Interview de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec LCI le 28 novembre 2017, sur l'herbicide glyphosate et la santé publique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Dans l'actualité également ce matin, cette question : est-ce un cafouillage ou une tactique politique au sein du gouvernement, après le vote européen, ré-autorisant l'herbicide, le glyphosate, pour cinq ans. Je vous rappelle que 18 Etats membres ont voté pour, 9 contre, dont la France, seul le Portugal s'est abstenu. Bonjour Stéphane TRAVERT.
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous êtes ministre de l'Agriculture, et vous êtes, en somme, le seul, à vous être félicité donc hier qu'un accord ait été trouvé donc, été quelques minutes après votre déclaration, Emmanuel MACRON a tweeté : « j'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, au plus tard dans trois ans. Le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, a dit que la France regrettait le vote européen. Nicolas HULOT s'est aussi exprimé hier soir, et s'est dit triste de cette décision. Ecoutez.
NICOLAS HULOT, MINISTRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Moi, je suis, comment dire, un peu triste, pourquoi, parce que, il y a une lame de fond citoyenne en Europe, qui est une pétition qui a largement dépassé le million de signatures, et c'était une occasion pour l'Europe de rencontrer ses citoyens et de comprendre quelles sont leurs aspirations à un moment où l'Europe souffre beaucoup de défiance que de confiance.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Voilà donc la déclaration de Nicolas HULOT hier soir, Monsieur le Ministre, et puis, Benjamin GRIVEAUX, qui a tweeté : la santé avant tout, la France sera en pointe pour trouver des alternatives au glyphosate, voilà, pour en sortir dans trois ans. Et il cite donc Nicolas HULOT, Brune POIRSON, et monsieur LECORNU, mais il ne vous cite pas, Monsieur le Ministre, est-ce que vous n'avez pas le sentiment d'être un peu seul ce matin ? Est-ce que c'est un cafouillage d'abord ?
STEPHANE TRAVERT
Non, pas du tout, moi, j'ai pris acte d'une décision, hier, j'étais sur le terrain avec des agriculteurs, qui travaillent pour demain trouver des alternatives, donc qui sont déjà engagés dans le processus de suppression de produits comme le glyphosate. Et moi, j'ai pris acte du vote, en disant : regardons d'où l'on part, il y a encore quelques semaines, nous nous demandions si nous n'allions pas ré-autoriser le glyphosate pour dix ans, et la France s'est exprimée vivement contre cette autorisation de renouvellement à dix ans. Aujourd'hui, enfin, hier, il y a eu un vote, un vote à cinq ans, mais la France, elle est plus ambitieuse que ça, la France, elle a souhaité, par la voix du président de la République, faire en sorte que nous essayions, nous puissions, dans les trois ans, trouver les alternatives durables pour sortir de l'utilisation de ce produit. La France, elle a toujours voulu montrer le chemin, et je crois que c'est cela qu'a voulu montrer le président de la République, et puis, la France, elle ne parle que d'une seule voix, hier, la France, elle a voté contre la proposition, elle ne s'est pas abstenue, elle a voté contre. Mais d‘autres partenaires, qui s'étaient abstenus la fois précédente, et qui n'avaient pas permis de trouver, de dégager une majorité, eh bien, cette fois-ci, ont voté pour la ré-autorisation à cinq ans.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais sauf que si on revient en France, Monsieur le Ministre, Emmanuel MACRON parle de trois ans, vous, vous dites cinq ans, c'est bien, Emmanuel MACRON…
STEPHANE TRAVERT
Non, je n'ai pas dit cinq ans…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Emmanuel MACRON dit trois ans, il faut effectivement bouger, et vous n'êtes pas sur cette tendance…
STEPHANE TRAVERT
Il y avait un vote hier, qui a acté cinq ans, et moi, de manière tout à fait factuelle, j'ai dit : très bien, prenons acte de ces cinq ans qui ont été votés par l'Union européenne pour mettre en oeuvre le travail que nous devons faire, mobiliser la recherche, mobiliser l'innovation. Mais je sais pertinemment bien que la France aujourd'hui, elle souhaite aller encore plus vite, et je souhaite, moi, utiliser ce calendrier, cinq ans donnés par l'Union européenne, et si la France, parce que la France veut aller plus loin, veut être plus en avant, eh bien, mettons et mobilisons la recherche, mobilisons les instituts techniques, mobilisons l'ensemble des professionnels, pour que nous puissions trouver des alternatives durables dans le temps qui a été demandé par le président de la République.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Donc trois ans.
STEPHANE TRAVERT
Donc trois ans. Moi, je n'y vois ni cafouillage ni quoi que ce soit, enfin, chacun…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous vous êtes appelé avec Emmanuel MACRON pour en parler ou pas ?
STEPHANE TRAVERT
Non, nous ne nous sommes pas appelé, mais j'ai eu des échanges avec le Premier ministre, mais moi, hier, ma réaction a été de dire : regardons d'où l'on part.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Est-ce qu'il vous a reproché votre sortie, le Premier ministre, Edouard PHILIPPE ?
STEPHANE TRAVERT
Pas du tout, pas du tout. Mais regardons d'où l'on part, la position, elle est tenue, l'objectif, il est commun pour tous les membres du gouvernement, c'est la sortie du glyphosate. Et cette sortie du glyphosate, nous allons y travailler. Le Premier ministre, le président de la République nous ont demandé de travailler sur un plan de sortie. Hier, l'Union européenne a acté un plan de sortie pour cinq ans. Et ma réaction a été de dire : regardez d'où l'on part, il y a quelques semaines, nous étions à dix ans, aujourd'hui, nous sommes revenus à cinq ans. Le président de la République souhaite que nous le fassions en trois ans, mobilisons les acteurs de la recherche, mobilisons les acteurs de l'innovation, mobilisons les professionnels, comment… la question que je me pose, moi, chaque matin, c'est comment je vais accompagner les agriculteurs dans cette démarche, comment, sur le terrain, nous allons réussir, à travers le changement des pratiques agronomiques, à travers l'agro-écologie, faire en sorte que demain, nous ne puissions plus utiliser ce type de produit, dont nous savons que nos concitoyens ne veulent plus.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Alors justement, vous parlez des agriculteurs, la FNSEA a salué la décision sur le glyphosate, et accuse Emmanuel MACRON de tourner le dos à l'Europe, après une décision démocratique, car, je cite : elle ne lui convient pas. Que dites-vous à la FNSEA ce matin ?
STEPHANE TRAVERT
Moi, je dis à la FNSEA, c'est une organisation syndicale avec laquelle je travaille, comme avec toutes les autres…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais qui critique ouvertement Emmanuel MACRON…
STEPHANE TRAVERT
Mais aujourd'hui, nous devons travailler ensemble à trouver des formules, à trouver des solutions alternatives, et hier…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Est-ce que la FNSEA est prête à cela ?
STEPHANE TRAVERT
Mais la FNSEA, elle a déjà… mais, les agriculteurs, en règle générale, ont déjà commencé à travailler sur ce sujet. Les agriculteurs, ils n'ont pas attendu qu'on leur donne un vote pour commencer à travailler à des conditions de sortie. Les agriculteurs aujourd'hui, ils sont mobilisés sur la couverture des sols, sur le 4 pour 1.000, sur l'agro écologie, sur le changement de leurs pratiques agronomiques. Et bien évidemment, nous allons nous situer dans ce chemin pour travailler avec eux à construire ensemble des solutions durables, et à veiller à les accompagner, c'est cela la tâche qui est la mienne aujourd'hui. Et j'entends ce que la FNSEA peut avoir à dire, moi, j'appelle à l'écoute, au dialogue et à la confiance…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous cautionnez ce qu'a dit la FNSEA, hier ou vous pensez qu'elle est allée un peu loin ?
STEPHANE TRAVERT
Mais moi, aujourd'hui, ce qui m'importe, c'est comment nous allons trouver des solutions, je n'ai pas à faire du commentaire de commentaire, aujourd'hui, les choses sont assez factuelles, c'est sur le terrain comment, demain, nos agriculteurs vont pouvoir continuer à être compétitifs, vont pouvoir continuer à assurer nos besoins alimentaires, comment nous allons pouvoir fournir une alimentation saine, durable et accessible à tous, à l'ensemble de nos concitoyens, en tenant compte des objectifs de la France sur le plan sanitaire, sur le plan phytosanitaire, en sortant de l'utilisation du glyphosate. C'est la seule question qui vaille.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Donc vous participerez donc au sein du gouvernement donc à ce groupe cité par Benjamin GRIVEAUX, donc la France qui sera en pointe pour trouver des alternatives d'ici trois ans, il ne vous cite pas…
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr…
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Benjamin GRIVEAUX…
STEPHANE TRAVERT
Ça, vous savez, moi, je n'ai pas de… ce n'est pas vraiment un problème pour moi. Ce qui compte, c'est que le gouvernement tout entier est tourné vers cet objectif. Nous travaillons, vous savez, le fait de ne pas être cité sur un tweet n'est vraiment pas mon problème aujourd'hui.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Donc vous êtes soutenu ce matin encore par Emmanuel MACRON, le Premier ministre également, et l'ensemble du gouvernement ?
STEPHANE TRAVERT
Si je n'étais pas soutenu, je ne serais pas là ce matin devant vous.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Une dernière question, Monsieur le Ministre, nous allons en profiter puisque vous êtes avec nous sur le plateau ce matin, pour les téléspectateurs qui nous regardent et qui prennent peut-être le petit-déjeuner, je voudrais faire un point avec vous sur la crise du beurre, on en est où, Monsieur le Ministre, de cette crise du beurre, est-ce qu'elle est résolue ?
STEPHANE TRAVERT
Elle est en passe de se résoudre, j'ai reçu la semaine dernière l'ensemble des acteurs de la filière laitière, pour travailler avec eux, la reprise de la collecte s'est faite, les prix aussi se sont tassés auprès des transformateurs, et je crois que les consommateurs reviennent à des achats aussi plus responsables, et aujourd'hui, je crois que cette situation revient à la normale pour l'ensemble de nos consommateurs. Moi, ce que j'appelle, c'est que nous ayons un beau plan de filière, et c'est ce à quoi je travaille aujourd'hui avec l'ensemble des professionnels qui sont concernés par ces questions, travailler avec des plans de filières, des objectifs, où nous allons, sur quels types de marché, et comment nous rétribuons mieux nos agriculteurs.
PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Merci beaucoup Monsieur le Ministre d'être venu nous voir ce matin sur le plateau de La Matinale LCI.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 novembre 2017