Texte intégral
Je voudrais d'abord remercier le président de CroissancePlus, Jean-Baptiste DANET, d'avoir eu cette belle initiative, remercier le recteur de l'Académie de Paris qui nous fait l'honneur d'être présent ce matin, et remercier chacun de vous d'avoir pris le temps de venir jusqu'au ministère de l'Economie et des Finances pour échanger sur l'entrepreneuriat, et surtout sur la vie que vous avez à construire devant vous.
Je ne vais pas vous faire de grand discours. Je vais vous parler comme je parle à mes propres enfants parce que j'en ai quatre, dont l'un est encore au lycée, comme vous, et se pose les mêmes questions que vous : "Que faire de mon avenir ? Quelles sont les meilleures portes à ouvrir ? Comment faut-il se comporter ?"
Je vais vous donner des conseils extrêmement simples mais qui sont, je crois, de bons conseils.
Le premier conseil il est tout bête : c'est de travailler. Je vous recommande de travailler. On l'oublie, parce que très souvent, on dit : « la priorité, c'est faire preuve d'audace ». Oui bien sûr, il faut de l'audace je vais y venir. Mais avant de faire preuve d'audace, avant de former de grandes ambitions, il faut travailler.
Travailler, c'est apprendre, c'est lire, c'est se cultiver, c'est faire ses exercices, c'est faire correctement ce qu'on vous demande de faire. Il n'y a pas de grandes ambitions sans travail.
Vous aimez peut-être Rimbaud. Moi, je suis un grand amateur de poésie et de Rimbaud. Mais avant d'écrire "Le Bateau ivre", Rimbaud faisait des poèmes en latin. Et il n'y avait pas une erreur dans le latin de Rimbaud. Parce qu'il avait travaillé.
Et je crois qu'on peut multiplier les exemples de trs grands génies. Le génie est d'abord le produit du travail avant d'être le produit du talent.
Je sais que ce n'est pas extraordinairement original de dire cela, mais c'est essentiel pour vous, et ce serait vous mentir de vous faire croire qu'on peut réussir sans travailler.
Le deuxième conseil que je vous donne est peut-être un peu plus original, surtout venant d'un responsable politique, mais c'est un conseil essentiel : soyez honnête. Et c'est un responsable politique qui vous le dit.
Honnête par rapport à vous-mêmes. Ne vous laissez pas dicter vos désirs par d'autres qui vous diront : "ça, c'est bien ; et ça, ça ne vaut rien". Non ! Si c'est ce que vous aimez, c'est bien.
J'ai entendu trop d'enfants à qui on disait : "la filière professionnelle ce n'est pas bien". Si ça vous plaît et qu'honnêtement c'est ce que vous voulez faire, c'est très bien. Ne vous laissez pas imposer des filières. Et c'est vrai, je vais vous dire, à tous les niveaux.
De temps en temps on vous dit : "tu devrais prendre tel poste ministériel, c'est extraordinairement prestigieux !". Oui, mais ce n'est pas ce qui m'intéresse.
Soyez honnête par rapport à vos désirs, par rapport à vos envies. Soyez honnête dans votre comportement. Soyez honnête dans votre parole. Vous verrez : vous n'en tirerez que des bénéfices. Parce que sinon, vous allez vous laisser entraîner par d'autres, qui n'ont pas forcément les mêmes goûts, les mêmes envies que vous et qui vont plaquer sur vous un schéma social qui ne correspond pas à ce que vous souhaitez.
Travaillez, soyez honnête.
Ensuite, mais ensuite seulement, faites preuve d'audace.
Et là je rejoins que dit Jean-Baptiste DANET : "ne mettez pas de limite à vos rêves, faites preuve d'audace".
Si vous avez envie de créer votre entreprise, créez votre entreprise. Si vous avez envie de travailler dans les Ressources humaines, travaillez dans les Ressources humaines. Si vous avez envie de travailler pour les autres, dans un hôpital, dans une clinique au service des plus fragiles, si vous avez envie de travailler pour les personnes en situation de handicap parce que c'est ce qui vous touche, faites-le.
L'audace est partout. L'audace, ce n'est pas uniquement de gagner beaucoup d'argent. L'audace, ça peut être de tendre la main aux plus fragiles. L'audace, ça peut être de s'occuper de personnes âgées. L'audace, ça peut être de s'occuper d'enfants malades.
La vraie audace, c'est de ne pas faire comme les autres. C'est de ne pas vous laisser dicter votre comportement.
Si vous voulez être entrepreneur, faites preuve de cette audace. J'ai un ami qui habite dans le sud de la France. Il est agriculteur dans une petite ville qui s'appelle Mane dans les Alpes de Haute Provence. Depuis plusieurs générations, sa famille faisait toujours la même production de fruits. A un moment donné, il s'est dit : "Dans le fond, les fruits, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Moi, ce que j'adore, c'est la lavande et je voudrais faire des huiles essentielles à partir de la lavande. » Tout le monde lui a dit : « Mais tu prends des risques considérables. Les fruits, ça marche très bien. Quelle idée d'aller faire des huiles essentielles avec de la lavande !".
C'était il y a plus de dix ans - à l'époque les huiles essentielles n'étaient pas aussi à la mode qu'elles le sont aujourd'hui. Eh bien ! Il a arraché ses arbres fruitiers, il a planté de la lavande, il a fait des huiles essentielles, il les a commercialisées. Aujourd'hui, je peux vous dire qu'il gagne mieux sa vie que le ministre de l'Economie et des Finances. L'audace, ça paye toujours, si et seulement si elle repose sur le travail et sur l'honnêteté. L'un ne va pas sans l'autre.
Cette audace, c'est, une fois encore, la capacité à aller au bout de ce qui vous branche. Je donne un autre exemple que vous connaissez certainement, c'est Michel & Augustin. C'est une très belle aventure de deux copains de classe, comme vous au lycée, qui se sont dit : "Qu'est-ce qu'on aime dans la vie ? C'est manger des cookies et du fromage blanc. Donc on va faire nos cookies, notre fromage blanc, nos smoothies, nos mousses au chocolat et puis on va les commercialiser. Et on va faire un truc haut de gamme parce qu'on aime les trucs qui sont vraiment bons."
Ils ont créé cette marque Michel & Augustin qui a remarquablement marché. Quand ils ont créé cela au départ, tout le monde leur a dit : "Mais créez une entreprise dans les micro-processeurs, dans l'informatique, dans le numérique, dans le digital, pas dans les gâteaux." Ils ont fait ce qui leur plaisait et l'audace, une fois encore, c'est d'aller au bout de ce que l'on porte en soi. C'est ça, la vraie audace. Ne pensez pas que l'audace, c'est le film d'Hollywood où on a quelque chose d'absolument spectaculaire.
Ce qui est spectaculaire, c'est d'aller au bout de vous-mêmes. Voilà le troisième conseil que je vous donne.
Quatrième conseil ne vous inquiétez pas, il n'y en aura que cinq : n'ayez pas peur de l'échec. Là, on touche quelque chose de profondément ancré dans la société française. Et moi, je compte sur vous, qui êtes la nouvelle génération, pour remettre en cause ce trait culturel français qu'est la peur de l'échec.
Il n'y a pas d'audace possible si vous n'êtes pas prêts à l'échec. Si, dans l'audace et le geste d'audace que vous faites, vous n'êtes pas prêts à vous planter au bout du compte, ce n'est même pas la peine d'essayer. N'ayez pas peur de l'échec, on apprend énormément de ses échecs.
Un jour, je me suis dit : "Je vais être candidat à la primaire de la droite et du centre." J'y ai travaillé pendant cinq ans, j'ai sillonné le pays, j'ai fait plus de 500 déplacements, j'ai rencontré des milliers de personnes. Cela m'a extraordinairement enrichi. J'ai adoré cette campagne. Et je portais une ambition toute simple, qui était de renouveler le paysage politique français, parce que je considérais que la vie politique française avait besoin d'un renouvellement complet.
Et puis au bout du compte, il y a un an, après des milliers de déplacements, après des milliers de rencontres, à un moment donné, pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas très intéressantes à expliquer, ça s'est effondré. Et le résultat, ça a été 2,4 % au premier tour de la primaire. Ce n'est pas beaucoup après cinq ans de travail, mais ces 2,4 % m'ont peut-être plus appris que si j'avais gagné. Ils m'ont peut-être plus transformé que s'il y avait eu une victoire au bout du compte et ils m'ont obligé à m'interroger sur mon engagement politique. Pourquoi est-ce que je fais de la politique ? Le sens de la politique, c'est simple : c'est les autres. Si vous n'aimez pas les autres, il ne faut pas faire de politique.
Dans ce cas-là, qu'importe le résultat. Si vous estimez que dans votre engagement politique, vous continuez à servir les autres, vous continuez votre engagement politique. Mais n'ayez pas peur de l'échec. L'échec va vous apprendre beaucoup de choses sur vous-même et d'abord sur votre détermination à aller au bout de votre projet. Si vous y renoncez parce que vous avez un échec, c'est que ce n'était pas votre projet, c'est que vous ne croyez pas dans votre projet.
Je vais vous donner un autre exemple qui m'avait beaucoup frappé, celui d'un éditeur qui avait refusé le livre de Marcel Proust. On lui demandait : "Est-ce que vous ne regrettez pas d'avoir refusé le livre de Marcel Proust ? » Parce que vous savez que Marcel Proust, avant d'être un écrivain connu et reconnu, tout le monde l'avait refusé en disant : "Votre livre, c'est illisible, c'est beaucoup trop long. Personne ne peut publier ça." L'éditeur avait dit : "Oui, bien sûr que je regrette d'avoir manqué le livre de Marcel Proust."
Mais je vais vous dire, un vrai écrivain quoi qu'il arrive, tous les éditeurs peuvent lui refuser son livre. Si vraiment il croit dans son écriture, s'il croit dans son talent, s'il croit dans son livre, on peut lui refuser dix fois, quinze fois, cent fois : au bout du compte, son livre sera publié.
Ce n'est pas l'échec qui est un obstacle. Le vrai obstacle, c'est quand on n'a pas la volonté, quand on n'a pas la détermination. L'échec vous permet de mesurer votre détermination et vous permet de savoir ce que vous voulez vraiment. Il permet même, je vais vous dire, de savoir qui vous êtes.
Dernier conseil : allez au bout de vos rêves. Ne vous laissez jamais, jamais, jamais, dicter votre vie par les autres. Soyez libres ! Soyez totalement libres ! Les critiques doivent glisser sur vous comme l'eau sur les plumes d'un canard. Ne laissez personne réduire vos rêves.
Ne laissez personne critiquer vos rêves, moquer vos rêves. Ça aussi, c'est malheureusement un trait culturel français contre lequel vous devez combattre, avec beaucoup d'indignation. Cette manière de dévaloriser vos rêves, ce sarcasme permanent, ce rire un peu narquois parce que vous avez de grands rêves, parce que vous avez un idéal. Mais c'est beau d'avoir un idéal, c'est beau d'avoir de grands rêves.
Je vais vous dire, ce sont les ratés qui n'ont pas de rêves. Ce sont les cyniques qui n'ont pas de rêves. Ce sont ceux qui ne croient en rien qui n'ont pas de rêves. Ce sont ceux qui ont échoué une bonne fois pour toutes, définitivement, qui n'ont plus de rêves. Et ce qu'ils redoutent par-dessus tout, ceux-là, c'est que d'autres qu'eux aient des rêves plus grands.
Donc allez au bout de vos rêves, portez-les, et vous verrez : le pire qui puisse vous arriver, c'est qu'ils se réalisent.
Merci à tous et passez une très belle journée.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 24 novembre 2017