Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur de m'exprimer ce soir, à l'occasion de cette session
de clôture, qui constitue un moment privilégié pour la réflexion et les synthèses.
Cette dixième conférence s'inscrit d'ores et déjà parmi celles qui feront date, et je
dois en féliciter les organisateurs, le Professeur SCHIOKAWA, Président du Comité
d'Organisation et le Professeur KITAMURA, Président du Comité de Programme.
Une fois encore, auront pu se réunir et confronter leurs points de vue tous ceux qui
luttent quotidiennement contre le VIH-SIDA : les chercheurs scientifiques, les
praticiens-soignants, et tous ceux qui les assistent sur le terrain. Ils sont épaulés
dans leur tâche par les organisations internationales, au premier rang desquelles
l'OMS, mais aussi, c'est une particularité de cette terrible maladie, les associations
de personnes atteintes telles que GNP + et ICASO, et bien d'autres encore, dont
l'expérience et le courage sont plus que jamais nécessaires.
Cette conférence fera également date car elle se tient, pour la première fois, en
Asie. Alors que l'épidémie avait jusqu'à présent frappé l'Afrique, l'Amérique latine
et les pays industrialisés d'Amérique du Nord et d'Europe, la progression de
l'infection à VIH dans les groupes de populations exposés, notamment chez les
prostituées et les toxicomanes par injection, atteint dans ce continent les taux les
plus élevés du monde. Et l'expérience d'autres régions nous enseigne que la maladie
frappe plus durement ceux qui sont déjà victimes des inégalités sociales et de la
misère, s'étendant progressivement à toutes les
catégories de la population. On constate alors que les femmes, qui paraissaient à
l'origine plus épargnées, sont aujourd'hui dans certains pays en passe d'être plus
nombreuses à être contaminées.
Dans ce contexte, la décision prise par le Gouvernement Japonais, d'accueillir à
Yokohama cette dixième conférence, témoigne d'une prise de conscience nécessaire, qui
impose à chacun de prendre toutes ses responsabilités pour maîtriser autant qu'il est
possible l'épidémie.
Un certain nombre de priorités me semblent devoir être soulignées, dans cette
perspective.
En premier lieu, la recherche, qui fonde tous nos espoirs. Médecins et chercheurs de
toutes les disciplines concernées, ici rassemblés, ont une fois de plus l'occasion de
faire le bilan de leurs connaissances, des avancées comme des déceptions. Ils
continuent à oeuvrer sans se laisser décourager par les problèmes nouveaux qui se
posent au fur et à mesure qu'ils progressent. Je tiens à les remercier pour leur total
engagement dans cette lutte pour la connaissance et contre la mort. Je suis consciente
du poids de leurs responsabilités, des obstacles auxquels ils se heurtent et des
espoirs qu'ils portent.
Il ne serait pas acceptable que les efforts se relâchent au motif que les perspectives
demeurent encore imprécises, ou la rentabilité aléatoire. Les chercheurs doivent
pouvoir bénéficier du maximum de moyens, notamment de la part des autorités publiques,
pour que l'on ne puisse dire que c'est faute d'argent que l'épidémie ne peut être
maîtrisée. C'est dire l'importance de votre conférence et de vos travaux, et combien
leur présentation doit être rigoureuse pour ne pas en déformer la teneur. Le droit à
la vérité sur l'état de la recherche me semble dans ce contexte essentiel.
Il est également primordial de veiller à ce que l'infection à VIH ne soit la cause de
discriminations et d'atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine. Les
tentations sont grandes d'invoquer la santé publique pour adapter aux circonstances le
droit ou la déontologie. Pourtant, dans mon pays, en dépit des arguments invoquant les
problèmes de conscience que le secret poserait parfois aux médecins, j'ai été
récemment conduite à m'opposer à ce que des règles particulières soient prises
permettant de lever le secret médical pour les personnes contaminées.
Il convient aussi de rappeler avec force le double rôle de la prévention qui vise à la
fois à informer sur les moyens de protection et à encourager l'évolution vers des
comportements sexuels à moindre risque.
Enfin, et ce doit être aussi une priorité, lorsque les mécanismes d'assurance sociale
font défaut, il me semble indispensable que la solidarité nationale s'exerce
pleinement à l'égard des malades, et permette de leur proposer, ainsi qu'à leurs
proches, des conditions de prise en charge respectueuses de leur dignité. C'est le
rôle des pouvoirs publics.
Cette nécessaire responsabilité des autorités politiques sur le plan national doit
trouver sa prolongation dans l'expression d'une solidarité internationale accrue.
C'est ce qui a conduit la France, en partenariat avec l'OMS, à organiser le 1er
décembre prochain un Sommet des Chefs de Gouvernement des pays les plus concernés par
l'épidémie.
Mon pays est le plus touché parmi les Etats européens. Par son histoire, il a tissé
des relations particulières avec nombre de pays africains, mais aussi avec plusieurs
nations asiatiques. Confrontés au même malheur, nous avons constaté ensemble, lors
d'une Conférence Ministérielle qui a rassemblé à Paris 40 ministres de la Santé, que
par ses conséquences démographiques, sociales, et économiques, le SIDA justifiait une
approche globale, impliquant les responsables politiques au plus haut niveau.
Ce Sommet, même si ses objectifs sont différents de ceux de votre Conférence, devra
tenir compte de vos travaux et définir les pistes à suivre dans le contexte qui se
dessine pour les années à venir : faute de vaccins ou de thérapeutiques pleinement
efficaces, certaines démarches deviennent encore plus prioritaires.
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
L'année 1994 doit permettre d'affirmer une détermination encore plus grande à lutter
tous ensemble contre le SIDA. Votre Conférence aura consacré l'universalité de cette
épidémie. Dans la continuité de vos conclusions, et des travaux scientifiques qui ont
marqué votre Conférence, la réunion des hautes autorités politiques que propose la
France devrait contribuer à mobiliser encore davantage les opinions publiques autour
de ce défi majeur pour la communauté humaine. Sans distinction de race, de religion ou
de croyance, il appelle à mon sens un effort sans précédent. Solidaire dans la
maladie, l'Humanité doit l'être encore davantage dans la recherche des remèdes et, le
jour venu, des moyens permettant à tous d'en bénéficier. Il y va à mes yeux du
principe même d'égalité proclamé voici près d'un demi-siècle dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme.
Je vous remercie de votre attention.