Déclaration de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la coopération internationale du ministère de la justice, à Paris le 16 janvier 2018.

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Circonstance : Ouverture de la journée de la coopération internationale du ministère de la justice, à Paris le 16 janvier 2018

Texte intégral


Monsieur le président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le premier président de la Cour de cassation,
Monsieur le procureur général près cette Cour,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je me réjouis de votre présence à cette journée consacrée à la coopération technique internationale, organisée pour la première fois par le ministère de la Justice. Je ne peux malheureusement pas être parmi vous aujourd'hui car je dois accompagner le Président de la République à un déplacement à Calais, mais j'ai souhaité vous dire quelques mots pour vous présenter les grands axes de l'action internationale du ministère de la justice.
Je ne saurais trop souligner le caractère primordial, pour le ministère de la justice, de mener une réflexion globale sur son action européenne et internationale. Nous devons dégager des priorités fortes et lisibles, qui doivent s'inscrire également dans le cadre des chantiers nationaux que j'ai lancés il y a quelques mois et qui m'ont été restitués hier ; veiller à la cohérence de l'engagement de notre expertise sur les nombreux pays dans lesquels nous sommes présents ; et enfin développer des synergies avec nos partenaires.
Vous le savez, le Gouvernement s'est fortement engagé en faveur d'un nouveau souffle de l'influence française dans le monde.
Ainsi, dans sa déclaration concluant sa visite en République populaire de Chine la semaine dernière, le chef de l'Etat a souligné toute l'importance des « infrastructures de coopération » que constituent le droit et la finance, dans l'intérêt de la croissance économique et de meilleures relations bilatérales.
Dans ce contexte mondial de concurrence des normes, de recul de la francophonie et de domination de la Common law dans les juridictions internationales, il est en effet crucial que l'ensemble des acteurs du monde de la Justice oeuvre dans le même sens, en faveur de l'influence française par le droit, et du renforcement de notre attractivité économique.
Aujourd'hui, l'international est également un paramètre incontournable pour toutes les juridictions, spécialisées ou non. En effet, plus de 50% des procédures civiles et pénales comporteraient un élément d'extranéité.
En outre, les menaces transversales telles que le terrorisme, la criminalité organisée, la traite des êtres humains et notamment des migrants, la cybercriminalité, posent de nouveaux défis, tant aux systèmes de justice nationaux qu'à la justice pénale internationale.
Pour y répondre, la Délégation aux affaires européennes et internationales a élaboré, en lien étroit avec les directions du ministère et les autres institutions et partenaires, une stratégie de coopération internationale, que j'appuie pleinement et que je l'ai chargée de mettre en oeuvre.
Celle-ci s'appuie : sur des objectifs (1), des priorités thématiques et géographiques (2), et des acteurs (3).
1) Les objectifs
Nos actions de coopération doivent d'abord privilégier les finalités opérationnelles, et faciliter l'entraide pénale et civile: il s'agit ainsi d'aider certains pays à se doter de systèmes juridiques opérationnels, efficaces et respectueux de l'Etat de droit, pour les rendre aptes à répondre de manière satisfaisante à nos demandes d'entraide judiciaire. Par exemple, nous aidons le ministère de la justice du Mali à se doter d'un bureau de l'entraide pénale internationale, permettant le suivi et la bonne exécution des demandes d'entraide.
Nous devrons également poursuivre la consolidation de la présence et de l'influence du droit français, comme l'illustrent nos actions menées en Chine ou en Asie centrale.
En troisième lieu, nous nous attacherons à défendre les valeurs et les principes fondamentaux du système juridique français.
En effet, la coopération juridique est un puissant vecteur de diffusion des valeurs promues par la France, telles que le respect des droits de l'Homme et l'Etat de droit, et des principes qui fondent son système juridique.
Ainsi que l'a rappelé le président de la République dans son discours aux ambassadeurs du 29 août 2017, l'influence française doit être articulée autour des valeurs et idéaux qui sont nos biens communs, au premier rang desquels se trouvent la Justice et les libertés fondamentales.
Nombreux sont ainsi les pays qui souhaitent, lors d'une période de transition politique, moderniser leur système judiciaire et tendre vers un Etat démocratique et centralisé. Or il s'avère que ces pays sont particulièrement intéressés par le modèle français.
Ces principes vous sont parfaitement connus, mais il n'est jamais superflu de les rappeler, même devant un auditoire averti et convaincu :
Il s'agit, de manière non exhaustive, de l'indépendance de la justice, de la protection de liberté individuelle par l'autorité judiciaire, de l'impartialité du juge, du caractère contradictoire de la procédure, des droits de la défense, de la motivation des décisions de justice, de la spécificité du droit des mineurs guidée par une conception protectrice de l'enfance, de l'individualisation des peines et de leur application, de la prise en charge adaptée des personnes détenues, de l'accès au droit et de l'accompagnement des victimes d'infractions.
Le ministère de la Justice contribuera également, dans la mesure de ses compétences et de ses objectifs, à la diplomatie économique du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, car la construction de systèmes juridiques et judiciaires efficaces permet aux acteurs économiques internationaux d'exercer leurs activités dans un cadre normatif favorable.
Voici donc pour la définition de nos principaux objectifs.
Pour y répondre au mieux, j'ai dégagé des priorités thématiques et géographiques.
2) Les priorités thématiques et géographiques
Je ne les détaillerai pas toutes, mais j'aimerais mettre l'accent sur quelques-unes :
Tout d'abord, la lutte contre le terrorisme, qui est ma priorité d'action au sein de ce ministère. Au plan géographique, pour relever ce défi, nous déploierons un effort important vers les Etats du Sahel, et nos voisins avec lesquels nos liens sont particulièrement étroits sur ce sujet.
C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'à l'issue de leur rencontre du 16 octobre 2017, les Premiers ministres belge et français ont annoncé leur souhait de mettre en place une quadripartite des ministres de la Justice belge, français, espagnol et marocain. Cette instance de dialogue de haut niveau portera sur la lutte contre le terrorisme islamiste.
Dans la même perspective, un poste de magistrat de liaison français en Belgique, à forte coloration anti-terroriste, a été créé au mois de juin 2016.
De la même manière, j'ai décidé de créer un second poste de magistrat de liaison en Afrique de l'Ouest, basé en Côte d'Ivoire. Il sera affecté prioritairement à la lutte contre le terrorisme et le trafic de migrants, et sera pourvu au mois de mars 2018.
Ensuite, je ne vous surprendrai pas davantage en rangeant au nombre des priorités thématiques de notre stratégie internationale les chantiers de la Justice que j'ai présentés le 5 octobre dernier, et notamment : la transformation numérique, l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice, et le renforcement du sens et de l'efficacité des peines.
Ainsi, j'attacherai une vigilance particulière aux échanges que nous pourrons entretenir avec nos partenaires à ce sujet lors des déplacements que j'effectuerai au cours de l'année 2018.
Un mot enfin sur les acteurs qui déploieront ces priorités.
3) Les acteurs
Le GIP Justice et Coopération Internationale (JCI), opérateur du ministère, est un acteur essentiel de notre coopération technique. C'est lui qui, en premier lieu, met en oeuvre les orientations stratégiques que j'ai énoncées, et je tiens absolument à ce que le ministère de la justice conserve un opérateur autonome, compte tenu de la sensibilité des domaines dans lesquels nous intervenons.
Cette position privilégiée n'est pas antinomique avec le développement fructueux de notre collaboration avec Expertise France. La complémentarité de nos opérateurs et la définition de meilleures synergies sont incontournables et je la soutiens pleinement.
Mais la coopération juridique est également mise en oeuvre par un grand nombre d'autres acteurs : personnels des ministères, des juridictions, des organes de formation judiciaires, des professions du droit… Votre présence en nombre aujourd'hui témoigne de votre très forte implication et de votre dynamisme, qui contribuent à l'excellente réputation de votre expertise et à son rayonnement.
Je vous en remercie, et vous adresse également tous mes voeux en ce début d'année 2018, dont je ne doute pas qu'elle sera riche pour le développement de notre coopération juridique internationale.
Source http://www.justice.gouv.fr, le 23 janvier 2018