Texte intégral
R. Elkrief Le 31ème congrès du Parti communiste s'ouvre vendredi à la Défense. Vous devriez, s'il n'y a rien qui intervient d'ici là, être nommée secrétaire nationale du Parti communiste avec un président, R. Hue, donc une direction bicéphale à la tête, alors qu'on s'attendait à ce que vous soyez peut-être la seule. J'ai envie de vous demander tout simplement, est-ce que vous avez besoin d'un chaperon ?
- "Non, mais on a besoin de collégialité, à tous les niveaux du parti. C'est la grande innovation des statuts. D'abord, on va instaurer la parité : c'est une première dans toutes les instances élues du Parti communiste français. Et cette parité va avoir lieu, y compris au niveau du poste de présidence et de secrétariat national"
Cela aurait pu être la parité, juste vous toute seule, à la tête du Parti communiste !
- "On a envie de casser un peu ce qui a été la réalité de ce parti depuis sa naissance. Depuis la guerre, par exemple, nous avons eu quatre secrétaires nationaux, une sorte de personnalisation et je pense qu'on a besoin aujourd'hui, face à la complexité de la vie politique, face à cette envie d'être présent sur toutes les questions de la société, on n'est pas trop d'un exécutif avec une quinzaine de membres et d'un Conseil national avec plus de 200 membres."
Ce n'est pas un chaperon ?
- "Non pas du tout, je crois que l'on va travailler, si le congrès en décide, parce que cela a été l'objet d'un débat important et il y a des conférences qui ont refusé ces propositions. Mais si le congrès en décide, on est en capacité de bien travailler ensemble."
Sur l'affaire Moulinex, E. Guigou a dit aux salariés, qu'en tant que ministre des Affaires sociales, elle s'occuperait de la situation de chacun des salariés. Il y aura un M. Moulinex nommé par le gouvernement. Cela suffit ?
- "Il faut maintenant rapidement que la loi de modernisation sociale se mette en place et qu'on puisse prendre ces problèmes bien en amont, qu'il y ait une réelle discussion avec les comités d'entreprise. Que justement, ces problèmes de reclassement ne soient pas traités quand on est vraiment le dos au mur. J'ai entendu ces femmes, qui, hier, disaient que cela fait 30 ans qu'elles travaillaient dans la même entreprise et qui ne voient de possibilités. Elles avaient l'impression que leur vie se terminait un peu avec cette annonce de reprise par Seb. Il faut donc vraiment maintenant que la loi, avec les amendements que le groupe communiste a fait passer, entre dans la vie."
Mais c'est ce que dit Mme Guigou ?
- "Mais peut-être aurait-on entendu, sur le choix du repreneur, ce que disaient les salariés, leurs représentants syndicaux ? Peut-être que l'autre repreneur était mieux qualifié ? Enfin, je pense qu'il faut encore progresser dans l'écoute des salariés eux-mêmes."
Aujourd'hui, c'est la discussion du budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée nationale. Les communistes laissent planer un peu le doute : est-ce que vous allez voter ce budget, ou est-ce que vous allez vous abstenir ?
- "Sans aucune langue de bois, la réunion du groupe ce matin va être très importante et il n'y a encore aucune décision de prise. Nous avons abordé ce sujet, d'ailleurs hier au collège exécutif, nous en avons longuement discuté. Il y a quand même un état de crise dans les hôpitaux qu'il faut que l'on prenne mieux en compte au niveau du Gouvernement. J'ai rencontré à plusieurs reprises des hospitaliers dans mes déplacements : on sent bien qu'ils sont dans l'incapacité, d'appliquer les 35 heures aujourd'hui. Ils n'ont pas les moyens, au niveau des postes, on a des problèmes de retard pris dans l'information. Tout cela est l'héritage du gouvernement précédent, mais il faut faire un effort considérable. Le groupe a fait des propositions qui me semblent intéressantes comme, par exemple, le fait que la taxe sur les salaires retourne aux hôpitaux : ce seraient dix milliards que les hôpitaux pourraient gérer."
A priori, cela ne sera pas pris en compte, le Gouvernement n'y est pas tellement favorable.
- "Le débat commence."
Comment allez-vous positionner ? La campagne s'annonce, R. Hue est le candidat du Parti communiste, il y a à peu près 6 % dans les sondages. Est-ce que pour se démarquer, pour monter dans les sondages, il va falloir que vous fassiez un peu de surenchère ? Je reprends une de ses phrases de l'université du PC : "L'horizon des communistes ne se borne pas à la gauche plurielle", c'est-à-dire qu'il faut faire de la surenchère pour exister ?
- "Notre candidat, R. Hue, ne vise pas à faire de la surenchère. Il va porter les attentes de nos concitoyens et de nos concitoyennes et il est vrai qu'il y a encore beaucoup d'attentes, beaucoup d'exigences qui ne sont pas satisfaites. Et puis, il va surtout être le candidat d'une autre politique à gauche, un candidat de proposition. Il va vraiment porter un projet et non pas simplement une négation. Il a envie de dire des choses positives."
La candidature de N. Mamère vous inquiète-t-elle, qui tout d'un coup fait grimper les Verts à près de 8 % dans les sondages ?
- "Oui, on va voir"
Cela vous inquiète ou pas ?
- "Non, vraiment, je crois que l'on verra bien le contenu de la campagne de N. Mamère. Les Français ont de nouveau envie de politique, ils ont de nouveau envie d'un vrai débat d'idées, d'un vrai débat sur des propositions et c'est là que les choses vont se jouer."
Et il n'y a pas de surenchère, par exemple sur la guerre, lorsque le Parti communiste, à la fête de l'Huma rend un hommage aux victimes de l'attentat, puis une semaine après dénonce les bombardements ? On n'a pas l'impression qu'il cherche un peu pour faire parler de lui ?
- "Non, la position du Parti communiste français a été d'une très grande clarté : nous avons dit clairement non au terrorisme, nous avons vraiment apporté et nous apportons toujours notre solidarité au peuple américain. Et nous avons dit que la bonne réponse était une réponse de justice, c'est-à-dire une réponse avec la communauté internationale. Il faut châtier ces terroristes, mais attention à l'engrenage. Je crois que c'est une position cohérente, on le voit bien, avec la situation qui se détériore de nouveau entre la Palestine et Israël. Ces frappes, on le sait bien, on le savait dès l'origine, font des victimes. D'ailleurs, il faudrait que l'on sache exactement ce qui se passe, on y gagnerait. Il faut maintenant que les choses aillent vite. Il y a vraiment un risque que ce soit une région qui explose."
Vous avez reparlé de ce match France-Algérie, que vous aviez co-organisé, pour dire que vous regrettiez l'organisation, un certain nombre de défauts dans l'organisation. Mais vous n'avez pas parlé de ces sifflets contre la Marseillaise. Comment les avez-vous vécus ?
- "Non, il y a un défaut dans l'organisation, ce n'est pas normal que le stade soit envahi, même s'il l'a été sans agressivité. Ce qui me soucie plus, c'est moins l'envahissement du stade, même, si je le dis bien, il faut corriger, que cela n'arrive plus au Stade de France. Ce qui me soucie le plus, en effet, c'est à la fois la Marseillaise sifflée et ce besoin tout au long du match d'affirmer très fortement cette identité. J'ai envie de dire - alors je sais que cela ne plaît pas à la droite quand je dis cela, mais je le réaffirme - qu'on ne va pas régler cette question du jour au lendemain. J'ai exprimé ma colère, je l'ai dit aux jeunes que j'ai rencontrés depuis ce match."
Vous avez été très critiquée quand même, parce qu'on a pensé que vous avez été un peu naïve...
- "Mais n'importe comment, ce match devait se tenir. Je voudrais que quelqu'un m'explique pourquoi, alors que tous les autres événements sportifs ont été maintenus le 11 septembre, il fallait supprimer ce match-là ? C'était marquer du doigt un public, c'était marquer du doigt une équipe, c'était marquer du doigt un pays ? C'était impossible, il fallait maintenir ce match. Il y a eu une erreur au niveau de la protection dans le stade lui-même, parce qu'il n'y a eu aucun incident à l'extérieur du stade."
Et la Marseillaise, comment vous l'expliquez ?
- "Je voudrais le comprendre. C'est ce que je commençais à vous dire, je pense qu'il faut entamer un très grand débat avec ces jeunes, les jeunes et les adultes pour voir comment ils se sentent, c'est-à-dire comment ils peuvent à la fois exprimer leur identité, leurs origines, mais pourquoi ils le font contre le pays auquel ils appartiennent - ils sont français, elles sont françaises... J'ai déjà rencontré des jeunes, leurs parents, j'essaye de comprendre. On me dit : "Nous ne sommes pas accueillis, nous avons le sentiment de rejet". Poursuivons le débat, voyons les mesures qu'il faut prendre pour faire reculer cette sensation de rejet qui existe, cette discrimination et je pense que l'on va gagner comme cela - et non pas par des déclarations comme j'en ai entendues, particulièrement choquantes, du style : "Ils n'ont qu'à retourner dans le bled" ou des choses comme cela."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 octobre 2001)