Interview de M. Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à France 2 le 10 octobre 2017, sur le mécontentement dans la Fonction publique et le prosélytisme religieux dans les prisons.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Porte-parole du gouvernement alors que le gouvernement doit faire face à une colère, celle des fonctionnaires. Bonjour Christophe CASTANER.
CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Alors plus de 130 défilés dans 99 villes françaises, des soignants aux enseignants en passant par les agents administratifs, qui sont tous mobilisés ce matin, vous préparez une forte mobilisation, vous le savez, il y aura du monde.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, il y a une mobilisation importante, l'intersyndicale est mobilisée, il faut entendre ces inquiétudes, il faut y répondre, il faut remettre les choses à leur place notamment sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires.
CAROLINE ROUX
C'est toujours ce qu'on dit en général quand il y a une manifestation, une mobilisation, des grèves, il faut entendre. Ça veut dire quoi concrètement ? On va dire les choses, pendant la campagne Emmanuel MACRON, il avait dit aux fonctionnaires, j'augmenterai votre pouvoir d'achat. Est-ce que vous êtes en situation d'augmenter le pouvoir d'achat des fonctionnaires ?
CHRISTOPHE CASTANER
Commençons par l'année 2017, pour la fonction publique d'Etat, l'augmentation nette des rémunérations est de 3,7 %, c'est pas mal 3,7 %, beaucoup de Français aujourd'hui pensent que c'est beaucoup. Pour l'année prochaine…
CAROLINE ROUX
Ça avait été décidé par François HOLLANDE, vous le savez très bien.
CHRISTOPHE CASTANER
Nous parlons de 2017 et nous parlons de la manifestation qui a lieu aujourd'hui, donc ce que je veux dire, c'est sur la question du pouvoir d'achat, il y a ce constat là pour 2017. Et pour 2018, je me projette, nous aurons évidemment la neutralisation intégrale de l'effet de la CSG pour les fonctionnaires parce qu'il n'est pas question que ça coûte un euros de plus sur la feuille de salaire de tous les fonctionnaires et nous aurons une augmentation moyenne de 2 points, 2 % largement au-dessus de l'inflation. C'est l'effet mécanique de la progression des carrières dans la fonction publique. Je pense que ça n'est pas négligeable.
CAROLINE ROUX
Donc ça veut dire que cette colère qui s'exprime sur le pouvoir d'achat n'est pas légitime ?
CHRISTOPHE CASTANER
Sur le pouvoir d'achat, je pense qu'elle ne l'est pas, mais la colère elle est légitime. Elle est légitime parce qu'aujourd'hui il y a une inquiétude dans la fonction publique, c'est dur dans certains postes d'assumer la responsabilité, dans nos hôpitaux de l'accueil dans le service des urgences où il y a ces tensions quotidiennes, tensions du travail, tensions de celles et ceux qui viennent les voir. C'est dur aussi parce qu'on ne trace pas de perspectives sur la fonction publique, on ne prépare pas un grand plan de formation au quotidien mais, c'est ce que nous voulons faire, on veut ouvrir un débat. Les partenaires sociaux sont invités, on a décalé de quelques jours pour ne pas gêner la grève, vous voyez comme quoi on respecte, évidemment la grève et puis on va ouvrir un grand débat sur l'action publique en 2022, quelles projections on veut. On veut investir sur la formation, 1,5 milliard d'euros qu'on veut investir parce que certains de nos fonctionnaires ont besoin d'être accompagnés dans la transformation de leur métier, c'est aussi comme ça qu'il faut répondre.
CAROLINE ROUX
Vous vous souvenez de la RGPP ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui.
CAROLINE ROUX
Vous vous souvenez de la MAP ? Vous vous souvenez de tous ces moments, au moment où on a dit à la fonction publique, on va faire une grande réforme, on va simplifier, on va vous tracer des perspectives. En réalité à chaque changement de majorité, on oublie ces grands plans et ces grands moments de réflexion, en quoi ça serait différent cette fois-ci ?
CHRISTOPHE CASTANER
D'abord moi, je crois que la fonction publique, elle est moderne et elle se modernise au quotidien dans nos communes par la fonction publique territoriale et mais aussi dans l'offre de soins dans les nouveaux services. On n'a pas une fonction publique qui est figée, mais elle doit bouger, elle doit évoluer et contrairement à la RGPP qui était une mesure brutale où on disait un poste sur deux n'était pas remplacé. Si je regarde les chiffres de cette année, nous travaillons sur une baisse des effectifs global de 1.600 postes, il y a des endroits où il y aura des créations de postes, la sécurité, la justice, la fonction publique hospitalière, nous aurons des créations de postes. Mais il y a des endroits où il y aura des baisses mais globalement c'est 1.600. 1.600 sur à peu près 150.000 départs à la retraite, je pense que c'est atteignable avec la modernisation de notre administration.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que vous dites à ceux qui vont devoir faire garder leurs enfants, ceux qui vont peut-être galérer dans les transports, vous dites le blocage, la grève, c'est le prix de la réforme ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, je ne suis pas représentant syndical et je ne suis pas là pour défendre la mobilisation. Moi, je la constate et je la regrette cette mobilisation mais en même temps je ne veux pas contester le droit de manifester, le droit c'est de se mobiliser si on pense qu'il faut se faire entendre, c'est un rapport de force qui se crée entre les employés représentés par leurs syndicats et les employeurs. Mais en même temps, moi, j'en appelle effectivement à la responsabilité, on ne doit pas bloquer l'accès au travail, on ne doit pas bloquer le quotidien des Français.
CAROLINE ROUX
En gnéral on entend le Premier ministre dire « j'assume », est-ce que vous assumeriez de dire aux fonctionnaires ce matin, comme vous l'avez dit, comme le président l'a dit aux retraités, « Oui bien sûr, vous allez devoir faire un effort » ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais on ne leur demande un effort, si ce n'est de s'engager avec la passion qui est la leur pour beaucoup d'entre eux dans la modernisation de leur travail. Il n'y a pas d'effort quand l'augmentation du pouvoir d'achat est de 2 % garantis l'année prochaine.
CAROLINE ROUX
120.000 suppressions de postes à terme, c'est des efforts que vous demandez à la fonction publique.
CHRISTOPHE CASTANER
Non.
CAROLINE ROUX
Non ?
CHRISTOPHE CASTANER
Parce qu'on va investir sur la formation, non franchement je pense que l'époque, par exemple où on devait faire la queue au guichet pour déposer sa feuille d'impôt, sa déclaration fiscale, cette époque est derrière nous, il y a des endroits où on peut baisser le nombre de fonctionnaires, il y a des emplois, il faut les augmenter. C'est le fait d'être figé qui ne va pas parce que notre société elle bouge et que le besoin de services publics, il n'est pas le même.
CAROLINE ROUX
Ça veut dit qu'on peut réformer la fonction publique.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais j'espère qu'on puisse la réformer notamment en changeant les métiers. Il y a des métiers qui sont en transformation totale dans la fonction publique. J'étais maire, il y a encore quelques semaines, je peux vous dire que même dans une petite mairie dans un département comme celui des Hauts-de-France, les métiers ne sont plus les mêmes.
CAROLINE ROUX
Alors on se souvient du 17 juillet, le président de la République devant le Sénat, avait évoqué son intention de séparer, alors c'est un peu technique mais c'est très important pour la fonction publique, de séparer le calcul du point d'indice pour les différentes fonctions publiques, est-ce que ça c'est enterré parce qu'il y a un vent de colère, on va le dire comme ça ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, on ouvre le débat, on l'ouvre avec les partenaires sociaux dès cette semaine, on va prendre une année de travail, de réflexions et donc je pense qu'on peut avoir des approches différenciées, je pense que valoriser certains métiers qui sont plus exposés aux risques au quotidien par rapport à d'autres, je pense que la pénibilité…
CAROLINE ROUX
Par exemple l'hôpital, la fonction publique hospitalière ?
CHRISTOPHE CASTANER
Par exemple, je pense que la pénibilité dans la fonction publique est un élément qu'il faut prendre en compte et que les métiers ne sont pas tous les mêmes, ce n'est pas la même chose que d'être dans un service, dans une mairie entre les espaces verts et l'accueil, c'est déjà deux fonctions qui sont différentes.
CAROLINE ROUX
Donc il y aurait des fonctions publiques à plusieurs vitesses, ce serait une rupture pour le coup ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais ce n'est pas donner plusieurs vitesses, c'est reconnaître la typicité d'un travail, quelque part le valoriser, pas le sanctionner quand il est différent.
CAROLINE ROUX
Un dernier exemple de réflexion que vous allez sans doute aborder, la Cour des comptes a suggéré de rémunérer par exemple les professeurs au mérite en fonction des résultats des élèves, est-ce que là vous dites quand même ça va trop loin ou est-ce que c'est une piste que vous envisagez sérieusement ?
CHRISTOPHE CASTANER
Moi, je pense qu'il faut tout évaluer dans notre quotidien, ça vaut pour les ministres…
CAROLINE ROUX
Sans tabou ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ça vaut pour les ministres, ça vaut pour les fonctionnaires, ça vaut pour le travail. Après il faut des indicateurs justes et à la question du taux de réussite d'un élève qui serait évalué juste sur les quelques mois où le professeur est en responsabilité me semble aller trop loin.
CAROLINE ROUX
C'est quoi un indicateur juste alors pour l'enseignement, à votre avis ?
CHRISTOPHE CASTANER
C'est le temps de travail, c'est le quartier où vous êtes, c'est plus difficile d'être enseignant dans un quartier très difficile par rapport à une commune rurale.
CAROLINE ROUX
Un mot sur la prison de Fresnes, grâce à la DGSI, deux hommes de 22 et 28 ans connus pour leur radicalisation étaient sur le point de commettre un attentat à leur sortie. Sortie qui était prévue ce mardi, on peut donc préparer un attentat en prison ?
CHRISTOPHE CASTANER
On peut le préparer, ne pas commettre et ce qui est intéressant…
CAROLINE ROUX
Oui, mais on peut le préparer.
CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, ça fait au moins depuis le XIXème siècle qu'on sait que la prison est criminogène, toutes les études des criminologues du XIXème l'ont montré, nous le savons. Et il y a aujourd'hui de nouvelles formes de criminalité, notamment la criminalité terroriste donc ces évolutions ne nous surprennent pas mais, ça veut dire qu'il faut qu'on ait un système d'information, y compris dans les prisons pour lutter contre les radicalisations.
CAROLINE ROUX
On se souvient qu'il y avait des quartiers dédiés à la lutte contre la radicalisation, ça n'avait pas donné les résultats escomptés, est-ce que, au regard de cette actualité vous vous dites, il faut peut-être repenser la façon dont les choses se passent en prison, avec les détenus dont on le sait, qui sont radicalisés ?
CHRISTOPHE CASTANER
Nous n'excluons rien, tout ce qui permet de lutter contre le risque terroriste doit être étudié. Il n'y a pas de mesures taboues sur ce sujet-là, dès lors qu'on respecte, évidemment, le droit, les droits essentiels des prisonniers qui ont aussi des droits, je pense que l'information, le renseignement…
CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi il n'y a pas de tabou ?
CHRISTOPHE CASTANER
L'accompagnement, sur la question du prosélytisme religieux, le fait d'avoir aujourd'hui des aumôniers qui sont fonctionnaires et qui interviennent dans les prisons, ça me paraît déjà un élément qui permet de contrôler certaines formes de radicalisation.
CAROLINE ROUX
Ils avaient des portables qui passent à travers les portiques, ça aussi c'est les failles du système ?
CHRISTOPHE CASTANER
C'est clairement une faille du système, on sait bien que rentrent dans les prisons des téléphones, il faut aujourd'hui avoir des systèmes de brouillage qui permettent de lutter contre cela. Il faut investir aussi dans nos prisons, ce sera une des priorités du budget de l'année prochaine pour la garde des Sceaux.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup, Christophe CASTANER.Source : Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2017