Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur les relations entre la France et l'Inde, à New Delhi le 11 mars 2018.

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Circonstance : Voyage officiel en Inde du 9 au 12 mars-rencontre de la communauté française, à New Delhi le 11 mars 2018

Texte intégral


Madame la ministre,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur l'ambassadeur,
Mesdames, Messieurs les conseillers consulaires,
Mes chers compatriotes,
Chers amis,
Nous sommes très heureux avec mon épouse, toute la délégation d'être parmi vous aujourd'hui et je vous remercie d'avoir – y compris bravé la chaleur - même si j'ai compris que certains en avaient déjà souffert et, donc, je vous demande de prendre soin de vous. Donc si quelqu'un souffre de la chaleur ou a soif, tout est prévu pour qu'il puisse ainsi survivre.
On dit en effet parfois que l'Inde est difficile, ce qui est certain c'est que c'est une immense civilisation que vous avez pour beaucoup d'entre vous choisie depuis quelques années ou depuis plusieurs générations, une civilisation à part, d'une richesse inouïe et où se joue une bonne partie du présent et de l'avenir de ce sous-continent.
MALRAUX disait de l'Inde qu'elle avait une sorte de charge de l'esprit, mais détaillant un peu plus loin il disait au fond qu'il y avait en Inde – et nous l'avons d'ailleurs parfaitement vu tout au long de ce séjour qui va se poursuivre et encore hier dans notre belle Alliance française – il y a une conjugaison inédite de valeurs spirituelles, ancestrales, d'un rapport à des mythes multiples et un vrai syncrétisme religieux et une vibrante modernité, sur le plan économique comme sur le plan politique.
Vous vivez ici en tant que Françaises et Français dans ce qui est la plus grande démocratie du monde, elle est confrontée à d'immenses défis, aux faits religieux dans un sous-continent qui est touché par la violence religieuse, comme l'est d'ailleurs le monde entier aujourd'hui, qui est bousculé par le terrorisme, qui est bousculé par le fait national mais où la démocratie est bien là.
Alors les liens entre nos deux pays sont très anciens et vous en êtes les traces, beaucoup d'entre vous ont choisi il y a peu de rejoindre l'Inde pour travailler dans des entreprises françaises, indiennes ou étrangères. D'autres sont venus il y a de nombreuses et nombreuses années pour affaires, pour leurs recherches, pour enseigner ou par amour. D'autres encore sont là depuis des générations, marquant ce lien historique qui nous unit.
Et je le rappelais hier avec le Premier ministre, c'est en effet un lien multiséculaire qui nous unit, quelle que soit la distance et qui s'est tressé à travers nos imaginaires, à travers les grands textes, les grands auteurs. Et c'est pour ça d'ailleurs que j'ai fait le choix de remettre un exemplaire de la première traduction en français directement du Sanskrit de la Gita au Premier ministre, traduction faite par Émile SENART qui était un grand spécialiste de l'Inde.
Et l'anecdote raconte d'ailleurs, je la rappelais aussi au Premier ministre hier, on en a encore les traces au musée Guimet, que lorsque que CLEMENCEAU sur la fin de sa vie s'était rendu en Inde, et il était venu, il était très malade. Et il se trouve qu'alors qu'il allait accoster, il était à quelques jours encore, il tombe très malade avec une forte fièvre et ses médecins lui intiment l'ordre de revenir. Et CLEMENCEAU décide d'aller au bout, en disant : si je dois mourir, je peux bien mourir en Inde.
Il arrive, il ne meure, il reste et revient mais il raconte que durant son voyage, lorsqu'il essaie de comprendre justement ces grands mythes et de la force de l'histoire de ce pays, quelques brahmanes rencontrés et des responsables divers et variés finissent par lui dire : mais vous savez, si vous voulez en savoir davantage, vous devriez bien plus demander à Monsieur Émile SENART, parce qu'il en sait presque plus que nous aujourd'hui.
Et c'est vous dire combien l'intimité de ce lien entre notre pays est grande et depuis fort longtemps. Quelques années après le voyage de CLEMENCEAU, c'était plusieurs dizaines de milliers d'indiens qui décidaient de partir à des milliers de kilomètres de chez eux pour mourir pour la France. C'est pour cela que lorsque le Premier ministre MODI est venu en juin dernier, il s'est rendu à l'Arc de Triomphe et que nous avons aussi rendu hommage à ces soldats indiens qui sont pour la plupart enterrés dans le cimetière de Péronne.
Et c'est aussi pour cela que j'ai souhaité que l'Inde soit à l'honneur le 11 novembre prochain, lorsque nous fêterons le 100ème anniversaire de la fin du Premier conflit mondial ; et que nous lançons ce Forum de Paris pour la paix, parce que nous avons beaucoup ensemble à construire pour cet ordre contemporain nouveau.
Et donc mes chers compatriotes, vous incarnez ce lien, que vous veniez de Delhi, de Pondichéry, ville comptoir qui marque cette trace s'il en est, de Chennai au Bangalore, vous êtes la trace vivante du lien entre nos pays.
Alors je voulais en quelques mots vous dire ce qui a marqué cette visite ici et ce à quoi je tiens pour les prochaines années dans la relation bilatérale.
La première chose, c'est le partenariat stratégique signé il y a 20 ans auquel nous avons donné une vitalité nouvelle, un tour nouveau, une force inédite. Pour une raison simple, nous avons vu ces 20 dernières années que nous savions travailler ensemble. Nous nous sommes fait confiance et nous avons eu des résultats.
Pour une deuxième raison aussi, c'est que le contexte géopolitique est profondément renouvelé. L'Inde craint la recomposition du monde à juste titre, elle craint des formes d'hégémonie dans la région et en particulier dans l'océan Indien et le Pacifique. Et pourquoi ne pas la nommer ici, elle craint une hégémonie chinoise.
La France est une puissance de l'océan Indien comme de l'océan Pacifique, nous le sommes à travers La Réunion, nous le sommes à travers la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie. Et nous sommes une puissance maritime, on l'oublie souvent mais la France est la deuxième puissance maritime au monde.
Nous avons eu une marine qui est forte, des sous-marins nucléaires équipés comme peu d'autres puissances, une capacité de surveillance maritime à travers nos satellites et nos technologies ; et évidemment une puissance militaire et de renseignement qui nous classe parmi les premières nations au monde.
C'est cette force que nous avons décidé de joindre avec le Premier ministre MODI pour véritablement garantir la stabilité et la sécurité de l'Inde dans la région et dans l'océan Indien ; et pour assurer ce que j'appellerais avec le Premier ministre australien la liberté de la souveraineté.
L'Inde est une grande puissance souveraine, elle ne peut pas voir sa liberté réduite par des manoeuvres hégémoniques ou des réductions d'opportunités.
Ce partenariat stratégique renouvelé se traduit par la confirmation d'un lien de défense qui avait déjà donné lieu à des contrats très importants et à l'installation d'ailleurs de nombre d'entre vous, qu'il s'agisse du naval ou de l'aérien et comme des industries de défense et de moteur, mais la confirmation d'une génération à venir d'un nouveau partenariat sur les moteurs, mais également une coopération renforcée en termes de surveillance justement spatiale, en termes d'intelligence, de renseignement inédite.
Le deuxième axe de cette visite, c'est un combat commun pour la planète. Lorsque la France a décidé de se mobiliser en juin dernier suite à la décision américaine de sortir de l'Accord de Paris, nous nous sommes aperçus qu'il y avait des alliés forts et ils étaient en Asie. Et je dois le dire, c'est alors la décision conjuguée de la Chine et de l'Inde qui a été extrêmement forte pour maintenir ce camp de la lutte contre le réchauffement climatique.
Et je crois que cette bataille pour ce bien commun est absolument indispensable, et nous avons montré ce matin avec le Premier ministre MODI toute l'importance qu'elle revêt. Il y a 2 ans, l'Inde avait décidé de s'engager et la France l'avait suivie pour l'Alliance Solaire Internationale. Et nous avons ce matin installé cette conférence, quand je dis installé, nous avons donc signé officiellement la mise en oeuvre de cette Alliance, qui n'est plus simplement une idée ou un traité de papier, mais bien une première mobilisation.
Elle part d'un constat simple : si nous voulons tenir nos engagements, nous devons changer les habitudes, avoir des résultats et changer toutes les pratiques. Les pays signataires de l'Alliance Solaire Internationale, un peu plus de 100, représentent 75 % de la population mondiale, mais simplement 23 % des capacités énergétiques installées, c'est une aberration complète.
Et une large majorité d'entre eux se trouve dans des régions où le soleil est au rendez-vous, comme vous pouvez le vivre en ce moment. Et dans ces mêmes pays, c'est entre 20 et 50 % de la population qui a accès à l'électricité. Ce qui veut dire que le développement n'est pas possible, une vie normale n'est pas possible, l'éducation des enfants n'est pas possible quand tout s'arrête à 17, 18 ou 19 h 00.
Et donc l'objectif de cette Alliance Solaire, c'est de produire un térawatt d'énergie solaire, de mobiliser 1.000 milliards de financement. Nous avons commencé, la France s'est engagée à apporter sur le plan du financement public un milliard de financement dans la génération en cours de production par l'Agence française de développement. Et donc nous avons ajouté 700 millions aux engagements initiaux et en cours de réalisation, qui nous ont déjà permis d'avoir des résultats très concrets et d'accompagner nos entreprise.
J'étais il y a quelques mois à Ouagadougou et à une demi-heure de route, nous avons ouvert la plus grande centrale solaire d'Afrique de l'Ouest, que la France a financée et que les entreprises françaises ont conduite à réaliser. Et nous serons demain dans l'Uttar Pradesh avec le Premier ministre pour inaugurer là aussi la plus grande centrale solaire de l'Etat le plus peuplé de l'Inde, où des financements français sont au rendez-vous et surtout des grandes entreprises françaises sont au rendez-vous, et sans doute plusieurs d'entre vous y ont contribué.
Et donc nous devons changer ces pratiques, aller plus loin, c'est ce que nous avons installé ce matin avec à la fois la mobilisation de projets, il y en a une centaine qui ont été identifiés, mais ce sont des petits projets qu'il faut aller chercher pour leur permettre d'avoir le financement. Et donc ce sont des milliers de projets qu'il faudra dans les prochains mois mobiliser, mobiliser ces financements publics et privés car l'énergie solaire devient rentable, et assurer à la fois la mobilisation de notre recherche et nos innovations parce que c'est comme ça qu'on baissera les coûts – et plusieurs d'entre vous sont impliqués dans cette bataille – mais en même temps la formation des individus parce qu'installer une centrale solaire est une chose, mais si on ne forme pas sur place les gens pour l'entretenir, la faire fonctionner, bien souvent elle tombe elle-même en désuétude et donc est inutilisable quelques mois ou quelques années après, mais surtout elle ne permet pas le juste développement sur le terrain.
C'est donc tout cela, ce que nous avons installé aujourd'hui montrant la mobilisation très forte de l'Inde dans ce combat pour le bien commun qu'est la planète. Et vous le voyez, la vision géopolitique et de sécurité comme la vision de l'ordre international et de la lutte contre le réchauffement climatique nous réunit très profondément, et constitue pour moi les deux premiers axes solides de la coopération entre nos pays pour les années à venir. Et elle dépasse très largement ce que nous avions réussi à faire jusqu'alors.
Le troisième axe de la relation, c'est évidemment l'agenda bilatéral qui est entretenu depuis des décennies, des années par vous-mêmes, par la mobilisation de notre réseau diplomatique. Et je veux ici remercier très sincèrement notre ambassadeur pour le travail qu'il accomplit chaque jour, le remercier ainsi que son épouse pour leur accueil aujourd'hui dans cette maison, et remercier avec lui l'ensemble des services de l'Etat qui se mobilisent au quotidien pour que la France soit plus présente et que vous puissiez chaque jour encore faire davantage.
Alors cette relation bilatérale, elle s'inscrit évidemment dans ce cadre stratégique dont je viens de développer les 2 principaux aspects. Mais je souhaite que nous puissions continuer à l'inscrire autour de quelques priorités. La première et nos différents dirigeants d'entreprises l'ont très bien développé hier lors de notre forum, la première c'est justement celle qui concerne l'énergie. L'Inde a une stratégie très forte, elle veut réduire sa consommation justement d'énergies fossiles et avoir 40 % de non-fossile d'ici à 2030.
La France est très présente dans la fourniture de renouvelable, l'accompagnement de cette transition, nous devons pouvoir faire encore davantage. Nous représentons 10 % des capacités. L'inauguration de la centrale de demain sera un bel exemple de ce que nous pouvons commencer à faire et nous devons continuer à aller dans cette direction, à la fois en termes de production d'énergie mais aussi d'accompagnement des nouvelles mobilités, des énergies alternatives, de la stratégie donc solaire mais également de l'éolien, de la stratégie hydrogène et des nouvelles mobilités.
Le deuxième axe c'est celui des infrastructures urbaines, de la mobilité urbaine, des transports et donc de ce qu'on appelle la ville intelligente. L'Inde a porté une stratégie extrêmement ambitieuse dite de Smart Cities, nous sommes aujourd'hui mobilisés autour de Chandigarh, Nagpur et Pondichéry. J'ai demandé au Premier ministre que nous ayons encore davantage de villes et que nous puissions faire encore plus.
Mais il y a une excellence française qu'il faut faire connaître, valoriser et démontrer sur le terrain, il y a peu de pays au monde qui ont des leaders mondiaux comme nous l'avons, en termes de transport et transports collectifs, qu'il s'agisse des infrastructures, des appareils roulants comme de leur entretien. En termes de constructions et de constructions urbaines, en termes de traitement des eaux, traitement des eaux usées, renouvellement, traitement des réseaux, en termes d'électricité, de gaz, de solaire et donc d'entretien des réseaux énergétiques ; et en de gestion des logiciels et donc de la complexité liée à ces villes contemporaines.
C'est un défi pour l'Inde, dont la population urbaine va doubler dans les 20 prochaines années. On va passer en effet d'un peu plus de 400 à 800 millions d'habitants dans les villes et cela ira sans doute bien plus vite que cela et que ce qui est aujourd'hui envisagé.
Et donc cette grande transition qui s'opère en Inde, nous devons pouvoir l'accompagner, ça représente à peu près 75 milliards de dollars d'investissements, la France doit être présente dans cette stratégie, nous l'avons parfaitement montré avec la ligne Delhi - Chandigarh où la France s'est mobilisée, acteurs privés et financement public. Nous devons accompagner pleinement cette réforme.
Le troisième axe de développement de la relation bilatérale, c'est le capital humain. Vous en êtes les exemples vivants mais au-delà de vos vies, ces 350 000 Indiens que les entreprises françaises embauchent aujourd'hui ; 350 000, nous pouvons encore faire davantage, mais c'est déjà immense.
Plus nous développerons l'investissement ici, plus nous développerons l'accès au marché, ce qui est au coeur de notre stratégie parce que je souhaite que nous puissions doubler l'un et l'autre dans les prochaines années, plus évidemment nous gonflerons ce chiffre mais il doit aussi se décliner dans des facilités d'échanges réciproques et des facilités au niveau de nos étudiants, de nos chercheurs, de nos entrepreneurs. C'est pour ça qu'à ce titre, nous avons voulu lancer plusieurs initiatives très concrètes.
Nous avons – et la ministre tout particulièrement – installé le premier « Knowledge Summit » qui a permis des échanges entre nos organismes de recherche, nos universités, notre jeunesse et l'excellence académique et la jeunesse indienne et je remercie en particulier l'ensemble des responsables d'organismes de recherche français qui, au-delà de ce qu'ils ont pu signer et j'y reviendrai, se sont joints à cette initiative.
Deuxièmement, j'ai pris un engagement, c'est que nous puissions doubler d'ici à 2020 le nombre d'étudiants indiens que nous accueillons ; c'est un engagement ambitieux mais compte tenu aujourd'hui de notre faiblesse sur le sujet, il est réaliste – ce sont 5 000 étudiants indiens par an que nous accueillons, c'est très peu et compte tenu de la qualité de notre système, ça n'est pas acceptable. Nous devons au moins porter ce chiffre à 10 000 et je pense que c'est accessible si nous montrons l'excellence de la France et l'attractivité d'une offre éducative française qui permet aujourd'hui d'ailleurs à chacune et chacun d'avoir un enseignement en anglais dans les universités comme les grandes écoles mais aussi d'avoir par ce truchement accès à un autre univers linguistique, à une francophonie utile pour les jeunes Indiens pour accéder à d'autres marchés.
Et donc c'est aussi une mobilisation que nous allons poursuivre.
Troisième axe de développement : nous allons simplifier l'octroi de visas aux étudiants, aux entrepreneurs, aux académiques. Les contraintes sont aujourd'hui extrêmement fortes, trop fortes, c'est une négociation que nous allons mener avec nos partenaires européens, nous allons nous-mêmes simplifier nos propres dispositifs. La France a déjà fortement augmenté cette année le nombre de visas octroyés mais je souhaite que nous puissions faciliter un visa de circulation qui permettra d'intensifier ces échanges et d'aller plus loin.
Enfin, je souhaite que nous puissions quand je parle de capital humain faire davantage en termes de coopération scientifique et entrepreneuriale. Nous avons cette année lancé cette initiative des « Young Leaders » que j'ai vus hier soir, une quinzaine de très grands talents indiens vont pouvoir venir en France mais aussi développer leur propre entreprise, continuer leur recherche. Plusieurs Indiens ont commencé d'ailleurs à intégrer notre programme « Make our planet great again », et je souhaite que par ce biais nous puissions démultiplier justement les liens entre l'excellence de recherche, l'excellence entrepreneuriale entre nos deux pays.
La France est aujourd'hui le premier pays en termes de création de start-up en Europe. Cette année, c'est fait parce qu'il y a cette vitalité, que nous avons par nos réformes, par le changement d'état d'esprit démultipliée, libérée ; il faut absolument bénéficier de cela parce que la grande nation entrepreneuriale est l'Inde dans ce sous-continent et donc nous devons absolument croiser davantage nos écosystèmes, permettre les échanges et je souhaite que durant les prochains mois et prochaines années sur le plan scientifique qu'il s'agisse de l'INRA, de l'INSERM, du CEA, du CNES qui sont ici présents, du CNRS aussi fortement mobilisé, nous puissions développer les accords partenariaux, les initiatives conjointes, des antennes conjointes parce que sur chacun de ces domaines impliqués, nous avons beaucoup à faire avec une excellence indienne mais que nous puissions aussi faciliter les échanges de talents parce que c'est la clé de plus grands débouchés économiques mais c'est aussi la clé d'un partenariat encore renforcé pour les prochaines années et d'intérêts conjoints qui seront encore davantage structurés.
Enfin, nous devons travailler sur un imaginaire conjoint. Je crois beaucoup à cela et je le défends souvent. Beaucoup pensent qu'il s'agit de rêverie, c'est l'inverse, l'inverse ! Lorsque des pays partagent un imaginaire ou des émotions, ils sont inséparables. C'est pour ça que je veux remercier le travail qui est conduit par nombre d'entre vous ici sur le terrain par nos Alliances françaises qui sont extrêmement appréciées ici et je les en remercie, par nos lycées, nos écoles, toutes celles et ceux qui enseignent ici aux jeunes Français mais aussi aux jeunes Indiens ou aux autres expatriés, il y a 500 000 apprenants en Inde du français. Nous devons faire beaucoup plus là aussi, doubler ce chiffre et nous le pouvons mais nous devons aussi multiplier les passerelles entre nos cultures parce que c'est ainsi qu'on se comprend mieux, c'est ainsi qu'on fait mieux dans la durée.
Je disais tout à l'heure la force des mythes indiens pour nous-mêmes et je veux saluer à cet égard le travail de plusieurs artistes écrivains qui accompagnent ma délégation et qui ont constamment été des passeurs entre nos cultures, des grands voyageurs et je voudrais avoir une mention particulière pour monsieur Jean-Claude CARRIERE qui a passé onze ans de sa vie à traduire, adapter « Le Mahabharata » et qui l'a fait produire à Avignon il y a un peu plus de vingt-cinq ans maintenant qui en a fait un film et qui a permis de mieux connaître cette culture en Europe. Et je lui disais d'ailleurs hier que, hier midi, la ministre des Affaires étrangères indienne comme par un pied de nez me disait : vous savez moi je connais bien la France parce que j'ai vu « Le Mahabharata » de Peter BROOK et Jean-Claude CARRIERE ! Ça dit tout !
Et donc ce que vous faites, ce que nombre d'entre vous réussissent, nous devons le démultiplier par : la gastronomie – Alain PASSARD est là pour en témoigner qui a été l'un des acteurs du succès avec nombre de chefs de l'initiative croisée justement culinaire entre nos deux pays – ; la mode et je salue l'ensemble des créateurs et créatrices qui sont là et qui marquent l'influence croisée de nos cultures. Il y avait en début de semaine, lorsque nous les avons accueillis à l'Elysée plusieurs grands créateurs indiens et il y a plusieurs grands créateurs français qui sont très inspirés par l'Inde. La littérature, l'éducation, le cinéma, la culture sont des passerelles absolument essentielles.
Bollywood a une très grande vitalité mais tourne encore insuffisamment en France, nous devons faire davantage et vous devez nous aider à être ses ambassadeurs des sites et des tournages en France et la France a un formidable cinéma – Isabelle GIORDANO est là à nos côtés pour le défendre –, qui doit aussi être ici mieux connu en continuant à être poussé, expliqué et je souhaite aussi que nous puissions poursuivre les liens culturels, politiques, entre nos sociétés.
Et je voudrais vraiment avoir un mot pour nos parlementaires qui ont accompagné cette délégation et qui, par leur présence, vont redonner vie justement à ce dialogue entre les parlements indispensable qui s'était un peu assoupi mais qui marque aussi la proximité de cultures, de systèmes politiques et la vitalité d'un dialogue.
Vous le comprenez, je crois très profondément que ce que nous avons fait avec LE CORBUSIER, MALRAUX et quelques grands esprits français qui ont transformé les villes, le paysage de l'Inde et qui ont marqué la présence française, nous devons le poursuivre.
Et je crois que chacune et chacun d'entre vous, vous devez à votre échelle porter cette ambition française, porter cette volonté de culture, porter l'excellence de nos grands lieux, de nos paysages. Chambord est avec nous parce que Chambord représente quelque chose en Inde et nous souhaitons pouvoir justement promouvoir aussi ce grand domaine mais ce sont autant d'expériences, d'émotions de liens profonds entre nos sociétés qui les lieront à jamais au-delà de ce que vous représentez aujourd'hui.
Et puis, je veux bien évidemment avoir un mot pour celles et ceux qui ici se mobilisent, les bénévoles, les représentants d'associations, le trust « Main Tendue » qui apporte son soutien aux ONG indiennes dans l'agglomération de Delhi et la vitalité de la communauté française ici qui, au-delà de ce lien culturel, est aussi un lien humanitaire, associatif d'engagés dont je vous remercie.
Je sais que la vie n'est pas toujours simple en Inde ; je sais qu'il y a eu des violences ; il y a eu les sujets de pollution ; il y a eu parfois des doutes, une communauté d'ailleurs qui à Delhi a été en recul ces dernières années.
Nous mettrons tout en oeuvre pour que d'une part, vos intérêts soient pleinement défendus, que votre vie soit facilitée et là-dessus, vous pourrez toujours compter sur notre ambassadeur et sur moi-même pour défendre vos intérêts, en expliquer les tenants, les aboutissants, mais si vous êtes là c'est parce que vous croyez furieusement à la force de notre relation et parce que vous savez profondément que se trouve ici une grande civilisation et une part de notre destin commun.
Alors dans un moment où la France est en train de conduire des réformes importantes, de se transformer en profondeur, d'embrasser son avenir avec une détermination qui ne faiblira pas dans les prochains mois et les prochaines années parce que ça ne se fait pas en six mois, quoi qu'en pensent certains – et ça n'a pas vocation à s'arrêter en cent jours parce que ceux qui proposent cela sont ceux qui ont oublié que les cent jours ne correspondent pas à un début de campagne glorieux ! –, je veux ici vous dire que nous allons continuer en France à réformer en profondeur avec bienveillance mais une conviction profonde, avec la certitude que notre pays a besoin de ces transformations pour rattraper un retard qu'il a accumulé ces dernières décennies, qui était inexplicable, pour mettre fin à un chômage de masse auquel nous nous sommes habitués, pour mettre fin à des habitudes qui n'avaient plus de justification et pour redonner de la force, avec elle, la possibilité d'être vraiment juste et donc de la fierté à notre pays.
Ça ne s'arrêtera ni demain, ni dans le mois prochain, ni dans les trois prochains mois et les Françaises et les Français le souhaitent profondément. Seuls quelques commentateurs fatigués voudraient qu'il y ait un terme à ce mouvement.
Nous allons donc avec détermination poursuivre en profondeur et au même rythme ce travail pour notre pays parce qu'il est la condition pour le faire rayonner à l'extérieur et vous en avez vu les changements ces derniers mois, ici même ; vous avez vu que la France était regardée différemment, vous avez vu que notre place était en train de changer et cela se poursuivra parce que c'est une condition pour avoir une Europe, elle aussi, plus forte et plus crédible et parce que c'est la condition pour porter nos valeurs, nos certitudes au sein d'un monde en plein basculement, en plein doute et parfois en pleine fracture.
Alors sachez, mes chers compatriotes, qu'ici, vous portez une part de ce programme de grandes transformations, une part de cette ambition et une part de cette fierté et c'est pour cela que j'ai besoin de vous et de votre mobilisation parce qu'ici, vous êtes regardés comme Françaises et Français, parce qu'ici, vous êtes regardés comme notre pays et donc porteurs de l'exemplarité qui doit être la sienne. Et c'est pourquoi je vous remercie pour votre présence parfois depuis tant et tant d'années ; pour l'action déterminée que vous conduisez ici même chacune et chacun dans votre secteur d'activité et chaque fois un peu au-delà et pour le visage de la France que vous représentez.
Comptez donc sur ma détermination, mon soutien comme je compte sur votre énergie et votre présence ici !
Je vous remercie.
Vive la République et vive la France !
Source https://in.ambafrance.org, le 23 mars 2018