Texte intégral
Q - Quel est l'objectif de ces consultations citoyennes ?
R - On observe un paradoxe sur l'Europe. Une forte abstention lors des élections et, en même temps, beaucoup d'attentes. On le voit par exemple avec le scandale Facebook et la protection des données où chacun se dit que la bonne réponse se fait au niveau européen. Même chose concernant la transition écologique... Les attentes sont fortes, également, sur l'Europe sociale, on l'a vu sur la question du détachement. On ne peut continuer à faire avancer le projet européen sans écouter ce qu'en pensent les citoyens. C'est tout l'objectif de ces consultations.
Q - Il était temps, non ?
R - Il était largement temps. Depuis 2005 et le non au référendum, on s'est fait peur. Certains vieux briscards de la politique m'ont même demandé si on ne prenait pas un risque avec cette consultation, pourquoi demander leur avis aux gens ! Nous allons rester européens, nous avons cette identité commune, ce destin commun, nous n'allons pas changer d'adresse ! Mais ce destin ne doit pas être traité par la routine et l'habitude. Des parlementaires britanniques, pro ou anti Brexit, m'ont dit que s'ils avaient procédé ainsi, il n'y aurait peut-être pas eu le Brexit.
Q - Supposons que le résultat de ces consultations révèle un rejet clair de votre vision de l'Europe. Que feriez-vous ?
R - Les consultations sont un moment d'explication mais surtout d'écoute. Nous attendons surtout des propositions. C'est facile de dire "non, je n'aime pas". Mais quelles sont les propositions ? On ne sait pas très bien ce que proposent les anti-européens aujourd'hui, et certainement pas tous la même chose. On doit mieux comprendre les attentes des sceptiques pour y répondre. Au moment où nous travaillons sur le prochain budget européen pluriannuel, il y a des priorités politiques à établir.
Q - En faisant de la pédagogie sur l'Europe comme sur les réformes, ne cherchez-vous pas à asséner une vérité qui est la vôtre ?
R - Non, nous souhaitons écouter et entendre tout le monde, chacun avec ses enthousiasmes, ses craintes, ses colères, ses attentes. L'idée, ce n'est pas "vous ne comprenez pas, on va vous expliquer". Les citoyens sont en quelque sorte les copropriétaires de l'Europe. Quand on partage une maison, on se parle, on se consulte.
Q - Êtes-vous sûrs de convaincre ?
R - À Epinal, mardi soir, autour du président de la République, il y avait des eurosceptiques purs et durs à côté des convaincus. S'ils ont pris du temps pour venir, c'est qu'ils sont intéressés. Il y a eu des questions très précises sur des enjeux quotidiens, la sécurité alimentaire ou les convergences fiscales. Plus largement, il me semble qu'il y a un consensus autour des défis climatiques ou migratoires pour les voir traités ou niveau européen.
Q - Emmanuel Macron défend une souveraineté européenne. Doit-elle être supranationale ou circonscrite à certains projets ?
R - La souveraineté de l'Europe, c'est de pouvoir peser dans la mondialisation, parler d'une seule voix sur les accords commerciaux comme sur la taxation et la régulation des géants du numérique, par exemple. Une Europe souveraine protège son indépendance et s'affirme comme un acteur global avec lequel il faut compter. Cette complémentarité des souverainetés me semble illustrée par la crise syrienne. Pour intervenir en Syrie, la France et le Royaume-Uni n'ont pas attendu qu'existe une armée européenne. Mais nous avons été soutenus politiquement par l'Union.
Q - En quoi l'Europe fait-elle encore rêver ?
R - Si Thomas Pesquet nous a tous fait rêver, c'est grâce à l'Agence spatiale européenne. Au-delà, l'Europe est le seul espace qui combine les valeurs de liberté, d'esprit d'entreprise et de valeurs sociales, au même niveau. Cela n'existe nulle part ailleurs au monde.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 avril 2018