Texte intégral
Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Le nouveau monde. Voilà une expression en ce moment souvent employée, parfois avec ironie, parfois avec conviction. Nous serions aujourd'hui entrés dans un nouveau monde. Politique, économique, social, environnemental, international et, bien sûr, numérique.
Le nouveau monde numérique n'est plus le fruit de l'imagination de quelques auteurs iconoclastes. Le nouveau monde numérique, le nouveau monde cyber n'est plus une source de fantasme ou de débat. Le nouveau monde cyber, c'est aujourd'hui et ce n'est pas près de s'arrêter.
Tout, aujourd'hui, est connecté. Tout. Depuis nos téléphones jusqu'à nos vêtements, en passant par nos voitures et même nos brosses à dent. Tout collecte les données, les traite, les classe, les analyse. On a pensé que le numérique s'arrêterait à quelques objets précis, nous avions tort : l'internet of things est aujourd'hui devenu l'internet of everything.
Mais nos vies changent, nos modes de vie s'adaptent et avec, nos modes de combat.
Avec l'hyperconnectivité, nous apprenons autant que nous nous exposons. Nous découvrons chaque jour des opportunités et des failles. Meltdown et Spectre sont les deux derniers avatars célèbres de ces fragilités, mais d'autres verront le jour et nous devrons les parer.
Avec cette hyperconnectivité, toute notre société est menacée par des ennemis sans nom, sans visage, sans origine. Par des ennemis intraçables et encore impunis.
Depuis 7 mois, je suis allée sur tous les terrains où la France s'engage et combat et j'y ai acquis une conviction : le numérique structure le champ de bataille. Il est présent sur tous les terrains, dans tous les domaines. Il est présent chez nous, chez nos alliés, chez nos ennemis. Il change les stratégies, les équipements, les quotidiens.
L'espace numérique n'est plus un espace isolé du monde réel ; tous les espaces de confrontation sont numériques et nous devons tous les maîtriser.
Si nous n'agissons pas, si nous ne prenons pas résolument le tournant de l'innovation, de la recherche et de la cybersécurité, d'autres le feront pour nous.
J'ai tenu à venir à Lille pour vous dire que cela n'arrivera pas.
La France et l'Europe regorgent de promesses, de talents, de chercheurs et d'innovateurs et nous n'allons pas les laisser filer.
Le FIC 2018 à Lille en est la preuve. Le FIC est un événement unique. Unique par les acteurs qu'il rassemble. Unique, car il fait le pont entre le dynamisme de la société civile et la volonté puissante de l'Etat. Unique, enfin, parce que le FIC n'est pas une ambition étriquée, c'est un forum européen.
Je souhaitais remercier particulièrement mon homologue estonien pour sa présence et son engagement intense en faveur de la cybersécurité. Cher Jüri Luik, votre pays est un modèle de vigilance et d'innovation en faveur de la cybersécurité. Vous êtes le ministre de la défense du premier pays digital et vous avez su, par des exercices tels que EU CYBRID 2017 auquel j'ai eu le plaisir de participer en septembre, et des sommets, en tirer toutes les conséquences.
En France, aussi, et en Europe demain, la défense répondra pleinement aux menaces cyber.
Au cours des 7 derniers mois, la France a renouvelé et réaffirmé son ambition cyber.
Cette ambition repose d'abord sur l'analyse et la définition d'un modèle de cyberdéfense adapté, consolidé, cohérent. Tel sera l'objet de la revue stratégique cyber qui sera prochainement remise au Président de la République.
La résilience numérique doit être repensée en intégrant fortement et à tous les niveaux, les enjeux de cybersécurité dans les organisations.
En ce qui concerne le ministère des armées, il s'agit de mieux anticiper les menaces, notamment à travers le renseignement et le développement de coopérations fortes. Il de détecter et d'attribuer les attaques. Il s'agit d'en protéger nos réseaux. Il s'agit aussi de pouvoir répliquer quand cela est nécessaire. Il s'agit enfin de permettre à nos forces en opérations de combiner armes cyber et actions cinétiques pour démultiplier les effets de nos interventions.
L'innovation n'est pas qu'une affaire technique. Elle concerne notre organisation, nos usages et nos méthodes. Nous devons donc améliorer notre dispositif global et je proposerai donc bientôt des mesures concrètes en ce sens. Et cette adaptation de notre organisation, nous la ferons aussi avec des opérateurs privés. C'est essentiel.
La loi de programmation militaire confirmera notre ambition. Le cyber est en son coeur, c'est une de ses priorités. La cyber souveraineté est un enjeu majeur. Et ce sont nos investissements humains et financiers qui permettront d'imposer la France comme un acteur incontournable de la cybersécurité.
Il fallait une réponse forte et ambitieuse, la loi de programmation militaire prévoit donc qu'entre 2019 et 2025, les armées consacreront 1,6 milliard à la lutte dans l'espace numérique. Et d'ici 2025, le Ministère des Armées comptera 4000 cyber combattants soit un millier de plus qu'aujourd'hui.
Nous consoliderons les missions de protection, de défense et d'actions offensives. Nous créerons un outil de cybercombat, pour pouvoir répondre à chaque instant à toute attaque sur nos intérêts nationaux. Nous mettrons en place une posture permanente de cyberdéfense autour du commandement cyber. Cette posture permanente montre notre détermination et envoie un signal à nos adversaires. Elle affirme aussi, fortement, que la France a compris que nos souverainetés nationale, opérationnelle et numérique sont intimement liées.
Enfin, nous développerons encore le renseignement afin de consolider nos capacités de recherche dans la profondeur de l'espace numérique et d'être en mesure d'y rechercher l'information utile, d'anticiper les attaques et, si nécessaire, de réagir.
Le ministère des armées se trouve au croisement de tous les enjeux de la cybersécurité. Il en est la pièce centrale. Et c'est pourquoi le ministère des armées s'engage pour mener à bien le combat de la cybersécurité.
D'abord parce que le ministère des armées est capable d'agir vite, bien et sur tout le spectre des menaces cyber. Il connaît les enjeux, s'en saisit et développe les capacités militaires du cybercombat.
Ensuite, dans un cybercombat qui se joue des frontières, le ministère des armées sait qu'il doit agir avec ses alliés.
Lille, c'est un peu le carrefour de l'Europe. Et c'est ici, que je veux redire la vocation européenne de nos armées. Le cyber ne fait pas exception et nous créerons un noyau européen de cyberdéfense. C'est un noyau que je veux opérationnel, capable de nous protéger et de nous défendre. C'est un noyau que je veux interopérable, car si la menace nous concerne tous, nous devons la combattre ensemble.
Alors pour l'Europe, la France agit. Nous partageons en temps réel les alertes, les informations et les menaces grâce à la connexion des Centres Opérationnels. Nous mutualisons les outils de la cybersécurité et nous avons bien compris que l'échelon européen était le plus adapté pour le rayonnement et le succès de nos industries.
Je parle de nos industries, mais je veux parler de chacun de vous, présents dans cette salle. Pas un acteur ne doit être sous-employé quand il s'agit de cybersécurité. Vous êtes tous impliqués, concernés, nécessaires.
Faire la cybersécurité sans les entreprises, PME ou grands groupes, ce n'est ni sérieux ni réaliste. Par votre esprit d'initiative, par votre soif d'innovation, vous êtes, vous aussi, des soldats au service de nos intérêts stratégiques dans l'espace numérique.
Nous serons à la pointe de la révolution numérique. Mais nous y parviendrons seulement grâce à l'innovation et je n'imagine pas la cyberdéfense sans l'innovation ni l'innovation sans la cyberdéfense. Des projets sont déjà lancés comme l'étude ARTEMIS sur l'apport de l'intelligence artificielle à la cyberdéfense. Le Pôle d'excellence Cyber a su constituer et animer un vivier complet de compétences autour du bassin rennais. Quant au projet Intelligence Campus, il créera un écosystème innovant dans le domaine du traitement massif de données.
Dans cette quête d'innovation qui permettra notre cyberdéfense, nous avons à nouveau le regard fixé droit vers l'Europe. L'Europe, c'est l'échelon qui permettra à nos industries d'éclore, de se dépasser, de compter. L'Europe, c'est le niveau qui permettra une innovation de pointe. La création du fonds européen de défense cet été est un premier pas historique. Il nous faut maintenant continuer, avec les Etats et avec vous, entrepreneurs et industriels de toutes tailles, à chercher, innover, créer. C'est pourquoi, ici, j'affirme que la France sera pleinement engagée pour la création de clusters cyber européens, réunissant dans un même pôle chercheurs, industriels et entrepreneurs.
Dans cette bataille pour l'innovation et pour notre sécurité numérique, chacun doit être mobilisé. Depuis nos combattants numériques de plus en plus nombreux jusqu'aux étudiants de nos écoles et de nos universités ; depuis les PME jusqu'aux soldats de notre réserve cyber : nous sommes tous concernés par notre cyberdéfense.
Nous portons tous une part de notre souveraineté numérique.
Nous avons tous les moyens d'agir et de maîtriser pleinement notre cybersécurité.
Alors agissons ! Et vous pourrez toujours compter sur le soutien du ministère des armées.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 24 janvier 2018