Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur l'insertion sociale des jeunes par le sport et sur l'information des jeunes dans le domaine de l'accès aux soins et de la protection sociale, Paris les 29 mars et 6 avril 1995.

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Circonstance : Signature de l'accord cadre pour le développement de l'insertion par le sport à Paris le 29 mars 1995-visite des locaux de l'association "Fil Santé Jeunes" à Paris le 6 avril 1995

Texte intégral

Madame et Monsieur le Ministre,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Il n'est pas habituel que le Ministre chargé des Affaires Sociales et de la politique de la ville s'adresse à un parterre de sportifs renommés, dans une maison consacrée au sport ! Je veux donc remercier le Président Serandour pour son accueil.
En effet, le monde du sport et celui du développement social sont unis depuis bien des années par des liens profonds. A l'origine de bien des clubs sportifs, dans toutes les disciplines, nous pouvons retrouver des personnes soucieuses d'oeuvrer pour la jeunesse, pour ces jeunes des quartiers ouvriers qui n'avaient aucun loisir, aucune occasion de réaliser quelque chose ensemble.
L'accord que nous signons aujourd'hui est donc un peu un retour aux sources. Bien évidemment, il ne s'agit pas de revenir aux rencontres de patronage.
L'accord nous engage à trouver partout les moyens pour que des jeunes très marginalisés, des adultes exclus depuis de nombreuses années du monde du travail, des femmes qui n'ont jamais imaginé qu'elles avaient le droit de prendre le temps de pratiquer le sport de leur choix, malgré le poids d'une vie quotidienne difficile, trouvent à proximité de chez eux des clubs accueillants, un accompagnement adapté, de vraies occasions de partager avec d'autres le plaisir de l'effort partagé.
Nous savons tous, et vous savez mieux que moi la richesse des relations sociales, des amitiés qui naissent dans ces instants privilégiés.
Je ne vais pas commenter à nouveau l'ensemble du dispositif prévu mais je veux souligner deux points particuliers.
Le premier est apparu dès les premiers contacts entre mes services et les représentants de Monsieur Serandour. Le sport doit être proposé à toutes les personnes en grande difficulté comme un élément possible de leur parcours d'insertion.
L'impact médiatique de certaines manifestations de violence pourrait nous amener à réduire cette ambition aux seuls jeunes. Ce serait une erreur. Cette violence n'est pas spécifique aux jeunes des quartiers défavorisés, même si le moindre incident y résonne de façon particulièrement dramatique. Et comme ils me l'ont souvent dit, ils nous demandent un appui pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs parents, pour les plus jeunes, pour tout ceux qui sont "hors circuit".
Prendre sur soi pour pratiquer régulièrement tel ou tel sport, participer à l'accompagnement de jeunes, obtenir un emploi de gardien ou d'entretien des installations représentent pour beaucoup de nos concitoyens ce coup de pouce qui manque pour reprendre pied dans la vie. C'est la qualité du travail commun des services sociaux, des missions locales, des associations de prévention et des clubs sportifs qui permettra de réussir ce défi.
Le second, c'est la formation à la citoyenneté que peuvent apporter les clubs, en particulier dans les quartiers défavorisés. Pratiquer un sport, c'est respecter une règle. Etre membre d'un club, c'est vivre au quotidien la démocratie. Participer à une compétition, c'est apprendre à respecter l'autre, partenaire de jeux avant d’être adversaire.
Je compte sur les cadres du mouvement sportif, les bénévoles comme les professionnels, pour faire passer ce message simple auprès des jeunes qui demandent, parfois si maladroitement, respect et considération.
Nous allons signer cet accord cadre. C'est pour moi un événement important, car il met l'Esprit sportif, l'Esprit de Pierre de Coubertin au service des plus démunis des habitants de nos villes et de nos quartiers. Je ne sais pas s'ils gagneront, mais nous voulons tous qu'ils participent pleinement à la vie de notre pays, à la construction de leur avenir.
* « Fil Santé Jeunes » - Ecole des Parents – 6 avril 1995
Madame, Monsieur,
Je suis très heureuse d'être aujourd'hui parmi vous pour cette visite des locaux du "Fil Santé Jeunes". Il s'agit d'un nouvel outil au service des jeunes, d'un nouvel outil forgé en quelques mois, dans le cadre des suites de la consultation des jeunes.
Que nous a appris cette consultation dans le domaine de la santé ? Tout d'abord le très fort besoin d'écoute, de conseil d'information et d'aide de la part des jeunes qui puissent être apportés par une personne ou une structure extérieure à leur famille. Les parents ne peuvent pas ou ne savent pas toujours répondre à des sujets aussi importants que la communication au sein de la famille, l'angoisse, la sexualité, la contraception, le Sida, la drogue ou encore la couverture sociale.
Nous devons bien sûr aider les parents, et tous les professionnels en contact avec les jeunes à mieux répondre à leurs attentes. Mais nous devons aussi, mettre en place les dispositifs anonymes ou d'écoute.
"Fil Santé Jeunes" a démarré discrètement, à titre de rodage. S'agissant d'un service monté en quelques mois, il nous a paru en effet sage de prendre le temps d'apprendre à le faire correctement fonctionner avant de lancer une campagne d'information auprès des jeunes. Et malgré cette discrétion, le nombre d'appels a été considérable : 2000 appels en moyenne par jour. Un chiffre inattendu, inespéré. C'est à dire à quel point ce téléphone vert répond à une attente, à un besoin.
Aujourd'hui, nous pouvons considérer que la période de rodage est terminée. Des affiches et des cartes du format des cartes de téléphone ont été élaborées ; elles vont être largement diffusées dans les locaux que fréquent les jeunes : établissements scolaires, missions locales, mais aussi gares ou bureaux de poste. Nous souhaitons faire une information de proximité.
"Fil Santé Jeunes" fonctionne de 8 h à minuit, 365 jours par an. Le fonctionnement de ce service a été délégué à l'Ecole des Parents, une association reconnue d'utilité publique dont le travail est apprécié de tous, et qui avait démarré, grâce à l'aide de la Fondation de France, un service téléphonique.
"Fil Santé Jeunes" n'est pas la seule mesure décidée dans le cadre des suites de la consultation des jeunes pour améliorer la santé des jeunes.
Dans le domaine de la protection sociale a décidé de permettre un accès autonome des jeunes de 18 à 20 ans à la protection sociale. Il a paru en effet logique d'aligner les différentes majorité civiques et médicales. Ainsi, les jeunes de 18 à 20 ans, ayants-droit de leurs parents, pourront disposer d'une carte autonome de sécurité sociale.
Nous avons donc satisfait une revendication des jeunes à la fois forte, ancienne, et parfaitement légitime. Comment en effet expliquer la situation actuelle où un jeune, déjà majeur, doit transmettre sa feuille de soins à ses parents pour être remboursé ? Comment justifier qu'il doive faire l'avance de frais de soins, alors que le remboursement de ces frais est versé sur le compte bancaire ou postal de ses parents ?
Un article de loi a été voté en janvier dernier. Le décret d'application est actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat et devrait paraître dans le mois qui vient. J'espère que cette mesure pourra être opérationnelle à la rentrée universitaire prochaine.
Le Gouvernement n'a par contre pas souhaité abaisser la majorité médicale à 15 ou 16 ans, considérant qu'il était indispensable que les parents soient pleinement associés aux décisions en matière de soins concernant les enfants. Nous nous sommes assurés que les textes et les dispositifs actuels permettaient bien un accès aux soins dans les cas où les jeunes pourraient vouloir garder le secret vis à vis de leurs parents, pour ce qui concerne la toxicomanie ou la contraception par exemple, ou encore seraient en conflit grave avec leurs parents.
Je voudrais revenir rapidement sur les trois autres mesures décidées pour favoriser l'accès aux soins des jeunes.
Il existe d'abord un problème spécifique pour les jeunes qui ne bénéficient ni de la médecine scolaire ni de la médecine du travail et qui fréquentent souvent les missions locales et les PAIO.
Pour ces jeunes nous avons voulu renforcer les dispositifs des bilans médicaux et pour cela les crédits ont été doublés et portés à 20 millions.
Par ailleurs, le ministère des Affaires Sociales et de la Santé a souhaité mieux connaître les problèmes de santé de ses jeunes qui fréquentent les missions locales et les PAIO ; il a confié une étude à l'INSERM ; nous avons profité de cette journée pour rendre public ce document tout à fait intéressant — je dirais également tout à fait inquiétant — et qui montre bien à quel point il était nécessaire de renforcer les dispositifs comme nous l'avons prévu.
Autre mesure retenue à l'issue de la consultation des jeunes : les maisons des jeunes et de la santé qui seront des lieux d'échanges, d'animation, d'information et de soins où toutes les dimensions de la santé seront représentées et qui seront accessibles à tous les jeunes.
La Mutuelle Nationale des Etudiants de France, la MNEF ? est porteuse de différents projets pour 1995 ; le ministère des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville financera des investissements à hauteur de 7 millions.
La MNEF gérait déjà un certain nombre de centres médicaux pour étudiants qui font être progressivement transformés en maison des jeunes et de la santé ; tel est le cas à Montpellier, Anthony et Bordeaux.
Au Printemps 1995 ouvriront deux nouvelles maisons des jeunes et de la santé, dans les villes de Nanterre et Paris Montparnasse.
Cinq sites sont prévus pour la fin de l'année 1995 à Strasbourg, Marseille, Avignon, Brest et Villetaneuse.
Dernière mesure prévue dans les suites de la consultation des jeunes : la relance et l'expansion des activités de conseil familial et d'écoute en direction des jeunes. 10 millions de francs sont consacrés à la relance et l'expansion des activités des 250 établissements d'informations, de consultations de conseils familiales déjà existant.
Une circulaire envoyée au Préfet dans les jours qui viennent.
Enfin l'expérience montre qu'il est nécessaire d'assurer en permanence une information des jeunes eux-mêmes et des professionnels en contact avec les jeunes sur les questions de santé.
C'est pourquoi le Ministère des Affaires Sociales, et de la Santé participe à l'édition d'un certain nombre de documents. Cinq vont sortir très prochainement, un premier élaboré par une association gestionnaire de foyer de jeunes travailleurs intitulé "Passeport pour la santé des jeunes" ; le second document sera constitué par un numéro spécial du Journal l'Etudiant qui pourra être très largement diffusé auprès des étudiants et des jeunes de 18 à 25 ans.
Deux cassettes vont également être largement diffusées auprès des professionnels souvent en contact avec les jeunes, l'une "c'est dur de trouver les mots" aborde la question de la souffrance, de l'absence de communication avec les autres qui précède les tentatives de suicide ; l'autre "risquer sa route" est un film d'information et de prévention sur les risques liés à la conduite.
Enfin toujours à destination des professionnels un guide de l'assurance maladie maternité des 16-25 ans va être mise à jour et réédité très prochainement.
Comme vous le voyez le Gouvernement a souhaité mener une action résolue et adaptée aux difficiles questions posées par les jeunes. Nous avons cherché avec les professionnels, les associations, les mesures les plus adaptées. Le succès du Fil Santé Jeunes démontre bien, je crois, la démontre bien l'intérêt de notre démarche.
Mes derniers mots seront pour remercier tous ceux qui n'ont pas ménagé leur peine pour faire fonctionner dans des délais si brefs "Fil Santé Jeunes".
Encore merci à tous !