Texte intégral
RENAUD BLANC
Mon invité dans un instant, Mounir MAHJOUBI, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du Numérique, soyez le bienvenu dans notre studio.
( ) Les coulisses du pouvoir avec Guillaume TABARD
RENAUD BLANC
Mounir MAHJOUBI, vous êtes un proche d'Emmanuel MACRON, alors c'est crainte ou dédain autour de Laurent WAUQUIEZ ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ecoutez, en tout cas ce n'est certainement pas l'objet de nos concentrations, de nos échanges, avec toute l'actualité qu'on a eu sein du gouvernement et l'actualité française et internationale, ce n'est pas le sujet qui nous occupe ce n'est pas celui qui m'occupe moi.
RENAUD BLANC
Justement, vous parliez de l'actualité internationale. Jérusalem Est qui est prête à s'embraser, les risques sont très grands, vous êtes inquiet ce matin ou pas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Oui je suis inquiet. J'y étais il y a quelques semaines, je pense qu'on était dans une capacité, tous ensemble, la communauté internationale, à être avec les deux peuples ensemble, et arriver à des solutions, et je pense, et c'est les paroles du président de la République, que la décision qui a été prise par les Etats-Unis est regrettable et qu'elle entraîne ce qu'on voit depuis ce matin, ce qu'on voit depuis cette nuit. Et il faudra qu'on trouve des solutions, à l'ONU, ou peut-être ailleurs, ou peut-être avec l'aide de la France, pour réussir à
RENAUD BLANC
On n'en trouve jamais des solutions à l'ONU, sur ces questions-là, depuis des années et des années.
MOUNIR MAHJOUBI
Là, pour trouver une solution définitive non, pour trouver une solution immédiate pour éviter l'embrasement, je pense qu'il faut absolument qu'on soit tous mobilisés et qu'on ne renonce pas avant d'avoir essayé.
RENAUD BLANC
Est-ce qu'on ne voit pas aussi les limites, j'allais dire, de la diplomatie française ? Emmanuel MACRON a souvent Donald TRUMP au téléphone, que ce soit sur le climat, que ce soit sur le dossier iranien et que ce soit sur le dossier israélo-palestinien, on a l'impression que finalement, ce que peut dire Emmanuel MACRON, intéresse peu le président américain.
MOUNIR MAHJOUBI
En tout cas ce que dit Emmanuel MACRON et ce que dit la France est écouté par le monde, participe à transformer le monde, notamment sur le sujet du climat, et avec monsieur TRUMP, si on n'est pas toujours d'accord, vous voyez quand même que c'est un de nos partenaires de travail sur de très nombreux sujets, notamment pour la paix. Il y a de très nombreux sujets sur lesquels on arrive à travailler très bien.
RENAUD BLANC
Emmanuel MACRON était au Qatar il y a encore quelques heures, on a signé des contrats XXL, 11 milliards de contrats, très bien, mais j'avais cru comprendre, pendant la campagne présidentielle d'Emmanuel MACRON, qu'avant de signer des contrats il fallait parler d'un certain nombre de sujets, notamment de la radicalisation, de mosquées qui pouvaient être financées par le Qatar. Est-ce que le nouveau monde ne fait pas de l'ancien monde ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, et je peux vous dire que le dialogue avec le Qatar est avancé, on parle de tous les sujets avec le Qatar, on parle des sujets économiques, on parle des sujets de paix dans le monde, on parle de tous les sujets.
RENAUD BLANC
Journée de la laïcité demain, pas de discours présidentiel sur ce thème central, mais en revanche Emmanuel MACRON rendra hommage à Johnny HALLYDAY dans une église. Est-ce que ce n'est pas un peu étonnant pour un président de la République ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ecoutez, sur la laïcité vous savez, le président de la République ne fait pas toute la politique du pays. Ecoutez ce que le ministre de l'Education nationale a rappelé hier, sur comment il va construire, cette année, pour la rentrée prochaine, une véritable démarche autour de la laïcité au sein de l'école. La laïcité elle est avant tout un sujet de l'Education nationale, et donc je suis très heureux que le ministre de l'Education nationale se soit saisi du sujet, qu'il ait fait des déclarations, qu'il ait fait des discours lui aussi sur le sujet.
RENAUD BLANC
Et le fait qu'Emmanuel MACRON prenne la parole dans une église, ça ne vous choque pas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce n'est pas un discours religieux qu'il va porter
RENAUD BLANC
Justement, raison de plus.
MOUNIR MAHJOUBI
C'est pour une personne qui est un ami, une personne qui était quelqu'un qu'il soutenait. Vous savez, il y a de très nombreux non croyants qui vont aux églises pour les mariages, qui vont aux églises pour les enterrements. Moi, vous savez, je vais aux églises pour les enterrements et pour les mariages, et c'est les seules fois où j'y rentre, parce qu'il y a un moment c'est important aussi d'être avec les autres dans les moments importants.
RENAUD BLANC
Alors, l'actualité internationale c'est quand même aussi une bonne nouvelle, c'est-à-dire qu'on rentre dans une seconde phase du Brexit, on a mis 8 mois pour y arriver, vous pensez qu'on va pouvoir accélérer les choses ou pas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Accélérer, je ne sais pas, mais en tout cas on n'a pas d'autre issue que de trouver une solution viable pour les deux côtés. C'est-à-dire que, nos amis Anglais ont décidé de partir, mais ils resteront, quoi qu'il arrive, notre partenaire, donc on doit trouver des solutions. Vous avez vu que les derniers sujets ne sont pas les plus simples, mais cette nuit il y a eu quelques avancées, enfin quelques avancées, des avancées majeures, qui vont faire que maintenant on est capable de parler de ces sujets durs, mais nous n'avons pas d'autre choix que d'en faire un succès. Un Brexit qui foire c'est la France, c'est l'Europe qui foire, donc on doit avoir un Brexit qui réussit.
RENAUD BLANC
Mounir MAHJOUBI, la couverture Internet partout en France, c'est pour quand ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ça reste notre objectif, 2020, avec la couverture mobile, parce que c'est la première des discriminations numériques, c'est de ne pas avoir accès au mobile avec la donnée, et ça on y croit toujours pour 2020. Les négociations avec les opérateurs sont allées loin. Aujourd'hui le régulateur, l'ARCEP, a travaillé avec eux, ils ont une proposition à faire, c'est au gouvernement aussi de se prononcer. Ça va coûter de l'argent, c'est quelques milliards d'euros pour réussir à couvrir toute la France avec un réseau mobile de qualité, mais on a compris que c'était une absolue nécessité parce que les Français ils n'en peuvent plus. Quand vous n'habitez pas dans une grande ville, ce n'est pas que les zones ultra-rurales, c'est du très rural jusqu'au demi rural, jusqu'au demi urbain, dans toutes ces zones-là vous avez un réseau médiocre ou un réseau médian, un réseau qui change, un réseau qui n'est pas stable, eh bien ça ce n'est plus soutenable.
RENAUD BLANC
Et que fait Mounir MAHJOUBI pour les 13 millions de Français qui ne savent pas se servir d'Internet ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous avez raison, il y a le réseau, pour ceux qui n'arrivent pas à se connecter, et puis une fois qu'on est connecté, il faut savoir utiliser, et 13 millions, c'est quasiment 20 % des Français, qui ne savent pas se connecter. Et donc, ça ne sert à rien de mon côté de faire 100 % des démarches numériques de l'Etat sur Internet, et de proposer aux entreprises de se développer, aux start-up de se lancer, s'il y a 20 % des Français qui ne savent pas l'utiliser. Donc, c'est pour ça que la semaine prochaine, avec les départements, avec les régions, avec les opérateurs sociaux, on va annoncer le début d'une démarche qu'on appelle « la stratégie nationale d'inclusion numérique », et qui va faire que dans chaque département on va trouver des solutions pour identifier ces personnes. Ce n'est jamais les mêmes, parfois c'est parce qu'on ne parle pas le français, parfois c'est parce qu'on est très âgé, parfois c'est parce qu'il y a du handicap, parfois c'est parce que dans la vie, à cause de sa vie, la vie sociale, l'insertion professionnelle, eh bien on n'a jamais été confronté à un ordinateur, donc c'est des raisons différentes. Comment on identifie les personnes, comment on structure un réseau qui les accompagne, les associations de la médiation numérique comment on les finance, les services publics de proximité, comment on continue d'accueillir de façon universelle, et comment on finance et on oriente ce parcours. Eh bien ça, ça va être l'objet des six prochains mois, et tout le monde a dit oui, tout le monde.
RENAUD BLANC
Sur Radio Classique on parle beaucoup ce matin du bitcoin, la crypto-monnaie qui gagne l'économie réelle. Un bitcoin valait 40 centimes en 2010, 13.600 euros aujourd'hui, est-ce que vous craignez l'explosion de la bulle ?
MOUNIR MAHJOUBI
En tout cas aujourd'hui les mouvements ils ne sont pas liés à une réalité économique, donc bulle ou pas bulle, en tout cas il y a un mouvement qui est lié à un engouement, qui est lié à une découverte, il n'y a pas que le bitcoin, il y a d'autres crypto-monnaies, il y a des crypto-monnaies qui vivent le même décollage de l'autre côté. Moi, la question que je pose à tous les fans de bitcoin c'est est-ce que vous conseilleriez à votre mère de mettre 100 % de son argent en bitcoins ? La réponse c'est plutôt non, il ne faut surtout pas. Est-ce qu'il faut regarder à quoi ça ressemble ces nouveaux modèles de crypto-monnaie ? Oui. Est-ce qu'on peut se dire que c'est peut-être un modèle pour demain ? Oui.
RENAUD BLANC
Donc il ne faut pas l'interdire, parce que certains pays l'envisagent, pour vous non ?
MOUNIR MAHJOUBI
La question c'est celle de l'expérimentation, de la généralisation du contrôle. Environnementalement le bitcoin, et ce dont on va parler tout à l'heure, et la blockchain, c'est terrible, c'est-à-dire que c'est une sous-optimisation absolue des ressources matérielles pour le faire, ça consomme une capacité de calculs infinie, et plus il y aura de Français, d'Européens et de personnes dans le monde qui l'utiliseront, plus on devra augmenter les capacités de calculs. Alors, il y a des nouveaux dispositifs aujourd'hui, qui sont encore à l'état de recherche, à l'état d'expérimentation, qui permettent de diviser très largement cette quantité de calculs, et donc on n'est plus dans la blockchain, on est dans une espèce de nouvelle dimension de la blockchain, qui est dans le même état d'esprit, la même philosophie. Donc, oui, il va falloir qu'on regarde activement, il ne faut pas empêcher les choses, mais il faut s'assurer qu'on n'ait pas d'externalité négative. On fait quoi quand ça va fermer des magasins ? On fait quoi quand ça va ruiner des personnes ? Là on dira « mais qu'a fait le gouvernement ? » Donc, l'objet aujourd'hui, c'est plutôt de faire des expérimentations, vous savez que le gouvernement français a fait des tests sur la blockchain, la direction du Trésor a structuré ses premiers bons du Trésor en blockchain, première fois qu'un pays fait ça dans le monde, parce qu'on a besoin de comprendre cette technologie, mais est-ce qu'on doit la généraliser avant même d'en comprendre ses effets, non.
RENAUD BLANC
Dernière question Mounir MAHJOUBI. Vous discutez énormément, je sais, avec Jean-Michel BLANQUER, le numérique à l'école, c'est pour vous un dossier clé ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est essentiel et c'est essentiel dans toutes les dimensions. C'est essentiel comme outil, c'est-à-dire qu'il faut qu'on utilise le numérique à sa plus grande capacité, comme on l'a dans notre vie privée, au sein de l'école, mais c'est aussi et surtout un sujet, c'est-à-dire qu'il faut qu'on apprenne le numérique, la formation aux médias et à l'information. Qu'est-ce que c'est qu'une fake news ? Le meilleur combat contre la fake news c'est l'éducation. Et aujourd'hui, et depuis longtemps, on apprend cette sensibilisation à l'information et à la source, eh bien il faut qu'on continue à l'ère d'Internet et à l'ère des réseaux sociaux, il faut plus de temps sur ces sujets-là. Mais il faut aussi, et moi j'y crois très fort, aller dans la technique, mais pas pour en faire des ingénieurs à la sortie du CM2, pour qu'à la sortie du CM2 un enfant il a au moins fait une vingtaine d'heures, une dizaine d'heures, pour comprendre ce que c'est qu'une donnée, où est-ce qu'elle se stocke, comment je la transfère, c'est quoi une base, qu'est-ce qui se passe quand je l'envoie, juste ce qui fait que quand on est face à un écran, eh bien on n'a pas cette naïveté de la première fois, on comprend pourquoi ce pixel s'allume. Et ça, de l'octet jusqu'au pixel, il faut que ça devienne une logique absolue chez les enfants.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Mounir MAHJOUBI d'avoir répondu à mes questions, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du numérique, très bonne journée.
MOUNIR MAHJOUBI
Merci à vous. Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 décembre 2017