Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Bienvenu à vous Stéphane TRAVERT. Le 9 novembre, réunion européenne sur le glyphosate. La question, c'est de savoir quelle va être exactement la position de la France et quelle est la période pendant laquelle on va tolérer encore cet herbicide qui visiblement n'est pas toléré par les Français qui se sont massivement prononcé contre ; on l'a vu dans un sondage. Vous faites quoi ?
STEPHANE TRAVERT
La France a toujours dit qu'elle souhaitait sortir de l'utilisation des pesticides et notamment du glyphosate. C'est un engagement du président de la République. Il n'y a pas eu de vote à la Commission européenne cette semaine comme c'était prévu, parce que le Parlement européen avait fait une autre proposition et la Commission donc a reporté le vote le 9 novembre. La France ici s'est exprimée, elle ne s'exprime que d'une seule voix et elle portera une date de quatre ans avec un délai de 18 mois supplémentaires pour l'écoulement des stocks. Ça, c'est la position de la France, mais la France n'est pas seule.
GUILLAUME DURAND
Attendez ! Expliquez-moi l'écoulement des stocks ; ça veut dire quoi ? C'est quatre ans + 18 mois tous les six ans.
STEPHANE TRAVERT
Non. Ça fait quatre ans où vous interdisez la production du produit et ensuite, vous avez 18 mois d'autorisation d'écouler les stocks qui sont existants. Voilà.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'entre temps on aura trouvé un produit de substitution ?
STEPHANE TRAVERT
Voilà, c'est ça la question. Parce que moi la question que je pose, c'est dans quel délai est-on capable de pouvoir accompagner les agriculteurs ? C'est la seule question qui vaille parce que nous sommes tous d'accord sur l'objectif. L'objectif, c'est la réduction et la sortie progressive de l'utilisation des pesticides et du glyphosate en particulier parce que c'est vrai qu'il y a une demande sociale très forte là-dessus. Les Français sont légitimement inquiets de savoir ce qui peut se passer.
GUILLAUME DURAND
Ils sont contre.
STEPHANE TRAVERT
Ils sont contre à travers le sondage auquel vous faites référence. Mais aujourd'hui moi ce qui m'importe, c'est de ne pas avoir d'arrêt brutal parce que les agriculteurs qui utilisent ce produit dans les usages agricoles, il y a besoin, il y a nécessité de les accompagner, de les accompagner de deux manières. Soit en mobilisant la recherche, les instituts techniques pour trouver des produits de substitution qui soient plus vertueux, ou alors de faire en sorte de les aider, de les accompagner dans la pratique de l'agro-écologie.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que vous croyez franchement, Stéphane TRAVERT, qu'on va trouver justement un herbicide violent qui ne soit pas polluant et qui ne soit pas dangereux pour la santé en quatre ans ?
STEPHANE TRAVERT
C'est la question mais moi je ne suis pas scientifique.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais à quoi ça sert ce délai ?
STEPHANE TRAVERT
Je m'appuie sur la science et le droit mais nous avons besoin de ce délai pour qu'on puisse nous dire à partir de quel moment nous serons en capacité de nous passer de ce produit-là et, d'ici là, quelle est la temporalité nécessaire pour accompagner les agriculteurs soit sur de nouveaux modes de production - recherche agronomique, et cætera - ou alors si nous trouvons un produit de substitution vertueux. Parce que bien évidemment, il ne s'agit pas sur ces impasses techniques d'utiliser un produit qui serait encore plus dangereux que celui dont on parle.
GUILLAUME DURAND
Vous avez des gens comme Yannick JADOT qui dit : « Il faut arrêter tout de suite. » Vous l'avez entendu ? Votre camarade au gouvernement Nicolas HULOT, il pense quoi là-dessus ? Faites-moi une petite confidence ce matin. Parce qu'on ne comprend pas très bien ce qu'il dit.
STEPHANE TRAVERT
Mais là-dessus, moi je pense que Nicolas HULOT souhaite que l'on puisse sortir au plus tôt de l'utilisation du produit. Mais l'objectif du président de la République, il s'impose à nous tous : c'est la sortie progressive des pesticides. Et moi, ce qui aujourd'hui m'importe, c'est de savoir - et je vois que beaucoup de gens viennent sur cette position - c'est de savoir comment on accompagne les agriculteurs parce que tout le monde a pris conscience qu'on ne pouvait pas sortir de manière brutale sans accompagner les agriculteurs.
GUILLAUME DURAND
Y compris HULOT ?
STEPHANE TRAVERT
Mais il l'a déjà dit publiquement qu'il fallait accompagner les agriculteurs et que nous allions les accompagner.
GUILLAUME DURAND
Donc les quatre ans ça lui ira ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, c'est la position de la France aujourd'hui sur ces quatre ans.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que c'est la position d'HULOT ? Parce qu'on a l'impression que de temps en temps, il est sur le fil.
STEPHANE TRAVERT
Je ne sais pas, monsieur. Moi, ce qui m'importe, c'est que la position du gouvernement arrêtée par le Premier ministre
GUILLAUME DURAND
Le glyphosate ou Notre-Dame-des-Landes, on a l'impression qu'en fonction de la position du gouvernement, il pourrait tout à coup prendre sa mobylette et retourner en Bretagne faire du kite surf.
STEPHANE TRAVERT
Mais je n'ai pas à m'exprimer au nom de mon collègue et il ne s'exprime pas en mon nom non plus, mais nous nous exprimons chacun d'entre nous par la voix du gouvernement. Et la voix de la France, c'est quoi ? C'est de dire quatre ans et de regarder si nous pouvons trouver des alliés pour travailler avec nous sur cette durée. Moi mon travail aujourd'hui, c'est de réfléchir à comment je vais accompagner les agriculteurs pour sortir de l'utilisation de ce produit en les accompagnant sur les nouvelles pratiques agricoles et en les accompagnant à travers la recherche, à travers l'innovation, et nous avons saisi l'INRA pour qu'elle puisse travailler. L'INRA a déjà des budgets affectés pour travailler sur ces questions, donc il va falloir demain que l'on puisse trouver des solutions durables pour nos agriculteurs.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous avez l'intention ou est-ce que vous avez la certitude, parce que c'est plutôt plus précis comme question, que le juste prix payé aux agriculteurs est maintenant une affaire entendue, et que la grande distribution va en tenir compte ?
STEPHANE TRAVERT
Il va falloir qu'elle en tienne compte. Chacun doit prendre ses responsabilités.
GUILLAUME DURAND
Parce qu'on a entendu un grand bal des hypocrites.
STEPHANE TRAVERT
Pendant de longues années, nous avons toujours été des négociations commerciales. Quand vous écoutez vos interlocuteurs vous parlez des négociations commerciales, ils vous disent : « C'est quelque chose d'absolument affreux que personne ne souhaite vivre. » Aujourd'hui, nous avons souhaité inverser cette tendance, partir du coût de revient des producteurs pour que chaque maillon
GUILLAUME DURAND
Mais ils vont le faire ou pas Michel-Edouard LECLERC et les autres ? Ils vont le faire ou pas ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr parce que c'est un principe de responsabilité. Parce qu'aujourd'hui, nous sommes arrivés au bout d'un cycle où chacun a bien compris que si l'agriculteur ne gagne pas sa vie correctement, il n'y a plus d'agriculture. Et aujourd'hui, il y a un certain nombre d'acteurs qu'il va falloir convaincre peut-être un peu plus et des gens comme Michel-Edouard LECLERC en font partie, mais nous avons déjà des patrons de la distribution qui sont sur cette ligne.
GUILLAUME DURAND
Serge PAPIN notamment.
STEPHANE TRAVERT
Serge PAPIN par exemple.
GUILLAUME DURAND
Oui. Justement, pendant les journées sur l'alimentation, Serge PAPIN a accablé Michel-Edouard LECLERC en disant : « Lui, il fait semblant d'accompagner mais il ne le fera jamais. »
STEPHANE TRAVERT
Moi, je n'accable personne. Moi, j'appelle chacun à avoir un esprit de responsabilité parce que chacun a bien compris, et doit bien comprendre, que sans agriculteurs il n'y a plus de pays, il n'y a plus d'aménagement du territoire, et que nous avons besoin de nos agriculteurs pour pouvoir fournir l'alimentation saine et durable dont nos consommateurs ont besoin.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous considérez que le président de la République en fait trop, fait tout ? On lit dans la presse : « Ça devient une sorte d'autocrate. » Là, il y a la situation de la Guyane mais il s'occupe du parti, il nomme CASTANER. Enfin, c'est le DRH général d'un mouvement qui lui obéirait au garde-à-vous.
STEPHANE TRAVERT
Le président de la République n'a pas nommé Christophe CASTANER. Ce sont des choix collectifs. Malgré tout, c'est lui qui est le fondateur du mouvement, donc qu'il ait un oeil attentif sur ce qui se passe, qu'il s'y intéresse, le problème n'est pas là. Le problème, c'est de savoir quels seront nos choix et nos choix, nous les prendrons collectivement le 18 novembre à Lyon lors du congrès. Christophe CASTANER a été désigné pour être notre candidat, eh bien moi j'en suis très heureux parce qu'il sera un bon chef de parti et un bon chef de mouvement.
GUILLAUME DURAND
Vous avez vu que WAUQUIEZ est en train de s'organiser.
STEPHANE TRAVERT
Oui, tout à fait.
GUILLAUME DURAND
Il va y avoir une élection de décembre, il va y avoir un chef de l'opposition, Laurent WAUQUIEZ, le Front national est affaibli donc on voit bien qu'est en train de se dessiner une éventuelle présidentielle MACRON-WAUQUIEZ.
STEPHANE TRAVERT
Se dessinent les contours de ce que va être la vie politique française avec, d'un côté, celles et ceux qui veulent une société de progrès, les progressistes, et celles et ceux qui veulent que rien ne change, que rien ne bouge, les conservateurs bien incarnés par Laurent WAUQUIEZ.
GUILLAUME DURAND
Justement conservateur dans le discours qu'il a tenu à Mandelieu. Il parlait de ce beau pays, la France, pays presque mélancolique qui n'avait aucun rapport avec ce que souhaite Emmanuel MACRON, c'est-à-dire une sorte de mondialisation. Donc vous qui êtes ministre de l'Agriculture, vous êtes le ministre de l'Agriculture d'un président mondialisé qui s'intéresserait peu aux monts d'Auvergne où est-ce que c'est WAUQUIEZ qui a raison ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez, moi je viens d'un territoire rural, donc la mondialisation nous sommes déjà dedans. Mais la mondialisation, c'est comment la prendre avec nous pour en tirer le meilleur parti, comment réguler cette mondialisation. C'est ça, notre travail.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous êtes st certain que justement le président de la République est le président de ces territoires que vous représentez ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr, parce que moi je l'ai accompagné durant sa campagne, parce que je l'ai vu au contact.
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas le président des start-up, des grandes entreprises, des riches comme la presse l'écrit encore ce matin pour la énième fois à propos de la flat tax ?
STEPHANE TRAVERT
Mais qui est riche dans ce pays ? Moi ce que je constate, c'est que les années et les années qui se sont succédées ont fabriqué des générations de pauvres et qu'aujourd'hui, nous devons traiter cette question - la question de la pauvreté, la question de la précarité - et c'est là-dessus que nous sommes attendus et c'est là dessus que nous allons travailler. Libérer et protéger, ce sont les deux axes du président de la République. Libérer l'économie pour pouvoir la tirer vers le haut, pour la pousser, pour créer des emplois. Et protéger les plus démunis à travers l'augmentation de l'allocation vieillesse, l'augmentation de l'allocation adulte handicapé, la suppression de la taxe d'habitation. C'est redonner du pouvoir d'achat à ceux qui sont les plus faibles. C'est comme ça qu'on construit aussi une société de confiance et une société de fraternité, une société du progrès et une société où chacun se sente bien et où l'ascenseur social fonctionne aussi pour tout le monde.
GUILLAUME DURAND
Vous croyez que la fiscalité qui a été définie va permettre cet ascenseur social ?
STEPHANE TRAVERT
Je crois, mais il faut regarder les effets d'un certain nombre de politiques dans leur ensemble.
GUILLAUME DURAND
Ça a été calculé semble-t-il. Regardez la flat tax. Ça a été même calculé par Bercy, je l'ai vu ce matin. 0,5 point de PIB, 50 000 emplois, ce n'est quand même pas beaucoup pour quelque chose qui va coûter à l'Etat entre 4 et 5 milliards.
STEPHANE TRAVERT
Il y a d'autres leviers de création d'emploi. Sur la formation professionnelle, là aussi nous avons souhaité remettre sur le métier cette question éminemment importante et faire en sorte qu'aujourd'hui, lorsque quelqu'un se retrouve sans emploi, qu'il puisse tout de suite bénéficier d'une formation qui va le requalifier et le remettre dans l'emploi. Ce sont des éléments importants et il faut voir sur la durée. Nous avons eu deux ans de campagne électorale quasiment et on ne peut pas avoir réglé la situation en quatre mois.
GUILLAUME DURAND
Merci Stéphane TRAVERT, ministre de l'Agriculture, en direct ce matin sur l'antenne de Radio Classique et de Paris Première.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2017