Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Nicole BELLOUBET, bonjour.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Avant d'en venir aux dossiers que vous portez en matière de réforme de la justice en France, quelques mots de l'actualité, et notamment de cette formidable libération de la parole des femmes victimes de harcèlement, ça se passe sur Internet essentiellement. Comment recevez-vous ce mouvement ?
NICOLE BELLOUBET
D'abord c'est un dossier que je porte aussi, conjointement avec Marlène SCHIAPPA. Moi je suis extrêmement impressionnée par la puissance de ce mouvement, je trouve que c'est un déferlement qui témoigne d'un malaise dans notre société dans les rapports, sans doute, entre les femmes et les hommes, et je pense que c'est aussi une invitation à agir pour ne pas laisser cet état de chose, cet état de fait, en l'état.
NICOLAS DEMORAND
Vous êtes étonnée par l'ampleur ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument.
NICOLAS DEMORAND
Est-ce que cette ampleur ne dit pas, aussi, une défaite du droit et de la loi, parce qu'il y a des règles en la matière, mais visiblement elles ne fonctionnent pas ?
NICOLE BELLOUBET
Je pense que l'état du droit crée des mécanismes qui demandent sans doute à être complétés, d'une part, et puis d'autre part je pense qu'il y a et ça relève peut-être, je dirais d'une forme d'incitation il faut que les femmes qui ont réellement subi des violences de cette nature-là, enfin pour celles qui s'estiment puissamment choquées, puissent porter plainte. Et moi j'incite les femmes qui, sur Internet, évoquent des situations très concrètes, à aller porter plainte. Je crois que c'est un mouvement sur lequel il faut aller jusqu'à une traduction judiciaire, si cela peut se faire.
NICOLAS DEMORAND
« Balancetonporc », c'est le mot clé sur Twitter qui a été créé, de manière à choquer, à être littéral et à s'adresser à tout le monde. Est-ce que cette formulation, vous, vous met mal à l'aise ou pas ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, bien sûr.
NICOLAS DEMORAND
Pourquoi ?
NICOLE BELLOUBET
Parce que je trouve que c'est très violent. Il y a dans le mot « porc » et dans le mot « balance », il y a finalement deux notions qui ne sont pas celles qu'on voudrait voir régir notre société, c'est à la fois la dénonciation et puis en même temps le profond irrespect qui résulte de ces pratiques.
NICOLAS DEMORAND
Il n'est jamais que l'écho de la violence que subissent ces femmes.
NICOLE BELLOUBET
Absolument, oui, oui, je trouve que c'est très choquent, enfin que les termes choisis sont volontairement choquants, mais c'est cela, sans doute, qui a aussi incité à libérer la parole.
NICOLAS DEMORAND
Vous le disiez tout à l'heure Nicole BELLOUBET, vous travaillez en ce moment avec Marlène SCHIAPPA à un texte, notamment, sur le harcèlement de rue, où commence-t-il ce harcèlement ?
NICOLE BELLOUBET
Alors ça c'est une notion qui doit être définie justement, alors il y a un groupe de travail composé de parlementaires qui réfléchit à ce sujet. Je ne sais pas s'il faut d'ailleurs, là, employer le mot de « harcèlement », tout dépend de ce que l'on veut faire in fine.
NICOLAS DEMORAND
Expliquez-nous.
NICOLE BELLOUBET
Si vous voulez, actuellement il existe déjà des délits en termes de harcèlement sexuel, de violences sexuelles, etc., donc il y a déjà un champ juridique qui est couvert et qui répond à des incriminations très précises. Je ne sais pas, mais c'est un point sur lequel nous devons travailler, s'il faut ajouter un nouveau délit qui suppose une loi pénale et donc un arsenal juridique assez lourd, ou bien alors si on pourrait qualifier ces situations qui se traduisent dans la rue par des faits, qui demandent d'ailleurs à être précisés, d'outrage sexiste, qui pourraient entraîner une contravention, une verbalisation, et qui dès lors serait plus rapidement mis en place. Donc, c'est un point sur lequel nous devons travailler, il me semble que cela, peut-être, simplifierait les choses, mais, encore une fois, je ne prétends pas ici imposer une solution.
NICOLAS DEMORAND
Comment on peut faire appliquer un texte pareil, ou une disposition pareille ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, c'est quelque chose qui devra être travaillé avec les policiers bien sûr, puisque si on va vers un système de verbalisation il faut qu'ils puissent être mis au contact du fait tel qu'il s'est déroulé, donc ça c'est un point qui est sans doute assez délicat. Mais, je dirais que, même à titre symbolique, même à titre symbolique, et je pense que ça dépassera le symbolique, même à titre symbolique ce serait important qu'il y ait ce type de contravention.
NICOLAS DEMORAND
Autre question d'actualité. On entendait dans le journal de 8h00 ce papier sidérant de notre correspondant Omar OUAHMANE, il se trouve à Aïn Issa, c'est dans un camp à 50 kilomètres au nord de Raqqa. En entendant des enfants jouer et parler français, il a donc pu rencontrer des familles françaises qui avaient fait le choix, « erreur » disent-elles aujourd'hui, « grosse erreur », de partir en Syrie rejoindre l'organisation Etat islamique. Omar OUAHMANE nous disait que ces femmes et ces enfants sont français, n'ont pas de passeport, n'ont pas de téléphone, ils veulent rentrer en France, le peuvent-ils, le doivent-ils ?
NICOLE BELLOUBET
C'est un sujet qui est extrêmement délicat puisque dans la situation actuelle, si des personnes, qui sont allées sur des territoires de combats, reviennent en France, elles vont être judiciarisées. Il y a évidemment des mesures extrêmement strictes et rigoureuses qui sont prises de ce point de vue-là, leur situation sera ensuite examinée, mais le principe de base est celui de la judiciarisation, et donc avec évidemment les difficultés pour les familles puisque les enfants feront l'objet
NICOLAS DEMORAND
Qu'est-ce qu'on fait des enfants ?
NICOLE BELLOUBET
Eh bien, les enfants, de la même manière, ils sont pris en charge et ils vont être placés, suivant la décision qui sera prise par le juge, ils vont être placés, ou dans des familles, ou dans des lieux de prise en charge.
NICOLAS DEMORAND
Ça c'est pour les plus jeunes, dès qu'ils sont un petit peu plus vieux on fait quoi ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas ce que vous appelez plus vieux, si plus vieux ce sont
NICOLAS DEMORAND
On sait que les enfants sont transformés en enfants soldats à partir d'un certain âge.
NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est la raison pour laquelle, encore une fois, tous les enfants qui reviennent en France, et nous en avons un certain nombre, d'ores et déjà, ils sont réellement pris en charge, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas laissés seuls, on sait où ils sont. Ils ont un suivi qui est fait soit par la protection judiciaire de la jeunesse, soit par les organismes des départements qui sont compétents, soit par les autorités judiciaires, mais ils sont systématiquement pris en charge.
NICOLAS DEMORAND
Ceux qui sont nés là-bas sont Français ?
NICOLE BELLOUBET
J'imagine que ça dépend des situations.
NICOLAS DEMORAND
C'est-à-dire, s'ils sont nés de parents Français ?
NICOLE BELLOUBET
S'ils sont nés de parents Français, ils doivent être Français.
NICOLAS DEMORAND
On se retrouve après la revue de presse Nicole BELLOUBET, on a, je le disais tout à l'heure, énormément de sujets à aborder avec vous, que ce soit la carte judiciaire, l'indépendance du Parquet, tous les projets de réforme que vous portez.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 octobre 2017