60 %, ce qui fait que ceux qui pourraient investir s'en détournent et que c'est des acteurs étrangers qui viennent financer notre économie, ou est-ce que nous voulons financer nous-mêmes notre économie et disant aux Français « prenez des risques, financez les entreprises françaises et vous serez moins taxés, ce sera un prélèvement forfaitaire unique à 30 % » ?
GUILLAUME DURAND
On est bien d'accord qu'il y a une exonération, ce matin, de tout ce qui est immobilier d'entreprise et qu'il y a des abattements sur l'immobilier de la résidence principale ?
BRUNO LE MAIRE
Sur l'immobilier, je veux rassurer tous ceux qui sont concernés, la réforme ne fait aucun perdant, aucun, nous retirons juste l'ISF sur les valeurs mobilières, nous le supprimons pour financer l'économie. Et s'agissant de l'ISF sur les valeurs immobilières, nous ne touchons aucune règle, le plafond reste le même, le seuil reste le même, les abattements restent les mêmes, donc aucune inquiétude à avoir. C'est une réforme dynamique, positive, tournée vers le financement des entreprises. Je le redis, le choix il est majeur Guillaume DURAND, est-ce que nous voulons que notre économie soit financée par des Français qui prennent des risques et qui mettent leur épargne au service des PME, des entreprises, ou est-ce que nous voulons que notre économie soit financée par l'étranger, parce que nous gardons l'ISF ?
GUILLAUME DURAND
Ça va concerner combien de gens ? Qui va rester assujetti à l'ISF aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Ça je vous dirai qui restera assujetti à l'ISF, nous n'avons pas encore les chiffres exacts, mais je peux vous dire que ça représente, de la part de l'Etat, un soutien massif au financement de notre économie.
GUILLAUME DURAND
Mais dans les arguments politiques qui sont opposés à cette nouvelle fiscalité voulue par le président, et donc mise en scène par vous, et exécutée par vous, il y a cet argument : c'est finalement beaucoup plus favorable, en gros, aux riches. C'est la bataille qu'on entend un peu partout. C'est ce que reprend MELENCHON, c'est ce que reprend MARTINEZ, c'est ce que reprend une partie de la gauche.
BRUNO LE MAIRE
Oui, ça ne m'étonne pas, c'est un argument facile, et c'est un argument qui est faux. C'est un argument d'abord qui est facile parce qu'on ne veut pas voir l'ambition politique qu'il y a derrière, qui est très simple, qui est de dire aux Français, avant de redistribuer des richesses on va avoir une fiscalité qui va permettre de les créer. C'est vrai que c'est une rupture, parce que depuis 20 ans, 30 ans, on n'arrête pas de dire aux Français on va redistribuer aux uns, on va redistribuer aux autres, et on redistribue ici, et on redistribue là, et on fait preuve d'une ingéniosité, mais, sans limite, pour redistribuer de l'argent que nous n'avons pas. Eh bien, nous rompons avec cette idéologie qui a mis la France dans le mur, qui a plombé nos comptes publics, et qui a été totalement inefficace du point de vue de l'emploi.
GUILLAUME DURAND
Mais si on exonère la fiscalité des entreprises et qu'on avantage des gens qui ont un ISF
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est là que c'est faux Guillaume DURAND
GUILLAUME DURAND
Comment, c'est faux ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que vous oubliez d'autres choix, qui sont des choix majeurs, nous supprimons toutes les charges salariales sur l'Assurance chômage et sur l'Assurance maladie, ça représente, pour un salarié au niveau du SMIC, en année pleine, 250 euros de plus par an, pour un salarié qui a 2000 euros de revenu par mois ça représente 500 euros en plus par an, ce n'est tout de même pas des sommes qui sont négligeables. On pourra parler aussi du crédit pour l'emploi à domicile. Vous savez combien ça nous coûte le crédit pour l'emploi à domicile ? et je pense que c'est une bonne dépense plus d'1 milliard d'euros. Pourquoi est-ce que nous faisons cette dépense ? Parce que nous voulons que le ménage qui fait garder ses enfants, la femme qui vit seule et qui doit garder son père ou sa mère âgée et dépendante, et qui n'a pas les moyens de se payer une aide à domicile parce qu'elle ne paye pas l'impôt sur le revenu et qu'elle n'a pas de défiscalisation possible, on lui dit « vous aurez un crédit d'impôt. Vous pourrez, vous aussi, embaucher quelqu'un pour vous aider à domicile. » Ça coûte 1,1 milliard d'euros, et c'est une belle dépense, c'est une bonne dépense, qui est bonne pour tous les ménages les plus modestes qui ont besoin de soutien. Alors, n'allons pas dire que c'est une politique pour les riches, c'est une politique qui est juste et équilibrée.
GUILLAUME DURAND
Concernant justement les retraités à plus de 2000 euros, ils ne sont pas concernés par la taxe d'habitation, ils vont prendre de plein pied la hausse de la CSG, il y a quand même beaucoup de gens, y compris à la République En Marche, sur le terrain, des élus, il y a 314 élus à l'Assemblée nationale, qui disent « ça commence à hurler du côté des retraités. » Alors, si vous avez le secteur public qui manifeste aujourd'hui, si vous avez les forains qui s'y mettent, si vous avez les étudiants qui descendent dans la rue, les retraités qui ne sont pas très contents, on voit qu'est en train de se constituer un front. Vous êtes en train de dire « on va relancer le moteur de l'économie française », mais eux c'est leur moteur qui les concerne.
BRUNO LE MAIRE
La meilleure réponse à cela, Guillaume DURAND, c'est la volonté et c'est l'explication de ce que nous faisons.
GUILLAUME DURAND
On va pouvoir faire quelque chose pour eux ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas vous dire que tous les retraités seront épargnés et qu'aucun ne fera un effort, ce n'est pas vrai. Nous allons faire en sorte que le plus grand nombre de retraités n'ait pas à contribuer, parce qu'il y a la baisse de la taxe d'habitation, parce qu'il y a un certain nombre de dettes, sur lequel je ne vais pas m'étendre, il y a l'augmentation du minimum vieillesse, il y a un certain nombre de choses que nous faisons. Mais oui, je le reconnais bien volontiers, il y a un certain nombre de retraités qui vont contribuer au redressement du pays, nous leur demandons un effort. Je veux juste leur dire, à tous ces retraités, que nous avons conscience de l'effort que nous leur demandons, mais que cet effort est utile parce qu'il va permettre justement de récompenser le travail, il va financer cette suppression des cotisations salariales dont je vous ai parlé, et donc on va aider des salariés, qui trouvent qu'ils ne gagnent pas assez à la fin du mois, de gagner plus pour relancer l'activité et le travail dans notre pays. C'est le sens de l'effort que nous demandons à un certain nombre de retraités.
GUILLAUME DURAND
Nous allons poursuivre évidemment toute cette conversation sur la réforme de la fiscalité, les réformes économiques voulues par Emmanuel MACRON, Bruno LE MAIRE et le Premier ministre, dans un instant, juste après le rappel des titres évidemment et la revue de presse de Michel GROSSIORD. Ce qui nous permettra aussi de traiter les questions à caractère politique et même les questions de société puisque vous savez que Régis DEBRAY, dans un livre qui s'appelle « Civilisation » disait récemment qu'on était en train de nous promettre la flexibilité nordique et qu'en fait on nous faisait avaler le monde américain totalement libéré.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2017
Nous sommes ravis de rejoindre nos amis de Paris Première pour cette Matinale spéciale avec Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Economie, bonjour et bienvenue.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Les sujets ne manquent pas ce matin, vous savez que c'est la grande journée de manifestation sociale avec, depuis l'aube d'ailleurs, quelque chose qui n'était pas totalement prévu, c'est le blocage de la Concorde et d'une partie de la place de l'Etoile par les forains de Marcel CAMPION qui hurlent contre la Mairie de Paris qui veut démanteler une partie de leurs installations dans ce quartier de Paris. Mais nous parlerons évidemment de la réforme de la fiscalité, de l'entretien donné aux Echos et de la situation politique avec la présence, aussi, d'Emmanuel MACRON à Saint-Martin.
( ) Edito de Guillaume TABARD.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, nous allons parler évidemment de politique, de fiscalité et de beaucoup d'autres sujets ce matin, le voici, il est en direct. Bruno LE MAIRE, est-ce que le vocabulaire employé risque d'être explosif ? D'abord, bienvenue évidemment, nous allons parler de tous ces sujets ensemble, mais cette affaire de « fainéants », d'une France qui n'est pas réformable, est en train de créer peut-être un effet boule de neige qui pourrait augmenter une mobilisation qui, au départ, était faible puisqu'il n'y avait pas tous les syndicats.
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne crois pas du tout, je crois qu'on est sur une de ces fausses polémiques, que la vie politique française adore, le vrai sujet c'est est-ce que nous sommes capables de transformer, ou non, la France. c'est vrai que quand on regarde ce qui a été fait depuis 20 ans, 30 ans, il y a des bonnes choses qui ont été faites, mais l'essentiel n'a pas été fait, et ce que nous voulons engager, avec Emmanuel MACRON, avec le Premier ministre, c'est cette transformation complète du modèle économique français pour qu'il produise plus de richesses, et donc qu'il profite à tous les Français, c'est ça notre cap.
GUILLAUME DURAND
On va y arriver évidemment dans le détail, mais la question des mots est quand même importante. On a beaucoup reproché à Nicolas SARKOZY, parfois à Jacques CHIRAC, même à Dominique de VILLEPIN, d'utiliser des mots qui n'étaient pas des mots extrêmement diplomatiques, nous sommes quand même dans une journée importante, et vous savez très bien, pour avoir été au pouvoir en 2006 aux côtés de Dominique de VILLEPIN, qu'on sait comment ça commence, mais qu'on ne sait jamais comment ça se termine une manifestation.
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis très serein. Il est parfaitement légitime que les syndicats, qui s'opposent à cette réforme du Code du travail, aillent défiler dans la rue, s'ils le font dans le calme et dans le respect des lois républicaines. Nous, notre travail, notre mission, pour laquelle nous avons été mandatés par le peuple français, puisque nous avons été élus pour ça, c'est de poursuivre, avec constance, et avec une détermination totale, dans la transformation économique du pays. Et ce n'est pas facile. Bien sûr que des transformations fiscales, que le Premier ministre a annoncées hier, que j'ai précisées ce matin dans Les Echos, sont difficiles, c'est plus que des transformations fiscales, Guillaume DURAND, c'est une révolution culturelle que nous demandons aux Français. Ça va demander de la pédagogie, ça va demander des explications, mais je suis convaincu que le cap est le bon.
GUILLAUME DURAND
« Fainéants » ce n'est pas très pédagogique, « hostiles à la réforme » ce n'est pas très pédagogique
BRUNO LE MAIRE
J'étais en Grèce avec Emmanuel MACRON quand il a tenu ces propos, moi, ce que j'ai retenu de ces propos, c'est la détermination sans faille du président de la République, et je crois que ce qu'il faut entendre derrière ces mots c'est la détermination, sans faille, d'un homme qui a été élu, je le rappelle, face aux extrêmes, qui a été élu avec un mandat, je le rappelle, très clair, de transformation complète du pays. Donc, ne nous laissons pas divertir par l'écume des choses et continuons à tracer notre sillon.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'on est proche de ce que disait Raymond BARRE en 76, c'est-à-dire que la politique d'un gouvernement ne se mesure pas à la longueur des cortèges, c'est-à-dire qu'en gros, à terme, quoi qu'il arrive, même s'il y a une sorte de report de manifestations en manifestations, puis la journée des Insoumis le 23 septembre, il n'y aura pas de recul du gouvernement, c'est-à-dire que, ce matin, vous pouvez être certain de ça, sur aucun domaine ?
BRUNO LE MAIRE
Nous tiendrons, nous tiendrons, et la politique d'un gouvernement elle se mesure d'abord à ses résultats. Les résultats, soyons clairs, mettront du temps à venir, c'est pour ça que j'appelle chacun à la sérénité, à la constance, à la détermination. Parce que ce n'est pas demain, ce n'est pas après-demain, ce n'est pas dans quelques semaines, que nous allons voir, tout d'un coup, la croissance française exploser, toutes nos entreprises devenir florissantes, et surtout un emploi pour chaque Français et un chômage qui baisse à un niveau qui soit à peu près acceptable, ce qui n'est pas arrivé depuis une vingtaine d'années dans notre pays. Ça prendre du temps, donc ça va demander de la force d'âme.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous confirmez justement ce délai qui a été donné par Emmanuel MACRON, c'est-à-dire 18, 24 mois, après l'entrée en vigueur des lois sur le travail ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il faudra plusieurs mois avant que tout ce que nous avons engagé, la transformation du Code du travail, demain la transformation de la formation, qui est essentielle, la transformation de notre fiscalité, pour qu'elle permette aux entreprises de mieux se financer, donc d'investir, donc d'innover, donc de créer des emplois pour demain, ça prendra effectivement plusieurs mois, et je pense que d'ici 2 ans, je l'espère, nous commencerons à voir de vrais résultats de cette politique.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi d'insister sur ce domaine, mais nous tiendrons y compris sur les régimes spéciaux qui ont été annoncés. c'est-à-dire qu'il est question de mettre fin à ces régimes spéciaux, notamment à la SNCF, en avalant une partie de la dette, 44 milliards, de cette grande société nationale, est-ce que ce n'est pas là le danger, parce que vous vous souvenez que c'est ce qui s'était passé avec Alain JUPPE, tout était passé, sauf ça.
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a des dangers partout Guillaume DURAND, mais nous avons été élus pour surmonter ces dangers. Et par ailleurs, il y a une énorme différence, par rapport aux échecs que vous citez, par rapport aussi à l'échec de François HOLLANDE sur la réforme du Code du travail, c'est qu'Emmanuel MACRON l'a dit avant, c'est que c'est dans son programme. On peut critiquer toutes ces réformes, on est libre et nous sommes en démocratie, chacun est libre de s'exprimer, mais on ne peut pas contester qu'Emmanuel MACRON a été élu en annonçant qu'il toucherait aux régimes spéciaux de retraite, en annonçant qu'il supprimerait l'ISF, en annonçant qu'il ferait la transformation du Code du travail. Personne n'est pris en traître, il y a eu une élection, nous sommes en démocratie, en démocratie c'est la voix de la majorité qui doit l'emporter. Et s'il y a un bien un changement dans la vie politique, que personnellement j'apprécie comme membre du gouvernement, c'est que nous sommes déterminés à tenir parole.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais quand MARTINEZ dit que c'est une première étape d'une mobilisation ce matin, il vient de le dire chez nos camarades de France 2, ce qui veut dire qu'il y aura manifestation aujourd'hui, puis, peut-être, toute une série de manifestations comme ça s'est passé, malheureusement, dans le passé.
BRUNO LE MAIRE
Mais quelle réponse monsieur MARTINEZ apporte-t-il aux difficultés des Français, au chômage, à l'injustice que représente pour les Français le fait que certains ont des régimes de retraite normaux et d'autres des régimes spéciaux ? C'est quoi la réponse de monsieur MARTINEZ ?
GUILLAUME DURAND
Donc on tient ?
BRUNO LE MAIRE
On tient parce que c'est juste, et on tient parce que ça a été voulu par les Français.
GUILLAUME DURAND
Quand je dis on tient, je ne le prends pas pour moi
BRUNO LE MAIRE
Mais nous tiendrons parce que c'est juste, Guillaume DURAND, et parce que ça a été voulu par les Français.
GUILLAUME DURAND
Alors, il y a plusieurs questions à caractère fiscal que vous traitez ce matin dans Les Echos, et puis après on reviendra évidemment à la situation politique, car il faut savoir aussi si vous avez la force politique de tenir justement sur ces dossiers. Commençons par l'ISF, quel est maintenant exactement l'arbitrage qui a été pris par Bercy ?
BRUNO LE MAIRE
C'est l'arbitrage qui a été présenté par le candidat Emmanuel MACRON dans sa campagne, c'est-à-dire que nous supprimons l'imposition sur les valeurs mobilières. Et pourquoi est-ce que nous faisons ça ? Nous le faisons tout simplement parce que nous voulons récompenser le risque. Si vous voulez mettre votre argent dans des actions pour financer l'économie française, financer nos entreprises, ensuite vous les revendez, vous gagnez de l'argent, vous avez pris un risque, vous gardez votre argent, il n'y a plus d'ISF, et je pense que c'est à la fois juste et efficace. Que chaque Français comprenne bien le choix économique qui est derrière. Qu'est-ce que nous voulons pour le financement de notre économie ? est-ce que nous voulons continuer à taxer le financement de notre économie à des niveaux qui peuvent dépasser les 60 %, ce qui fait que ceux qui pourraient investir s'en détournent et que c'est des acteurs étrangers qui viennent financer notre économie, ou est-ce que nous voulons financer nous-mêmes notre économie et disant aux Français « prenez des risques, financez les entreprises françaises et vous serez moins taxés, ce sera un prélèvement forfaitaire unique à 30 % » ?
GUILLAUME DURAND
On est bien d'accord qu'il y a une exonération, ce matin, de tout ce qui est immobilier d'entreprise et qu'il y a des abattements sur l'immobilier de la résidence principale ?
BRUNO LE MAIRE
Sur l'immobilier, je veux rassurer tous ceux qui sont concernés, la réforme ne fait aucun perdant, aucun, nous retirons juste l'ISF sur les valeurs mobilières, nous le supprimons pour financer l'économie. Et s'agissant de l'ISF sur les valeurs immobilières, nous ne touchons aucune règle, le plafond reste le même, le seuil reste le même, les abattements restent les mêmes, donc aucune inquiétude à avoir. C'est une réforme dynamique, positive, tournée vers le financement des entreprises. Je le redis, le choix il est majeur Guillaume DURAND, est-ce que nous voulons que notre économie soit financée par des Français qui prennent des risques et qui mettent leur épargne au service des PME, des entreprises, ou est-ce que nous voulons que notre économie soit financée par l'étranger, parce que nous gardons l'ISF ?
GUILLAUME DURAND
Ça va concerner combien de gens ? Qui va rester assujetti à l'ISF aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Ça je vous dirai qui restera assujetti à l'ISF, nous n'avons pas encore les chiffres exacts, mais je peux vous dire que ça représente, de la part de l'Etat, un soutien massif au financement de notre économie.
GUILLAUME DURAND
Mais dans les arguments politiques qui sont opposés à cette nouvelle fiscalité voulue par le président, et donc mise en scène par vous, et exécutée par vous, il y a cet argument : c'est finalement beaucoup plus favorable, en gros, aux riches. C'est la bataille qu'on entend un peu partout. C'est ce que reprend MELENCHON, c'est ce que reprend MARTINEZ, c'est ce que reprend une partie de la gauche.
BRUNO LE MAIRE
Oui, ça ne m'étonne pas, c'est un argument facile, et c'est un argument qui est faux. C'est un argument d'abord qui est facile parce qu'on ne veut pas voir l'ambition politique qu'il y a derrière, qui est très simple, qui est de dire aux Français, avant de redistribuer des richesses on va avoir une fiscalité qui va permettre de les créer. C'est vrai que c'est une rupture, parce que depuis 20 ans, 30 ans, on n'arrête pas de dire aux Français on va redistribuer aux uns, on va redistribuer aux autres, et on redistribue ici, et on redistribue là, et on fait preuve d'une ingéniosité, mais, sans limite, pour redistribuer de l'argent que nous n'avons pas. Eh bien, nous rompons avec cette idéologie qui a mis la France dans le mur, qui a plombé nos comptes publics, et qui a été totalement inefficace du point de vue de l'emploi.
GUILLAUME DURAND
Mais si on exonère la fiscalité des entreprises et qu'on avantage des gens qui ont un ISF
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est là que c'est faux Guillaume DURAND
GUILLAUME DURAND
Comment, c'est faux ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que vous oubliez d'autres choix, qui sont des choix majeurs, nous supprimons toutes les charges salariales sur l'Assurance chômage et sur l'Assurance maladie, ça représente, pour un salarié au niveau du SMIC, en année pleine, 250 euros de plus par an, pour un salarié qui a 2000 euros de revenu par mois ça représente 500 euros en plus par an, ce n'est tout de même pas des sommes qui sont négligeables. On pourra parler aussi du crédit pour l'emploi à domicile. Vous savez combien ça nous coûte le crédit pour l'emploi à domicile ? et je pense que c'est une bonne dépense plus d'1 milliard d'euros. Pourquoi est-ce que nous faisons cette dépense ? Parce que nous voulons que le ménage qui fait garder ses enfants, la femme qui vit seule et qui doit garder son père ou sa mère âgée et dépendante, et qui n'a pas les moyens de se payer une aide à domicile parce qu'elle ne paye pas l'impôt sur le revenu et qu'elle n'a pas de défiscalisation possible, on lui dit « vous aurez un crédit d'impôt. Vous pourrez, vous aussi, embaucher quelqu'un pour vous aider à domicile. » Ça coûte 1,1 milliard d'euros, et c'est une belle dépense, c'est une bonne dépense, qui est bonne pour tous les ménages les plus modestes qui ont besoin de soutien. Alors, n'allons pas dire que c'est une politique pour les riches, c'est une politique qui est juste et équilibrée.
GUILLAUME DURAND
Concernant justement les retraités à plus de 2000 euros, ils ne sont pas concernés par la taxe d'habitation, ils vont prendre de plein pied la hausse de la CSG, il y a quand même beaucoup de gens, y compris à la République En Marche, sur le terrain, des élus, il y a 314 élus à l'Assemblée nationale, qui disent « ça commence à hurler du côté des retraités. » Alors, si vous avez le secteur public qui manifeste aujourd'hui, si vous avez les forains qui s'y mettent, si vous avez les étudiants qui descendent dans la rue, les retraités qui ne sont pas très contents, on voit qu'est en train de se constituer un front. Vous êtes en train de dire « on va relancer le moteur de l'économie française », mais eux c'est leur moteur qui les concerne.
BRUNO LE MAIRE
La meilleure réponse à cela, Guillaume DURAND, c'est la volonté et c'est l'explication de ce que nous faisons.
GUILLAUME DURAND
On va pouvoir faire quelque chose pour eux ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas vous dire que tous les retraités seront épargnés et qu'aucun ne fera un effort, ce n'est pas vrai. Nous allons faire en sorte que le plus grand nombre de retraités n'ait pas à contribuer, parce qu'il y a la baisse de la taxe d'habitation, parce qu'il y a un certain nombre de dettes, sur lequel je ne vais pas m'étendre, il y a l'augmentation du minimum vieillesse, il y a un certain nombre de choses que nous faisons. Mais oui, je le reconnais bien volontiers, il y a un certain nombre de retraités qui vont contribuer au redressement du pays, nous leur demandons un effort. Je veux juste leur dire, à tous ces retraités, que nous avons conscience de l'effort que nous leur demandons, mais que cet effort est utile parce qu'il va permettre justement de récompenser le travail, il va financer cette suppression des cotisations salariales dont je vous ai parlé, et donc on va aider des salariés, qui trouvent qu'ils ne gagnent pas assez à la fin du mois, de gagner plus pour relancer l'activité et le travail dans notre pays. C'est le sens de l'effort que nous demandons à un certain nombre de retraités.
GUILLAUME DURAND
Nous allons poursuivre évidemment toute cette conversation sur la réforme de la fiscalité, les réformes économiques voulues par Emmanuel MACRON, Bruno LE MAIRE et le Premier ministre, dans un instant, juste après le rappel des titres évidemment et la revue de presse de Michel GROSSIORD. Ce qui nous permettra aussi de traiter les questions à caractère politique et même les questions de société puisque vous savez que Régis DEBRAY, dans un livre qui s'appelle « Civilisation » disait récemment qu'on était en train de nous promettre la flexibilité nordique et qu'en fait on nous faisait avaler le monde américain totalement libéré.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2017