Texte intégral
LAURENT BIGNOLAS
Mais tout de suite Caroline ROUX pour Les 4 vérités vous recevez aujourd'hui la ministre des Outre-Mer, madame Annick GIRARDIN.
CAROLINE ROUX
Oui, Annick GIRARDIN qui nous accorde sa première interview depuis son déplacement et c'est bien avec le Premier ministre à Saint-Barth et à Saint-Martin. Bonjour Annick GIRARDIN...
ANNICK GIRARDIN
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Je le disais vous rentrez, c'était hier, de Saint-Martin et de Saint-Barth, est-ce que la visite avec un Premier ministre, cinq membres du gouvernement c'était destiné à faire patienter les habitants sur place qui ont pour certains tout perdu ?
ANNICK GIRARDIN
La visite d'un Premier ministre, comme la visite du ministre, c'est l'intérêt du gouvernement pour les questions d'Outre-Mer - et notamment pour Saint-Martin qui a connu un drame il y a deux mois maintenant, le président de la République l'avait dit lors de sa visite : « le premier ministre viendra constater la rentrée des classes », c'était un pari - il a été tenu - et je trouve que c'est important qu'on trouve sur les territoires d'Outre-Mer le plus grand nombre de ministres possible, ça montre que le réflex Outre-Mer est bien présent.
CAROLINE ROUX
Ça change ça, vous considérez que c'est une rupture par rapport à ce qui se faisait avant ?
ANNICK GIRARDIN
Je crois honnêtement que quand on regarde le nombre de ministres qui se sont déjà placés sur les territoires d'Outre-Mer pour traiter différentes questions, notamment le ministre de l'Education nationale qui fait la rentrée des classes à la Réunion, je crois que ça reste des premières ; et moi je l'ai voulu en arrivant, c'est-à-dire quand j'ai dit à l'ensemble de mes collègues : « le réflex Outre-Mer il est important, c'est le message que je porte, ça veut dire que dans tous les ministères quand on pense une loi, quand on pense un outil, on pense aux spécificités des territoires d'Outre-Mer », c'est aujourd'hui chose faite, nous sommes sur le terrain.
CAROLINE ROUX
Ça n'allait pas de soi, mais c'est important ce que vous dites, ça n'allait pas de soi...
ANNICK GIRARDIN
Non, ça n'allait pas de soi.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire qu'avant on considérait qu'on allait en Outre-Mer avant les élections ?
ANNICK GIRARDIN
Non, ça veut tout simplement dire... alors ça veut dire effectivement qu'on va sur les territoires d'Outre-Mer comme sur tous les territoires pour les élections, mais ça voulait dire simplement que c'était loin et que quand on pensait une loi on ne pensait pas obligatoirement au départ pour des spécificités et c'était souvent une chasse gardée des ministres de l'Outre-Mer.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que vous avez senti sur place, de la colère, de la résignation de la part des populations ?
ANNICK GIRARDIN
Il y a d'abord, comme au lendemain du cyclone, des gens qui sont résilients, des gens qui se sont déjà remis debout et qui ont reconstruit leurs maisons, qui essaient de relancer leurs entreprises, qui tentent de faire repartir ce territoire, ça été une rentrée des classes réussie puisque l'ensemble des écoles à Saint-Barth et plus des 2/3 à Saint-Martin sont aujourd'hui ouvertes, après les vacances de la Toussaint l'ensemble des élèves sont accueillis dans les écoles, tout n'est pas effectivement déjà rentré dans la normale parce que c'est normal après un cyclone comme celui-ci.
CAROLINE ROUX
Mais qu'est-ce qui reste à faire, quelles sont les urgences à l'heure où on se parle ?
ANNICK GIRARDIN
L'eau.
CAROLINE ROUX
L'école ça va, enfin en partie ?
ANNICK GIRARDIN
L'eau.
CAROLINE ROUX
L'eau.
ANNICK GIRARDIN
L'eau, parce qu'aujourd'hui 81 % des habitants de Saint-Martin ont l'eau courante, pas parce qu'on n'arrive pas à produire suffisamment, parce que le réseau était déjà très fragilisé avant le cyclone, a encore été dégradé, abîmé, ce qui fait qu'aujourd'hui il faut un travail en profondeur, il faut et on a envoyé des experts pour faire un point très précis, il faut refaire les canalisations comme d'ailleurs il faudra préparer le territoire à affronter à nouveau ce type d'évènement climatique et donc à repenser ce territoire.
CAROLINE ROUX
Dans les reportages on entendait des mamans, des femmes, qui disaient : « le problème c'est les mouches, c'est les moustiques », c'est aussi ça les difficultés au lendemain d'Irma ?
ANNICK GIRARDIN
Oui.
CAROLINE ROUX
C'est aussi des choses comme ça ?
ANNICK GIRARDIN
Mais bien sûr parce qu'il faut tout déblayer ! Et puis, quand on a fait l'état, on est sur une île, une petite île, donc il faut exporter - parce qu'on n'arrive pas à traiter sur place et donc ça veut dire effectivement des mouches, ça veut dire un cadre qu'on n'a pas retrouvé, celui d'avant, celui d'avant Irma...
CAROLINE ROUX
Je vous parle de ça parce que ça n'a rien d'anecdotique...
ANNICK GIRARDIN
Et, ça, ça va prendre un petit peu de temps.
CAROLINE ROUX
Ca alimente une colère que vous avez ressentie ou pas, ou est-ce que vous vous êtes dit.... Il y a eu une polémique au moment de la gestion d'Irma, le gouvernement a été accusé de ne pas avoir assez anticipé, ça été relayé par parfois à Saint-Martin et à Saint-Barth, vous l'avez senti ça sincèrement ?
ANNICK GIRARDIN
Il y a toujours un peu de colère, il y a surtout beaucoup d'impatience et c'est normal...
CAROLINE ROUX
D'accord.
ANNICK GIRARDIN
De la patience en direction des pouvoirs publics, que ce soit l'Etat ou la collectivité, l'Etat et la collectivité qui ont été au rendez-vous de cette crise que personne n'avait imaginé avec cette force et cette destruction, oui il y a de la patience et c'est normal quand il y a une femme qui dit : « moi je n'arrive encore pas à toucher mon assurance et donc à réparer ma toiture » mais tout n'est pas si simple que ça, il faut un minimum de documents, il faut prouver à minima que la maison elle vous appartient, que le terrain aussi - enfin il y a toute une organisation administrative qui a été simplifiée - mais malgré tout il y a effectivement au cas par cas des gens aujourd'hui qu'on a besoin de soutenir, les plus démunis bien sûr, mais les entreprises aussi puisqu'il faut que l'activité reprenne.
CAROLINE ROUX
Il y aura une carte prépayée pour les plus démunis, c'est en projet ?
ANNICK GIRARDIN
Il y a plusieurs réponses qu'a apportées l'Etat au côté de la collectivité : il y a ces réponses pour les personnes les plus démunies, c'est une carte prépayée qui sera donc abondée à hauteur de 300 euros minimum et jusqu'à 900 euros selon le nombre de personnes dans la famille ; il y a aussi un gros soutien aux entreprises avec des soutiens sur le fonds de roulement, un étalement des dettes, un moratoire sur les charges sociales et puis des soutiens financiers.
CAROLINE ROUX
Vous avez l'habitude de dire ce que vous pensez, parfois certains vous le reprochent, est-ce que vous regrettez d'avoir parlé d'abandon de poste pour parler des fonctionnaires qui avaient préféré quitter Saint-Barth et Saint-Martin après Irma, vous évoquiez en particulier les professeurs ?
ANNICK GIRARDIN
La question a été posée effectivement en direction des enseignants, ce que je peux dire aujourd'hui c'est que 90 % des enseignants sont au rendez-vous de cette rentrée scolaire. Moi quand j'ai vécu sur ce territoire, je suis arrivée quelques heures après et donc j'ai vécu les quatre cinq jours après Irma, il y a 7.000 à 8.000 personnes qui ont quitté le territoire et dans ces gens il y avait effectivement un certain nombre d'agents publics qui au-delà de mettre leurs familles à l'abri et c'était normal quittaient le territoire, en disant : « je ne reviens pas » et j'avoue que ce n'est pas quelque chose...
CAROLINE ROUX
Ça vous a choqué.
ANNICK GIRARDIN
Que je n'ai pas apprécié. Mais il faut dire aujourd'hui qu'il y a aussi les héros du quotidien, il y a aussi ces 3.000 fonctionnaires et bénévoles qui étaient sur place et qui sont intervenus aux côtés des populations pour traiter l'urgence, qui sont encore là pour traiter le quotidien, donc il y a tous ces agents formidables que je veux aujourd'hui féliciter ; et puis il y a toujours quelques-uns... et puis ça m'a fâché et puis aujourd'hui on est revenus dans la reconstruction....
CAROLINE ROUX
Et puis vous l'avez dit.
ANNICK GIRARDIN
Et puis je l'ai un peu dit oui.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez dit avec la même franchise à Emmanuel MACRON que s'il ne faisait pas suffisamment pour l'Outre-Mer vous ne resteriez pas jusqu'au bout ?
ANNICK GIRARDIN
Ça, c'est de l'interprétation journalistique. Ce que j'ai dit c'est que je suis venue pour une mission, je suis venue parce qu'Emmanuel MACRON a un projet pour les territoires d'Outre-Mer, c'était donc d'organiser les Assises des Outre-Mer et de co-construire cet Outre-Mer de demain avec les gens des territoires et tenant compte des spécificités de chaque territoires et, d'ailleurs, le président de la République cette orientation ce nest pas que pour les territoires d'Outre-Mer c'est pour tous les territoires.
CAROLINE ROUX
D'accord.
ANNICK GIRARDIN
Alors oui je sortais de trois années de gouvernement, je rentrais chez moi, je suis venue pour mener une mission, j'ai remonté mes manches comme j'ai l'habitude de le faire et puis je suis là pour un moment... Voilà ! Et pas pour un moment...
CAROLINE ROUX
Un moment, ça ne veut pas pour cinq ans ?
ANNICK GIRARDIN
Ça ne veut pas dire pour cinq ans bien sûr, mais vous savez quand on a fait trois ans de gouvernement, quand on a une mission précise, quand on se donne à fond dans sa mission, il y a un moment où on peut être fatigué.
CAROLINE ROUX
Et puis il y a un moment où c'est dur d'être ministre ?
ANNICK GIRARDIN
Mais je ne le suis pas encore !
CAROLINE ROUX
Pas encore ! Mais il y a un moment où c'est dur d'être ministre, quand vous voyez Nicolas HULOT qui a dû reporter l'engagement de passer à 50 % de nucléaire en 2025, il réajuste sa promesse, en tout cas la promesse aussi des gouvernements précédents, il avale son chapeau ?
ANNICK GIRARDIN
Quand on est des gens de terrain, quand on porte des valeurs, quand on a mené des combats comme Nicolas HULOT ou comme moi dans d'autres domaines et qu'au gouvernement on est devant des réalités, il y a des rapports qui nous sont communiqués - c'est le cas effectivement de...
CAROLINE ROUX
De Nicolas HULOT.
ANNICK GIRARDIN
De ce que vous dites pour Nicolas HULOT - il y a des réalités et, face à des réalités, il y a des débats, il y a des discussions, il y a des choix politiques, il faut pouvoir les assumer et franchement et honnêtement aujourd'hui Nicolas HULOT ne mange pas son chapeau, il va animer un groupe de réflexion, il va travailler pour apporter d'autres types de réponse si celles qui sont aujourd'hui révélées ne peuvent pas...
CAROLINE ROUX
Oui.
ANNICK GIRARDIN
Parce que c'est bien de porter des combats mais c'est bien aussi d'être pragmatique.
CAROLINE ROUX
Très bien, c'est dit. Merci beaucoup Annick GIRARDIN.
ANNICK GIRARDIN
Merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 novembre 2017