Interview de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec France 2 le 5 octobre 2017, sur le pesticide glyphosate, la qualité de l'alimentation et sur la juste rémunération des agriculteurs.

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Média : France 2

Texte intégral


LAURENT BIGNOLA
Tout de suite Les 4 Vérités avec CAROLINE ROUX, bonjour, vous recevez notre ministre de l'Agriculture ce matin.
CAROLINE ROUX
Bonjour. Oui Stéphane TRAVERT, il clôt un cycle de discussions entre producteurs et distributeurs - ça s'appelle les Etats généraux de l'alimentation et, vous allez le voir, son équation elle est compliquée : garantir des revenus décents pour les agriculteurs sans faire monter les prix pour les consommateurs. Bonjour Stéphane TRAVERT...
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Un mot d'abord sur les Monsanto papers, le journal Le Monde révèle comment Monsanto à organiser la publication de fausses expertises scientifiques, une manipulation de l'information, pour expliquer l'absence de danger du pesticide glyphosate utilisé dans le très connu Roundup, est-ce que c'est grave ?
STEPHANE TRAVERT
Il faut regarder comment ces informations peuvent apparaître aujourd'hui devant le public et redonner de la confiance. Je crois que – et le gouvernement a pris une position très claire sur ce sujet – il y aura un vote au niveau de la Commission européenne et la France votera non, votera contre le renouvellement à 10 ans du glyphosate et, aujourd'hui, le Premier ministre m'a chargé, m'a chargé avec mon collègue du MPES Nicolas HULOT de trouver les moyens d'établir un calendrier de sortie de ce produit...
CAROLINE ROUX
Un calendrier de sortie le plus rapide possible ?
STEPHANE TRAVERT
Le calendrier le plus rapide, mais qui devra trouver la bonne trajectoire pour permettre la transition nécessaire, notamment dans les professions agricoles, ce qui est important.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez des doutes, pardonnez-moi je vous ai coupé, sur la dangerosité de ce pesticide ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez moi je ne suis pas un scientifique et je me réfère uniquement aux avis scientifiques et, sur ce sujet, nous avons besoin de recueillir ces avis et nous avons besoin de recueillir tous les avis. Parce que je crois qu'aujourd'hui ce qu'il y a de plus important c'est de faire en sorte que les consommateurs, nos concitoyens, soient en pleine sécurité, que nous puissions laisser une trace environnementale la plus propre possible.
CAROLINE ROUX
C'est ça le problème, parce que le Centre international de recherches contre le cancer ce sont des gens sérieux quand même...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr madame.
CAROLINE ROUX
Ils expliquent que c'est un cancérogène probable, ça doit alerter quand même le ministre que vous êtes ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr que ça nous alerte, parce qu'aujourd'hui je suis le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et à ce titre c'est la question de la confiance du consommateur vis-à-vis des produits qu'il consomme que nous devons porter, et c'est vrai que cette question nous la travaillons je dirais chaque jour, c‘est notre quotidien que d'accompagner les consommateurs vers une meilleure qualité alimentaire et ces débats ils sont importants, ce sont des débats qui sont entrés dans la société parce que les consommateurs ils veulent qu'on leur dise la vérité tout simplement, cette vérité ce sont les scientifiques, c'est la science qui peut nous la donner et, politiquement, nous prenons nos responsabilités. Comment ? En choisissant de voter non à la question du renouvellement du glyphosate à 10 ans et en essayant de trouver la meilleure trajectoire de sortie possible des pesticides pour que notre agriculture puisse assumer cette transition que nous recherchons.
CAROLINE ROUX
Le plus rapide possible, cinq, sept ans, c'est long, c'est long. Nicolas HULOT, il dit : « il faut sortir immédiatement, parce que c'est trop grave, parce que c'est trop dangereux, sinon l'histoire se retournera contre nous ».
STEPHANE TRAVERT
C'est la question sur laquelle nous devons trancher aujourd'hui.
CAROLINE ROUX
Mais votre avis à vous ?
STEPHANE TRAVERT
C'est-à-dire que, si on reporte à 10 ans et que pendant 10 ans on ne fait rien, dans 10 ans on sera exactement au même niveau qu'aujourd'hui. Donc nous devons nous donner les moyens d'avancer, c'est-à-dire donner les moyens à la recherche de trouver les produits de substitution parce que nous sommes face à des impasses techniques parfois et qu'il faut...
CAROLINE ROUX
Pour les agriculteurs ?
STEPHANE TRAVERT
Pour les agriculteurs bien évidemment, puisque le produit est déjà interdit d'utilisation dans les collectivités et qu'il sera interdit d'utilisation pour les particuliers à partir du 1er janvier 2019, donc nous devons trouver les solutions de transition, c'est-à-dire la bonne trajectoire qui fera en sorte que les agriculteurs pourront diminuer progressivement l'utilisation des pesticides – et c'est ce qu'ils font avec ce que nous avons mis en place sur l'agro-écologie – un bon nombre d'entre eux ont déjà diminuer une part très importante de leurs intrants.
CAROLINE ROUX
En tant que ministre de l'Agriculture, sincèrement, est-ce que vous avez d'ores et déjà été approché par les lobbies des pesticides, est-ce qu'ils sont venus vous voir, est-ce qu'ils ont tapé à votre porte - je rappelle juste pour précision que jeudi dernier pour la première fois les leaders du Parlement européen ont décidé d'interdire l'entrée dans leurs bâtiments des représentants du MOSANTO - est-ce qu'ils sont venus vous voir ?
STEPHANE TRAVERT
Le Parlement européen c'est autre chose, non madame ils ne sont pas venus me voir, je ne les ai pas contactés et je ne recevrai pas.
CAROLINE ROUX
C'est dit. Vous avez clôturé des discussions sur les Etats généraux de l'alimentation, l'idée c'est de rémunérer mieux les producteurs, alors comment vous le faites sans au final augmenter les prix à la consommation ?
STEPHANE TRAVERT
Une méthode : la concertation. Cela fait trop de temps dans ce pays que les concertations, les consultations, les négociations se passaient sur un mode conflictuel, c'est-à-dire qu'il fallait sortir toujours avec un vainqueur et un vaincu, quelqu'un qui broyait l'autre, aujourd'hui nous avons choisi de remettre les gens autour de la table, les Etats généraux c'est ça - c'est déjà cette première victoire que nous avons réussie - c'est de mettre autour d'une table des gens qui ne se parlaient plus, des gens qui n'échangeaient plus et nous avons fait un certain nombre d'ateliers, le premier chantier : création de la valeur, répartition de la valeur et nous arrivons à la césure du premier chantier et nous allons entamer le deuxième chantier sur une alimentation saine, durable et accessible à tous, ce qui rejoint le sujet que nous évoquions précédemment.
CAROLINE ROUX
Le problème c'est quand on discute tous autour d'une table il faut se fixer des priorités, notamment quand on est l'arbitre de ces discussions, ce qui est votre cas...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
CAROLINE ROUX
Votre priorité c'est de dire : « il faut payer mieux les producteurs » et on sait qu'au quotidien c'est très dur pour les agriculteurs...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
CAROLINE ROUX
Ou est-ce qu'il faut maintenir les prix pour les consommateurs ? Vous voyez ce que je veux dire ? Quel est votre cap ?
STEPHANE TRAVERT
C'est une alchimie des deux, madame, c'est faire en sorte que les producteurs puissent vivre dignement de leur métier, qu'ils puissent investir, que leurs exploitations soient plus compétitives, que leurs exploitations soient plus innovantes - et tout cela se fait au service du consommateur – nous allons monter en gamme nos produits, éviter que cette course effrénée du prix le plus bas nous entraîne aussi vers la qualité alimentaire la plus basse aussi et, donc, nous devons redonner à la fois de la confiance aux consommateurs et faire en sorte que les producteurs soient fiers de leur travail et qu'ils aient je dirais de la... qu'on soit fier d'eux également sur le territoire.
CAROLINE ROUX
Edouard LECLERC et QUE CHOISIR expliquent d'ores et déjà que tout ça se traduira par une augmentation des prix de 5 à 15 % pour Edouard LECLERC et l'UFC Que choisir parle de 1,4 milliard de plus à payer pour les consommateurs, vous les rassurez les consommateurs qui vous regardent ce matin ?
STEPHANE TRAVERT
J'ai reçu les associations de consommateurs hier, nous avons échangé sur ces sujets - et l'UFC Que choisir était bien évidemment présente à la table - j'ai cherché aussi à leur dire quelle était notre volonté, notre démarche c'est cette démarche de concertation et de trouver ensemble des solutions, c'est de la co-construction dans laquelle nous sommes engagés.
CAROLINE ROUX
Allez ! Une petite phrase, une nouvelle, elle est signée Emmanuel MACRON, qui a dénoncé : « ceux qui foutent le bordel - ce sont ses mots - et qui feraient mieux d'aller chercher du boulot », c'était dans une entreprise locale qui ne parvient pas à recruter et c'était des salariés de GMS sans doute qui étaient visés et qui se faisaient entendre avec quelques violences hier avec les forces de l'ordre, ce n'est pas un dérapage, c'est du Macron ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez le président de la République il assume toujours ce qu'il dit mais seulement ce qu'il dit et là pour le coup sur la phrase que vous citez ce n'est pas tout à fait celle-là qui a été dite, il a parlé de gens qui cherchaient des solutions, qui devaient chercher des solutions, parce que des solutions il y en a sur le territoire ; et je voudrais rappeler que les salariés de GMS, qui étaient présents et qui manifestaient – et ils en ont d'ailleurs parfaitement le droit – on leur avait proposé une rencontre avec Benjamin GRIVEAUX, le secrétaire d'Etat à l'Economie de Bercy, et cette rencontre a été refusée. Mais ce qui importe c'est ce qu'est venu faire et dire surtout Emmanuel MACRON hier à Egletons, c'est ce gros travail sur l'apprentissage, la formation et cette transformation du pays pour endiguer le chômage de masse et faire en sorte que l'apprentissage redevienne au coeur de nos priorités.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Stéphane TRAVERT.
STEPHANE TRAVERT
Merci madame.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2017