Déclaration de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur l'accompagnement des personnes handicapées atteintes de déficience intellectuelle et la société inclusive, Paris le 11 janvier 2018.

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Mesdames et Messieurs,
Je suis ravie d'être là pour ouvrir les travaux de ces Etats généraux de la Déficience intellectuelle.
L'ambition de ces deux journées est claire : améliorer l'accompagnement des personnes avec déficience intellectuelle en s'appuyant sur les progrès scientifiques et leur permettre ainsi d'aller vers le plus d'autonomie possible. Elle fait donc parfaitement écho aux principes de la politique que ce Gouvernement mène en direction des personnes en situation de handicap et qui a pour cap la société inclusive.
Notre but c'est avant tout de permettre aux personnes en situation de handicap d'avoir un accès à l'école, à la formation professionnelle, à un logement, au monde du travail, aux loisirs. Agir pour les personnes en situation de handicap ce n'est pas agir pour les mettre à part. Notre responsabilité collective est de leur garantir l'accès à tout ce que la République offre à l'ensemble de ses citoyens tout garantissant toutes les aides nécessaires au quotidien.
Si je devais résumer, la politique que nous menons a un objectif tout simple : conforter un espoir des personnes qui vivent avec un handicap et de leurs familles, celui de vivre la vie la plus ordinaire possible.
La science porte elle aussi cette promesse d'espoir car ses avancées peuvent permettre de minimiser les conséquences du handicap, à condition de nourrir les politiques publiques et les pratiques professionnels au quotidien. Je sais que c'est bien votre préoccupation, que de faire vivre concrètement les enseignements de la remarquable expertise collective de l'INSERM sur les déficiences intellectuelles.
Lors de ces deux journées de travail, vous allez aborder plusieurs sujets essentiels pour les parcours des personnes en situation de handicap.
D'abord, le sujet de diagnostic et d'accompagnement précoce. Mettre en place au plus vite un accompagnement adapté est bien évidement un objectif que nous devons avoir pour toute personne en situation de handicap. Pour autant c'est un sujet particulièrement sensible sur le champ de la déficience intellectuelle et du neuro-développement au sens large. Il est en effet impératif d'agir le plus tôt possible pour ne pas courir le risque de perte de chance. Il faut donc parfois agir avant le diagnostic précis, avant l'orientation par la MDPH, avant de décider en quelque sorte dans quelle « case » doit-on classer la situation de l'enfant. Cela appelle davantage de transversalité là où aujourd'hui il y a encore trop en silo. En cela, une approche large des troubles du neuro-développement est particulièrement adaptée pour décloisonner sur le terrain et faciliter les parcours des personnes en situation de handicap et de leurs familles.
Le décloisonnement sera aussi le maître-mot de vos échanges, demain, autour des différentes facettes de l'accompagnement des personnes. Que ce soit en matière de santé, des apprentissages ou encore face aux situations particulièrement complexes marquées par des troubles du comportement, vous portez la philosophie qui est aussi la mienne : celle de la coopération et de la pluridisciplinarité. Les différentes table-rondes en témoignent d'ailleurs car elles réunissent à la fois les praticiens, les chercheurs, et les élus représentant les personnes et les familles. Et ces acteurs sont issus des univers différents : du secteur médico-social, du l'hôpital, de l'éducation…
Dans votre volonté de décloisonner, vous pouvez compter sur moi car nous ne pourrons pas avancer vers une société inclusive si on ne fait pas évoluer les pratiques pour aller vers des vraies logiques de co-construction des réponses aux besoins des personnes handicapées.
C'est une raison pour laquelle je porte beaucoup d'espoir sur la généralisation de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous ». Nous souhaitons amplifier la dynamique vertueuse de cette démarche qui pose un cadre global pour la transformation de l'accompagnement des personnes handicapées.
En effet, les différentes réformes en cours ne sont pas une superposition de chantiers qui seraient menés en silo, mais bien d'un ensemble cohérent au service d'un objectif tout simple : permettre à chaque personne handicapée de disposer d'un accompagnement adapté à ses besoins. Car viser l'inclusion ne veut pas dire nier les besoins d'accompagnement spécifiques.
Bien au contraire, c'est mobiliser pleinement l'offre médico-sociale, sanitaire, éducative que nous avons la chance d'avoir, au service des parcours de vie aussi inclusifs que possibles.
Pour y arriver nous devons faire évoluer les pratiques historiques marquées :
- par des clivages entre différents types de réponses, surtout lorsque celles-ci relèvent des lignes budgétaires différentes ;
- par une rigidité des cadres, qui laissent peu de place à l'innovation ;
- par des fonctionnements en silo, qui constituent un frein à la coopération ;
- par des modalités de financement centrées sur les places et non les besoins des personnes.
Cela nécessite un changement d'approche tant au niveau des autorités régulatrices – ARS et Conseils départementaux – qu'au niveau des établissements et services. Et la démarche « Réponse accompagnée », issue du rapport de Denis Piveteau, vise justement cela : que sur chaque territoire on crée des dynamiques de coresponsabilité et de confiance pour que chacun contribue le mieux qu'il peut à l'accompagnement des personnes.
Cela doit se faire autour des parcours individuels dans le cadre des plans d'accompagnement global notamment. Mais pour que cette promesse d'une réponse pour tous puisse être tenue, il faut aussi agir sur les aspects structurels de notre offre d'accompagnement.
Nous avons aujourd'hui un système encore trop souvent binaire. Il y a ceux qui sont accueillis dans les établissements. Leur parcours est plutôt sécurisé mais il se déroule souvent un peu à part.
Et il y a ceux qui font le choix de vivre de manière autonome ou avec leurs proches en milieu ordinaire. Et le parcours de ces familles est souvent un véritable parcours de combattant.
Il faut que, collectivement, nous changions notre approche pour moduler au mieux l'intensité de l'accompagnement en fonction des besoins des personnes et de leurs projets de vie.
C'est tout le sens du grand chantier de transformation de l'offre que nous souhaitons accélérer en réunissant le 18 janvier tous les acteurs de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous ».
Ce mouvement de transformation de l'offre devra répondre à deux objectifs :
- davantage d'inclusion et donc de réponses de proximité,
- une réponse adaptée aux personnes ayant des besoins les plus complexes
Et ces deux objectifs rendent obligatoire la coopération entre les acteurs, notamment entre les professionnels spécialisés et ceux qui le sont moins.
C'est également un axe fort de la stratégie nationale de santé qui vise notamment la continuité des parcours avec une offre transversale entre acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, une ambition qui sera déclinée dans les projets régionaux de santé des ARS.
Nous le savons tous : la coopération ne se décrète pas. Mais elle peut être soutenue par des outils concrets et je pense bien évidement au projet START porté par la filière Defiscience avec lien avec les ARS de l'Ile-de-France et d'Auvergne-Rhône-Alpes, et soutenu par la CNSA. Il vise à la fois la formation des professionnels des différents champs aux troubles du neuro-développement et la création de mécanismes de mobilisation d'expertise adaptée sur chaque territoire. Je ne peux que saluer cette expérimentation et j'attends avec un grand intérêt les résultats qu'elle portera.
Enfin, vous allez aborder cet après-midi le sujet de l'autodétermination. C'est un sujet essentiel à mes yeux.
Mieux répondre aux besoins des personnes ne peut se faire sans elles. C'est un principe théorique que tout le monde partage, c'est la loi de 2002-2, c'est la loi de 2005, c'est la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Cependant les faits la mise en oeuvre est plus complexe dans un contexte où les personnes ne revendiquent pas forcément leur droit à être acteur de leur parcours, où les pratiques professionnelles tendent encore à rendre la participation très formelle, où la pénurie des réponses laisse peu de place à la liberté de choix.
Nous devons faire évoluer tout le système pour que l'autonomie et l'autodétermination – et il s'agit de deux choses complémentaires - deviennent des objectifs incontournables de tout projet d'accompagnement. Ce n'est pas malheureusement pas encore le cas aujourd'hui.
Je voudrais que tous les professionnels aient le reflexe à identifier les compétences dont disposent les personnes. Je veux qu'ils les accompagnent dans la prise de décision quant à leurs choix de vie, et bien évidement dans la mise en oeuvre de ces choix.
On ne peut faire autrement si l'on souhaite aller vers une société inclusive. Il faut certes que le milieu ordinaire s'ouvre et accueille les personnes handicapées mais il faut aussi que tous ceux qui accompagnent les personnes et les personnes elles-mêmes puissent envisager des projets de vie autonomes.
Dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée », un axe est dédié au soutien par les pairs, la pair-aidance. Je pense que c'est un outil tout à fait adapté pour faire évoluer les pratiques des professionnels mais aussi pour donner aux personnes en situation de handicap et à leurs familles la confiance nécessaire pour aller vers plus d'autonomie, pour faire des choix audacieux.
Prendre le bus, faire face aux enjeux de la vie affective, occuper un emploi en milieu ordinaire… : sur tous ces sujets, la pair-aidance a tout son sens. Les pair-aidants peuvent enrichir les pratiques au sein d'une équipe de professionnels car reconnaître l'expertise d'usage n'est bien évidemment pas réduire la portée de l'expertise professionnelle. Il s'agit au contraire d'identifier les complémentarités et de les inscrire dans le projet d'établissement et dans le projet d'accompagnement.
Vous allez sans doute explorer d'autres pistes qui pourraient permettre de travailler sur l'auto-détermination et l'autonomie.
Sachez que je serai attentive à toute proposition qui nous permettra de renforcer la participation des personnes et leur autonomie et de manière plus générale de traduire dans la vie quotidienne des personnes les acquis de la loi du 11 février 2005.
Je vous souhaite d'excellents débats et travaux qui vous animeront pendant tout ce colloque.
Je vous remercie.
Source https://www.alliance-maladies-rares.org, le 13 février 2018