Interview de M. Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances, à "France 2" le 19 septembre 2017, sur les caractéristiques du projet de budget pour 2018.

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Média : France 2

Texte intégral

LAURENT BIGNOLAS
Mais on va d'abord retrouver Caroline ROUX et Les 4 Vérités, Caroline ROUX bonjour, avec aujourd'hui comme invité des 4 V le ministre Bruno LE MAIRE.
CAROLINE ROUX
Ou, le ministre de l'Economie et des Finances. Vous le savez la semaine prochaine, avec Gérald DARMANIN, il va porter le premier budget du quinquennat : économies, baisse d'impôts, dépenses ciblées, c'est l'un des actes fondateurs du quinquennat. Bonjour Bruno LE MAIRE...
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Naturellement nous allons évoquer le budget, mais d'abord un mot la Guadeloupe attend avec inquiétude le nouvel ouragan Maria, un ouragan de catégorie 5, un mot sur Irma, pour le coup est-ce que vous considérez que les assureurs avancent suffisamment vite dans l'indemnisation d'Irma ?
BRUNO LE MAIRE
On va faire en sorte qu'ils avancent vite parce que ceux qui ont vécu Saint Barthélémy, Saint Martin, ce que vit la Guadeloupe en ce moment ce sont des heures terribles, humainement, psychologiquement c'est d'une violence incroyable ce qui arrive à nos compatriotes des Outremer, donc je souhaite que les assureurs fassent tout le nécessaire pour indemniser le plus vite possible ceux qui ont été victimes d'Irma, donc je les recevrai vendredi dans un état d'esprit évidemment très constructif avec le souci que les indemnisations arrivent dans les trois mois.
CAROLINE ROUX
Dans les trois mois c'est le délai que vous leur avez fixé ?
BRUNO LE MAIRE
Oui trois mois, parce qu'il faut bien mesurer la violence de ce qu'ont vécu et de ce que vivent aujourd'hui nos compatriotes d'Outremer qui voient disparaître tous leurs biens, qui se sentent inquiets, le moins que l'on puisse faire c'est que la solidarité nationale – qu'elle soit publique ou privée – fonctionne à plein et rapidement.
CAROLINE ROUX
Le budget, 43 % des Français – c'est un sondage publié par Libération hier, un sondage ViaVoice – considèrent que vous menez une politique de droite, j'imagine que vous êtes assez à l'aise vous Bruno LE MAIRE avec ce chiffre-là, mais est-ce que c'est un budget de droite que vous allez porter ?
BRUNO LE MAIRE
Non.
CAROLINE ROUX
Non ?
BRUNO LE MAIRE
Non franchement, Caroline ROUX, ce n'est pas un budget de droite, ce n'est pas un budget de gauche, c'est un budget qui vise à être juste et efficace, juste parce qu'il apporte des réponses à tous ceux qui travaillent et qui ne gagnent pas beaucoup d'argent à la fin du mois, qui se disent : à quoi ça sert que je travaille ? Donc, on va supprimer toutes les cotisations : assurance chômage, assurance maladie, pour qu'à la fin du mois tous ceux qui travaillent gagnent plus, on va baisser la taxe d'habitation, on va donner un crédit d'impôt à tous ceux qui veulent embaucher quelqu'un à domicile et qui ne sont pas gagnants parce que comme ils ne paient pas d'impôt sur le revenu avant ils n'avaient pas de déduction fiscale. Donc c'est vraiment un budget qui vise à aider ceux qui travaillent, ceux qui sont dans la difficulté ; Et en même temps, c'est effectivement un budget efficace dans lequel il y a des réductions des impôts qui va être important - de l'ordre de 10 milliards d'euros sur 2018 – et dans lequel nous allons construire une fiscalité qui va moins peser sur les entrepreneurs, avec une idée toute simple c'est qu'il vaut mieux créer des richesses avant de les redistribuer.
CAROLINE ROUX
C'est un budget de relance de l'économie ou un budget de rigueur budgétaire ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un budget de soutien à notre économie, de transformation de notre économie. Je reviens à ce que je disais ! Pendant des années et des années on s'est dit : « allez, on va redistribuer des richesses, il en faut pour les uns, il en faut pour les autres » mais on a oublié de créer des richesses, notre pays s'est appauvri, le niveau de dépenses publiques il n'a cessé d'augmenter parce qu'il fallait remplir le tonneau des Danaïdes avec toujours plus de dépenses publiques et l'appauvrissement des Français derrière, nous avec Emmanuel MACRON nous voulons faire exactement l'inverse, on pense d'abord à créer des richesses, donc on va effectivement soutenir les entrepreneurs, on va effectivement alléger la fiscalité sur le capital pour que nos entreprises puissent investir, innover, se moderniser et créer des emplois pour tous les Français. C'est ça l'objectif !
CAROLINE ROUX
L'objectif c'est aussi de tenir les objectifs...
BRUNO LE MAIRE
Oui.
CAROLINE ROUX
Pour le coup imposés, on va le dire comme ça, par Bruxelles, est-ce que l'objectif d'être sous la barre des 3 % sera tenu sur l'exercice 2017 et quels sont vos objectifs pour l'an prochain ?
BRUNO LE MAIRE
Il sera tenu, en 2017 nous visons 2,9 % de déficit public et en 2018 nous visons 2,6 %, c'est d'ailleurs un peu mieux que ce que nous avions indiqué en première indication aux parlementaires parce que la croissance est légèrement meilleure. Mais pourquoi c'est important de tenir ces objectifs-là ? D'abord parce que ça permet effectivement de sortir de ce niveau de dépenses publiques excessif qui n'a pas amélioré la situation des Français, qui ne leur a pas donné plus d'emplois, qui ne leur pas donné plus de richesses, et, ensuite, parce que ça donne à notre parole politique en Europe un poids qu'elle n'avait pas jusqu'à présent.
CAROLINE ROUX
La France redevient crédible aux yeux de Bruxelles, à votre avis ?
BRUNO LE MAIRE
Regardez ce qui s'est passé il y a quelques jours, j'étais à Tallin au sommet des ministres des Finances, nous avons progressé comme jamais cela n'avait été fait au cours des derniers mois sur la taxation de GOOGLE, AMAZON, FACEBOOK, tous ces géants du numérique qui font des profits considérables en France et en Europe et qui ne paient quasiment pas d'impôts, nous avons progressé pourquoi, pourquoi est-ce que la France a obtenu gain de cause ? Parce que, lorsque nous exprimons désormais, nous sommes respectés parce que nos partenaires savent que nous tenons nos engagements.
CAROLINE ROUX
Si vous tenez vos engagements comme vous le dites sur la question des déficits, ça veut dire que vous faites des économies...
BRUNO LE MAIRE
Oui.
CAROLINE ROUX
Combien ?
BRUNO LE MAIRE
Nous ferons l'année prochaine de l'ordre de 16 milliards d'euros d‘économies.
CAROLINE ROUX
C'était 20 l'objectif ?
BRUNO LE MAIRE
L'objectif c'est de passer de 54,6 % de dépenses publiques aujourd'hui par rapport à notre richesse nationale, nous sommes le pays développé qui a le montant de dépenses publiques le plus important par rapport à sa richesse nationale, nous comptons le ramener en cinq ans autour de 50 %, un peu plus que 50 %, baisser...
CAROLINE ROUX
Juste l'objectif c'était bien 20 milliards, c'était ça l'objectif ?
BRUNO LE MAIRE
L'objectif c'est celui qu'a donné le président de la République quand il était en campagne, baisser de trois points le niveau de la dépense publique en France sur cinq ans. Cet objectif il sera tenu et il sera tenu pas pour le plaisir des chiffres et pas pour le plaisir d'arriver autour des 50 % parce que c'est un chiffre rond mais pour le plaisir d'améliorer la situation des Français, d'avoir une croissance plus forte, d'avoir des entreprises qui tournent mieux, qui embauchent plus, qui innovent, qui conquièrent de nouveaux marchés, retrouver une économie conquérante, c'est ça le vrai changement que nous voulons porter.
CAROLINE ROUX
Parmi ceux à qui vous demandez des efforts il y a les collectivités locales, je sais que le président de la République défend un discours de vérité, il faut dire les choses, par exemple dire aux retraités qu'ils vont faire un effort, est-ce que vous confirmez qu'il n'y aura pas de baisse de dotation pour les collectivités locales sur l'exercice 2018 ?
BRUNO LE MAIRE
Oui il n'y aura pas de baisse de dotation, mais il est normal que chacun fasse des efforts, les collectivités locales doivent continuer à faire des efforts, mais l'Etat...
CAROLINE ROUX
Elles ont le sentiment d'en avoir fait beaucoup déjà.
BRUNO LE MAIRE
Mais tout le monde fait des efforts, à tout le monde nous demandons des efforts pour que ça aille mieux pour l‘ensemble de la Nation française. Oui nous demandons des efforts aux retraités, je sais que c‘est difficile - même si les retraités les plus modestes ne seront pas concernés par l'augmentation de la CSG, même si beaucoup verront leur taxe d'habitation diminuée – je sais qu'il y a un certain nombre de retraités à qui nous demandons un effort, que c'est difficile, que certains ont du mal à comprendre. Mais cet effort il a du sens - et c'est ça qui compte - le sens c'est que l'effort que font les retraités va bénéficier à ceux qui travaillent, ça ne va pas aller dans les poches, ça ne va pas aller dans les poches du Trésor public, ça va aller dans les poches de ceux qui travaillent et à tous les retraités qui nous écoutent je veux vraiment dire : « nous avons conscience de l'effort que nous vous demandons mais il est utile pour toute la société française ».
CAROLINE ROUX
Mais est-ce que sur les collectivités vous... on voit bien qu'il y a une colère des collectivités locales et puis les gens qui vous regardent ce matin se disent peut-être : « on va demander aux collectivités de faire un effort et puis au final ça se terminera avec une hausse des impôts locaux ».
BRUNO LE MAIRE
Non, il n'est pas question... enfin chaque collectivité locale fera ses choix, les collectivités locales comme vous le savez s'administrent librement, mais on ne peut pas dire aux Français que nous demandons un effort à une partie des retraités, nous demandons des efforts à l'Etat, nous demandons des efforts sur le logement, nous allons faire une politique qui vise justement à faire baisser les loyers...
CAROLINE ROUX
Alors, justement, on le voit ce matin dans Le Parisien...
BRUNO LE MAIRE
Et avoir une politique qui soit moins coûteuse et dire aux collectivités locales, elles, elles seront exonérées de tous efforts, ça ce n'est pas possible.
CAROLINE ROUX
C'est comme tout le monde. Dans Le Parisien ce matin « logement, emploi, les deux ministères qui sont mis le plus à contribution », est-ce que vous confirmez cette information du Parisien et est-ce que vous l'expliquez considérant que le logement et l'emploi ce sont deux ministères où on pouvait faire des économies ?
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, je crois que c'est une présentation qui est totalement fallacieuse. La réalité c'est que sur le ministère du Travail il y a un choix qui a été fait qui est de réduire fortement le nombre de contrats aidés et j'assume totalement ce choix parce que je considère que les contrats aidés pour beaucoup de ceux qui en bénéficient ce sont des impasses, on se donne bonne conscience, on paie avec l'argent du contribuable pendant un an et demi ou deux ans un emploi et puis à la sortie la personne se débrouille toute seule, eh bien nous préférons investir l'argent du contribuable dans le soutien aux entrepreneurs, à l'innovation, à la croissance pour qu'il y ait des emplois stables avec de bonnes qualifications, de vraies perspectives d'avenir pour les gens, et c'est cette transformation qui est toujours difficile à comprendre et c'est elle qui permettra à la France d'aller mieux dans cinq ans.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE, c'est à vous Laurent.
BRUNO LE MAIRE
Merci Caroline ROUX.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2017