Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'avoir pu m'entretenir aujourd'hui avec le président de la République tunisienne et je le remercie de sa visite à Paris, à la fois pour le Sommet sur le climat de demain et pour cet échange de travail et amical que nous venons d'avoir ensemble.
Nous avons saisi l'occasion de ce déjeuner pour passer en revue les sujets bilatéraux et régionaux d'intérêt majeur. Je crois pouvoir dire que sur le sujet libyen, nous avons une convergence de vues forte, une volonté d'arriver à une stabilité politique préservant l'intégrité du territoire libyen et à la restauration des équilibres et d'un État fort.
Sur ce sujet, notre volonté est que le travail du représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies puisse avoir des résultats positifs le plus rapidement possible et déboucher sur une solution crédible. En tout cas, nous y mettrons, l'un et l'autre, tous nos efforts.
Nous avons également évoqué les actualités plus récentes qui sont liées à la région, là aussi, j'ai pu réitérer les positions prises ces derniers jours publiquement, suite aux déclarations américaines.
Nous avons également un agenda bilatéral extrêmement important sur lequel nous sommes revenus. Celui-ci s'inscrit, à mes yeux, dans le cadre du choix qui a été fait par la Tunisie depuis 2011. La Tunisie a fait le choix de l'État de droit et de la démocratie. C'est un choix exemplaire. Ce choix oblige évidemment chaque jour ses dirigeants et au premier chef le président Essebsi, mais il nous oblige aussi en tant que partenaire majeur et ami de la Tunisie.
Nous ne pouvons être qu'admiratifs face au modèle de transition démocratique qui a été retenu et aux réformes qui sont en cours en Tunisie comme celles qui ont été annoncées l'été dernier par le président Essebsi sur la réforme de l'héritage.
Je veux ici saluer le courage, la ténacité du peuple tunisien. La société civile tunisienne s'est distinguée par sa maturité, sa détermination et les responsables politiques du pays par leur esprit de responsabilité.
Le président Essebsi a joué un rôle majeur dans cette transition avec un engagement en faveur de la démocratie, de la modernisation de la société et de la stabilité du pays, dans un contexte de lutte contre le terrorisme et d'instabilité régionale que je viens rapidement d'évoquer.
C'est pour toutes ces raisons, qu'à mes yeux, la relation que nous avons avec la Tunisie est prioritaire. Les liens que nous entretenons sont exceptionnels et ils sont le fruit d'une Histoire partagée, avec des échanges culturels intenses, une relation économique et commerciale intense, nous sommes le premier partenaire commercial et industriel de la Tunisie.
Cette grande proximité est aussi incarnée par les 700.000 Tunisiens de France remarquablement intégrés à la société française, les 30.000 Français vivant en Tunisie et participant au quotidien de la Tunisie. Elle s'inscrit également dans la langue que nous partageons.
Aussi, pour toutes ces raisons, nous avons évoqué plusieurs sujets de collaboration et de coopération sur lesquels nous comptons activement avancer dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Sur la lutte contre la menace terroriste qui a frappé avec une tragique symétrie la France et la Tunisie en 2015, notre coopération en matière de sécurité et de défense ne cesse de se renforcer. Nous avons plusieurs actions qui ont été actées à la fin du mois d'octobre par nos équipes et nos ministères. Notre volonté est de pouvoir l'intensifier avec un dialogue de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme et son financement et la signature d'un accord cadre au début de l'année prochaine.
Nous devons aussi relever ensemble le défi de la migration et construire la Méditerranée de demain pour y favoriser l'épanouissement d'un espace de paix et de développement pour sa jeunesse. Donc, en matière d'éducation, d'enseignement supérieur et de formation professionnelle, là aussi, plusieurs projets seront mis en oeuvre dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Sur le plan de la coopération économique, la France se tient à la disposition de la Tunisie pour oeuvrer à toutes les coopérations techniques utiles le plus rapidement possible pour améliorer la situation. Nous allons continuer à travailler, en particulier avec l'Agence française de développement, pour poursuivre les projets et les intensifier.
En matière de santé, d'éducation, d'agriculture, de tourisme, de numérique et d'énergie, nous allons intensifier les projets, là aussi, pour arriver à des concrétisations au début de l'année prochaine. C'est l'objectif que nous nous sommes fixés aujourd'hui et qui, je crois, est tout à fait atteignable.
Si la France est aujourd'hui le premier partenaire de la Tunisie sur le plan économique, nous entendons le rester. Mais nous entendons surtout avoir une coopération la plus utile possible pour la Tunisie et les réformes que vous conduisez.
Enfin, sur le plan linguistique, je veux saluer ici la volonté du président Essebsi de porter le projet de la Francophonie et d'organiser un sommet dans deux ans qui sera important pour la Francophonie, lui redire qu'évidemment la France sera à ses côtés pour l'y aider et partager cette ambition qui est aussi la nôtre et que je considère comme absolument essentielle pour nos pays, pour toute la région et pour le continent africain.
Sur l'ensemble de ces sujets bilatéraux et régionaux, nous allons continuer à nous entretenir de manière régulière et à travailler de manière intensive dans les prochaines semaines, afin de pouvoir en faire déboucher un maximum de manière très concrète, puisque nous avons un horizon de court terme entre nous qui est la date du 1er février, où j'ai eu le plaisir d'accepter l'invitation qui a été faite par le président Essebsi dans son pays.
Je vous remercie encore pour votre visite.
(Déclaration du président Essebsi)
Nous allons répondre maintenant à vos questions, s'il y en a.
Q - Les négociations concernant surtout la conversion des dettes tunisiennes sont en cours concernant la troisième phase. Est-ce qu'il y aura à nouveau un accord qui permettra peut-être de créer de nouveaux projets surtout dans les régions de l'intérieur de la Tunisie ? Si oui, quelle sera la somme ? (Suite de la question en arabe)
R - En matière de conversion de dette, nous sommes déjà parvenus à des accords utiles qui ont permis de faire avancer des projets structurants et attendus en matière de santé, en particulier de construction d'hôpitaux. Ce dont je me félicite. Nous sommes tout à fait ouverts à poursuivre ce dialogue. Donc, je crois que l'un et l'autre, nous pouvons raisonnablement être confiants sur les discussions qui avancent et qui permettraient, dans le champ de l'éducation et de l'enseignement supérieur, d'avancer sur la base de mécanismes comparables vers des projets.
Notre coopération économique ne doit pas se réduire à ces mécanismes de conversion de dette, mais également à l'aide bilatérale apportée par l'Agence française de développement, qui est aussi structurante sur de nombreux secteurs, à la coopération renforcée de nos entreprises, PME, entreprises de taille intermédiaire et grands groupes et par les initiatives que nous pouvons prendre aussi sur le plan gouvernemental.
C'est l'ensemble de ces instruments que nous allons déployer pour pouvoir procéder à une relance et une réintensification de la relation économique, début février prochain, autour des six priorités sectorielles que j'évoquais tout à l'heure, santé, éducation, agriculture, tourisme, numérique et énergie.
(...)
Q - Messieurs les Présidents, je voudrais revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure sur l'accord cadre à propos du terrorisme. C'est effectivement une question très importante, d'autant plus que vous le savez certainement, il y a eu apparemment un nouvel attentat aujourd'hui à New York, à Manhattan.
Je voudrais savoir si cette action cadre concernera également le retour des djihadistes de Syrie, s'il y a entre la Tunisie et la France des accords, des mesures qui sont prises ou qui ont déjà été prises à ce propos. Ce qui amène évidemment à parler de la situation en Libye.
R - Sur ce sujet, nous avons plusieurs initiatives d'ores et déjà qui sont en cours sur le plan de la coopération militaire et qui permettent dans la région de sécuriser les choses. Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, nous avons des échanges réguliers, mais nous souhaitons en effet intensifier ces échanges et les placer dans un accord cadre qui permettra une coopération renforcée sur le plan civil, militaire, judiciaire, policier, à la fois d'échanges d'informations et d'échanges et de coopération technique pour lutter contre toute forme de terrorisme, éventuellement prendre en compte des retours des théâtres d'opérations, même si aujourd'hui nous n'avons que très peu le cas de retours communs. C'est un sujet pour nos deux pays, mais qui est géré par chacun de nos deux pays autour de la zone irako-syrienne vers le pays en direct.
Mais surtout pour permettre aussi de prévenir toute forme de financement des activités terroristes en renforçant les coopérations de nos services en la matière. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises et nous avons, la semaine dernière, procédé à un dialogue de haut niveau avec le Qatar qui a permis d'avancer aussi en ce sens. Nous devons intensifier les relations et les coopérations en la matière, parce que c'est utile pour nous et parce qu'il est bon de ne pas laisser aujourd'hui la Tunisie seule dans sa lutte contre le terrorisme.
Cet accord cadre sera pour nous extrêmement structurant dans la relation et la protection, la coopération que nous devons avoir ensemble.
Mais parce qu'il permet aussi de répondre à une transformation d'ores et déjà en cours, mais quasi certaine à venir des modes de financement des terroristes, qui, quittant la zone irako-syrienne, vont perdre l'accès direct au pétrole et au gaz qui étaient leur source principale de financement et vont chercher à se financer de manière croissante par des trafics divers et variés et des opérations de versements internationaux qui vont mettre en oeuvre des systèmes bancaires, des opérateurs, en tout cas chercher à mettre en oeuvre des structures comme celles-ci qui sont dans nos pays.
Donc, nous devons intensifier notre relation pour prévenir l'organisation de ces réseaux.
(...)
Q - Question qui s'adresse aux deux présidents. Récemment, la Tunisie a été placée par l'Union européenne sur la liste des paradis fiscaux. Est-ce que vous avez évoqué la question ensemble ? Qu'est-ce que vous vous en êtes dit ? Comment réagit en particulier Monsieur le Président Essebsi ? Merci.
R - Sur ce sujet, je veux d'abord saluer les efforts de la Tunisie et les engagements pris pour résoudre les difficultés identifiées par le Groupe du Code de conduite. Je sais - le président Essebsi me l'a confirmé - que la Tunisie a à coeur de se mettre en conformité totale avec ces normes dont elle partage la philosophie et c'est ce que j'évoquais tout à l'heure en disant que nous sommes aussi prêts à aider en termes de coopération bilatérale, administrative et technique la Tunisie à cette fin.
Afin de prendre en compte les situations particulières de partenaires comme la Tunisie, la France a proposé, lors de la réunion du Conseil Ecofin du 5 décembre 2017, d'inscrire une clause de «Revue des engagements» qui permet de revoir la liste à tout moment. Cette disposition pourra ainsi permettre à la Tunisie, sous réserve de l'analyse du Groupe du Code de conduite, de sortir de la liste sans attendre la révision annuelle. C'est notre souhait.
Nous avons beaucoup échangé avant que cette liste ne soit publique. Nous souhaitons donc intensifier la collaboration. Il nous apparait que dans les prochaines semaines, les décisions peuvent être prises qui permettraient de répondre aux préoccupations légitimes justement figurant dans le Code de conduite et qui ont conduit à cette décision. Je souhaite qu'à la lumière de ces décisions qui devraient être prises par la Tunisie, le dialogue avec l'Union européenne puisse se poursuivre et que nous puissions ainsi oeuvrer pour une sortie la plus rapide possible de la Tunisie de cette liste.
(...)
Je vous remercie beaucoup. Merci à vous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2017