Texte intégral
Monsieur le commissaire, Mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les parlementaires, chers amis,
Les débats de cette journée ont été riches et intenses et je crois que nous pouvons nous féliciter de la qualité de nos échanges.
Je tiens donc à vous remercier toutes et tous pour le temps que vous avez accordé à cette réflexion sur la future Politique agricole commune.
Certains sont venus de loin, de différentes capitales européennes et je les en remercie.
Je voudrais aussi remercier toutes les personnes du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation qui ont contribué, d'une façon ou d'une autre, à faire de cette journée une réussite.
Je remercie également l'OCDE et je salue le professionnalisme de ses équipes qui nous ont permis de travailler dans d'excellentes conditions matérielles.
Je suis conscient du chemin restant à parcourir pour participer à la construction d'une politique à la hauteur de nos ambitions.
Les échanges de la première table ronde ont mis en avant la nécessité de mobiliser pleinement les outils de la PAC en faveur de la structuration des filières et de l'organisation économique de l'amont agricole.
Si les avancées du règlement Omnibus en la matière clarifient les possibilités ouvertes aux organisations reconnues en matière d'exemption agricole au droit de la concurrence, nous devons encore aller plus loin dans nos propositions d'outils, réglementaires comme incitatifs, afin de faciliter le regroupement de l'offre agricole, le pouvoir de négociation des organisations de producteurs et le travail en filière.
Ces échanges ont également montré que nous devons définir dans la prochaine PAC des soutiens économiques pertinents permettant d'accompagner la structuration des filières vers une valorisation adéquate des productions sur les différents marchés.
De la deuxième table ronde, je retiens que l'agriculture apporte de multiples solutions, indispensables à notre réponse aux grands enjeux environnementaux et climatiques auxquels nous sommes confrontés.
La PAC doit donc continuer à évoluer pour mieux valoriser les services que nous rendent les agriculteurs, à travers des outils simples, incitatifs et généralisés. Elle doit également favoriser et accompagner les transformations de tous les systèmes de production, comme des filières, en tenant compte de leurs diversités et de leurs spécificités.
La PAC doit aussi stimuler et soutenir les projets innovants qui émanent des territoires. Je pense en particulier au développement de la bioéconomie qui permet de rendre l'agriculture décisive dans la transition vers une économie circulaire.
Les échanges de la troisième et dernière table ronde ont souligné, s'il était encore nécessaire de le faire, l'enjeu majeur que constitue la gestion des risques et la résilience des systèmes dans nos réflexions sur la prochaine PAC.
L'agriculture est une activité économique spécifique qui fait appel au vivant comme outil de production, et qui doit malgré tout s'inscrire dans un marché globalisé. Elle est donc soumise à une multiplicité croissante de risques et d'aléas, tant économiques, que sanitaires ou encore climatiques.
Il est alors essentiel que nous portions une approche globale et intégrée, en considérant l'efficacité des outils actuels qui ont fait leur preuve - je pense évidemment au premier filet de sécurité que constituent les paiements directs mais aussi aux outils du type « fonds de mutualisation » ou « assurances » - et sans s'interdire de nouvelles pistes innovantes telles que l'accompagnement des agriculteurs à la constitution d'un épargne de précaution, ou la sortie de la logique d'annualité budgétaire concernant la gestion de la réserve de crise européenne, pour une intervention accélérée de l'UE en cas de crises majeures.
Nous l'avons tous reconnu, la PAC doit être simplifiée, pour ne pas être une politique de « suradministration » de tous les territoires de l'Union européenne, de toutes les filières.
Elle doit être lisible et comprise de tous, de ses bénéficiaires comme des citoyens européens.
Elle doit pour cela être plus simple, pour être plus efficace.
Cela suppose de mieux articuler les différents outils à notre disposition et de faire évoluer les règles attachées à leur mise en oeuvre.
Je rejoins complètement le Commissaire sur le fait que nous avons de formidables atouts avec le développement des nouvelles technologies, je pense à l'outil satellite Sentinel notamment pour le suivi en temps réel du parcellaire agricole.
Je souhaite aussi que nous puissions introduire la notion de droit à l'erreur au niveau européen.
Un projet de loi a été présenté récemment en conseil des ministres ici à Paris, mais de nombreuses questions relèvent du droit européen et la France a présenté une initiative à ce sujet.
Cette initiative a été présentée à la Commission et je souhaite également la partager plus largement avec vous dans les semaines qui viennent.
La lisibilité aux yeux des citoyens de l'Union passe aussi par la cohérence globale de la PAC avec les autres politiques de l'Union.
Je pense aux politiques environnementales bien entendu mais également à la politique commerciale.
Je veillerai à cette cohérence d'ensemble, et j'invite mes homologues à faire de même.
Cependant, la PAC ne doit pas être simplifiée au détriment de son ambition et de son caractère commun.
La simplification ne doit pas remettre en cause l'ambition budgétaire et la gestion partagée de cette politique au niveau européen.
La simplification ne doit pas conduire à diminuer l'ambition environnementale de la PAC.
La simplification ne doit pas conduire à un renvoi des responsabilités au niveau national.
Simplification oui, mais pas de réduction des ambitions.
Subsidiarité oui, mais pas de renationalisation.
Nous avons identifié des défis économiques, environnementaux, climatiques qui appellent des réponses globales.
Il est essentiel que nous défendions la nécessité de relever ces défis au niveau européen, et que nous ne cédions pas à la facilité du repli sur soi.
Le contexte du Brexit doit nous inciter à mieux démontrer que la mise en commun de nos forces et de nos moyens est la meilleure réponse qui soit aux grands défis de notre siècle.
Nous devons nous inscrire dans un cercle vertueux qui pousse chaque État membre à progresser.
La dynamique collective doit l'emporter sur l'individualisme.
La grande transition agricole européenne que nous souhaitons tous, vers une agriculture plus responsable, plus durable, plus résiliente, doit être accompagnée par une PAC avec des objectifs communs et ambitieux au niveau européen.
Les interventions de mes collègues du Conseil, que je remercie encore pour leur participation, ont largement illustré la diversité des contextes et des défis à relever, du niveau européen au niveau local le plus fin.
Et c'est là que réside toute la difficulté de la future PAC : nous allons devoir trouver le juste équilibre entre objectifs communs et objectifs spécifiques, modèles globaux et modèles locaux, dispositifs généralisés et mesures territorialisées.
L'enjeu est alors de valoriser nos différentes formes d'agriculture, leurs atouts respectifs, leurs spécificités, et de préserver une cohérence d'ensemble au regard de nos objectifs communs, tant économiques qu'environnementaux, tout en s'inscrivant dans un monde globalisé.
Et les productions européennes ont des atouts à plusieurs titres : nous avons autant la capacité à répondre aux demandes du marché, avec une garantie de traçabilité et d'exigences sanitaires et environnementales élevées ; que la capacité à préserver et promouvoir des filières ancrées dans leurs territoires avec leurs spécificités, pourvoyeuses d'emplois locaux et respectueuses de leur environnement.
Ces atouts, nous devons les valoriser, et pour cela nous ne devons pas opposer les systèmes qui nous permettent aujourd'hui de répondre à la diversité des attentes d'un marché élargi, parce qu'ils sont complémentaires.
Il est donc essentiel de pouvoir garantir la coexistence de différents types d'outils répondant à ces différentes échelles d'enjeux et d'intervention, et adaptés ou adaptables à une diversité de modèles.
Ces réflexions sur la future PAC sont, vous le savez, intimement liées aux discussions sur le futur cadre financier pluriannuel.
Sachez que la France y porte le besoin d'un budget fort pour la future PAC, à la hauteur de ses ambitions.
La France portera également la nécessité de lier le financement européen à la valeur ajoutée européenne des outils concernés.
Il s'agit plus particulièrement de garantir que les financements européens sont mobilisés prioritairement, et sans cofinancements nationaux, en soutien des dispositifs qui répondent aux grandes priorités de l'Union européenne, et plus largement aux grands défis d'avenir.
Car ceux-ci nécessitent d'être traités dans le cadre d'une politique totalement intégrée au niveau européen, accompagnant ainsi les transformations de l'ensemble des exploitations agricoles de l'Union européenne, tout en empêchant les distorsions entre les États membres et en garantissant le bon fonctionnement du marché intérieur.
La France ne pourra donc accepter que des cofinancements nationaux soient envisagés pour le soutien au revenu « de base » des agriculteurs, premier filet de sécurité assuré par les paiements directs. Je refuse même que nous en fassions une hypothèse de travail.
Il en va de même du financement de la gestion des crises. Il ne fait aucun doute que les crises qui mettent en cause le bon fonctionnement du marché unique doivent être prises en charge de manière intégrée à l'échelle européenne.
Enfin, les outils rémunérant la performance environnementale et accompagnant la transition écologique des systèmes, qui ont vocation à accompagner l'ensemble des systèmes de productions européens à l'atteinte d'objectifs communs, doivent pouvoir bénéficier d'un financement entièrement européen.
Car l'atteinte de nos objectifs environnementaux communs ne doit pas dépendre de la capacité des États membres à déployer des financements dédiés.
Les interventions de mes homologues européens nous ont rappelé aussi que la future PAC se construira à 27 États membres, en co-décision avec le Parlement et la Commission.
Nous avons donc un vaste chantier pour faire évoluer la PAC, avec une multitude de parties prenantes nationales mais aussi européennes, et avec peu de temps devant nous.
Car je tiens absolument à ce que nous puissions obtenir un compromis politique avant la tenue des élections européennes de 2019, de façon à disposer d'un cadre stabilisé et cohérent pour ses bénéficiaires, aussi bien sous l'angle financier que sous l'angle des outils à mobiliser.
Nous avons, dès ce jour, six mois devant nous pour préparer les trilogues qui se feront sur la base de la proposition législative de la Commission, attendue pour mai 2018.
Nous avons donc peu de temps pour consolider notre position, préciser nos idées, être force de proposition.
Tout le travail réalisé pendant les six prochains mois sera du temps gagné sur la phase de trilogues à venir.
Et pour être efficace et entendue, il est essentiel que la France parle d'une seule et même voix.
C'est pourquoi nous allons poursuivre notre travail de réflexion avec l'ensemble des parties prenantes nationales.
Certainement pas sous cette forme, mais de nombreuses autres sont possibles, et je tiens à poursuivre le travail avec chacune et chacun d'entre vous.
Je saurai alors être force de proposition auprès de mes homologues au Conseil.
Je commencerai bien-sûr par valoriser nos échanges de ce jour auprès de tous mes interlocuteurs, sur la base des conclusions de cette conférence qui vous seront transmises en début d'année prochaine, ainsi que d'un premier papier de positionnement français.
Je présenterai également fin janvier, lors d'un évènement en marge du Conseil, nos pistes de réflexion émanant des États Généraux de l'alimentation, que le Président de la République clôturera le 21 décembre prochain.
Car il est essentiel que la PAC puisse participer au renforcement de l'organisation des secteurs agricoles et agroalimentaires.
Je saurai aussi être force de proposition auprès de la Commission et du Parlement, car je souhaite que nous construisions cette future PAC ensemble, et non les uns contre les autres.
La Banque mondiale vient de publier un rapport consacré à l'évaluation de la PAC, et notamment de son impact sur la création d'emplois et sur la croissance en Europe.
Dans ses conclusions, le rapport confirme, et je cite, que « la PAC joue un rôle positif au service de la réduction de la pauvreté et de la création de meilleurs emplois pour les agriculteurs. L'écart entre les revenus des agriculteurs et les revenus dans les autres secteurs se réduit. Et l'écart des revenus dans les différents pays de l'Union se réduit également. La transformation de l'agriculture a permis à ce secteur de jouer un rôle clé pour assurer une prospérité partagée dans les zones rurales : l'agriculture n'est plus associée à la pauvreté. En conclusion, la PAC représente un instrument puissant au service d'une croissance inclusive. »
Nous les européens, nous pouvons être fiers de la PAC.
Nous devons tenir collectivement notre « Cap sur la PAC 2020 », et poursuivre la dynamique collective que nous avons engagée aujourd'hui jusqu'à l'obtention d'un compromis ambitieux, quelles que soient les difficultés à surmonter.
Je vous invite donc, toutes et tous, à suivre avec moi ce cap ambitieux.
Je vous remercie.
Source http://agriculture.gouv.fr, le 20 décembre 2017