Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin est Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances. Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous croyez à la convergence des luttes ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne crois pas à la convergence des luttes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
BRUNO LE MAIRE
Non, très franchement non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les colères sont diverses dans notre pays aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il y a des colères qui s'expriment, on le voit. Il y a une grève à la SNCF.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous en parler.
BRUNO LE MAIRE
Il y a de l'agitation dans les universités, mais enfin je ne vois pas de points communs entre ces différentes expressions et je pense que la bonne méthode, c'est celle du gouvernement. C'est de traiter chaque sujet en apportant des solutions sur chaque problème avec beaucoup de constance, beaucoup de détermination comme nous essayons de le faire avec le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De fermeté ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, beaucoup de fermeté. Beaucoup de fermeté. Je pense que c'est ce que les Français attendent. Ils attendent de nous qu'on tienne bon sur la transformation de la SNCF : ça fait des années qu'on leur dit « On va le faire » et finalement on ne le fait pas. Ils attendent qu'on tienne bon sur Notre-Dame des Landes : nous sommes dans un Etat de droit, le droit doit être respecté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La grève à la SNCF, quel est l'impact sur l'économie française ? Vous l'avez chiffré ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il est plus de mode qu'on ne le dit. Ça peut être 0,1 point de richesse nationale quand il y a une grève vraiment importante. En 95, c'était 0,3 points très précisément de notre richesse nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et là ?
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui, je pense que c'est trop tôt pour le dire mais il n'empêche que, partout en France, il y a des secteurs qui sont impactés et qui souffrent. Je pense en particulier au tourisme. Prenez un exemple très concret : le Futuroscope de Poitiers. Il y a des trains transportant des scolaires, des étudiants qui ne peuvent plus partir, il y a des réservations qui sont annulées. Je donne cet exemple-là du Futuroscope parce que je l'ai regardé de près et que j'aime beaucoup cet endroit, mais je pourrais citer mille autres endroits où on voit que les réservations chutent. De l'autre côté, si on est tout à fait honnête, il y a d'autres secteurs qui en profitent. Prenez BLABLACAR par exemple : BLABLACAR voit évidemment son activité exploser en raison de la grève.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien la dette de la SNCF, combien réellement ? Quel est le montant de la dette ? Parce que des chiffres sont lancés ici où là.
BRUNO LE MAIRE
Nous avons eu ce débat à l'Assemblée nationale et au Sénat hier. Le montant exact de la dette, c'est quarante-six milliards d'euros dont je rappelle onze milliards ont déjà été intégrés dans la dette de l'Etat. Donc il en reste trente-cinq milliards pour être tout à fait précis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même en comptant les futurs déficits des lignes LGV ?
BRUNO LE MAIRE
Si on rajoute l'endettement futur, on va arriver à une dette de l'ordre de cinquante à cinquante-cinq milliards d'euros, très loin des soixante-dix ou quatre-vingts que j'entends parfois dans les débats. On est sur cinquante à cinquante-cinq milliards d'euros au moment où, comme l'a dit le président de la République, à partir de 2020 nous pourrions envisager de traiter le problème de cette dette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous « pourriez » ? Vous employez le conditionnel.
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr. Mais j'ai toujours fixé des conditions qui sont claires, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais attendez. Le président de la République a dit dimanche que l'Etat reprendrait une partie de la dette à partir de janvier 2020.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais il a été très clair également, je vais l'être peut-être encore plus que lui ce matin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
BRUNO LE MAIRE
Il y a une condition : c'est que la transformation de la SNCF soit accomplie. Je ne peux pas, comme Ministre des Finances
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi mettez-vous une condition ?
BRUNO LE MAIRE
Mais pour une raison qui est simple, c'est que je défends le contribuable. C'est la seule raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est parce que Bruxelles veille, non ?
BRUNO LE MAIRE
Non, ça n'a rien à voir avec Bruxelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment « ça n'a rien à voir » ?
BRUNO LE MAIRE
C'est parce que je défends le contribuable. Je vous parlerai de Bruxelles après, permettez-moi de parler d'abord en priorité du contribuable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, développez.
BRUNO LE MAIRE
Comme Ministre des Finances, le contribuable est ma préoccupation majeure. Pourquoi est-ce que je ne peux pas dire au contribuable : « Nous allons prendre la dette aujourd'hui » ? Pour une raison qui est simple : c'est que la SNCF continue à perdre trois milliards d'euros chaque année. Je ne peux pas dire au contribuable : « Nous allons laisser les choses en l'état. Nous allons reprendre la dette et puis la SNCF continuera à reperdre de l'argent chaque année, et je reviendrai vous voir dans dix ans ou dans quinze ans. » Enfin, ce sera probablement quelqu'un d'autre que moi qui vous réclamera à nouveau de récupérer la dette, donc ce n'est pas possible. La première condition, la condition essentielle, c'est que la transformation de la SNCF soit accomplie. Qu'elle retrouve une exploitation qui soit positive, qu'elle soit plus compétitive, qu'elle dégage des marges de manoeuvre financières et que les Français qui auront à payer pour cette dette de la SNCF Soyons clairs, parce que ça pèsera sur la dette française, sur la charge des intérêts et donc sur ce que le contribuable paye lui-même. Bien, je veux garantir au contribuable français : c'est une fois pour toutes. Ce n'est pas quelque chose qui reviendra, c'est une fois pour toutes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous disais que Bruxelles veille. Parce que si vous annoncez que l'Etat reprendra, je ne sais pas moi, trente, trente-cinq milliards d'euros, quarante milliards d'euros
BRUNO LE MAIRE
Ça, nous discuterons
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va gonfler le déficit public. La France va repasser au-dessus des 3 %.
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela que nous discutons avec Bruxelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est bien pour ça que vous n'annoncez pas la reprise de la dette.
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas pour ça que nous n'annonçons pas la reprise de la dette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'une des raisons, soyez franc. C'est l'une des raisons.
BRUNO LE MAIRE
Je suis toujours franc et honnête.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais. Et là alors, je vous le demande.
BRUNO LE MAIRE
Ça fait partie des sujets de discussion, bien entendu. La première préoccupation, c'est le contribuable. La deuxième, c'est veiller à ce que ça n'ait pas un impact sur nos déficits. Parce que nous voulons respecter nos engagements.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que Bruxelles prendra en compte si vous annoncez cette reprise.
BRUNO LE MAIRE
Nous voulons avoir des comptes publics bien tenus et c'est un des engagements que j'ai pris au nom du président de la République et du Premier ministre, avoir des finances publiques françaises qui soient rétablies sur la durée du quinquennat. Donc on ne peut pas traiter ça à la légère parce que, effectivement, ça peut avoir un impact sur nos comptes publics.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La croissance. J'ai vu les chiffres de la croissance pour 2018, j'ai vu les chiffres. C'est le FMI, je crois, qui dit 2,1 % pour la France. Ça vous irait, ça.
BRUNO LE MAIRE
Le FMI est optimiste. Comme je vais voir Christine LAGARDE dans quelques heures à Washington, je pourrai remercier pour sa prévision. Ça m'irait très bien, mais je vais lui dire aussi que je suis peut-être plus modeste ou plus prudent qu'elle
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'y croyez pas ?
BRUNO LE MAIRE
Je maintiens la prévision de croissance française en 2018 à 2 % et à 1,9 % pour 2019. Pourquoi est-ce que je suis prudent ? D'abord parce que la sincérité est la marque de fabrique de ce gouvernement, et que je considère que si nous faisions deux, ce serait déjà un très beau résultat. La deuxième raison, c'est qu'il y a des nuages à l'horizon et qu'il ne faut pas sous-estimer ces nuages. Je pense au relèvement des taux d'intérêt qui interviendra fin 2018-début 20019. Nous le savons et je l'espère que ça se fera progressivement. Regardez la Banque centrale américaine, la Fed, qui a annoncé qu'elle relèverait ses taux. Nous devons en tenir compte. Et puis nous avons un sujet qui me préoccupe profondément, dont nous parlerons avec les autorités américaines la semaine prochaine avec le président de la République lors de sa visite d'Etat, c'est le risque de guerre commerciale. Le risque de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, entre les Etats-Unis et l'Europe est une menace lourde sur notre croissance. Parce que la guerre commerciale ; ça veut dire des tarifs douaniers qui augmentent ; ça veut dire des prix plus chers pour produire ; ça veut dire une croissance qui ralentit ; ça veut dire moins d'emplois. Ça, c'est un risque majeur et nous voulons parler avec nos amis américains le plus directement possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, vous voulez impliquer on va parler de la loi Pacte vous voulez aider, évidemment, les PME, nous allons voir comment, mais vous voulez aussi impliquer les syndicats dans la gouvernance des entreprises, je vous dis ça parce que, en Allemagne, il y a eu aussi de grosses grèves ces derniers temps, mais en Allemagne, on trouve des solutions quand il y a grève
BRUNO LE MAIRE
Oui, et en France, on va en trouver aussi, j'en suis convaincu
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les syndicats et le patronat arrivent à se mettre autour de la table pour trouver des solutions, et on voit des augmentations de salaires absolument incroyables, les fonctionnaires, plus 7,5 % sur trois ans, vous imaginez ça en France, plus de 7,5 %, impossible !
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui, ça ne fait pas partie effectivement des projets, mais ce qui fait partie
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi, pourquoi est-ce que, en France, on n'arrive pas à se mettre autour d'une table pour faire avancer les choses, pourquoi ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que nous avons la culture du conflit et que nous devons développer la culture de la concertation, la culture du dialogue, mais que ça ne se décrète pas, il faut des gestes, un des gestes importants que nous faisons, c'est de dire : eh bien, il faut qu'il y ait plus de salariés dans les conseils d'administration, donc nous allons, dans le projet de loi, que je présenterai, prévoir que toutes les entreprises, désormais, de plus de 1.000 salariés auront un représentant des salariés au conseil d'administration, qu'à partir de huit membres dans le conseil d'administration, il y aura au moins deux administrateurs salariés, alors qu'aujourd'hui, il n'y en a qu'un, pourquoi
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ça évitera l'exemple
BRUNO LE MAIRE
L'objectif, c'est d'avoir plus de compréhension entre les salariés et les chefs d'entreprise, plus de dialogue, et du coup
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus de dialogue
BRUNO LE MAIRE
Je l'espère, moins de crises, moins de grèves
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ça évitera l'exemple CARREFOUR que j'ai pris avec le président de la République, où dans une entreprise qui va mal en ce moment, va moins bien dans tous les cas, nous avons les actionnaires qui vont avaler pardonnez-moi de vous le dire 45 % des dividendes !
BRUNO LE MAIRE
Ça, ça ne l'évitera pas, mais j'espère que ça préviendra ce genre de situation
JEAN-JACQUES BOURDIN
45 %, pas des dividendes, pardon, 45 % du chiffre des bénéfices !
BRUNO LE MAIRE
Mais je comprends parfaitement votre indignation, Jean-Jacques BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas mon indignation çà moi !
BRUNO LE MAIRE
Mais ce sont des entreprises
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je parle, je pense aux salariés
BRUNO LE MAIRE
C'est une indignation des salariés que je peux parfaitement comprendre. Et nous, nous leur apportons des réponses très concrètes, la première réponse, c'est de dire : vous allez participer davantage au conseil d'administration, on pourra prévenir ce genre de situation. La deuxième réponse, elle est spécifique à la distribution, je réunirai au mois de juin tous les acteurs de la distribution qui sont confrontés à des transformations de leur modèle économique absolument radicales à cause des nouvelles technologies, puis, la troisième réponse que nous allons apporter, c'est de dire aux salariés : vous bossez, vos entreprises ont des résultats, les premiers qui en bénéficient, c'est vous, nous supprimons, comme l'a dit le président de la République, le forfait social, c'est-à-dire la taxe qui pèse sur l'intéressement et la participation, nous supprimons tout forfait social pour toutes les entreprises entre 0 et 250 salariés, c'est 10 millions de salariés, Jean-Jacques BOURDIN, qui vont être concernés, du boulanger et du pâtissier et du charcutier et du boucher jusqu'à la très grande entreprise, la très grande PME qui fait du décolletage dans la vallée de l'Arve. Tous ces salariés sauront que s'ils travaillent bien, si leurs entreprises dégagent des bénéfices, ils pourront avoir de l'intéressement, parce que tous les chefs d'entreprise, désormais, même les plus petites, même lorsqu'il n'y a qu'un ou deux salariés, même l'entreprise de bâtiment, de travaux publics, qui a cinq ou six salariés pourra dire à son salarié : j'ai un accord d'intéressement, la boîte marche, tu as une meilleure rémunération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 16 mai, la loi Pacte en Conseil des ministres, c'est ça ?
BRUNO LE MAIRE
Plus tard, sans doute.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, plus tard ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, plus tard, parce que le calendrier parlementaire est très chargé, ça ne vous a pas échappé que nous multiplions les transformations, donc ce sera peut-être une semaine ou deux semaines plus tard, on est plutôt, pour être très précis, sur le 30 mai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Recours aux ordonnances sur certains articles ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, il y a des habilitations pour des raisons techniques, mais le débat se fera dans le cadre d'une loi normale, pas d'ordonnances
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura des recours aux ordonnances oui ou non ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il peut y avoir, pour des raisons techniques, des recours aux ordonnances
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il peut y avoir recours aux ordonnances ?
BRUNO LE MAIRE
Il peut y avoir recours aux ordonnances, mais pas pour accélérer la procédure, c'est parce que ça nous permet de définir un cadre, et ensuite, la discussion aura lieu dans le cadre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura recours aux ordonnances ?
BRUNO LE MAIRE
Mais derrière votre question, Jean-Jacques BOURDIN, il y a l'idée : vous allez passer en force
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, moi, je vous dis
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non, moi, je n'ai aucune
BRUNO LE MAIRE
Mais si, eh bien, Jean-Jacques BOURDIN, soyons honnêtes, vous me posez la question pour me dire vous allez passer en force
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, je vous demande pour avoir une information, vous savez, simplement
BRUNO LE MAIRE
Alors, sortons de la technique, nous ne passerons pas en force. Ça fait neuf mois que nous dialoguons, que nous changeons, que nous avons fait des consultations sur Internet avec tous les acteurs concernés, que nous avons rassemblé des PME, discuté avec les représentants syndicaux, donc cette loi, elle est marquée du sceau du dialogue et de la concertation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, alors je regarde ce qu'il y a dans la loi : faciliter la création d'entreprises, en ligne de A à Z à partir du 1er janvier 2021, ça, c'est intéressant, pour l'installation des artisans, terminé les stages de préparation qui sont c'est vrai assez inutiles et qui coûtent un peu d'argent
BRUNO LE MAIRE
Oui, 250 euros
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, oui, je sais, je sais
BRUNO LE MAIRE
250 euros, alors, ce n'est pas rien quand on ouvre son entreprise artisanale, et puis, si vous ouvrez votre entreprise artisanale, il faut vous inscrire à la Chambre des métiers, mais il faut aussi vous inscrire à la Chambre du commerce, parce que, si, par exemple, vous ouvrez un salon de coiffure, la coiffure, c'est de l'artisanat et du bel artisanat, mais si vous vendez des shampoings, c'est du commerce, donc il faut vous inscrire deux fois, là, vous ne vous inscrirez plus qu'une seule fois, la simplification, c'est une somme de toutes petites choses qu'on a accumulées sur les artisans, les commerçants, les PME, les TPE, des charges, des obligations, évidemment, des prélèvements sociaux ou fiscaux qui, au bout du compte, empêchent notre économie de donner toute l'ampleur qu'elle pourrait donner et de tourner à plein régime, eh bien, nous allons faire sauter toutes ces obligations, simplifier toutes ces règles, alléger tous ces prélèvements pour que nos entreprises puissent grandir, être puissantes et créer de l'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les soldes, six à quatre semaines, on est bien d'accord, ça va passer à quatre semaine, on est bien d'accord ?
BRUNO LE MAIRE
Quatre semaines, deux périodes de soldes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en fonction des départements, ça sera non ?
BRUNO LE MAIRE
Non, non
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre semaines pour tout le pays ?
BRUNO LE MAIRE
Quatre semaines pour tout le pays, avec deux périodes, j'espère qu'on pourra appliquer cette nouvelle réforme dès les soldes d'hiver 2019, ça dépendra de l'avancée des travaux parlementaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors dans la loi, beaucoup de choses : autoriser la circulation des véhicules autonomes sur la voie publique, en cas d'accident, qui est responsable, qui sera responsable ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ça, le régime des responsabilités, il faut effectivement le définir, il reste à le définir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, il reste à définir. Bon. Il y a aussi la cession d'actifs publics, ça va être dans la loi Pacte ou pas, non ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, je suis favorable je l'ai toujours dit à la cession d'actifs publics. Pourquoi, parce que je pense
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vente d'ADP et une bonne partie de la FRANÇAISE DES JEUX
BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, je vais préciser surtout dans quel cadre ça s'inscrit, je pense qu'il est temps de redéfinir la place respective de l'Etat et de l'entreprise dans la société française. L'entreprise ne fait pas que des profits, elle participe à la construction de la société, elle participe à la protection de l'environnement, au développement des énergies renouvelables. Nous reconnaissons ça en modifiant le code civil, à la suite des travaux de Jean-Dominique SENARD et de Nicole NOTAT, qui ont fait un travail remarquable, et puis, il y a l'Etat, qu'est-ce qu'on veut que l'Etat soit en France dans le domaine économique ? Est-ce qu'on veut qu'il fasse tout et parfois n'importe quoi ? Moi, je réponds non, je pense qu'il faut concentrer son activité, sur les grands services publics, comme la SNCF, sur les activités de souveraineté nationale, comme l'énergie nucléaire ou les activités militaires et sur la défense de l'ordre public économique, c'est-à-dire que quand une entreprise fait n'importe quoi, il faut pouvoir la sanctionner. Et pour le reste, est-ce que vous estimez que c'est vraiment le rôle de l'Etat que de s'occuper des jeux de hasard ? Je ne pense pas. Est-ce que vous estimez que, en matière de trafic aérien, il n'y a pas une autre façon, pour l'Etat, de réguler le trafic aérien, plutôt que d'être présent au capital d'AEROPORTS DE PARIS ? C'est 9 milliards d'euros qui sont immobilisés, qui pourraient être beaucoup mieux employés, à mon sens, pour l'innovation, pour la recherche, pour le travail sur l'intelligence artificielle, sur le stockage des données, tout ça coûte de l'argent. Vous avez 9 milliards, Jean-Jacques BOURDIN, vous les mettez où, dans la gestion des boutiques et des hôtels d'AEROPORTS DE PARIS ou dans l'innovation pour vos enfants et vos petits-enfants ? Moi le choix que j'ai proposé, je dis bien proposé au président de la République et au Premier ministre, c'est de récupérer cet argent et de l'investir sur l'avenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera dans la loi ?
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite que ce soit dans la loi, et c'est le Premier ministre et le président de la République qui décideront.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, ADP, des participations de l'Etat, la FRANCAISE DES JEUX
BRUNO LE MAIRE
Redéfinition
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ailleurs encore ?
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, redéfinition globale de la place de l'Etat dans l'économie française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris, mais ailleurs encore aussi ?
BRUNO LE MAIRE
Ça dépendra des décisions du président de la République et du Premier ministre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous avez pensé à d'autres entreprises, d'autres participations de l'Etat ?
BRUNO LE MAIRE
Rien n'est encore décidé. Je fais des propositions pour dire nous avons des milliards d'euros d'actifs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce qu'il y a d'autres participations de l'Etat qui sont concernées ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il peut y avoir d'autres participations, moi je souhaite que ce soit le plus large possible
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ?
BRUNO LE MAIRE
Pour que ça ait le plus de sens possible
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ?
BRUNO LE MAIRE
Et ne comptez pas, je vais être très clair avec vous Jean-Jacques BOURDIN, pour vous en dire davantage, ce matin, je pense avoir été très clair sur notre philosophie. Vous avez des milliards d'euros, est-ce que vous les mettez dans la participation au capital d'entreprises qui pourraient être aussi bien gérées par le secteur privé, ou est-ce que vous les mettez dans l'innovation et l'investissement d'avenir ? Ma réponse est : innovation et investissements d'avenir. Et la seule chose que je tiens à ajouter, c'est que l'Etat conserve, dans ce cadre-là, une capacité de régulation. S'agissant d'AEROPORTS DE PARIS, il continuera à réguler les tarifs, il continuera à réguler le trafic aérien, il y aura un cahier des charges qui sera strict, le contrôle aux frontières, il sera évidemment toujours exercé par l'Etat, les douanes sera toujours exercé par l'Etat. L'Etat, en régulant, peut être plus efficace qu'en participant au capital.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, j'ai trois questions, là il me faut des réponses précises parce qu'il y a des informations
BRUNO LE MAIRE
Mais j'ai été précis sur les réponses précédentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais là j'ai besoin de trois la réforme de l'épargne-retraite, ça représente 200 milliards d'euros à peu près
BRUNO LE MAIRE
A peu près.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A peu près aujourd'hui. Est-ce que vous allez créer, si j'ai bien compris, un système un peu plus simple, parce que c'est un peu compliqué aujourd'hui l'épargne-retraite.
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui vous avez quatre dispositifs, le PERP, le PERCO, l'article 83, le Madelin, c'est beaucoup trop compliqué, on va le simplifier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que vous allez offrir à celui qui a épargné, une sortie en capital ?
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite qu'on développe la sortie en capital. Moi je vois bien les réticences des assureurs, je veux juste qu'on remette les choses d'équerres. L'assurance-vie c'est 1600 milliards d'euros, l'épargne-retraite, comme vous l'avez très bien dit, c'est 200 milliards d'euros, ça ne se développe pas assez. Pourquoi ? Parce qu'on ne donne pas la liberté aux épargnants. On dit aux épargnants vous allez être obligé de sortir à 18, 20 % en rente, à 80 % en capital, dans d'autres cas c'est 100 % en rente, tous les dispositifs sont différents, il n'y a même pas de portabilité, tout ça est totalement inadapté. Vous êtes salarié dans une entreprise, vous avez une épargne-retraite, vous changez d'entreprise, et c'est ça la vie aujourd'hui, vous ne pouvez pas garder votre épargne-retraite, il n'y a pas de portabilité. Nous garantirons la portabilité. Chacun de ces quatre dispositifs, il y a des règles différentes, nous unifierons les règles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, sortie en capital ou en rente.
BRUNO LE MAIRE
Sortie en capital ou sortie en rente, mais faisons le pari de la liberté Jean-Jacques BOURDIN, c'est comme ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez favoriser les produits ça devient un produit d'épargne financière quoi, si j'ai bien compris.
BRUNO LE MAIRE
Non, ça devient un produit d'épargne-retraite. Moi, vous savez, je parie sur la lucidité et le sens de la responsabilité des gens. Vous arrivez à 62, 63 ans, vous partez à la retraite, vous avez réussi à vous constituer une épargne-retraite de 6000, 7000 euros, pourquoi est-ce que moi, ministre des Finances, je vous dirais « je vous oblige à sortir en rente, vous n'avez pas le choix. » Mais, je vous laisse le choix. Après, il y aura des fiscalités différentes sur la rente et sur le capital, mais si la personne qui part à 62, 63 ans, a envie de construire une véranda dans sa maison parce qu'il en rêve depuis 10 ans, pourquoi je l'empêcherais ? s'il a envie d'emmener ses enfants, ses petits-enfants, dans un grand voyage pour leur faire découvrir le monde parce que c'est ce dont il a rêvé pendant toute sa vie de travail et qu'il veut le faire, pourquoi je le forcerais à sortir en rente et qu'il ne puisse pas disposer de son capital ? Moi je crois à la liberté, parce que je crois au sens de la responsabilité des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux questions encore. Le calcul du taux du Livret A va changer.
BRUNO LE MAIRE
Oui, parce qu'aujourd'hui, à chaque fois qu'on modifie le taux du Livret A on est obligé de déroger à la règle, parce que la règle, si on l'appliquait strictement, ferait qu'on aurait des taux beaucoup trop faibles. Donc, je veux une règle beaucoup plus simple, de calcul de ce taux, ce sera la moyenne du taux d'inflation et des taux d'intérêt, et je souhaite surtout qu'on mette un taux plancher qui sera à 0,5 %, pour garantir aux millions d'épargnants qui ont un Livret A que, quelle que soit la situation des taux, quelle que soit le niveau de l'inflation, la rémunération du Livret A ne baissera jamais en dessous de 0,5 %. J'ajoute que nous nous sommes engagés avec le Premier ministre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jamais en dessous de 0,5 ?
BRUNO LE MAIRE
Jamais en dessous de 0,5 %. Nous nous étions engagés, avec le Premier ministre, à ce que, pour les deux prochaines années, le taux soit fixé à 0,75, cet engagement, comme tous les engagements que nous prenons, il sera tenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et j'ai une dernière question qui va concerner les PME, qui vont être très intéressées, est-ce que vous allez supprimer l'obligation imposée aux PME de certifier leurs comptes ? Pas de commissaire aux comptes pour les PME, à moins de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires.
BRUNO LE MAIRE
Nous allons appliquer la règle européenne, parce que, il y a quelque chose de totalement surréaliste en France. On dit il faut que les PME grandissent, mais dès qu'elles grandissent on leur rajoute des obligations, donc après on se plaint qu'elles ne grandissent pas. Pourquoi est-ce que nous avons décidé que le seuil européen, qui est un seuil qui est simple, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, 50 salariés, pourquoi est-ce qu'on ne retient pas ce seuil, pourquoi est-ce qu'on a durci ce seuil par rapport à tous nos partenaires, notamment nos partenaires allemands ? moi je veux qu'on applique strictement le seuil européen, ni plus, ni moins, et c'est vrai que ça permettra à des millions de PME, qui aujourd'hui sont soumises à ce seuil, et qui payent 5500 euros en moyenne pour faire certifier leurs comptes, eh bien elles n'auront plus à le payer, parce qu'on estime que tant qu'elles n'ont pas atteint, cette taille définie par l'Union européenne, ce n'est pas utile, elles pourront le faire si elles le souhaitent, sur la base du volontariat, mais ce n'est pas utile de leur imposer cette obligation. Alors, je vois bien les réticences des commissaires aux comptes, je les écoute, je vais discuter avec eux, je suis prêt à leur faire des propositions sur les délais, sur de nouvelles activités qu'ils pourraient avoir, mais ma détermination à faire grandir les PME françaises elle est totale, ma détermination à lever
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera dans la loi Pacte ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera dans la loi Pacte, oui, ce sera dans la loi Pacte parce que nos entreprises doivent grandir pour exporter, et surtout, surtout Jean-Jacques BOURDIN, pour donner du travail aux Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2018