Texte intégral
Je vous avoue que les dernière fois où je suis venu ici j'avais imaginé, certes, d'y revenir mais pas un seul instant dans cette fonction. Je reconnais que l'exercice n'est pas tout à fait le même, d'autant que ma venue est précédée d'un certain nombre d'attentes. Croyez-moi, j'ai bien écouté, bien identifié. Oui, vous avez raison, l'État doit être garant de sa parole et l'État doit être prudent aussi dans des paroles qui l'engagent, nous y reviendrons tout à l'heure. Effectivement, dans la continuité des engagements, il ne faut pas mettre l'Etat dans une situation où il ne pourrait pas les tenir, mais je vous rassurerai sur l'inquiétude que vous partagez ici, qui est légitime, que j'ai entendue et à laquelle je vais essayer, évidemment, de répondre.
Je voudrais d'abord saluer Monsieur le président de l'Association des maires de France, Mesdames et Messieurs les maires, Mesdames et Messieurs,
Être devant vous, c'est plus qu'un honneur, c'est un moment particulier parce que j'ai bien senti que cette relation de confiance qui m'est indispensable pour conduire mes politiques a été un peu ébranlée, pour dire les choses. Il faut que je la rétablisse parce que j'ai une conscience aiguë que mes ambitions qui ne sont pas les miennes, qui sont celles de nos concitoyens je n'ai absolument aucune chance de les mettre en oeuvre sans vous. Par conséquent, oui, il y a une priorité qui est de rétablir cette confiance. C'est pour cela que vous sentez une forme d'émotion, de gravité, parce que c'est le préalable pour moi par rapport aux feuilles de route que je vais décliner dans le moment qui vient.
D'abord je veux vous dire, mais visiblement vous l'avez déjà évoqué et je crois que vous en avez conscience, nous avons, ensemble et pas séparément, des défis immenses quand je dis immenses, le mot est faible parce que ce sont des défis d'une complexité rare pour une bonne raison, c'est qu'ils nous obligent parfois à concilier presque l'inconciliable, c'est-à-dire le court terme et le long terme. La combinaison n'est pas toujours évidente parce que le court terme nous rattrape au quotidien avec des souffrances très palpables et le long terme nous menace avec des souffrances qui ne sont pas forcément immédiatement palpables. Notre responsabilité aux uns et aux autres est de parvenir à réaliser cette combinaison.
Vous êtes, vous, sur le terrain et, j'en ai bien conscience, au carrefour de complexités, d'attentes, d'injonctions parfois contradictoires de nos concitoyens. Je vais vous dire simplement, pour que nous soyons dans une relation de franchise, que je suis au sein d'un ministère de la transition écologique et solidaire. Parfois j'ai envie d'y associer « et solitaire » mais quand je suis parmi vous je me sens un peu moins solitaire parce que je sais, notamment, ce qui s'était passé avec le Grenelle de l'environnement : les déclinaisons du Grenelle vous doivent pour l'essentiel leur épanouissement. Je crois que nous partageons une ambition commune qui est de faire de notre pays, de ses territoires, une sorte de rempart, une protection face aux aléas climatiques et, je dirais plus généralement, face aux désordres de la nature. Nous avons en commun l'idée et l'opportunité de transformer, justement, cette contrainte en opportunité. Je suis en effet convaincu, et nous en ferons la démonstration si nous changeons d'échelle, que cette contrainte écologique et climatique qui vient complexifier l'action publique, nous pouvons très rapidement la transformer parce que les solutions, qui n'étaient pas évidentes il y a encore quelque temps, sont maintenant là. Elles sont notamment dans notre territoire, y compris dans les TPE, les PME et même parfois, j'en parlais hier soir au Conseil national de l'industrie, dans nos grandes entreprises. Cette exigence, cette complexité, nous devons l'affronter ensemble, elle doit nous rassembler. Si elle est une occasion supplémentaire de nous diviser, je prends acte qu'ici, seul, je ne réussirai pas et vous, sans
l'État, je pense que vous n'y arriverez pas non plus.
Si nous ne sommes pas unis face à ces deux enjeux qui conditionnent tous les enjeux, tout ce qui a de l'importance à nos yeux au XXIe siècle, le défi climatique et l'érosion de la biodiversité, je pense que notre continent sera condamné à une forme de déclin. En revanche, si nous saisissons bien l'opportunité, le potentiel économique, le potentiel de création d'emplois, je pense au contraire que cette contrainte peut être une extraordinaire occasion de relance économique. Je ne l'affirmerais pas ainsi si je n'en étais pas convaincu, c'est-à-dire si je n'avais pas identifié tous ces acteurs, toute cette innovation qui germe dans nos territoires. Elle a peut-être et même sûrement besoin d'un coup de pouce supplémentaire, mais je l'ai vue encore à Quimper, il y a de cela deux jours, dans un événement qui réunissait toutes les start-ups régionales et parfois au-delà de la région Bretagne. Je vois poindre des solutions, des technologies et surtout des créations d'emplois associées qui sont excessivement enthousiasmantes.
Nous partageons des interrogations sur les moyens dont nous disposons pour faire face à ces défis, avec cette conviction que nous n'avons pas le choix : soit nous y allons à fond, soit nos chances de succès, très sincèrement, sont minimes. Je l'ai dit d'ailleurs également à la COP 23 où j'étais, à Bonn, la semaine dernière, il n'y a que l'ambition qui marche et si nous faisons les choses à grande échelle, nous en trouvons les bénéfices. Si nous y allons timidement, d'autres pays, d'autres territoires, d'autres régions n'ont pas les mêmes états d'âme. Ce message ne s'adresse pas forcément à vous, il s'adresse y compris à l'État.
Vous le savez, vous qui, sur le terrain, représentez le quotidien immédiat des Français, ces enjeux, maintenant, sont au coeur des débats de société. C'est quand même un acquis. La transition écologique et solidaire est une question, aussi, de mobilité tant dans ses conséquences parfois dramatiques en termes de pollution de l'air que lorsqu'il s'agit de donner accès à ceux que par exemple le prix du foncier a rejeté à la périphérie des villes et que l'on condamne par une double peine, puisque pendant des années on les a incités à acheter des véhicules qui sont particulièrement polluants et qu'ils se trouvent maintenant dans une impasse pour aller travailler ou mener leurs activités de loisirs.
La transition écologique et solidaire, c'est aussi la question du logement, vous êtes bien placés pour le savoir. Nous préparons avec Jacques MEZARD un grand plan sur le sujet des économies d'énergie que l'on peut faire en rénovant le logement et en aidant les Français à réduire leur facture. Nous ferons la démonstration que l'on peut concilier économies, enjeu social et enjeux écologiques. Ce sont aussi des enjeux d'urbanisme, des enjeux de paysage qui permettent, comme cela a déjà été engagé dans beaucoup de collectivités, le retour de la biodiversité en ville et évidemment sa protection dans les zones rurales.
C'est aussi l'alimentation car les élus locaux et notamment vous, les maires, êtes les organisateurs de la restauration dans les cantines scolaires, qui va être un extraordinaire levier puisque nous avons toujours cet objectif, qui sera fixé à l'issue des états généraux de l'alimentation, de 50 % de produits de qualité, de proximité, d'agriculture bio dans la restauration collective. Cela permet souvent, pour ceux qui font le choix de cette alimentation de qualité, de proximité et de saison, de construire des passerelles qui sont essentielles à maintenir et à rétablir entre le monde rural et le monde urbain.
Puis les élus de terrain que vous êtes sont aussi ceux qui font face de plain-pied aux désordres climatiques, pas simplement dans les territoires d'outre-mer mais évidemment d'une manière plus tragique dans ces territoires, et qui êtes donc frappés en première ligne par l'intensification, la multiplication des extrêmes climatiques, les inondations, les canicules et, récemment encore, les ouragans. Malheureusement, je crains que ces événements ne soient qu'une sinistre bande-annonce de ce qui nous attend.
Nous voyons bien que le monde est entré dans une nouvelle réalité. Je le disais, je reviens de Bonn. J'ai vu le courage des maires, ceux notamment des grandes métropoles dans le monde qui, par un sursaut providentiel, vont peut-être, à défaut de compenser, atténuer l'impact déflagratoire du renoncement des États-Unis dans l'engagement pour le climat et qui vont nous permettre, je l'espère en tout cas, de ne pas céder à la pire tentation qui nous menace, qui est celle d'une résignation.
Je dis cela, j'en profite, parce que j'étais à la COP 23 pour au moins noter qui y était. Je sens quand même poindre ce risque qu'après le scepticisme, devant la complexité nous cédions à une forme de fatalisme. J'espère qu'ensemble, nous allons nous en garder. Bien souvent, les villes et territoires sont des laboratoires d'innovation face à ces enjeux. J'ai vu dans de nombreux déplacements, mais aussi lorsque j'étais Envoyé spécial, les réalisations et l'innovation. Vous avez la plupart du temps une longueur d'avance. Vous inventez des systèmes de restauration collective qui permettent simultanément d'améliorer le revenu des agriculteurs et de créer des emplois locaux dans la transformation des produits. D'autres, quand ils entraînent leur ville ou leur intercommunalité dans la protection de la biodiversité, par exemple en renonçant aux pesticides parce que ce sont souvent les villes qui ont montré le chemin ou en maîtrisant l'urbanisation, en luttant contre ce fléau de l'artificialisation des terres, font une démonstration qui me permet, moi, après, d'être plus convaincant lorsque je dis que la transition écologique n'est pas une chimère, n'est pas qu'une contrainte mais que c'est une réalité qui est en marche. Vous connaissez ce fameux proverbe et vous en êtes la démonstration : « dans une forêt, on entend toujours l'arbre qui tombe mais jamais les milliers d'arbres qui poussent ». Vous êtes de ceux qui ont fait germer ces milliers d'arbres qui poussent.
D'autres encore, lorsque vous vous engagez par exemple dans ces démarches d'atlas de la biodiversité communale, ou des sciences participatives qui permettent de reconnecter enfin les citoyens à leur environnement, tout cela, ce sont des réalisations exemplaires.
Il y a aussi tous ceux qui savent que les territoires sont les premiers maillons de la solidarité. J'en parle parce que si mon ministère s'appelle Transition écologique et solidaire c'est parce que j'ai aussi en partage ce sujet avec Agnès BUZYN, notamment avec la responsabilité sur l'économie sociale et solidaire. Ceux qui accompagnent les territoires, par exemple, Zéro chômeur de longue durée, des associations et des entreprises de l'économie sociale et solidaire, de l'insertion, ceux qui vivent dans les quartiers les plus défavorisés font vivre la République dans ce qu'elle a de plus beau, qui est la solidarité. La solidarité, je le répète souvent, n'est pas une option au XXIe siècle, c'est une condition dans un monde où les inégalités se confrontent parce que nous sommes dans un monde connecté. La solidarité n'est plus une option parce qu'elle n'a fait que confronter les inégalités. La deuxième étape, maintenant, c'est de les atténuer et je sais que vous êtes des acteurs de cela.
Je veux donc, ici, profiter de cette tribune pour saluer toutes celles et ceux qui sont dans le faire, qui sont dans l'action et qui font face aux défis d'aujourd'hui. Aujourd'hui, la place est à l'action. Cette action passe par de nouvelles compétences mais aussi par une réflexion sur les moyens qui y sont associés.
J'ai évidemment entendu vos inquiétudes sans avoir forcément besoin de venir ici, croyez-moi, elles passent par les portes, par les fenêtres de mon ministère notamment sur la mise en oeuvre des dispositions de la loi NOTRe, que ce soit la GEMAPI ou l'évolution de la compétence eau et assainissement. La loi de 2014, vous le savez et je ne vous apprends rien, a en effet transféré ces deux compétences aux intercommunalités. C'est une compétence nouvelle pour beaucoup d'élus et du temps a été laissé pour que chaque territoire puisse s'approprier ces enjeux. La GEMAPI entre en vigueur en 2018 tandis que la réforme sur l'eau et l'assainissement, elle, sera appliquée au 1er janvier 2020. Ces deux dispositions marquent certes une évolution majeure dans la gestion de l'eau et la prévention des inondations dans les territoires. C'est un défi mais, de mon point de vue, c'est aussi le choix de la cohérence. L'eau, ai-je besoin de vous le rappeler, est probablement l'une des ressources les plus précieuses mais les plus menacées, surtout au moment où notre pays connaît des périodes de sécheresse répétitives. Sa protection, sa préservation, sa bonne gestion sont un pilier de la transition écologique. Avec ces nouvelles dispositions l'État reconnaît que ce sont bien les territoires et, ici, les intercommunalités qui sont l'échelon le plus pertinent pour travailler sur cette gestion, sur la qualité de l'eau, l'entretien des réseaux mais aussi sur la prévention des inondations qui sont amenées à se multiplier avec le changement climatique.
La transition écologique reconnaît que les élus, qui sont en première ligne en cas de crise, c'est le moins que l'on puisse dire, doivent avoir les moyens de piloter cette politique de long terme et vous n'avez pas attendu l'État pour le faire puisque plus de la moitié des communes ont déjà transféré les compétences eau et assainissement à un établissement public de coopération intercommunale. Cette évolution, qui ne fait que s'amplifier et s'accélérer va permettre de passer de 30 000 services d'eau potable et d'assainissement à environ 2 000 à l'horizon 2020.
Quels bénéfices à cette mutualisation ? D'abord, une connaissance accrue des réseaux, une amélioration de leur gestion et, in fine, des économies d'eau et un service de bien meilleure qualité pour les citoyens. Pour accompagner sa mise en oeuvre, un encadrement des tarifs d'eau est envisageable afin de tendre vers une harmonisation de la tarification, évidemment de la façon la plus progressive possible. Par ailleurs les agences de l'eau seront mobilisées à travers leur 11e programme pour faciliter la maîtrise d'ouvrage et les opérations de groupement de commande pour le renouvellement des réseaux.
Dans les territoires qui sont les plus exposés au risque d'inondation, l'État, je vous le confirme ici, ne sera pas absent de cette évolution. Chaque fois que les enjeux vont le justifier, les structures GEMAPI qui seront mises en place deviendront les porteurs de projet naturels des plans d'action et de prévention contre les inondations soutenus financièrement par l'État. Mais parce que ce transfert de compétences requiert aussi une expertise particulière, une connaissance fine des enjeux de l'eau, les services de l'État sont fortement mobilisés pour accompagner la mise en oeuvre de cette nouvelle compétence au 1er janvier 2018, notamment par l'intermédiaire des missions d'appui mises en place dans chaque bassin hydrographique. La France, chacun s'accorde à le dire et à le reconnaître, a une politique de l'eau unique au monde qui, d'ailleurs, ne cesse de servir de modèle à d'autres pays. Notre approche par bassins, que j'ai souhaité conforter, avec les agences de l'eau, permet une gestion de l'eau à la hauteur des enjeux écologiques. Des montagnes aux fleuves, le bon état des écosystèmes, une gestion appropriée de l'eau pour en maîtriser la consommation, notamment face aux risques de sécheresse, et assurer partout sur le territoire une qualité d'eau propre à la consommation mais aussi au bon fonctionnement des écosystèmes sont autant de raisons de développer cette approche à l'échelle des écosystèmes.
C'est bien pour cela que dans un budget que je reconnais je ne serai pas d'une grande objectivité pour le moins contraint et qui est un exercice difficile pour moi, nous avons fait le choix de préserver le budget des agences de l'eau. En effet, le budget pour le 12e programme des agences de l'eau est de 12,6 milliards d'euros. Certes, c'est un peu moins que le précédent, mais plus que l'avant-dernier. C'est une approche raisonnable dans le contexte, qui permet d'avoir quand même des moyens importants au service de l'approvisionnement en eau de nos concitoyens et des acteurs économiques mais aussi parce que c'est la mission associée à la protection de la biodiversité. Chacun sait en effet que sans cette biodiversité il est impossible d'avoir une eau de qualité.
C'est pourquoi, pour améliorer encore ce service public de l'eau qui est essentiel, celui qui, chez nous, est considéré comme un acquis mais qui, ailleurs, notamment au Sahel et au Maghreb, tient souvent du miracle, nous lancerons au deuxième trimestre 2018 une grande consultation avec les élus pour conforter et faire évoluer nos politiques de l'eau face aux défis de la transition écologique et solidaire. J'en prends acte ici, ce sera l'occasion de nous poser la question des objectifs et des moyens ainsi que des défis auxquels nous devons ensemble répondre.
Mesdames et Messieurs les maires, la France est engagée dans une transformation profonde pour répondre aux défis de la transition écologique et solidaire. Je sais que les mots, parfois, peuvent avoir un goût un peu usé, mais la transformation écologique est une transformation sociétale, c'est pour cela que sa mise en oeuvre est parfois lourde, lente et qu'elle peut inquiéter mais, on le voit bien, le monde de demain va être radicalement différent du monde d'aujourd'hui et le choix que nous avons, c'est s'il le sera de gré ou s'il le sera de force. Je pense que nous avons encore ce choix mais la fenêtre d'opportunité entre ce que nous pouvons faire ou ne pas faire se réduit de jour en jour. Il est donc bien que vous soyez exigeants, que je le sois aussi, mais que nous nous retrouvions sur les solutions plutôt que de nous disperser sur les objectifs.
En tout cas la résilience des territoires passe par votre mobilisation sur l'ensemble des leviers que je viens d'évoquer car face aux défis climatiques, il n'y a pas une réponse unique, c'est à nous de les inventer ensemble et évidemment à l'échelle de chaque territoire.
C'est dans cet état d'esprit que le plan climat que j'ai présenté au mois de juillet dernier prévoit la mise en place d'un nouveau plan national d'adaptation au changement climatique, que vous connaissez sous le nom un peu barbare de PNACC et qui est soumis à la consultation du public en ce moment même. Ce plan décline dans de nombreux domaines l'urbanisme, l'agriculture, en passant par la prévention des risques toutes les actions que nous devons mettre en oeuvre pour faire face aux conséquences du changement climatique. Je sais pouvoir compter sur vous pour participer à cette grande consultation qui est nécessaire pour tirer les leçons des épisodes climatiques que nous avons déjà traversés, les inondations, les sécheresses, les canicules, les cyclones. Il faut anticiper sur cette nouvelle ère parce qu'elle est là, que nous le voulions ou non, et en même temps tout faire pour éviter des phénomènes irréversibles.
Vous en êtes les premiers artisans. Je n'ai pas l'habitude, pour les quelques-uns qui me connaissent un peu, d'employer des mots par flagornerie mais parce que je le sais, parce que je le vois sur le terrain, que je le sais pour hier, je le sais pour aujourd'hui et je le souhaite pour demain, mais bien par conviction. Je sais que cette route est longue, qu'elle est difficile. Croyez-moi, je m'en rends compte au quotidien. Elle est exigeante. Le gouvernement, je le crois, je l'espère et je ferai en sorte de ne pas l'oublier, a entendu vos critiques, vos questions. Personnellement, tout ce qui a été dit ici, même si je n'étais pas encore là, je le recevrai avec grand intérêt pour non seulement m'en inspirer mais également, à mon niveau de responsabilité, y répondre, sur les moyens qui seront mobilisés pour vous accompagner dans des tâches qui sont de plus en plus complexes et parfois de plus en plus larges.
Rassurez-vous, j'arrive bientôt au terme de mon intervention. Ce débat doit vivre entre vous et nous de bonne foi. C'est dans cet esprit que j'ai décidé, et ce n'était pas si facile non que ma volonté n'était pas là mais volonté ne vaut pas toujours faculté, quand bien même vous êtes ministre d'État de débloquer des fonds pourtant non programmés pour permettre aux territoires à énergie positive de continuer à développer les projets qui ont été signés. Je reconnais que je ne me voyais pas, comme cela a été un moment dans l'air du temps, dire à des élus que les dépenses qu'ils avaient engagées après une incitation de l'État n'allaient pas être honorées. De ce point de vue, je m'engage donc à ce que la parole de l'État sur les dépenses qui ont été engagées soit tenue sans quoi j'aurais du mal, après, à vous remettre dans une relation de confiance pour la suite.
Ce sont ainsi, notamment pour 2018, 75 millions d'euros que nous allons mobiliser au service de tous ceux qui font, au service d'une transition qui gagne du terrain. Cet engagement, je vous l'annonce aujourd'hui, est déjà mis en oeuvre. J'ai signé hier soir une nouvelle circulaire aux préfets dans ce sens car vous avez déjà entre les mains des leviers qui sont puissants.
Un levier, d'ailleurs, que vous utilisez, que les États devraient utiliser dans le monde entier car il permet d'accélérer la transition, c'est celui de la commande publique, cet outil qui fait justement des collectivités territoriales les premiers investisseurs de France. Dans le plan climat nous avons prévu d'être exemplaires sur ce point et c'est un chantier que je veux lancer avec vous car l'argent public ai-je besoin de le rappeler ici, vous en êtes comptables et conscients c'est l'argent des Français. Je pense que cet argent peut être mieux utilisé pour accompagner les entreprises, ceux qui innovent, ceux qui ont des solutions et des solutions d'aujourd'hui, pas des solutions d'hier entre les mains, mais ceux qui aussi, parfois, souffrent du manque de moyens, de ce petit coup de pouce qui leur permet à un moment ou un autre de changer d'échelle. Avec ces ressources, avec la vision, avec la connaissance fine que vous avez des enjeux associés à chaque territoire, vous avez les moyens de porter cette transformation, de la déployer et de lui faire changer d'échelle.
J'ai annoncé il y a quelques semaines que je présenterai au premier trimestre 2018 pardon de faire une petite entorse au français un green new deal, c'est-à-dire une impulsion, un souffle, une cohérence, un nouvel élan économique pour la France et ses territoires car, oui, nous avons besoin de plus d'investissements, de renouveler nos infrastructures, de changer d'échelle, notamment pour la mobilité du quotidien et toutes les nouvelles formes de transport qui émergent, également dans le déploiement des énergies renouvelables, dans l'efficacité énergétique et d'autres filières dont j'ai la responsabilité dans mon ministère.
Ce green new deal vise aussi à mobiliser les énergies renouvelables sur vos territoires car je suis très conscient qu'il y a là un gisement d'emploi exceptionnel mais il faut créer toutes les conditions, notamment dans la formation, pour que ces gisements d'emploi puissent enfin être réalisés. Ce green new deal va s'appuyer sur les territoires, comme je viens de vous le dire, il va proposer un changement d'échelle dans la rénovation des logements je vais présenter d'ailleurs après-demain avec Jacques MEZARD un plan et notamment également dans l'efficacité énergétique. Dans ce domaine il y a parmi vous bon nombre de précurseurs qui vont me donner autant d'exemples pour convaincre ceux qui ne sont pas encore convaincus qu'il y a là des économies à faire et des emplois à créer. Il va permettre d'amplifier la transformation des entreprises vers ce sujet qui est fondamental et pour lequel je présenterai également une feuille de route début 2018, qui est l'économie circulaire, en quête dans ce domaine comme dans d'autres d'une souveraineté économique sur nos ressources.
Vous le savez, le gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux, et c'est important de le rappeler puisque, visiblement, soit je me suis mal exprimé soit j'ai mal été compris, de ramener à 50 % la part du nucléaire aussi rapidement que possible. Cela s'inscrit dans plusieurs piliers de ma politique de transition énergétique et nous aurons, avec notamment les territoires et d'autres acteurs, le temps nécessaire pour travailler sur la programmation pluriannuelle de l'énergie mais nous devrons pour cela lever un certain nombre de freins au développement des énergies renouvelables. C'est très important, sans quoi je ne saurais pas que faire, parce que si nous ne voulons pas construire de nouvelles centrales thermiques, si nous voulons fermer les centrales à charbon, il faudra tripler le rythme d'installation des énergies renouvelables, sachant qu'il n'y a pas que l'éolien et que nous tâcherons de miser sur un mix.
Je le sais, certaines énergies renouvelables, notamment justement l'éolien, suscitent encore de nombreuses critiques. Je les reçois, je les entends mais je dois aussi avoir un langage de vérité : que voulons-nous ? Quelles visions avons-nous du modèle énergétique ? Est-ce que l'idée d'une souveraineté énergétique laisse insensible les uns et les autres ? L'idée qu'à terme notre territoire notre pays, vos villages, vos collectivités puissent produire l'énergie dans votre territoire et ne plus être dépendant des autres ? Cela me semble être un point de vue et une vision sur lesquels nous pouvons nous retrouver.
J'ai besoin d'une mobilisation générale. Je refuse, comme je l'ai dit, de céder à une forme de résignation de ceux qui ne veulent rien, pas de nucléaire, pas de gaz, pas de charbon, pas d'énergies renouvelables. Là, je reconnais qu'à un moment mon cerveau reptilien ne sait pas trop comment faire.
Mesdames et Messieurs les maires, la transition énergétique, c'est aussi des transformations profondes de certains territoires, je pense par exemple à ceux qui hébergent encore aujourd'hui des centrales à charbon que nous allons fermer d'ici 2022, ou encore certaines centrales nucléaires ou en tout cas des réacteurs qui risquent d'être mis à l'arrêt dans les années qui viennent. Cela ne va pas se faire dans la brutalité. Cela se fera en tenant compte des impératifs économiques et des impératifs sociaux. C'est peut-être ce qui me distingue, c'est pour cela que je veux appréhender l'ensemble des acteurs, l'ensemble des paramètres pour que cela soit réalisable. La grande différence, c'est que je vais le mettre en oeuvre mais que je vais créer les conditions de sa réalisation.
Là encore, nous avons le choix : nous pouvons faire la politique de l'autruche, mais à choisir dans le bestiaire je préfère la girafe à l'autruche parce que la girafe voit loin et que j'ai décidé de regarder l'avenir et non pas de regarder mes pieds. Le gouvernement a donc choisi la stratégie de la girafe parce que c'est la clé de la solidarité. C'est pourquoi, notamment avec Sébastien LECORNU qui travaille actuellement avec certains d'entre vous sur les contrats de transition écologique, nous allons mobiliser l'ensemble des acteurs, les entreprises, les élus, les agences de l'État, les citoyens, pour mettre en place, territoire par territoire, des stratégies d'accompagnement des territoires concernés.
Je voudrais simplement vous rassurer, et j'en finis : je ne considère pas qu'il y aura des perdants et des gagnants. Il y aura des secteurs, il y aura des filières, il y aura des entreprises, il y aura des salariés qui risquent d'être concernés par le changement de modèle mais je pense que tout le monde y trouvera son compte. Il y aura beaucoup plus d'emplois créés que d'emplois transformés.
Mesdames et Messieurs les maires, je l'ai dit en ouverture, à choisir, il vaut mieux être solidaire que solitaire. Ensemble nous avons toutes les clés pour réussir, pour protéger les Français, pour ne pas sacrifier le futur au présent, pour les accompagner dans ce chemin du Nouveau Monde, celui où nos territoires, parce qu'ils protègent la biodiversité, parce qu'ils luttent contre le changement climatique et la pollution de l'air, vont faire de notre pays un pays modèle.
Je vous remercie.
Source http://congres.amf.asso.fr, le 27 novembre 2017