Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Folle question, interrogation, note, la journée est extrêmement compliquée, nous allons en parler avec Olivier DUSSOPT, bonjour, bienvenu...
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Vous êtes chargé de la fonction publique au gouvernement et c'est effectivement la grande journée de la protestation donc de la fonction publique avec paralysie évidemment d'une partie des transports et de l'Education nationale, nous parlerons de tout ça dans un instant et nous allons voir surtout si ce mouvement est suivi, très suivi ou moyennement suivi, tout ça va se décider dans la journée. Nous allons passer par la case « Coulisses du pouvoir » qui est une case extrêmement importante sur l'antenne de Radio classique car nous sommes dans un imbroglio assez curieux, dont on parle depuis plusieurs jours, concernant la politique familiale et le fameux quotient familial car il y a un député de La République en Marche qui s'appelle monsieur CHICHE qui prône la suppression du quotient familial qu'il veut bien évidemment fusionner avec les allocations familiales. Hier le gouvernement jure qu'il n'en est absolument pas question, alors que s'est-il passé exactement dans ce qui ressemble ce matin à un pataquès ?
//Diffusion de la chronique de Guillaume TABARD//
GUILLAUME DURAND
Nous avons rendez-vous avec Olivier DUSSOPT qui est chargé de la fonction publique donc au gouvernement, il est important de l'écouter aujourd'hui. Olivier DUSSOPT, bonjour...
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Et bienvenue sur l'antenne de Radio classique. Il y a d'abord une question formelle, c'est-à-dire est-ce que sur tous les dossiers qui sont ceux de la fonction publique y compris la SNCF vous êtes dans une logique au fond d'écoute, peut-être de négociation et de reprise d'un certain nombre de volontés qui sont celles exprimées par les salariés et les syndicats ou est-ce que l'idée c'est de maintenir la politique telle qu'elle a été définie pendant la campagne ?
OLIVIER DUSSOPT
Le gouvernement a deux objectifs : d'abord écouter parce que c'est notre méthode, poser un constat, le partager et écouter, prendre toutes les propositions - celles qui sont bonnes et qui vont dans le bon sens - pour avancer ; Nous avons un deuxième objectif c'est de tenir le cap, en matière de fonction publique - puisque c'est le dossier que je porte au sein du gouvernement - nous voulons moderniser , nous voulons rénover le cadre d'emploi des fonctionnaires, faciliter les mobilités, faciliter aussi l'évolution des carrières...
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire que tout ce qui a été prévu, par exemple le paiement éventuellement au mérite, le gel du point d'indice qu'on maintient pour l'instant, tout ça il n'est pas question de les négocier ce matin ?
OLIVIER DUSSOPT
Les quatre objectifs posés par le Premier ministre sont quatre objectifs que nous poursuivons, sur le dialogue social, sur l'individualisation de la rémunération, sur l'accompagnement renforcée de la mobilité, sur les éléments que vous avez cités notamment le point d'indice c'est dans la loi de finance pour 2018 et nous avons...
GUILLAUME DURAND
Ca ça ne bouge pas donc ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous ne bougerons pas en 2018 ; ça été annoncé et ça été acté. Nous avons annoncé et entendu les organisations syndicales sur la question du rendez-vous salarial, il était prévu au mois d'octobre, nous l'avons avancé au mois de juin pour entendre ce que disent les organisations syndicales avant que le budget 2019 soit bouclé.
GUILLAUME DURAND
Oui. Mais je lis par exemple dans Le Monde qui est sorti hier et qui est encore évidemment en kiosque aujourd'hui, Jonathan, qui est jeune fonctionnaire au ministère de l'Ecologie, qui dit : « je me sens insulté de voir que mon travail est rabaissé par le gouvernement, les fonctionnaires sont méprisés, je travaille de plus en plus tout en étant moins payé, ce sentiment d'injustice est renforcé par les mesures sur la CSG pardonnez-moi d'être un peu long mais il faut être précis, c'est une journée importante seuls les fonctionnaires ne bénéficieront pas d'une hausse du pouvoir d'achat, pourquoi le travail des fonctionnaires est-il à ce point méprisé ? » car vous voyez bien qu'il y a à la fois un aspect technique, politique et presque psychologique ?
OLIVIER DUSSOPT
Le travail des fonctionnaires est reconnu et c'est la première fois depuis 20 ans qu'on ouvre une réforme de la fonction publique en prenant le temps de la discussion, nous avons devant nous un an de concertation, un an d'écoute, un an de dialogue avec les organisations syndicales toutes participent à ces discussions nous sommes en train d'acter la méthode de débat et nous avons un an devant nous. La CSG que cite ce fonctionnaire dont Le Monde rapporte le témoignage a été intégralement compensé, intégralement - et ce n'est pas moi qui le dis - je l'ai fait, je l'ai mise en oeuvre, mais le secrétaire général de la CGT Fonction publique le 4 janvier dans le même journal disait que la compensation de la CSG était à l'euro près, donc à nous de travailler ; et permettez-moi de rajouter qu'il y a la question du point d'indice qui est gelé et pas pour la première fois, le point d'indice a été gelé de 2010 à 2016.
GUILLAUME DURAND
Oui, absolument, et c'est pour ça qu'ils hurlent.
OLIVIER DUSSOPT
Mais il y a aussi d'autres éléments...
GUILLAUME DURAND
Peut-être que c'est pour ça qu'ils hurlent ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a aussi d'autres éléments, il faut aller plus loin dans le débat, nous allons ouvrir au deuxième semestre une négociation sur la protection sociale complémentaire qui est extrêmement hétérogène dans la fonction publique, nous avons lancé il y a 15 jours le renouvellement de l'accord sur l'égalité femme-homme dans la fonction publique c'est aussi un élément important qui touche un salaire, qui touche parfois des situations de fragilité, donc des moments où les discriminations ne peuvent qu'apparaître, nous avons ouvert un cycle de discussion et nous allons le formaliser début avril sur les dispositifs qu'on appelle de titularisation, on appelle ça les dispositifs Sauvadet, qui ont permis depuis 2012 à des contractuels d'être titularisés ou d'avoir un CDI dans la fonction publique. Donc, tout ça nous travaillons, tout ça nous avançons.
GUILLAUME DURAND
Mais Olivier DUSSOPT je vous écoute avec beaucoup d'intérêt, tous ces points sont très importants, mais vous savez très bien d'ailleurs ce matin Jean-Luc MELENCHON est chez nos confrères de BFM TV, Olivier FAURE a annoncé qu'il allait participer aux manifestations il y a derrière tout ça une bataille politique et des syndicats qui disent : « au fond, ils veulent mettre à bas la fonction publique française », ce n'est pas simplement une question de détail, c'est un question formelle fondamentale ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est quoi alors ?
GUILLAUME DURAND
Vous le savez ?
OLIVIER DUSSOPT
Je le sais ! Mais qu'est-ce qui est l'enjeu ? L'enjeu, il est très simple : il s'agit de moderniser, il s'agit de rénover, il s'agit de faire en sorte que la fonction publique aujourd'hui soit plus forte pour pouvoir servir l'Etat et nous travaillons à ce que doit être l'Etat, ce que doit être l'action publique en 2022 avec un énorme programme de concertation, de débat et des mesures qui seront annoncées par le président de la République.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais visiblement ils n'en veulent pas, mais vous avez bien compris ce que je viens de vous dire, je ne suis pas en train de les défendre, je vous dis ce que je le lis dans les journaux, ils n'en veulent pas.
OLIVIER DUSSOPT
Il y a une force de l'habitude et il y a et il y a des inquiétudes ! Et je comprends les inquiétudes, parce que les inquiétudes elles naissent aussi du fait que depuis 20 ans, à chaque fois qu'on a réformé la fonction publique, c'est avec un prisme budgétaire et avec une volonté uniquement de couper dans les effectifs, ça n'est pas notre cas aujourd'hui. Il y a une autre inquiétude - et elle est importante il faut y répondre - beaucoup de fonctionnaires craignent que le statut soit remis en cause, le 1er février dans la bouche du Premier ministre, le 2 février par la voix du président de la République, ils l'ont dit le statut est maintenu, les lois de 83, de 84 et de 86, parce que sont ces lois qui définissent le statut, ne seront abrogés, ne sont pas mis en cause...
GUILLAUME DURAND
Donc, vous êtes en train de nous dire que c'est de la politique en fait tout ça, que Sud, que Force ouvrière, que la CGT notamment...
OLIVIER DUSSOPT
Ceux qui font de la politique c'est ceux qui vont rejoindre les cortèges...
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire qui, MELENCHON et FAURE ?
OLIVIER DUSSPORT
Pour faire croire qu'ils sont vierges de toute responsabilité à tout ça.
GUILLAUME DURAND
Vous pensez à qui ?
OLIVIER DUSSOPT
A tous ceux qui vont rejoindre les cortèges.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ils ont des noms ?
OLIVIER DUSSOPT
Ils ont des noms ! Ils ont des noms et...
GUILLAUME DURAND
C'est Jean-Luc MELENCHON, c'est Olivier FAURE ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est typiquement Jean-Luc MELENCHON qui fait des plateaux télé ce matin alors que les syndicats ont dans ce pays une tradition d'indépendance et ils ne manqueront pas de lui rappeler d'ailleurs. Moi ce qui m'intéresse ce n'est pas...
GUILLAUME DURAND
Et Olivier FAURE aussi qui a décidé qu'il allait annoncer depuis qu'il est dirigeant du Parti socialiste qu'il allait participer aux manifestations, le PS vous le connaissez bien vous en venez ?
OLIVIER DUSSOPT
Je le connais bien. Ce qui m'intéresse ce n'est pas de commenter les actions ou les déclarations de tel ou tel, ce qui m'intéresse c'est d'être dans le débat, d'être dans le dialogue, de discuter avec les fonctionnaires avec des organisations syndicales, avec toutes celles et ceux qui veulent que les choses avancent, que les choses changent tout en en garantissant et c'est-ce normal un certain nombre de droits.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec Olivier DUSSOPT chargé de la fonction publique au gouvernement, vous savez que derrière ceux qui sont les plus radicalisés il y a une envie de vous étrangler je ne parle évidemment pas de vous mais de vous refaire le coup de 95, on le saura à l'issue de la journée, ils ont trouvé une méthode nouvelle dans cette affaire-là qui est l'histoire de la grève perlée, c'est-à-dire qu'on commence par faire un gros coup de massue aujourd'hui, on se sépare un petit peu parce qu'il n'y a pas les mêmes syndicats dans la fonction publique et dans la bataille de la SNCF où ils sont tous et, après, on organise pendant tout au long du printemps qui démarre toute une série de grèves perlées en espérant que l'opinion va rejoindre au fond ceux qui sont les grévistes.
OLIVIER DUSSOPT
C'est la méthode qui a été retenue et ce que vous dites là vient souligner qu'aujourd'hui il va falloir qu'on fasse la séparation et qu'on identifie bien ce qui relève à la fois des discussions dans le secteur ferroviaire - la SNCF - et ce qui relève véritablement de la fonction publique, aujourd'hui moi je travaille avec les organisations syndicales et je discute...
GUILLAUME DURAND
Ah ! Ils sont dans la rue.
OLIVIER DUSSOPT
Ils sont dans la rue, oui bien sûr, le droit de grève est un droit constitutionnel et le droit de manifester aussi, mais il y a encore deux jours nous étions ensemble pour parler méthode et débat, la semaine prochaine nous serons à nouveau ensemble pour avancer je l'espère sur les chantiers et les objectifs que le gouvernement a fixé. Ce que je regrette c'est que nous sommes au début d'une concertation, d'une concertation qui va durer un an, vous l'avez dit c'est la première fois qu'un gouvernement prend autant de temps pour discuter avec les organisations syndicales mais aussi avec ce qu'on appelle le collège des employeurs - c'est-à-dire les élus, les présidents de département, de région , les maires, les directeurs d'hôpitaux - pour voir comment on fait pour avancer, comment on fait pour que la fonction publique soit plus forte, prenons le temps de ce débat.
GUILLAUME DURAND
Mais vous avez entendu par exemple des dirigeants de Sud, je prends au hasard un syndicat qui est l'un des plus radicalisés, et qui disent : « à la SNCF ils sont en train de chercher les jaunes pour à conduire les trains », il y a quand même une tonalité qui est une tonalité qui est assez violente. On a des exemples dans la tête, on se souvient : réforme des retraites de SARKOZY manifestation et évidemment pendant la loi El Khomri manifestation et puis alors surtout le spectre qui vous êtes opposé c'est celui de 95, est-ce que vous êtes en train d'intégrer ça, est-ce qu'il est possible qu'à un moment sur un dossier vous lâchiez du lest pour déminer la grève si elle prend une importance considérable ?
OLIVIER DUSSOPT
Elisabeth BORNE, ministre des Transports, mène la concertation à la SNCF et elle écoute, elle entend, il y a un certain nombre de choses qui ont d'ores et déjà été pris en compte et la concertation est loin d'être fini. Pour ma part j'ouvre la concertation dans la fonction publique et je travaille avec les organisations syndicales, les tonalités sont parfois différentes, certains sont dans une opposition assez radicale, assez brutale, d'autres sont aussi dans une attitude de proposition et tous n'appellent pas à la grève aujourd'hui d'ailleurs, j'ai quatre chantiers, quatre objectifs, quatre objectifs que le gouvernement poursuit et que nous atteindrons, vers lesquels nous voulons aller - j'ai aussi dit que nous étions ouverts à toutes les propositions. Tout à l'heure j'ai évoqué la protection sociale complémentaire, il y a aussi des syndicats qui proposent que l'on travaille sur le recrutement, sur le développement de l'apprentissage, sur la gestion des âges...
GUILLAUME DURAND
Oui, mais je comprends...
OLIVIER DUSSOPT
La gestion des carrières...
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi ! Mais on a l'impression d'un dialogue de sourds, non pas que nous soyons sourds à nos propos l'un et l'autre, mais vous êtes face à une épreuve de force, en fait ce qu'ils veulent c'est que MACRION cède sur la fonction publique, ils veulent que la Fonction publique en France reste comme elle était avant, arrêtons de tourner autour du pot, c'est ça qui vous est opposé ?
OLIVIER DUSSOPT
Je crois que ce qui caractérise le président de la République c'est la détermination et le fait de tenir ses engagements.
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire qu'à un moment ce qui est prévu, ce qui a été dit pendant la campagne ce sera amendé...
OLIVIER DUSSOPT
Les réformes qui sont en oeuvre ont été annoncées.
GUILLAUME DURAND
Comment ?
OLIVIER DUSSOPT
Les réformes qu'il met en oeuvre ont été annoncées, il a été élu sur ce programme, sur ce projet et c'est le projet qu'il poursuit et qu'il met en oeuvre, on le fait dans la concertation, dans l'écoute et surtout en prenant toutes les propositions qui sont faites en les étudiant, en les examinant et en faisant en sorte d'enrichir le projet.
GUILLAUME DURAND
Et donc vous allez quoi, vous allez mesurer à l'aune de la participation, aux différentes manifestations, le chemin qui nous reste à parcourir pour discuter ?
OLIVIER DUSSOPT
On va surtout écouter et entendre les messages qui sont portés aujourd'hui par celles et ceux qui ont des inquiétudes et c'est a ces inquiétudes que l'on va répondre.
GUILLAUME DURAND
Olivier DUSSOPT, dernière question, c'est un tout autre sujet, Nicolas SARKOZY dit que finalement d'une certaine manière l'affaire du financement libyen lui a coûté la présidentielle de 2012 - à l'époque vous appartenez au Parti socialiste, c'était une vraie bataille donc entre François HOLLANDE et Nicolas SARKOZY - est-ce que vous avez l'impression que via monsieur TIAKEDDINE et les déclarations de Médiapart cette Présidentielle a été truquée ?
OLIVIER DUSSOPT
La vraie question, mais c'est à la justice de répondre sur cette affaire-là, c'est de savoir si la Présidentielle de 2007 s'est déroulée dans de bonnes conditions puisque...
GUILLAUME DURAND
C'est ce que Ségolène ROYAL dit.
OLIVIER DUSSOPT
Monsieur SARKOZY a été mis en examen pour des faits qui lui seraient reprochés je parle au conditionnel parce qu'il faut être prudent - pour la campagne de 2007.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ce matin il nie tout.
OLIVIER DUSSOPT
Pour ce qui me concerne, comme tous les membres du gouvernement et je crois comme tous les responsables politiques, quand on dit qu'on est attaché à l'indépendance de la justice, on ne la commente pas.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup, il est 8h29, nous étions avec Olivier DUSSOPT chargé de la fonction publique, c'est une journée importante, on va la suivre évidemment sur l'antenne de Radio classique et à 19h vous avez rendez-vous avec Patrick POIVRE D'ARVOR, bonne journée à vous.
OLIVIER DUSSOPT
Merci.
GUILLAUME DURAND
Je sais que ça va être une journée compliquée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2018