Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers élèves,
C'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve ici, avec vous, pour commémorer le
bicentenaire de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris.
Vous organisez, chaque année, une fête qui témoigne de l'attachement que vous portez à
celui qui a voulu cette école, la première école publique pour les jeunes sourds.
Je veux parler de l'abbé Charles Michel de l'Epée, décrété bienfaiteur de l'humanité
par l'Assemblée nationale en 1791. Je garde le meilleur souvenir de la cérémonie
d'anniversaire de sa naissance que nous avions célébrée, le 24 novembre 1978.
Cette année, la fête revêt un caractère éclatant puisqu'elle s'accompagne de deux
manifestations : le festival "Images, signes et ponctuation" qui se déroulera, à la
fin du mois, à la vidéothèque de Paris. A cet égard, je tiens à féliciter Monsieur
Jouannet, éducateur spécialisé qui est à l'origine de ce projet et Monsieur Séguillon,
professeur d'éducation physique et sportive, inspirateur de l'autre manifestation :
l'exposition "A corps et à cris" que je viens d'inaugurer.
Celle-ci a été soutenue par toute l'institution que je salue à travers M. BENZAID,
Président du conseil d'administration et M. DABROWSKI, le directeur.
Je souhaite que cette exposition connaisse un grand succès car elle traduit, avec
clarté, simplicité et beauté, les évolutions successives de la surdité, handicap
encore mal connu du grand public. Pourtant, deux à trois millions de Français sont
atteints de déficiences auditives dont 100.000 environ sont des sourds profonds.
M. DABROWSKI vient de retracer l'histoire de l'institut. Je voudrais évoquer, pour ma
part, trois thèmes qui me paraissent importants pour l'avenir des personnes sourdes et
plus particulièrement des jeunes :
- d'abord, les modes de communication et leur enseignement,
- ensuite, l'intégration des sourds dans la société,
- enfin, le rôle de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris.
La surdité ne se voit pas mais, dès la première rencontre entre des êtres, s'élève une
barrière dans la communication puisque la parole est le moyen de l'échange affectif et
conceptuel préférentiel de l'homme.
L'absence, voire la simple détérioration de la relation verbale provoquent
l'incompréhension, l'isolement, développent chez les sourds le sentiment d'exclusion
et chez les entendants, la gêne.
En France, la langue des signes a été mal comprise et longtemps interdite. Cette
option a peut être été un obstacle au rapprochement des sourds et des entendants.
C'est pourquoi dès 1977, mon administration recommandait aux directeurs des
établissements de jeunes sourds de réintroduire l'apprentissage et l'utilisation de la
langue des signes.
Celle-ci était réhabilitée par la loi du 18 janvier 1991 qui affirme le principe de la
liberté de choix dans l'éducation des jeunes sourds entre une communication bilingue -
langue des signes et français - et une communication orale.
Cette disposition législative est bienvenue car elle reconnaît la langue des signes
comme un mode de communication à part entière, tout en conservant l'objectif
d'intégration par la langue française orale et écrite.
Ces deux langues sont les deux volets de la communication réellement bilingue, en
particulier pour les sourds sévères ou profonds en leur permettant de développer leurs
potentialités.
Mais cette liberté de choix dans l'éducation des jeunes sourds nécessite une formation
des enseignants à la langue des signes.
Le diplôme d'Etat qui sanctionne la formation des enseignants intègre deux unités de
valeur concernant l'apprentissage de cette langue. A cet égard, il est encourageant de
noter l'ouverture, à Paris III, d'un cycle de maîtrise des sciences et techniques en
langue des signes et, au sein de l'université de Savoie, d'un centre national de
formation des enseignants intervenant auprès des sourds.
Le deuxième thème que je voudrais évoquer devant vous est celui de l'intégration des
sourds dans la société.
La loi d'orientation du 30 juin 1975 a ouvert des perspectives dans l'éducation et
l'enseignement des sourds.
. Elles se sont traduites, plus tard, par la publication de textes visant à rénover
les conditions de la prise en charge des enfants dans les établissements spécialisés.
. Ceux-ci doivent attacher une importance majeure au rôle de la famille. En effet, si
le recours aux professionnels des services d'accompagnement parental et d'éducation
précoce est nécessaire, il ne peut se substituer à elle.
C'est, en effet, la famille qui recueille "le désir de communication" de l'enfant, à
l'origine de son développement scolaire et de son adaptation sociale.
. La préoccupation des établissements doit aussi être celle de l'intégration scolaire
non seulement en retenant les programmes de l'éducation nationale - même si une
souplesse dans l'application s'avère nécessaire - mais aussi en favorisant
l'intégration des jeunes en milieu scolaire ordinaire.
. Celle-ci doit, désormais, prendre en compte le décret du 8 octobre 1992 qui fixe les
conditions d'application d'exercice du choix de communication pour les jeunes et leur
famille.
Je crains que ce choix nécessite du temps pour qu'il devienne, dans toutes les
régions, une réalité. Quoi qu'il en soit, mes services insèrent cette dimension
spécifique dans l'évaluation menée sur les conditions de fonctionnement des
établissements spécialisés.
Je voudrais aborder maintenant le rôle de l'Institut National des Jeunes Sourds de
Paris.
Le conseil d'administration a adopté en octobre 1992 et mon ministère l'a approuvé, le
projet d'établissement.
Deux objectifs ont retenu mon attention :
. l'utilisation de divers modes de communication. C'est avec satisfaction que j'ai
noté la création d'une filière bilingue jusqu'au brevet des collèges.
. le développement de l'action en intégration. D'ores et déjà, un tiers des jeunes
sont scolarisés en milieu ordinaire, de la classe maternelle aux classes terminales de
lycée. Je ne peux que vous inciter à poursuivre dans cette voie.
A cet égard, je vous avais indiqué, en 1978, qu'il n'était pas dans mes intentions de
me désintéresser des instituts, ni de renoncer à leur vocation d'établissement
d'enseignement. J'ajoutais que les locaux de l'institut étaient vétustes et qu'il
fallait les aménager afin que ceux qui y vivent ou y travaillent le fassent dans des
conditions plus satisfaisantes.
Une première partie de cette rénovation est achevée comme en témoigne le bâtiment
moderne qui abrite les ateliers professionnels et le superbe gymnase où nous sommes
réunis.
Une nouvelle étape sera abordée cette année : les crédits sont, en effet, dégagés pour
la réalisation de travaux de sécurité et pour la reprise des études préparatoires
concernant la réhabilitation du bâtiment historique.
Ces investissements, comme ceux à venir, ne sont pas vains si j'en juge par les
résultats scolaires excellents obtenus au cours de ces deux dernières années.
Sans compter les réussites aux brevets d'enseignement professionnel et certificats
d'aptitude professionnelle, je sais aussi que dix candidats présentés aux
baccalauréats technique et professionnel ont été reçus.
Ces résultats ouvrent des perspectives d'avenir professionnel de haut niveau. Ils
m'incitent à rappeler, devant vous que, l'année universitaire passée, 116 étudiants
sourds étaient inscrits dans divers établissements d'enseignements supérieurs.
Je constate également avec satisfaction que, le nombre de personnes sourdes s'est
sensiblement accru au sein même du personnel de cet établissement dans des fonctions,
au demeurant, fort différentes.
Je voudrais enfin citer l'une des particularités de l'établissement Saint Jacques que
constitue le centre de promotion sociale des adultes sourds avec comme responsable une
personne sourde au surplus présidente de la fédération nationale des sourds de France,
que je tiens à saluer, en même temps que les représentants des autres associations
présentes aujourd'hui.
Le centre mène une action d'information sociale auprès des adultes sourds
particulièrement utile ainsi que des actions de formation continue. Il favorise, au
surplus, l'intervention des interprètes de haut niveau dans les domaines les plus
divers.
Permettez-moi de leur rendre un hommage particulier à travers ceux qui, présents
aujourd'hui, traduisent les allocutions et facilitent notre communication.
Vous vous donnez ainsi, enseignants, éducateurs, tous personnels confondus, les moyens
d'assumer l'ambition que j'ai pour vous d'être un institut exemplaire pour que les
enfants sourds, qui doivent fournir quotidiennement beaucoup plus d'efforts que les
enfants entendants, accèdent à l'autonomie personnelle et professionnelle.
Ils occuperont, grâce à vous, et je vous en rends hommage, la place qui leur revient
dans la collectivité, dès lors que les adultes sourds et entendants s'acceptent
mutuellement dans leur différence.
Mon dernier mot sera pour les élèves afin qu'ils sachent qu'ils peuvent compter sur ma
vigilance pour que leurs efforts ne soient pas vains et que la place qui doit être la leur au sein de notre société leur soit pleinement reconnue.
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers élèves,
C'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve ici, avec vous, pour commémorer le
bicentenaire de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris.
Vous organisez, chaque année, une fête qui témoigne de l'attachement que vous portez à
celui qui a voulu cette école, la première école publique pour les jeunes sourds.
Je veux parler de l'abbé Charles Michel de l'Epée, décrété bienfaiteur de l'humanité
par l'Assemblée nationale en 1791. Je garde le meilleur souvenir de la cérémonie
d'anniversaire de sa naissance que nous avions célébrée, le 24 novembre 1978.
Cette année, la fête revêt un caractère éclatant puisqu'elle s'accompagne de deux
manifestations : le festival "Images, signes et ponctuation" qui se déroulera, à la
fin du mois, à la vidéothèque de Paris. A cet égard, je tiens à féliciter Monsieur
Jouannet, éducateur spécialisé qui est à l'origine de ce projet et Monsieur Séguillon,
professeur d'éducation physique et sportive, inspirateur de l'autre manifestation :
l'exposition "A corps et à cris" que je viens d'inaugurer.
Celle-ci a été soutenue par toute l'institution que je salue à travers M. BENZAID,
Président du conseil d'administration et M. DABROWSKI, le directeur.
Je souhaite que cette exposition connaisse un grand succès car elle traduit, avec
clarté, simplicité et beauté, les évolutions successives de la surdité, handicap
encore mal connu du grand public. Pourtant, deux à trois millions de Français sont
atteints de déficiences auditives dont 100.000 environ sont des sourds profonds.
M. DABROWSKI vient de retracer l'histoire de l'institut. Je voudrais évoquer, pour ma
part, trois thèmes qui me paraissent importants pour l'avenir des personnes sourdes et
plus particulièrement des jeunes :
- d'abord, les modes de communication et leur enseignement,
- ensuite, l'intégration des sourds dans la société,
- enfin, le rôle de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris.
La surdité ne se voit pas mais, dès la première rencontre entre des êtres, s'élève une
barrière dans la communication puisque la parole est le moyen de l'échange affectif et
conceptuel préférentiel de l'homme.
L'absence, voire la simple détérioration de la relation verbale provoquent
l'incompréhension, l'isolement, développent chez les sourds le sentiment d'exclusion
et chez les entendants, la gêne.
En France, la langue des signes a été mal comprise et longtemps interdite. Cette
option a peut être été un obstacle au rapprochement des sourds et des entendants.
C'est pourquoi dès 1977, mon administration recommandait aux directeurs des
établissements de jeunes sourds de réintroduire l'apprentissage et l'utilisation de la
langue des signes.
Celle-ci était réhabilitée par la loi du 18 janvier 1991 qui affirme le principe de la
liberté de choix dans l'éducation des jeunes sourds entre une communication bilingue -
langue des signes et français - et une communication orale.
Cette disposition législative est bienvenue car elle reconnaît la langue des signes
comme un mode de communication à part entière, tout en conservant l'objectif
d'intégration par la langue française orale et écrite.
Ces deux langues sont les deux volets de la communication réellement bilingue, en
particulier pour les sourds sévères ou profonds en leur permettant de développer leurs
potentialités.
Mais cette liberté de choix dans l'éducation des jeunes sourds nécessite une formation
des enseignants à la langue des signes.
Le diplôme d'Etat qui sanctionne la formation des enseignants intègre deux unités de
valeur concernant l'apprentissage de cette langue. A cet égard, il est encourageant de
noter l'ouverture, à Paris III, d'un cycle de maîtrise des sciences et techniques en
langue des signes et, au sein de l'université de Savoie, d'un centre national de
formation des enseignants intervenant auprès des sourds.
Le deuxième thème que je voudrais évoquer devant vous est celui de l'intégration des
sourds dans la société.
La loi d'orientation du 30 juin 1975 a ouvert des perspectives dans l'éducation et
l'enseignement des sourds.
. Elles se sont traduites, plus tard, par la publication de textes visant à rénover
les conditions de la prise en charge des enfants dans les établissements spécialisés.
. Ceux-ci doivent attacher une importance majeure au rôle de la famille. En effet, si
le recours aux professionnels des services d'accompagnement parental et d'éducation
précoce est nécessaire, il ne peut se substituer à elle.
C'est, en effet, la famille qui recueille "le désir de communication" de l'enfant, à
l'origine de son développement scolaire et de son adaptation sociale.
. La préoccupation des établissements doit aussi être celle de l'intégration scolaire
non seulement en retenant les programmes de l'éducation nationale - même si une
souplesse dans l'application s'avère nécessaire - mais aussi en favorisant
l'intégration des jeunes en milieu scolaire ordinaire.
. Celle-ci doit, désormais, prendre en compte le décret du 8 octobre 1992 qui fixe les
conditions d'application d'exercice du choix de communication pour les jeunes et leur
famille.
Je crains que ce choix nécessite du temps pour qu'il devienne, dans toutes les
régions, une réalité. Quoi qu'il en soit, mes services insèrent cette dimension
spécifique dans l'évaluation menée sur les conditions de fonctionnement des
établissements spécialisés.
Je voudrais aborder maintenant le rôle de l'Institut National des Jeunes Sourds de
Paris.
Le conseil d'administration a adopté en octobre 1992 et mon ministère l'a approuvé, le
projet d'établissement.
Deux objectifs ont retenu mon attention :
. l'utilisation de divers modes de communication. C'est avec satisfaction que j'ai
noté la création d'une filière bilingue jusqu'au brevet des collèges.
. le développement de l'action en intégration. D'ores et déjà, un tiers des jeunes
sont scolarisés en milieu ordinaire, de la classe maternelle aux classes terminales de
lycée. Je ne peux que vous inciter à poursuivre dans cette voie.
A cet égard, je vous avais indiqué, en 1978, qu'il n'était pas dans mes intentions de
me désintéresser des instituts, ni de renoncer à leur vocation d'établissement
d'enseignement. J'ajoutais que les locaux de l'institut étaient vétustes et qu'il
fallait les aménager afin que ceux qui y vivent ou y travaillent le fassent dans des
conditions plus satisfaisantes.
Une première partie de cette rénovation est achevée comme en témoigne le bâtiment
moderne qui abrite les ateliers professionnels et le superbe gymnase où nous sommes
réunis.
Une nouvelle étape sera abordée cette année : les crédits sont, en effet, dégagés pour
la réalisation de travaux de sécurité et pour la reprise des études préparatoires
concernant la réhabilitation du bâtiment historique.
Ces investissements, comme ceux à venir, ne sont pas vains si j'en juge par les
résultats scolaires excellents obtenus au cours de ces deux dernières années.
Sans compter les réussites aux brevets d'enseignement professionnel et certificats
d'aptitude professionnelle, je sais aussi que dix candidats présentés aux
baccalauréats technique et professionnel ont été reçus.
Ces résultats ouvrent des perspectives d'avenir professionnel de haut niveau. Ils
m'incitent à rappeler, devant vous que, l'année universitaire passée, 116 étudiants
sourds étaient inscrits dans divers établissements d'enseignements supérieurs.
Je constate également avec satisfaction que, le nombre de personnes sourdes s'est
sensiblement accru au sein même du personnel de cet établissement dans des fonctions,
au demeurant, fort différentes.
Je voudrais enfin citer l'une des particularités de l'établissement Saint Jacques que
constitue le centre de promotion sociale des adultes sourds avec comme responsable une
personne sourde au surplus présidente de la fédération nationale des sourds de France,
que je tiens à saluer, en même temps que les représentants des autres associations
présentes aujourd'hui.
Le centre mène une action d'information sociale auprès des adultes sourds
particulièrement utile ainsi que des actions de formation continue. Il favorise, au
surplus, l'intervention des interprètes de haut niveau dans les domaines les plus
divers.
Permettez-moi de leur rendre un hommage particulier à travers ceux qui, présents
aujourd'hui, traduisent les allocutions et facilitent notre communication.
Vous vous donnez ainsi, enseignants, éducateurs, tous personnels confondus, les moyens
d'assumer l'ambition que j'ai pour vous d'être un institut exemplaire pour que les
enfants sourds, qui doivent fournir quotidiennement beaucoup plus d'efforts que les
enfants entendants, accèdent à l'autonomie personnelle et professionnelle.
Ils occuperont, grâce à vous, et je vous en rends hommage, la place qui leur revient
dans la collectivité, dès lors que les adultes sourds et entendants s'acceptent
mutuellement dans leur différence.
Mon dernier mot sera pour les élèves afin qu'ils sachent qu'ils peuvent compter sur ma
vigilance pour que leurs efforts ne soient pas vains et que la place qui doit être la leur au sein de notre société leur soit pleinement reconnue.