Déclaration de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur la stratégie nationale de santé dans le cadre de la Conférence nationale de santé (CNS), Paris le 8 février 2018.

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Madame la présidente de la Conférence nationale de santé (CNS), chère Bernadette Devictor,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse de parler avec vous de la stratégie nationale de santé (SNS), depuis la parution du décret du 29 décembre qui l'a officialisée.
- Cette parole prend tout son sens, à l'issue de votre assemblée plénière, au regard du rôle décisif qui est le vôtre.
En effet, votre composition reflète la diversité, la transversalité des sensibilités exprimées lors de l'élaboration de la stratégie.
L'indépendance de vos membres ; votre ouverture aux autres instances ; vos démarches participatives attestent de votre souci de répondre aux aspirations de notre société.
Vos travaux :
- d'évaluation des conditions dans lesquelles sont appliqués et respectés les droits des personnes malades, vos travaux
- d'évaluation de l'égalité d'accès aux services de santé et de la qualité de la prise en charge des patients…
- …dénotent votre souci constant, souci que je partage, de veiller à ce que la santé ne transige pas avec l'exigence de solidarité.
1. Dès la formation du Gouvernement, j'ai proposé au Premier ministre un calendrier ambitieux.
J'ai souhaité que la stratégie soit rapidement adoptée, afin de donner très vite aux acteurs le cap de ces prochaines années.
Nous avons lancé le processus en septembre, en ouvrant une large concertation avec les autres ministères et les acteurs de la santé.
Une phase de consultation publique dématérialisée s'est tenue en novembre.
- Vous le savez, elle a donné lieu à 5000 contributions, qui attestent d'un large consensus sur le projet du Gouvernement.
- Le résultat de cette consultation vient d'être mis en ligne.
Tout naturellement, vous avez été saisis pour avis du projet de la stratégie.
2. J'ai tenu le plus grand compte de votre avis, que vous avez rendu le 23 novembre.
- Nous avons retenu la notion d' « usagers » ;
- et une place plus grande a été faite aux parcours, pour pallier les cloisonnements dont notre système souffre.
- Nous avons aussi repris vos suggestions d'ajouter aux principes d'action, qui ont guidé la définition de nos priorités, les valeurs de l'éthique et de la solidarité – ô combien importantes.
Je veux revenir sur deux idées qui ressortent de votre avis :
(i) Nous avons retenu votre souhait d'une amélioration de la gouvernance, bien que cette dimension ne figure pas dans la stratégie proprement dite.
Vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de s'appuyer sur le comité interministériel pour la santé présidé par le Premier ministre.
Lors du comité interministériel du 26 mars prochain, l'ensemble des ministères seront mobilisés pour déterminer :
- ce que la stratégie changera concrètement dans le pilotage du système, et dans la vie de nos concitoyens, au quotidien.
Bien sûr, mon ministère devra être exemplaire : je veillerai à ce qu'il prenne toute sa part de responsabilités.
A cette fin, je présiderai deux fois par an un comité réunissant :
- les directions d'administrations centrales,
- la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM),
- la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA),
- ainsi que les opérateurs,…
- …pour veiller à ce que les objectifs opérationnels soient atteints.
(ii) Votre avis met également l'accent sur l'évaluation de la stratégie.
L'arrêté relatif au suivi et à l'évaluation annuelle et pluriannuelle de la stratégie a été signé, il y a quelques jours : il est paru aujourd'hui au Journal officiel (JO).
Cette évaluation sera financée à hauteur de 1,5 million d'euros. Mes services vous adresseront une première série d'indicateurs, et je tiens à ce que vous vous nous fassiez part de votre analyse, ainsi que de vos observations.
3. Je le disais, la stratégie fixe le cap pour tous les acteurs de santé.
Ce cap n'est pas un simple aménagement des orientations passées, mais une transformation profonde du système de santé. Vous en connaissez les mots d'ordre.
(i) C'est d'abord la priorité donnée à la promotion de la santé et à la prévention, dans tous les milieux et à tous les âges de la vie, pour sortir du « tout curatif » :
- qui se traduit certes par l'excellence de notre système de soins, qu'il faut préserver,
- mais aussi par une mauvaise espérance de vie en bonne santé.
(ii) C'est ensuite la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé.
(iii) La troisième orientation est la promotion de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins.
(iv) La quatrième orientation est l'innovation, à la fois technologique et organisationnelle, et l'accent mis résolument sur la démocratie sanitaire.
4. J'aimerais insister sur la pertinence des soins, ainsi que sur la démocratie sanitaire : sur ce que ces concepts ont d'essentiel.
Ce concept de pertinence n'intéresse pas seulement votre assemblée, mais préoccupe de longue date les Français.
C'est d'ailleurs tout le paradoxe :
- voilà plus de 20 ans que nos concitoyens s'interrogent sur l'opportunité de certaines pratiques médicales ;
- et pourtant, les politiques publiques ne se sont approprié ce thème que très récemment.
4.1. L'enjeu premier en la matière, c'est bien sûr celui de la qualité et de la sécurité des soins.
Les recommandations de bonnes pratiques sont nécessaires pour déterminer le bon soin, au bon moment, à la bonne personne, au bon endroit.
Elles doivent être scientifiquement fondées : telle est l'exigence que nous devons avoir, et ce pour tous les malades, quelle que soit leur condition, quel que soit leur territoire.
Aussi nous faudra-t-il, non seulement rendre notre système plus efficient, mais prendre mieux en compte les parcours de soins.
Pour ce faire, il convient de donner à la « médecine fondée sur la preuve » toute la place qui lui revient, pour limiter le rôle de l'intuition et de l'empirisme.
Outre l'étude des faits, des données probantes, l'expérience du praticien est également déterminante.
- Ce professionnel de santé est, tout naturellement, en première ligne pour améliorer les pratiques professionnelles.
Enfin, cette médecine doit prendre en compte le désir du patient, dont l'implication ne saurait se résumer à une démocratie purement institutionnelle.
- Je souhaite que la démocratie sanitaire intègre le patient plus en profondeur, plus au quotidien.
4.2. Quant à l'enjeu de sécurité, vous le savez, il me tient à coeur depuis longtemps.
En tant que médecin, bien sûr, j'ai fait mienne depuis longtemps la devise d'Hippocrate : « d'abord ne pas nuire, ensuite soigner ».
4.3. L'enjeu d'efficience est tout aussi difficile, puisque nous devons le relever dans un cadre financier contraint.
Eviter les actes inutiles, c'est aussi éviter les dépenses inutiles pour une meilleure allocation des ressources.
- On estime à 30% les dépenses de santé inutiles : c'est dire la marge de progression dont nous disposons.
4.4. L'implication des patients, je le disais, ne saurait se résumer à une démocratie purement institutionnelle.
C'est pourquoi je souhaite que la démocratie sanitaire aille au-delà de la nécessaire représentation des patients dans les instances sanitaires.
Les patients, et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne la qualité, la sécurité et la pertinence, sont :
- des partenaires indispensables de chaque instant,
- des co-auteurs de leur prise en charge,
- et des experts de leur propre santé.
5. La mise en oeuvre de la stratégie passe par des plans et des programmes opérationnels à portée nationale, et par les projets régionaux de santé (PRS).
J'ai souhaité qu'un plan national de santé publique (PNSP) fédère les multiples plans de santé publique, accumulés au cours des années, et dont la cohérence n'est pas assurée.
Précisément, le plan national de santé publique (PNSP) devra aligner ces plans nationaux sur les objectifs portés par la stratégie.
Il traduit l'approche du Gouvernement, résolument novatrice, approche :
- qui met la santé au coeur de toutes les politiques,
- et qui s'attache à répondre aux enjeux différents de chaque tranche d'âge.
Quant aux projets régionaux de santé (PRS), ils sont en cours de concertation, pour une durée de trois mois.
Mesdames, Messieurs,
La stratégie nationale de santé a fixé des orientations stratégiques et des principes d'action.
Il s'agit maintenant de la rendre crédible : la construction du plan national de santé publique, le déploiement des projets régionaux de santé, vont constituer, en ce sens, des jalons majeurs.
La dynamique d'association, de concertation, de dialogue engagée avec votre conférence, pendant la phase de construction de la stratégie, se poursuivra.
Je sais pouvoir compter sur votre engagement pour y apporter de nouvelles idées, à la fois critiques et constructives, pour faire vivre notre démocratie sanitaire.
Madame la présidente, Mesdames, Messieurs,
Nous avons en commun une volonté, celle de donner corps à une « médecine de la personne », cette médecine :
- qui assure le suivi biomédical,
- mais aussi et surtout, qui permet une prise en compte psychologique et social,
- ainsi qu'un accompagnement centré sur les besoins du patient, et de son entourage.
Cette médecine de la personne implique :
- la pratique de la décision partagée entre soignant et soigné,
- et une coordination de tous les intervenants dans le parcours de santé.
Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions, nombreuses je l'imagine.
Je vous remercie.
Source http://solidarites-sante.gouv.fr, le 20 mars 2018