Interview de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires étrangères, avec Public Sénat le 29 novembre 2017, sur la construction européenne.

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Texte intégral


CYRIL VIGUIER
Aujourd'hui notre invitée c'est une ministre, bonjour, merci Nathalie LOISEAU.
NATHALIE LOISEAU
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Vous êtes ministre chargée des Affaires européennes, merci d'être en direct sur ce plateau avec nous. Pour vous interroger, à mes côtés, Oriane MANCINI, la spécialiste politique, mais aussi chargée des opérations spéciales à Public Sénat, et Pascal JALABERT du groupe EBRA… neuf titres de la presse quotidienne régionale, et il est ici ce matin pour les Dernières Nouvelles d'Alsace, les DNA, qui fêtent d'ailleurs leur 140 ans demain. Nathalie LOISEAU, la Commission européenne a prolongé de 5 ans l'autorisation du glyphosate, malgré l'opposition française, est-ce une défaite pour la France ? Vous êtes ministre chargée des Affaires européennes.
NATHALIE LOISEAU
C'est une déception, c'est une décision qu'on regrette, puisque nous avions proposé qu'on s'en tienne à 3 ans, et surtout qu'on travaille à la sortie du glyphosate compte tenu des incertitudes et des doutes qui pèsent sur cette substance. Alors, ce que nous avons obtenu c'est que, au départ la Commission parlait d'une reconduction pour 10 ans, et on a réussi à partager cette notion que c'était une durée beaucoup trop grande, que l'essentiel c'était de se rapprocher de la sortie de l'utilisation de ce type de pesticides. 5 ans c'est encore trop, c'est la raison pour laquelle le président de la République a demandé au gouvernement de travailler à une sortie en 3 ans, sous réserve que l'on trouve les alternatives au glyphosate, parce qu'il est hors de question de laisser les utilisateurs, en particulier les agriculteurs, en difficulté.
PASCAL JALABERT
Alors, que répondez-vous aux agriculteurs qui, dans 3 ans, risquent de se retrouver sans le glyphosate, alors que leurs voisins européens vont avoir le glyphosate, ce qui permet quand même de baisser le coût de production, donc la concurrence va être distendue ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, d'autres pays, que le nôtre, sont dans la même logique, l'Italie, par exemple, va aussi essayer de sortir du glyphosate plus vite. Il y a de plus en plus de sensibilité de l'opinion publique, il y a une pétition qui a été signée par 1,3 million Européens demandant même la sortie immédiate du glyphosate. Moi je suis confiante que, quand on aura des solutions alternatives crédibles, personne n'aura envie de rester accroché à ce type de substances. Des pays, à travers le monde, ont décidé, de manière plus rapide encore, de sortir du glyphosate. Je voyais un reportage sur le Sri Lanka qui l'a décidé et qui l'a interdit, et aujourd'hui les agriculteurs, les producteurs de thé, les producteurs de riz, au Sri Lanka, s'en passent. Donc il faut sortir de cette idée qu'on est prisonnier et que, sans volonté, on ne fait rien et on ne bouge pas, alors qu'il y a aujourd'hui des doutes.
ORIANE MANCINI
Sur cette distorsion de concurrence, la FNSEA parle de décision nationaliste de la part d'Emmanuel MACRON. Est-ce qu'il n'y a pas quand même un risque de distorsion de concurrence ?
NATHALIE LOISEAU
Il y a un risque pour la santé des agriculteurs et des consommateurs à continuer avec une substance qui a été qualifiée, par l'OMS, de cancérogène probable, c'est donc la responsabilité du gouvernement d'essayer de sortir, en accompagnant les agriculteurs, de ce type de situation.
ORIANE MANCINI
Alors, Guillaume PELTIER, le porte-parole des Républicains, il dénonce une hypocrisie de la part d'Emmanuel MACRON, qui d'un côté s'oppose au renouvellement du glyphosate pour 5 ans, et de l'autre il continue, à travers le CETA, à autoriser les importations de produits soumis au glyphosate. Qu'est-ce que vous lui répondez à Guillaume PELTIER ?
NATHALIE LOISEAU
Mais ce n'est pas le CETA qui fait qu'on a des produits soumis au glyphosate, c'est le commerce international qui fait que certains pays utilisent certains pesticides et d'autres pas. Le CETA ne permet rien de plus que ce qui était déjà autorisé, ne fait entrer aucune substance interdite et, pour le moment, le glyphosate n'est pas encore interdit en France, donc Guillaume PELTIER fait de la politique politicienne en mélangeant tout.
PASCAL JALABERT
La France, sur ce sujet, n'a pas fait front commun avec l'Allemagne, c'est quand même…
NATHALIE LOISEAU
Ou inversement.
PASCAL JALABERT
Oui, ou inversement, mais enfin, depuis le début, Emmanuel MACRON nous vend l'attelage franco-allemand, or là, il est distendu. On voit que les Allemands se sont rangés du côté des pays de l'Est, et nous plutôt du côté des pays du Sud, sauf l'Espagne.
NATHALIE LOISEAU
Il ne vous a pas échappé qu'il y a eu ce qui ressemble à une forme de cafouillage dans la manière dont l'Allemagne a pris sa décision et a exercé son vote, c'est même aujourd'hui l'objet d'un débat de politique intérieure allemande, dans lequel je ne m'immiscerai pas, mais manifestement ce n'était pas simple. On fait beaucoup de choses en franco-allemand, on travaille sur la taxation des GAFA, on travaille sur l'Europe de la défense, on travaille sur l'harmonisation fiscale entre nos deux pays pour pousser le reste de l'Europe à en faire autant, et on le fait y compris dans un moment où l'Allemagne est assez centrée sur son débat de politique intérieure.
ORIANE MANCINI
Mais quand vous dites cafouillage, c'est-à-dire que pour vous le débat qu'il y a en Allemagne, à l'heure actuelle, c'est ça qui a pris le pas et qui a fait changer finalement la décision de l'Allemagne… ?
NATHALIE LOISEAU
Non, on a entendu une ministre du gouvernement allemand dire qu'elle s'étonnait de la décision qui avait été prise, et du vote, qui n'allait pas dans le sens de ce qu'elle avait souhaité, un autre ministre dire « j'ai pris mes responsabilités », et la chancelière elle-même s'étonner que le vote n'ait pas été conforme aux instructions.
CYRIL VIGUIER
Et votre collègue à vous, chargé des Affaires européennes en Allemagne, était sur quelle position ?
NATHALIE LOISEAU
Je ne lui ai pas posé la question.
ORIANE MANCINI
Mais, du coup, est-ce que ça va avoir, vous pensez, des conséquences, vous, sur le couple franco-allemand, cette divergence sur le glyphosate ?
NATHALIE LOISEAU
Ecoutez, l'Europe ce n'est pas quelque chose où on pense de manière uniforme en permanence, c'est une réunion de pays où on essaye de trouver des solutions qui vont dans le meilleur sens de l'intérêt général possible. On n'est pas d'accord sur tout, tout le temps, on a énormément de points de convergence avec l'Allemagne, et c'est souhaitable, ça n'a pas été le cas cette fois-ci, nous le regrettons, ce n'est pas non plus un drame.
ORIANE MANCINI
Alors, vous parliez de cette crise en Allemagne, de cette crise politique avec Angela MERKEL qui a du mal à former un gouvernement, est-ce que pour vous cette crise c'est un frein pour le rêve européen d'Emmanuel MACRON ?
NATHALIE LOISEAU
Non, et je vous ai expliqué pourquoi. Depuis la campagne électorale allemande nous avons continué à travailler, avec le gouvernement allemand, en prenant des initiatives. L'Europe de la défense c'est quelque chose qui était inenvisageable il y a encore 1 an. L'idée que l'Union européenne travaille à son autonomie stratégique, se mette d'accord pour qu'un certain nombre de pays, dont la France et l'Allemagne, mais pas seulement, aient une coopération renforcée en matière de défense et décident qu'un fonds européen de défense puisse financer les initiatives communes, c'était inenvisageable en Europe, c'était peu prévisible en Allemagne. L'Allemagne a pris ses responsabilités et elle l'a fait cet été, à un moment où elle était en pleine campagne électorale.
PASCAL JALABERT
Est-ce que ça signifie que quand l'armée française interviendra au Mali, en Centrafrique, puisque c'est toujours l'armée française qui se projette, est-ce que ça signifie qu'il y aura des soldats d'autres pays, et que les autres pays financeront…
NATHALIE LOISEAU
Mais c'est déjà le cas.
PASCAL JALABERT
Oui, mais enfin, c'est quand même l'armée française qui est en première ligne. Donc, est-ce que ça signifie que, enfin, on va voir des régiments internationaux, ou un financement de ces forces par tous les pays membres ?
NATHALIE LOISEAU
Mais là encore, j'y reviens, c'est déjà le cas, nous avons des forces de pays auxquels on ne penserait pas forcément, a priori, pour s'intéresser au Sahel, il y a des troupes estoniennes au Sahel. Petit à petit, il y a une conscience, de plus en plus forte, entre les pays membres de l'Union européenne, que nos intérêts stratégiques communs sont la sécurité à l'Est, avec la préoccupation autour de l'Ukraine, et la sécurité au Sud avec des préoccupations autour du Sahel.
ORIANE MANCINI
Juste pour finir sur cette question, le discours de la Sorbonne d'Emmanuel MACRON, dans lequel il a développé sa vision de l'Europe, son plaidoyer pour l'Europe, il était basé sur une Allemagne forte, comment on fait si ce n'est pas le cas ?
NATHALIE LOISEAU
Mais ce sera le cas. Aujourd'hui la chancelière est en discussion avec le SPD pour reconduire la grande coalition qui a dirigé l'Allemagne pendant des années, si ça n'avait pas été le cas, si elle avait travaillé avec les libéraux, ça aurait aussi été une Allemagne forte, et à chaque fois elle discute avec des partis profondément pro-européens. C'est un système politique différent du nôtre, ça prend du temps, nous nous sommes habitués à des évolutions politiques, peut-être, qui vont plus vite, plus fort, mais une Allemagne forte il n'y a aucun doute que nous l'aurons à nos côtés dans les semaines qui viennent.
CYRIL VIGUIER
Nathalie LOISEAU, Emmanuel MACRON est en tournée en Afrique, où débute aujourd'hui un sommet Union africaine-Union européenne. La refondation de l'Europe que souhaite Emmanuel MACRON, passe-t-elle par une nouvelle forme de relation avec l'Afrique, comme il a tenté de l'esquisser hier ?
NATHALIE LOISEAU
Absolument. Aujourd'hui, l'Union européenne, c'est le premier partenaire de l'Afrique, c'est le premier investisseur, c'est le premier partenaire commercial, c'est aussi l'entité qui est le premier bailleur de fonds vis-à-vis de l'Afrique, c'est 19 milliards d'euros d'aide au développement, si on met ensemble les crédits communautaires et les crédits des Etats membres. Alors, nous sommes massivement aux côtés du continent, mais aux côtés d'un continent qui change, qui se transforme, d'un continent jeune, avec des opportunités, et ce qu'a dit Emmanuel MACRON, hier à Ouagadougou, c'est que nous ne sommes pas là pour dire aux Africains comment ils doivent faire évoluer leur continent, mais pour être à leurs côtés, notamment en matière d'éducation, de jeunesse, de formation.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'il ne faut pas faire justement plus d'efforts, est-ce que l'Union européenne ne doit pas faire plus d'efforts pour le développement de l'Afrique ?
NATHALIE LOISEAU
Elle le fait.
CYRIL VIGUIER
Comment vous expliquez, par exemple, que la Chine soit si présente ?
NATHALIE LOISEAU
Parce qu'elle a des opportunités commerciales, des opportunités d'investissements, qu'elle le fait davantage dans son intérêt à elle parfois, que dans l'intérêt de l'Afrique. Mais, je vous le disais, les avancées de la Chine ne retirent au fait que c'est l'Europe qui est la première puissance présente en Afrique, aux côtés des Africains. Le sommet va servir à discuter d'un nouveau fonds d'investissement européen en Afrique, il va servir à discuter d'enjeux d'éducation, de formation, d'emploi de la jeunesse, il va permettre aussi de parler lutte contre le terrorisme, lutte contre la radicalisation, puisque la question se pose en Afrique comme elle se pose ailleurs, et puis on va évidemment parler questions migratoires.
ORIANE MANCINI
Alors justement, questions migratoires, Bruxelles soutient les forces de sécurité africaines pour bloquer les migrants avant qu'ils ne franchissent la Méditerranée, certaines ONG dénoncent une externalisation des frontières, est-ce que vous assumez cette politique ?
NATHALIE LOISEAU
Non, ce que fait l'Union européenne c'est lutter contre le modèle économique des trafiquants d'êtres humains, des passeurs, ce qu'il faut absolument c'est casser ce trafic, cette traite des êtres humains, qui est devenue aujourd'hui le troisième trafic illicite au monde, extraordinairement lucratif et qui se pratique dans des conditions innommables, on l'a vu, on le sait. Donc, empêcher les passeurs de gagner leur vie, c'est empêcher qu'ils puissent vendre un rêve impossible à des migrants, qu'ils emmènent en Libye dans des conditions effroyables, et qu'ils lâchent ensuite sur les côtes libyennes, à destination de l'Europe, sur des embarcations de fortune, vous n'avez pas un passeur dessus, mais vous avez des migrants qui risquent leur vie, des milliers de morts tous les ans, c'est ça que l'Union européenne assume d'empêcher.
PASCAL JALABERT
Justement, les Africains disent « eh ben oui, mais en faisant cette forteresse vous avez recréé, indirectement, des marchés aux esclaves, et en plus vous le saviez », que répondez-vous à ça ?
NATHALIE LOISEAU
Que les Africains le savaient peut-être aussi, et que les passeurs sont de toutes nationalités, qu'il faut lutter contre le trafic dans les pays d'origine, où on vend du rêve, où on exploite la misère. Il faut lutter contre le trafic, dans un pays de transite comme la Libye, mais ça nécessite de stabiliser un pays qui est en plein chaos, nous nous y attelons, le président de la République a accueilli à La-Celle-Saint-Cloud une réunion pour rapprocher les acteurs de la crise libyenne, et nous soutenons tout ce que font les Nations Unies dans cette direction-là…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que l'Union européenne ne doit pas clarifier son rôle dans ce pays aussi, en Libye ?
NATHALIE LOISEAU
Clarifier son rôle c'est aider à une résolution de la crise libyenne, parce que tant qu'on aura des milices, pas d'Etat, il n'y a aucune chance qu'on ait un respect des droits de l'homme.
PASCAL JALABERT
Sur le développement, l'Europe va-t-elle assez loin ? On a vu que la France avait pris des engagements budgétaires qui finalement ne sont pas tenus, alors, que faut-il faire, et puis peut-être faut-il mettre des conditions et lesquelles ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, on va monter à 0,55 % du PIB pour l'aide au développement, c'est une promesse d'Emmanuel MACRON d'ici la fin du quinquennat et on s'y attelle. L'Europe elle-même c'est 19 milliards d'euros d'aide à l'Afrique, dont notamment 3 milliards d'euros d'un fonds fiduciaire d'urgence qui travaille avec les pays qui sont les pays d'origine des migrations, pour trouver un avenir à ces jeunes. Il n'y a aucune raison de penser qu'il y a une fatalité africaine pour que les plus dynamiques, les plus jeunes, les plus entreprenants, fuient le continent et viennent en Europe. On doit travailler à ce qu'il y ait une confiance dans les perspectives que ces jeunes peuvent attendre de l'Afrique. Donc ça veut dire, oui les conditions, ça veut dire travailler, aider à une meilleure gouvernance, aider à la lutte contre la corruption, aider à l'éducation, à l'éducation des filles notamment…
PASCAL JALABERT
La démographie, c'est un sujet ?
NATHALIE LOISEAU
L'éducation des filles c'est un sujet, comme partout dans le monde, quand les filles vont à l'école, quand les femmes ont un travail, la question démographique évolue d'elle-même.
ORIANE MANCINI
Autre sujet Nathalie LOISEAU, le Brexit, est-ce qu'il faut se préparer à une absence d'accord sur le Brexit ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, ça ne serait pas une bonne nouvelle et ça ne serait pas une bonne solution, mais il faut être prêt à toutes les alternatives, parce qu'on ne sait pas encore aujourd'hui, au moment où nous parlons, ce qu'il sera possible de faire. Il y a des négociations intenses, en ce moment, entre l'Union l'européenne, sous la responsabilité de Michel BARNIER, et les autorités britanniques, pour essayer de passer la première phase du retrait, c'est-à-dire se mettre d'accord sur les conditions du retrait du Royaume-Uni.
ORIANE MANCINI
Mais une absence d'accord n'est pas exclue ?
NATHALIE LOISEAU
On ne peut pas dire qu'elle est exclue tant qu'on ne s'est pas mis d'accord sur l'ensemble des sujets, on ne peut pas dire ça sera dans la poche, c'est bon, les yeux fermés. On attend beaucoup de réponses et beaucoup de précisions des Britanniques, que pour le moment, au moment où je vous parle, nous n'avons pas encore.
PASCAL JALABERT
Vous avez dit dans la poche, le chèque les Britanniques, les fameux 70 milliards, c'est un pré requis ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, je ne donnerai pas de montant, mais il faut qu'on soit d'accord sur une méthode de calcul. Le Royaume-Uni doit ce à quoi il s'est engagé en termes de membre de l'Union européenne, jusqu'à son départ, et les engagements courent après. On a un budget pluriannuel, quand on est un Etat membre de l'Union européenne, quand on vote une décision, bien évidemment, on paye ce qu'on a voté, c'est ça ce sur quoi on attend une réponse britannique, qui jusqu'à maintenant a été extrêmement vague. Il y a des discussions très intenses, en ce moment, entre Britanniques et Européens, madame MAY doit voir lundi Jean-Claude JUNCKER et Michel BARNIER, nous espérons qu'elle va pouvoir clarifier l'engagement britannique.
ORIANE MANCINI
Justement, vous parliez de budget, le budget de l'Union européenne pour 2021-2027, il est en cours d'élaboration, il devrait être amputé d'environ 10 milliards, suite au retrait du Royaume-Uni, ce qui ne sera pas sans conséquences. Est-ce que la PAC sera touchée, est-ce que la France doit craindre une baisse de son enveloppe ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, il y aura un contributeur net de moins, le Royaume-Uni, et puis il y aura des ambitions nouvelles. J'ai parlé d'Europe de la défense, les Européens attendent aussi que l'Europe fasse plus dans la lutte contre le terrorisme, dans la gestion des flux migratoires, dans l'aide à la création de champions européens du numérique, donc ça veut dire des nouvelles priorités, des nouvelles dépenses. Ça veut dire qu'il faut qu'on remette à plat les politiques traditionnelles, pas pour les diminuer, mais pour être certain de la valeur ajoutée européenne qu'elles apportent. Est-ce qu'on est satisfait, est-ce que si vous interrogez un agriculteur français il est satisfait de la PAC ? En partie, mais pas complètement. On le sait, on est en train de travailler à ça, pour être sûr qu'on a une PAC efficace, qui réponde aux priorités, qui sont les nôtres, c'est-à-dire notamment protéger nos agriculteurs contre les crises auxquelles ils peuvent être confrontés, les aider aussi à aller vers une transition vers une agriculture durable, respectueuse de l'environnement, c'est ça.
ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire qu'il y aurait une réforme de la PAC.
NATHALIE LOISEAU
Ça veut dire qu'on travaille à être certain que ce que la PAC apporte est assez simple, assez rapide, et je crois que la réponse pour le moment c'est trop compliqué, trop lent, et que ça correspond vraiment à nos besoins, idem pour la politique de cohésion qui s'adresse aux régions, elle est extraordinairement utile pour faire en sorte que les pays de l'Union européenne convergent entre eux.
ORIANE MANCINI
Et sur l'enveloppe, qui est quand même conséquente, l'enveloppe de la France, est-ce que vous pouvez garantir qu'elle ne sera pas impactée ?
NATHALIE LOISEAU
Pour le moment on est au tout début des discussions en franco-français et on va commencer à discuter avec l'Europe. La vraie question ce n'est pas de se demander est-ce que l'enveloppe est la même, est-ce qu'elle est plus grosse, est-ce qu'elle est plus faible, il y a parfois des crédits qui ne sont pas consommés, il y a parfois des crédits qui arrivent trop tard, c'est est-ce que c'est une politique efficace qui aide véritablement les agriculteurs ou les régions à se mettre à niveau.
ORIANE MANCINI
Une question un sur les paradis fiscaux, avant de passer à la politique nationale. Suite aux Paradise Papers l'Union européenne veut renforcer sa lutte contre l'évasion fiscale. La semaine prochaine les ministres des Finances de l'Union européenne doivent adopter une liste de paradis fiscaux commune à toute l'Union européenne, il était temps non ?
NATHALIE LOISEAU
Il était temps, mais ça sera une liste ambitieuse qui montrera que l'Europe, de ce point de vue-là, est sérieuse, volontaire. On attend la proposition que fait la Commission, on sait qu'elle y travaille de manière très intensive, et c'est évidemment indispensable. Il est inacceptable de penser que, dans un espace comme l'Union européenne, certains payent leurs impôts et respectent les règles, et d'autres passent à travers les mailles du filet.
ORIANE MANCINI
Alors, il y a quand même quatre pays de l'Union européenne qui sont pointés du doigt, l'Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas. Est-ce qu'ils doivent figurer sur cette liste ?
NATHALIE LOISEAU
Ils sont pointés du doigt par les ONG.
ORIANE MANCINI
Exactement. Est-ce qu'ils doivent figurer sur cette liste ?
NATHALIE LOISEAU
Ce qui est certain c'est qu'on a besoin d'une plus grande convergence fiscale au sein de l'Union européenne, on ne peut pas se faire concurrence dans un espace comme l'Union européenne, entre nous. On ne peut pas décider indépendamment des autres, on le peut juridiquement, mais politiquement ce n'est pas souhaitable, ça affaiblit l'Europe de baisser des taux au point d'être un pays d'optimisation fiscale. Ça nous en débattons avec nos partenaires.
PASCAL JALABERT
Sur les élections européennes. C'est le retour à des listes nationales, que va nous proposer aujourd'hui Edouard PHILIPPE ?
ORIANE MANCINI
Edouard PHILIPPE qui consulte aujourd'hui les chefs de parti ?
NATHALIE LOISEAU
L'annonce n'est pas faite, ni dans un sens, ni dans l'autre, et donc ce n'est pas moi qui la ferait à la place du Premier ministre. Le président et le Premier ministre consultent, depuis la semaine dernière, les partis politiques, pour entendre leurs préférences, et les préférences sont très variées.
PASCAL JALABERT
C'est quand même dommage que les députés européens ne soient pas rattachés à un territoire, personne ne les connaît, on risque d'avoir une assemblée de technocrates ou de gens d'appareils.
NATHALIE LOISEAU
Alors, c'est intéressant ce que vous dites, c'est que, aujourd'hui, ils sont rattachés à un territoire et personne ne les connaît, la question est de savoir est-ce qu'ils sont…
PASCAL JALABERT
… de vraies régions aujourd'hui.
NATHALIE LOISEAU
Si on arrive à de vrais régions, ce seraient les grandes régions, et donc des circonscriptions extraordinairement vastes. A quoi sert un député européen, est-ce que c'est représenter son territoire ou est-ce que c'est porter un programme européen, d'un parti politique européen, au niveau de Strasbourg ? Je vous pose la question, je crois que la réponse est dans la question.
ORIANE MANCINI
Juste, les élections européennes vont prendre de la place, l'Europe prend de plus en plus de place dans les discours de Laurent WAUQUIEZ, de Jean-Luc MELENCHON, de Marine LE PEN, est-ce que selon vous le clivage pro et anti-européen est en train de se substituer au clivage droite-gauche ?
NATHALIE LOISEAU
En tout cas, ce qui s'est passé au moment de l'élection présidentielle, au deuxième tour, c'est qu'il y a eu un candidat résolument et audacieusement pro-européen, Emmanuel MACRON, face à une candidate qui elle était plus qu'eurosceptique, et les Français ont choisi.
PASCAL JALABERT
Dans le programme d'économies, les détracteurs de l'Europe, Bruxelles plus Strasbourg, vont encore revenir à la charge, alors vous qui connaissez bien Strasbourg, est-ce que vous allez défendre Strasbourg et puis garantir que l'Europe va garder cette institution ?
NATHALIE LOISEAU
La première chose que j'ai faite, quand j'ai pris mes fonctions de ministre des Affaires européennes, c'est de me rendre à Strasbourg pour inaugurer un nouveau bâtiment du Parlement européen, qui était nécessaire, qui a été construit, et qui montre notre attachement à Strasbourg, siège du Parlement.
CYRIL VIGUIER
Nathalie LOISEAU, on a vu dans les sondages que bon nombre de membres du gouvernement ne sont pas assez connus des Français, est-ce que vous avez une stratégie, vous, personnelle, pour vous faire mieux connaître des Français ? Vous avez un département ministériel très important, les Affaires européennes.
NATHALIE LOISEAU
Ma stratégie c'est de travailler, et je pense que le travail paye, que les résultats seront là pour convaincre les Français. Mon souci ce n'est pas ma notoriété personnelle, c'est de porter le message et les priorités du président de la République sur l'Europe, partout à travers l'Europe, je suis en moyenne un jour par semaine à Paris, et de faire en sorte qu'on ait les avancées dont nous avons besoin. Nous avons gagné sur les travailleurs détachés, nous avons obtenu un vrai progrès en matière d'Europe sociale, nous avons obtenu, il y a quelques jours, la relocalisation de l'Autorité bancaire européenne à Paris, et ça a été une surprise pour ceux qui n'avaient pas suivi le travail que nous avons fait, c'est ça ma priorité.
CYRIL VIGUIER
Dernière question Nathalie LOISEAU. Emmanuel MACRON a présenté samedi son plan de lutte contre les violences faites aux femmes, comment peut-t-on le décliner au niveau européen ?
NATHALIE LOISEAU
Alors d'abord c'est une vraie fierté pour moi, je suis féministe, j'ai écrit là-dessus, j'ai dirigé des associations, d'être dans un gouvernement qui met les actes en cohérence avec les discours, et jamais on n'a regardé d'aussi près, et aussi nettement, la question des violences faites aux femmes. Avec Marlène SCHIAPPA, avec son tour de France de l'Egalité, nous allons passer dans quelques jours à Strasbourg, justement, au Conseil de l'Europe, pour discuter des bonnes pratiques européennes en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les violences.
ORIANE MANCINI
Vous en discutez aussi avec vos homologues ?
NATHALIE LOISEAU
Nous en discutons…
CYRIL VIGUIER
Il y a des sensibilités différentes ?
NATHALIE LOISEAU
Il y a, sur l'égalité salariale, on est assez proches, sur les temps de vie, vie professionnelle, vie personnelle, on est assez proches, il y a d'autres sujets sur lesquels il y a des sensibilités différentes. Il y a une poussée forte, il y a une pression forte, et nous sommes à l'avant-garde. Nous allons essayer, avec Marlène SCHIAPPA, de terminer le tour de France en faisant des propositions à nos partenaires européens.
CYRIL VIGUIER
Merci Nathalie LOISEAU, ministre chargé des Affaires européennes, d'avoir été l'invitée politique en direct sur ce plateau de « Territoires d'Infos. »
source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2017