Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Le 7 octobre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise enjoignait au directeur général de l'ARS d'ile-de-France de prendre sous 13 jours « toute disposition garantissant une prise en charge effective de la jeune Amélie Loquet ».
Le 10 juin 2014, Denis Piveteau entouré d'une courte équipe issue d'horizon divers, remettait un rapport majeur « 0 sans solution ».
Je veux citer son introduction qui résonne si fortement encore :
« N'avoir plus aucune solution d'accompagnement pour une personne dont le comportement est trop violemment instable ou dont le handicap est trop lourd, et dont en conséquence personne « ne veut plus » est inadmissible. Et cela se produit ».
Pour rendre impossible cet inadmissible, Denis Piveteau nous invitait à « cesser le bricolage » et mettre en place une organisation collective destinée à permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches.
18 mois après ce rapport, la loi de modernisation du système de santé du 23 janvier 2016 entérinait les principes de cette nouvelle organisation en créant les bases de la « réponse accompagnée pour tous » et les outils adaptés : plan d'accompagnement global, groupe opérationnel de synthèse
Un peu plus tôt en 2015 s'était engagée la démarche « une réponse accompagnée pour tous » sous la houlette exigeante de Marie-Sophie Desaulle. Je veux la remercier publiquement devant vous. Il lui est incombée la tâche ô combien complexe de donner vie aux intuitions géniales de Denis Piveteau
Elle a bénéficié pour cela de l'appui des quatre pilotes nationaux de la démarche - la DGCS, la CNSA, le SG des Ministères sociaux et le SG du CIH - , ainsi que : de l'Assemblée des départements de France, des têtes de réseau associatives, dont l'APF, la FEHAP, l'APAJH et la Croix Rouge, et enfin, et surtout, par tous les acteurs sur les territoires : les ARS, les départements, les MDPH, et les associations.
Si cette liste non exhaustive est si longue, c'est que la « Réponse accompagnée » est bien la mise en mouvement de tous les acteurs qui contribuent aux parcours de vie des personnes handicapées, à commencer par les personnes elles-mêmes et leurs familles.
Et ce mouvement est connu un formidable élan. Rappelons qu'entre 2015 et 2017 près de 90 départements se sont emparés de cette feuille de route, avant même sa généralisation.
Et voilà que, aujourd'hui, nous y sommes. Permettez moi de vous remercier et vous saluer tous et toutes, qui êtes nombreux dans la salle à avoir rendu possible cette généralisation, c'est-à-dire ce nouveau départ !
Quelque 4 ans après son fait originel, la généralisation de la Réponse accompagnée arrive à un moment opportun, Elle me permet de m'appuyer sur ses fondamentaux pour mettre en oeuvre la feuille de route que m'a confié le Premier Ministre.
Cet engagement fait pleinement écho à la politique que ce Gouvernement mène en direction des personnes en situation de handicap. Notre objectif premier est d'améliorer leur qualité, avec un cap très clair : celui de la société inclusive.
Et je suis convaincue que l'action que nous menons pourra faciliter et amplifier la dynamique portée par la Réponse accompagnée.
Dès ma prise de fonction j'ai engagé plusieurs chantiers urgents, dont deux étroitement liés à la démarche « Réponse accompagnée ».
Tout d'abord, la préparation d'une rentrée scolaire 2017 plus fluide pour l'ensemble des familles.
Jean-Michel Banquer et moi-même, avons sécurisé les moyens d'accompagnement nécessaires à la couverture de l'ensemble des besoins, notamment par l'accélération de la transformation des contrats aidés en AESH. Pour la première fois, les AESH sont devenus plus nombreux, en équivalent temps plein, que les contrats aidés.
Nous y avons mis toute notre énergie, car il est de notre devoir de veiller à ce que les enfants en situation de handicap accèdent aux appuis nécessaires pour mener à bien leur scolarité. C'est bien évidement la même préoccupation que celle de la « Réponse accompagnée » : veiller au plein exercice des droits et ne laisser personne sans accompagnement.
En préparant cette rentrée scolaire nous avions clairement à l'esprit qu'il s'agissait de « parer au plus pressé » mais il nous fallait toutefois lancer un large « plan de transformation du système éducatif et médico-social », afin de garantir le droit à une scolarisation de qualité à tous les élèves en situation de handicap.
J'ai ainsi lancé, conjointement avec le ministre de l'Education nationale, une série de travaux autour de six grands axes :
- mieux informer, former et accompagner les enseignants
- multiplier et diversifier les modes de scolarisation
- conduire les élèves à un diplôme ou une certification professionnelle,
- adosser l'offre médico-sociale à l'école
- améliorer le recrutement et l'organisation du dispositif d'accompagnement des élèves handicapés
- enfin, transformer durablement le dispositif d'accompagnement à partir d'expérimentation de modes de gestion mutualisée
L'école a un rôle essentiel à jouer dans le cadre de la démarche « Réponse accompagnée ».
J'ai également lancé, avec l'appui du Président de la République, l'élaboration du 4ème plan Autisme.
Sur la base des travaux d'évaluation du 3e plan, qui avaient pointé les limites de celui-ci, j'ai attaché une importance particulière à définir une méthode de préparation ouverte, territoriale, et participative.
Sous l'égide d'un comité de pilotage national, des travaux de très grande qualité ont été conduits dans cinq groupes de travail et au sein de multiples instances territoriales.
Ce travail collectif nous permettent de disposer d'une base solide à partir de laquelle sera précisé, chiffré, consolidé, hiérarchisé, et enfin arbitré ce qui doit être fait pour que notre pays puisse enfin rejoindre les meilleurs standards internationaux.
En apportant de nouvelles réponses aux personnes avec autismes, nous nous rapprochons de l'ambition du rapport « Zéro sans solution », car vous le savez tout autant que moi : de nombreuses personnes autistes n'ont pas d'accompagnement adapté.
Face aux enjeux, j'ai mis une attention particulière à appliquer la dimension interministérielle de la politique du handicap et à renforcer son caractère partenarial, en capitalisant sur le rattachement de mon Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre.
La réunion, dès la rentrée de septembre, d'un premier comité interministériel du handicap présidé par Edouard PHILIPPE, a permis de définir des axes de mobilisation partagés pour l'ensemble du gouvernement en faveur de l'amélioration du quotidien des personnes. L'ensemble des ministères étaient représentés. Je vais continuer de les mobiliser à plein en m'appuyant pour vela sur les Haut-Fonctionnaires au handicap nommés en leur sein. Je les ai réunis ce lundi, pour un premier séminaire de travail.
Les actions que nous mènerons dans ce cadre interministériel pourront être des points d'appui pour le déploiement de la « Réponse accompagnée ». Car la coopération doit se renforcer aussi entre les services de l'Etat sur ces politiques, aussi bien qu'avec nos amis conseils départementaux, chefs de file de l'action sociale départementale.
Je tiens à souligner à cet égard que j'ai engagé un dialogue constant et constructif avec l'Assemblée des départements de France. Car nous ne pourrons atteindre nos objectifs, qu'en travaillant étroitement avec les départements. Je suis heureuse de partager avec vous le fait que je n'ai pas eu besoin de convaincre cette assemblée sur le sujet, que j'ai trouvé extrêmement mobilisée !
Rappelons que la « Réponse accompagnée » se déploie toujours en co-pilotage étroit avec les Conseils départementaux. Nous devons chérir cet esprit de co-construction et l'entretenir avec soin.
J'en veux pour exemple le co-pilotage avec l'ADF, du chantier de « transformation de l'offre », que nous avons lancé il y a deux semaines.
Car avec le renforcement de la coopération, la transformation des prises en charge est également au coeur de la démarche « Réponse accompagnée »
L'ambition est claire : une offre qui répond aux aspirations et besoins des personnes en situation de handicap. Cela veut dire notamment une offre tournée vers le milieu ordinaire à chaque fois que cela est possible.
J'en viens à la troisième partie de ma feuille de route, « Moderniser l'offre d'accompagnement des personnes handicapée ».
Pour y parvenir, j'ai encore une fois la chance de pouvoir m'appuyer sur tout ce qui a pu être engagé dans la cadre de la Réponse accompagnée et en particulier la gouvernance de la démarche.
Le comité de pilotage que j'ai proposé à Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin de copiloter avec moi pour suivre ce grand chantier de manière annuelle, émane ainsi du comité exécutif institutionnel de la démarche ainsi que du groupe de liaison composé des associations et têtes de réseau.
Au niveau des territoires, je sais que nous pourrons aussi nous appuyer sur ce que favorise la « Réponse accompagnée », à savoir des dynamiques de coresponsabilité et de confiance pour que chacun contribue le mieux possible à l'accompagnement des personnes. Que ce soit dans le cadre des plans d'accompagnement global ou plus largement en agissant sur les aspects structurels de notre offre d'accompagnement.
Rappelons-le les plans d'accompagnement global sont un instrument essentiel de l'effectivité du droit à l'accompagnement.
Ils mobilisent beaucoup de votre énergie, c'est vrai, mais il inspire un vif espoir auprès des personnes concernées. Ils permettent notamment aux MDPH de revenir à l'ambition qui a présidé à leur création par la loi du 11 février 2005 : sortir de la logique de guichet administratif et être un lieu de l'accompagnement des personnes et de leurs familles, un lieu de soutien dans la construction du projet de vie, de l'orientation dans les dispositifs et les réponses, et un lieu de suivi de leur effectivité.
Je sais que vous vous y êtes déjà engagés, probablement bien avant le déploiement de la « Réponse accompagnée ». Je sais aussi que pour y parvenir vous avez besoin d'outils, notamment informatiques, et je salue le déploiement d'un système d'information de suivi des orientations, qui nous permettra enfin de connaître les besoins et surtout d'identifier les personnes sans accompagnement qui sont parfois perdues de vue.
Enfin, je suis consciente que pour vous permettre de suivre le rythme de la montée en charge des demandes des personnes, nous devons travailler à de nouvelles mesures de simplification.
Vous pouvez compter sur moi, mais également sur le député Adrien TAQUET et le membre du CESE Jean-François SERRES, que j'ai missionné conjointement avec Gérard DARMANIN pour étudier de nouvelles pistes de simplification dans le champ du handicap dans l'objectif de faciliter encore l'accès aux droits. Ils sont à la manoeuvre avec beaucoup d'énergie et d'ambition, je veux les en remercier. Ils dévoileront prochainement des outils pour associer le plus grand nombre à leur recherche de simplifications.
J'ai parlé des PAG. Bien sûr, nous savons que, si nous voulons tenir la promesse d'une réponse pour tous, des plans d'accompagnement globaux ne suffiront pas. Nous devons agir sur l'offre.
Je veux le rappeler, tout cela ne va pas se faire à moyens constants. La stratégie quinquennale lancée l'année dernière, et doté de 180M, a été confirmée. L'enveloppe dédiée à la prévention des départs en Belgique est doublée en 2018. Le 4ème plan Autisme est en cours de préparation.
Ces nouveaux crédits alloués doivent nous permettre de sortir d'un système encore trop souvent binaire. Il y a d'une part, ceux qui sont accueillis dans les établissements. Leur parcours est plutôt sécurisé mais il se déroule souvent un peu à part. Et il y a ceux qui font le choix de vivre de manière autonome ou avec leurs proches en milieu ordinaire. Osons le dire, le parcours de ces familles est encore un véritable parcours du combattant.
Nous devons absolument, collectivement, changer notre approche pour moduler au mieux l'intensité de l'accompagnement en fonction des besoins des personnes et de leurs projets de vie. Cela permettra à la fois :
- d'apporter une réponse adaptée aux personnes ayant des besoins les plus complexes
- et de permettre davantage d'inclusion. Viser l'inclusion ne veut pas dire nier les besoins d'accompagnement spécifiques. Bien au contraire, c'est mobiliser pleinement l'offre médico-sociale, sanitaire, éducative que nous avons la chance d'avoir, au service des parcours de vie tournés vers le milieu ordinaire.
Vous allez aujourd'hui pouvoir échanger autour de plusieurs exemples concrets et inspirants, il faut désormais que l'on échappe à un risque majeur, celui risque où de nouvelles réponses adaptées aux aspirations et aux besoins des personnes demeurent restent dans le champ de l'innovation et de l'expérimentation.
Il faut impérativement que chaque CPOM soit porteur de la transformation de l'offre et que cela se fasse dans un dialogue constructif entre l'ARS et le Conseil départemental ; et l'Education nationale, bien évidement, quand cela concerne les enfants. Il faut aussi que chaque CPOM intègre la dimension de conduite du changement et de l'évolution des pratiques professionnelles. Car ce ne sont pas les murs que nous cherchons à transformer, mais bien les projets.
Dans cette optique, la formation un enjeu de taille et je sais que vous allez l'aborder. Il faut que l'on définisse une feuille de route ambitieuse, en mobilisant tous les ministères concernés et les ARS, mais aussi le secteur associatif, les départements et bien évidement les Régions. Il est essentiel que nous puissions offrir aux différents professionnels davantage d'opportunités pour croiser leurs savoirs dans le cadre des formations. Ces formations ne doivent plus se concevoir en silos, métier par métier, organisation par organisation. La pluridisciplinarité et la coopération, ça ne se décrète pas, ça se nourrit d'échanges et ça s'outille !
Il faut également, dans ce schéma, renforcer considérablement la place des personnes en situation de handicap et de leurs proches.
J'ajouterai que mieux répondre aux besoins des personnes, ne peut se faire sans elles. C'est un principe théorique que tout le monde partage, et c'est inscrit dans la Loi et dans la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Certes, dans les faits la mise en oeuvre est plus complexe, notamment dans un contexte où les personnes ne revendiquent pas forcément leur droit à être acteur de leur parcours, où les pratiques professionnelles tendent encore à rendre la participation très formelle, et où la pénurie des réponses laisse peu de place à la liberté de choix.
Nous devons faire évoluer tout le système, pour que l'autonomie et l'autodétermination, et il s'agit là de deux choses complémentaires, deviennent des objectifs incontournables de tout projet d'accompagnement.
Ne nous cachons pas la vérité : ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Je voudrais que tous les professionnels aient le réflexe d'identifier les compétences dont disposent les personnes. Je veux qu'ils les accompagnent dans la prise de décision quant à leurs choix de vie, et surtout dans la mise en oeuvre de ces choix.
Il nous est impossible de faire autrement si l'on souhaite aller vers une société inclusive. Si le milieu ordinaire doit s'ouvrir et accueillir les personnes handicapées, il faut aussi que tous ceux qui accompagnent ces personnes et les personnes elles-mêmes, puissent envisager des projets de vie autonomes.
Vous parlerez sans doute de la pair-aidance. Et je pense que c'est un outil adapté pour faire évoluer les pratiques des professionnels, mais aussi pour donner aux personnes en situation de handicap et à leurs familles, la confiance nécessaire pour aller vers plus d'autonomie, et pour faire des choix audacieux.
Qu'il s'agisse de faire face aux enjeux de la vie affective, d'occuper un emploi en milieu ordinaire, ou tout simplement de prendre le bus, la pair-aidance a tout son sens. Les pair-aidants peuvent enrichir les pratiques au sein d'une équipe de professionnels.
Je le rappelle, reconnaitre l'expertise d'usage n'est évidemment pas, réduire la portée de l'expertise professionnelle.
Il s'agit au contraire d'identifier les complémentarités, de les inscrire dans le projet d'établissement et dans le projet d'accompagnement.
Là encore, je souhaite tracer une feuille de route nationale pour capitaliser les expériences existantes, échanger les pratiques et mettre à disposition des outils facilitant le développement de l'expertise d'usage.
En mobilisant tous ces leviers de la démarche « Réponse accompagnée », nous sauront relever le défi du changement de regard et d'approche, conformément aux engagements du Président de la République et aux attentes de nos citoyens.
Près de 3 ans et demi se sont donc écoulés depuis le rapport 0 sans solution.
Seulement ? Que de travail accompli depuis !
Dans ce rapport, Denis nous replaçait collectivement devant quatre parcours de vie particulièrement chaotiques, émaillées de ruptures et de crises.
Plus près de nous, à l'occasion du CIH du 20 septembre dernier, Ryad Sallem et Josef Schovanec, qui étaient venus l'introduire, ont partagé avec les membres du gouvernement alors réunis les envies et besoins des personnes.
Rien d'extraordinaire : juste vivre la vie la plus ordinaire possible.
C'est cette vie ordinaire que la généralisation de la réponse accompagnée pour tous doit faire advenir.
Il est de notre responsabilité, collective, de faire aboutir les différents réformes et chantiers en cours qui ne sont pas une superposition d'initiatives qui seraient menés en silo, mais bien un ensemble cohérent au service d'un objectif: permettre à chaque personne handicapée de disposer d'un accompagnement adapté à ses besoins pour pouvoir accéder à ce que République peut offrir.
Merci pour votre mobilisation autour de la Réponse accompagnée.
Je vous souhaite d'excellents débats qui, je l'espère, permettront encore d'accélérer cette démarche !
Bonne journée.
Source http://www.cnsa.fr, le 22 février 2018