Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics, avec Public Sénat le 23 avril 2018, sur la grève à la SNCF, la réforme de la Fonction publique, la politique d'immigration et sur les relations entre le gouvernement et les collectivités locales.

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Média : Public Sénat

Texte intégral


CYRIL VIGUIER
Bonjour à tous, bonjour aussi à ceux qui reviennent, rebonjour, c'est la matinale d'infos de Public Sénat avec la presse quotidienne régionale, les télés locales de France qui nous rediffusent, les Indéradios – 130 radios qui sont nos partenaires sur tout le territoire français – et avec TV5 Monde. Aujourd'hui l'invité politique en direct sur ce plateau c'est Olivier DUSSOPT, bonjour...
OLIVIER DUSSOPT
Bonsoir.
CYRIL VIGUIER
Merci d'être avec nous, vous êtes ministre, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, et pour vous interroger ce matin à mes côtés : Oriane MANCINI, de Public Sénat, bonjour...
ORIANE MANCINI
Bonjour Cyril.
CYRIL VIGUIER
Et Fabrice VEYSSEYRE-REDON, bonjour...
FABRICE VEYSSEYREN-REDON
Bonjour Cyril.
CYRIL VIGUIER
Du groupe EBRA, c'est le Dauphiné Libéré que vous représentez ce matin, l'Ardèche, ça tombe bien notre invité est sans 100 % Ardéchois depuis plusieurs générations.
OLIVIER DUSSOPT
C'est ça, exactement.
CYRIL VIGUIER
Voilà. On démarre tout de suite avec l'actualité, aujourd'hui débute la 5ème vague de grève à la SNCF, les syndicats envisagent de prolonger la grève au-delà du mois de juin, le gouvernement est-il prêt à une grève de longue durée, Olivier DUSSOPT ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas que la grève sera de longue durée, d'abord le texte a été voté, Elisabeth BORNE continue la concertation pour faire en sorte que la lecture de ce texte au Sénat soit encore l'occasion d'avancer et nous avons aussi un certain nombre de messages qui sont entendus - notamment des messages du secrétaire général de la CFDT qui appelle à une position de sortie de crise, de sortie de grève - ce que fait Elisabeth BORNE comme ministre des Transports c'est garantir des droits, c'est permettre de réorganiser la SNCF pour la sauver et notre objectif est bien de préserver le modèle ferroviaire français.
ORIANE MANCINI
Pour vous les syndicats, les cheminots n'iront pas au-delà du mois de juin ?
OLIVIER DUSSOPT
Je le souhaite et je souhaite même que le conflit, la grève en tout cas puisse s'arrêter avant. Il y a un certain nombre d'avancées qui ont été permises par la concertation, je pense notamment au sac-à-dos social, au fait de garantir les droits, au fait aussi de pouvoir réorganiser et - comme l'a dit le président de la République dans sa dernière intervention – travailler à ce que l'Etat puisse progressivement en fonction de la réorganisation reprendre la dette de manière à ce que la SNCF puisse affronter l‘ouverture à la concurrence.
CYRIL VIGUIER
C'est financièrement tenable ça ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est tenable, c'est tenable, ça ne se fait pas n‘importe comment...
ORIANE MANCINI
Mais il s'est engagé à la reprendre à partir du 1er janvier 2020, selon les prévisions elle sera de 50 milliards d'euros cette dette en 2020...
OLIVIER DUSSOPT
C'est cela.
ORIANE MANCINI
Vous pensez pouvoir reprendre 50 milliards d'euros ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout n'est pas forcément reprenable, pour une raison c'est qu'une partie de la dette vient de SNCF Réseau – les infrastructures – et notre partie est appuyée sur la mobilité qui est déjà une activité ouverte à la concurrence, donc il faut faire attention et reprendre ce qui est possible. Ça ne se fera pas si facilement que cela, il faut y travailler pour l'échéance et il faut surtout faire en sorte que cette reprise puisse intervenir après la réorganisation de la société, après le travail qui est mené, après la préparation de la convention collective qui protégera l'ensemble des salariés du secteur ferroviaire.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous évoquiez à l'instant la concertation, la méthode de concertation, c'est précisément ça que les partenaires sociaux dénoncent aujourd'hui, l'absence de concertation, Emmanuel MACRON cette nuit sur Fox News dit qu'il ne lâchera pas, il ne lâchera pas face à la contestation, vous répondez quoi à ces gens qui vous reprochent justement ce manque de souplesse et de négociation ?
OLIVIER DUSSOPT
Ma collègue Elisabeth BORNE a organisé et organise encore des dizaines de réunions de concertation, il y a un certain nombre d'avancées qui ont été actées et qui ont permis d'ailleurs de traiter les sujets concernés – je pense notamment à la question de l'ouverture à la concurrence ou du sac-à-dos social – par la loi et non pas par les habilitations à prendre des ordonnances comme prévu initialement, donc il y a cette concertation-là. Après là où on peut trouver certaines limites c'est lorsque des responsables syndicaux, pas tous, peu nombreux – et heureusement – dénient le droit même, la légitimité même du gouvernement à mener cette réforme, le gouvernement travaille et a plusieurs objectifs : faire en sorte que la SNCF puisse affronter l'ouverture à la concurrence qui a été actée en 2016, faire en sorte que les modèles économiques de la SNCF soient viables - et un modèle n'est pas viable lorsqu'il accumule trois milliards de dette chaque année – faire en sorte aussi d'investir massivement pour faire en sorte que le réseau soit en bon état et c'est la raison pour laquelle nous prévoyons d'augmenter de 50 % les investissements quotidiens pendant les 10 années qui viennent sur le réseau SNCF.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Autre grand rendez-vous, c'est le 22 mai, vous êtes le ministre, le secrétaire d'Etat en charge de la réforme de la fonction publique, votre objectif des 120.000 suppressions de postes à l'horizon 2022 est toujours maintenu ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un objectif qui est maintenu et qui a été fixé par le président de la République, mais j'ai eu l'occasion de dire - et le président de la République et le Premier ministre l'ont dit aussi - que ce n'était pas l'alpha et l'oméga de la politique en matière de fonction publique. Quel est l'objectif ? Avoir en 2022 une fonction publique, une administration qui soit plus forte, qui soit plus réactive, qui soit plus efficace pour faire face à un certain nombre de défis et notamment le défi de la numérisation et de la digitalisation, donc nous avons du travail, nous avons un an devant nous de concertation autour de quatre chantiers qui ont été fixés mais aussi un an pour aborder d'autres sujets dans le cadre de l'agenda social tel que nous l'avions décidé auparavant.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Votre calendrier, c'est un an ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un an. Nous avons comme objectif d'avoir un texte législatif et des textes réglementaires au printemps 2019 et, d'ici là, nous avons quatre chantiers : le premier sur la question du dialogue social a débuté tout début avril, quatre chantiers, quatre temps de concertation pour faire en sorte que nous puissions avoir des propositions qui soient les plus partagées possibles.
ORIANE MANCINI
Le 22 mai, juste pour préciser, c'est le jour où les syndicats de fonctionnaires appellent à une nouvelle grève pour protester notamment contre cette réforme de la fonction publique, contre la baisse de leur pouvoir d'achat, est-ce que vous êtes prêts à des concessions sur cette réforme de la fonction publique ?
OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas de baisse de pouvoir d'achat dans la fonction publique, nous avons veillé au 1er janvier à ce que la hausse de CSG pour les fonctionnaires soit compensée à l'euro près et les organisations syndicales ont reconnu cette compensation...
ORIANE MANCINI
Certains disent qu'il y a une baisse de leur pouvoir d'achat depuis le début des années 2000 ?
OLIVIER DUSSOPT
Depuis le début des années 2000, vous avez raison de le rappeler, ce qui relativise les responsabilités des uns et des autres. Il y a un certain nombre de sujets d'inquiétude que je peux partager, ces inquiétudes sont légitimes dans la mesure où depuis justement des années et des années – vous avez parlé du début des années 2000 - parce que c'est le début des périodes de gel du point d'indice – toutes les modernisations, toutes les réformes de la fonction publique ont été abordées avec un prisme uniquement budgétaire, là nous prenons un an pour travailler sur les questions de fond. Comment est-ce qu‘on organise le dialogue social ? Comment est-ce qu'on permet une meilleure attractivité des métiers publics tant pour les recrutements statutaires que par les recrutements par concours ? Comment est-ce qu'on accompagne mieux les agents ? Et nous mettons des moyens sur la table avec un plan de formation de 1,5 milliard d'euros sur le quinquennat, vous avez des investissements aussi pour moderniser l'administration.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et vous êtes prêt à encourager aussi les fonctionnaires à aller faire un petit tour dans le privé ?
OLIVIER DUSSOPT
Ca existe déjà et nous voulons aller plus loin, depuis 2008 il existe une indemnité de départ volontaire, cette indemnité est utilisée par environ – c'est une moyenne – 1.000 personnes, 1.000 agents pour la fonction publique d'Etat chaque année depuis 2008, ça varie de 700 à 1.400.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Mais comment faut traduire cet encouragement, est-ce qu'ils sont trop finalement ces fonctionnaires...
OLIVIER DUSSOPT
Non.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Que vous les encouragiez à aller voir ailleurs ?
OLIVIER DUSSOPT
Votre question va me permettre de préciser un certain nombre de choses. Il existe une indemnité individuelle de départ volontaire vers le secteur privé et qui dépend de critères qui sont différents selon que vous soyez fonctionnaire territorial, fonctionnaire hospitalier ou fonctionnaire d'Etat, nous ce que nous voulons discuter avec les organisations syndicales c'est de dire et de voir comment on peut lorsqu'il y a restructuration, lorsqu'il y a réorganisation d'un service, lorsqu'il y a fusion d'établissements publics, organiser une mobilité vers le privé. Il ne s'agit pas de remettre en cause le droit au reclassement, les fonctionnaires ont un statut auquel nous sommes attachés et dans ce statut il y a le droit au reclassement dans un des droits versants de la fonction publique et il faut d'ailleurs qu'on précise les conditions de ce reclassement. Par contre...
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
La disparition du statut c'est la grosse préoccupation de la part de vos interlocuteurs ?
OLIVIER DUSSOPT
La disparition du statut n'est pas à l'ordre du jour. Le Premier ministre, le président de la République, Gérald DARMANIN, moi-même avons répété à plusieurs reprises que nous sommes attachés au statut, nous y tenons, c'est un acquit, c'est une organisation de la fonction publique qui bien souvent est considérée comme un modèle par des pays étrangers, ça n'empêche pas de vouloir le moderniser et de vouloir l'adapter. Je reviens sur la question des départs volontaires, nous considérons que lorsqu'il y a restructuration ou fusion nous devons pouvoir proposer sans remettre en cause le droit au reclassement, je le répète, proposer un dispositif collectif en termes de formation, en termes d'indemnité, pour proposer justement aux fonctionnaires concernés – et uniquement aux fonctionnaires concernés – de les accompagner s'ils le souhaitent vers le secteur privé, c'est à cela qu'il faut travailler avec une dimension collective différente de l‘indemnité individuelle que j'ai évoquée tout à l'heure.
ORIANE MANCINI
Vous parliez du gel du point d'indice tout à l'heure, Olivier DUSSOPT, est-ce que ce gel sera maintenu ?
OLIVIER DUSSOPT
Le gel du point d'indice a été acté pour 2018 et nous avons déjà dit que notre option privilégiée n'était pas la revalorisation du point d‘indice. Je dis simplement pourquoi...
ORIANE MANCINI
Donc, il sera maintenu jusqu'à quand ce gel du point d'indice ?
OLIVIER DUSSOPT
En un mot il faut avoir en tête quelques ordres de grandeur, lorsque l'Etat décidé d'augmenter le point d'indice de 1 % cela coûte deux milliards d'euros de dépense publique et cela permet un bénéfice individuel d'une quinzaine d'euros pour un agent qui gagne 2.000 euros net par mois – et ils ne gagnent pas tous 2.000 euros net – donc 15 euros par mois si vous gagnez 2.000 euros net et deux milliards d'euros de dépense publique, un rendement individuel très bas pour un coût collectif très important.
ORIANE MANCINI
Donc, il n'y aura pas de revalorisation sous le quinquennat d'Emmanuel MACRON ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous voulez poser un terme d'ores et déjà, c'est anticipé et c'est...
ORIANE MANCINI
Et, si on vous entend bien, ce n'est pas la bonne méthode cette revalorisation du point d'indice ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous l'avons déjà dit, nous avons un rendez-vous salarial qui sera fixé à la mi-juin, il était fixé préalablement au mois d'octobre et nous avons accepté de l'avancer, nous travaillons et nous devons discuter avec les organisations syndicales pour voir quels sont les métiers que nous devons mieux accompagner, pour voir quels sont les effets des mesures qui ont été prises et ainsi permettre d'avoir des perspectives, des projets, sans forcément passer par le point d'indice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et le salaire au mérite ?
OLIVIER DUSSOPT
Le salaire au mérite c'est un raccourci si vous me permettez, nous voulons individualiser, plus individualiser la rémunération des agents et il faut que nous travaillons effectivement pour voir comment est-ce qu'on mesure l'implication, l'engagement. C'est aller plus loin que ce qui existe, en 2008 le président SARKOZY avait mis en place une prime en fonction des résultats, en 2014 le président HOLLANDE a mis en place un régime indemnitaire qui s'appelle le RIVCEPT (phon) et tient compte des suggestions particulières, de l'implication, des performances des agents, sa mise en oeuvre est extrêmement complexe. Nous voulons aller plus loin, mais avec une idée en tête, le mérite si on garde ce terme peut être individuel, il peut aussi être collectif à l'échelle d'équipe de travail, il faut voir comment on peut mieux récompenser ceux qui s'engagent plus, ceux qui prennent une part supplémentaire de l'effort, ceux qui mettent en oeuvre par équipe dans des établissements scolaires qui parfois peuvent rencontrer des difficultés, dans le secteur hospitalier, dans les collectivités locales qui mettent en oeuvre, qui innovent, qui s'engagent plus fort pour voir comment on peut mieux les accompagner, mieux les reconnaître, y compris par des questions salariales.
ORIANE MANCINI
Pour finir, juste je reviens sur le point d'indice, Emmanuel MACRON avait mis sur la table la différenciation du point d'indice en fonction des trois fonctions publiques, selon les trois versants de la fonction publique, est-ce que c'est toujours d'actualité cette décorrelation du point d'indice ?
OLIVIER DUSSOPT
La décorrelation du point d'indice ou la gestion différenciée de chacun des versants de la fonction publique fait partie des sujets qui ont été abordés pendant la campagne, cela partie des sujets évoqués...
ORIANE MANCINI
C'est pendant la première conférence des territoires également.
OLIVIER DUSSOPT
Et cela fait partie des sujets évoqués notamment avec le collège des employeurs de la fonction publique territoriale qui représente les communes, les intercommunalités, les départements et les régions...
ORIANE MANCINI
Donc, c'est toujours d'actualité.
OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui le collège des employeurs nous dit de manière extrêmement majoritaire, pour ne pas dire unanime, que la décorrelation ne leur semble pas être la solution la plus adéquate, ils demandent par contre à être associés aux décisions qui les concernent puisqu'effectivement – et on peut les comprendre – quand l'Etat augmente le point d'indice lorsque c'est le cas une large partie de cette augmentation n'est pas payée par l'Etat mais par les hôpitaux ou par les collectivités, ils demandent à être associés, nous demandons à travailler avec eux et donc ça fait partie des pistes et des sujets que nous devons aborder avec les employeurs territoriaux d'ici la prochaine Conférence nationale des territoires.
ORIANE MANCINI
Pour être clair, vous abandonnez cette décorrelation du point d'indice ?
OLIVIER DUSSOPT
Si les employeurs publics n'en veulent pas, nous n'allons pas leur imposer, ils demandent à être associés et nous savons que nous avons avec eux des sujets sur la mobilité, sur le temps de travail, sur la formation que nous devons voir ensemble et sur les effectifs aussi.
CYRIL VIGUIER
Olivier DUSSOPT, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, donc de Gérald DARMANIN, est sur ce plateau ce matin pour Territoires d'infos. On passe à la loi Asile et Immigration qui a été votée hier soir à l'Assemblée nationale par 228 voix contre 139, au lieu de jeudi comme prévu initialement, donc le gouvernement est-ce qu'il s'attendait à ce que ce débat s'enlise comme on l'a perçu ?
OLIVIER DUSSOPT
Les débats sur l'asile, sur les questions migratoires sont toujours des débats qui sont extrêmement complexes, qui renvoient à des convictions personnelles qui sont extrêmement ancrées, qui renvoient aussi à des complexités et il n'y a pas comme voudrait le faire croire certains dans l'hémicycle une vision totalement monocolore des questions liées à l'asile ou à l'immigration, chaque sujet recèle une complexité et donc le gouvernement savait que ces débats pourraient durer, savait qu'il y aurait une forme d'obstruction parfois, mais qu'il y aurait aussi la nécessité d'aller au bout de certains questions...
CYRIL VIGUIER
Il savait qu'il y aurait des problèmes dans le groupe La République En Marche aussi, le gouvernement ou pas ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout le monde savait qu'un certain nombre de députés de la majorité avait des préventions, avaient des doutes, avaient des interrogations et certains ont pu les exprimer pendant tout ce débat.
ORIANE MANCINI
Un député a voté contre, Jean-Michel CLEMENT, il a donc voté contre ce texte, il a quitté le groupe suite sans doute à la menace de Richard FERRAND de l'exclure, est-ce que vous le regrettez ?
OLIVIER DUSSOPT
Je connais bien Jean-Michel CLEMENT, j'ai siégé avec lui pendant deux mandats comme député...
ORIANE MANCINI
Ancien socialiste.
OLIVIER DUSSOPT
Ancien socialiste, nous siégions tous les deux dans le groupe socialiste, il est avocat et il a un certain nombre de convictions chevillées au corps. Aujourd'hui il a pris une décision, celle de voter contre le texte et de quitter le groupe de La République En Marche - moi je regrette toujours quand la majorité présidentielle perd un membre, mais c'est une conviction, en tout cas une décision qu'il faut respecter - et cela renvoie aussi à une organisation, celle du groupe autour de son président de groupe, l'organisation au sein de laquelle ou pour laquelle le gouvernement n'a pas à se prononcer, ça relève de l'autonomie et de la liberté du Parlement.
ORIANE MANCINI
Mais sur la méthode et notamment sur la menace qu'a laissé planer Richard FERRAND de l'exclure, vous, vous apparteniez, vous le disiez, au groupe socialiste dont les frondeurs n'ont pas été exclus durant le quinquennat de François HOLLANDE, est-ce que…
OLIVIER DUSSOPT
Oui, on a vu le résultat d'ailleurs.
ORIANE MANCINI
Oui mais est-ce que le fait d'exclure, en tout cas de menacer d'exclure un membre de son groupe qui vote contre sur un texte qui n'est pas le budget, donc qui n'est pas un texte symbolique, est-ce que c'est une sévère remise en cause de la liberté des votes individuels des parlementaires ?
OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai pas à commenter les décisions et les prises de position du président de groupe, que ce soit le groupe de la majorité ou quelque président de groupe parlementaire que ce soit à l'Assemblée nationale. Le droit de vote, la liberté individuelle de vote est préservée et protégée par la Constitution, elle a toujours été acquise. L'appartenance à un groupe n'est pas une obligation et lorsque vous appartenez à un groupe, lorsque vous décidez de rejoindre un groupe parlementaire, chaque groupe a un règlement, chaque groupe a un règlement intérieur auquel vous souscrivez librement ou pas. Et vous avez le droit de quitter ce groupe-là, ça ne remet pas en cause votre liberté individuelle. C'est le cas dans ce mandat, c'était le cas dans le mandat précédent sans que ce soit forcément mis en oeuvre.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Alors une question concernant les collectivités locales, un monde que vous connaissez bien, vous êtes vous-même encore aujourd'hui élu local, je crois que vous êtes toujours conseiller municipal…
OLIVIER DUSSOPT
Conseiller municipal d'Annonay…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
A Annonay dont vous avez été maire…
CYRIL VIGUIER
Donc vous pouvez célébrer les mariages !
OLIVIER DUSSOPT
Je peux célébrer les mariages et j'ai un attachement pour cette ville qui va au-delà.
CYRIL VIGUIER
Ça va être la grosse période des mariages d'ailleurs.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous avez à dialoguer vous aussi en tant que secrétaire d'Etat à la Fonction publique avec ces collectivités locales, lesquelles vous encouragez à la signature d'un pacte financier avec l'Etat…
OLIVIER DUSSOPT
Avec 322 collectivités.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
322, il n'y en a pas beaucoup qui veulent signer pour l'instant. Vous leur demandez de serrer les boulons en termes de budget, les présidents d'association ont du mal à signer aussi. Alors comment ça se passe parce que normalement, parce que tout ça doit se débloquer avant l'été !
OLIVIER DUSSOPT
Avant l'été. Où est-ce que nous en sommes…
ORIANE MANCINI
Ils ont jusqu'au 30 juin pour signer.
OLIVIER DUSSOPT
Jusqu'au 30 juin. Où est-ce que nous en sommes sur la question des collectivités locales ? Le président de la République a fait un pari qui est le pari de la confiance et le pari de la responsabilité. L'idée est simple, pendant 4 ans les dotations ont baissé, de 1,5 milliard en 2014, de 3,7 en 2015 et 2016 et 2,7 milliards en 2017. Le président de la République dit aux élus locaux : je vous fais confiance et je ne baisse plus les dotations, nous maintenons les dotations et nous les avons même globalement un petit peu augmentées. En contrepartie de quoi, je vous demande d'être responsable et de faire des efforts, de tenir les dépenses de fonctionnement avec une augmentation ramenée à 1,2 %. Ça n'est pas une baisse de dépense de fonctionnement, c'est une limitation de la hausse des dépenses. Et nous demandons aux 322 collectivités les plus importantes d'un point de vue budgétaire de signer ce contrat. Beaucoup préparent la signature…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que cette démarche ne donne pas un petit peu raison à votre compatriote, Monsieur WAUQUIEZ, qui vous reproche, qui reproche au gouvernement d'être coupé des territoires ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors Monsieur WAUQUIEZ a soutenu François FILLON qui proposait une baisse de dotations d'une vingtaine de milliards d'euros. Donc il faut aussi savoir le rappeler, celles et ceux qui font aujourd'hui des leçons sur les dotations étaient les premiers à soutenir des candidats, un candidat en l'occurrence qui voulait sabrer dans les dotations. Nous, nous voulons discuter avec les collectivités locales et je le répète, nous ne demandons pas aux élus de baisser les dépenses, nous leur demandons de limiter la hausse. Les 322 collectivités concernées par ce contrat sont extrêmement nombreuses à vouloir signer…
ORIANE MANCINI
Vous dites « beaucoup préparent la signature », la semaine dernière 11 ont signé, donc sur 322 ce n'est pas beaucoup. Pour vous, combien signeront au total sur les 322 ?
OLIVIER DUSSOPT
J'espère que les 322 signeront, nous avons…
ORIANE MANCINI
Vous espérez encore une signature des 322 ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons parfois des positionnements qui sont purement politiques, avec des élus qui préfèrent ne pas signer plutôt que de rentrer dans cette démarche de confiance. Mais nous espérons pouvoir signer avec un maximum. J'apporte une précision, nous avons maintenu les dotations et nous les avons même un peu augmentées. En 2017, le budget consacré aux Concours de l'Etat aux collectivités locales s'établissait à 47,8 milliards d'euros, en 2018 c'est 48,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 300 millions d'euros. Et par ailleurs, nous avons décidé avec Gérald DARMANIN et le Premier ministre de ne pas appliquer la minoration sur la DCRTP, qui est une dotation très technique, mais cela représente aussi un enjeu financier pour les intercommunalités. Et donc il y a augmentation du niveau global et nous voulons continuer comme ça dans la confiance avec les élus.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Le bras de fer se poursuit entre l'Exécutif et le Parlement sur la réforme des institutions, ce n'est pas sans impact aussi sur les collectivités locales. Vous comprenez l'inquiétude des parlementaires qui craignent une rupture entre les élus locaux, les Français et les territoires ruraux ?
OLIVIER DUSSOPT
Les parlementaires, les députés comme les sénateurs – et nous sommes sur Public Sénat, donc je pense en particulier aux sénateurs – sont extrêmement attachés et c'est normal aux liens entre les élus et le territoire. Le président de la République et le Premier ministre ont tracé les orientations…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il ne restera…
CYRIL VIGUIER
Très vite.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Qu'un sénateur par exemple pour l'Ardèche ?
OLIVIER DUSSOPT
Si la réforme va jusqu'au bout. Et aujourd'hui, nous entrons dans une discussion et nous entrons dans un dialogue…
ORIANE MANCINI
C'est-à-dire que…
OLIVIER DUSSOPT
C'est tel qu'elle est présentée aujourd'hui…
ORIANE MANCINI
Parce qu'aujourd'hui, si la réforme est appliquée telle qu'elle est envisagée par le Premier ministre, il y aura 47 départements avec un seul sénateur.
OLIVIER DUSSOPT
Nous entrons dans une discussion avec les deux chambres. Vous voulez systématiquement – pardonnez-moi cette mise en cause – mais systématiquement faire en sorte que les débats soient clos avaient qu'ils aient été ouverts. Prenons le temps de ces discussions avec le Parlement.
ORIANE MANCINI
Mais vous …
OLIVIER DUSSOPT
Prenons le temps de la discussion avec le Parlement, il ne s'agit pas de céder ou ne pas céder, il s'agit de mener la meilleure réforme qui soit.
CYRIL VIGUIER
Il reste une minute. Olivier DUSSOPT, votre réaction « le mariage pour tous » a 5 ans déjà, est-ce que ça a changé vraiment les choses ?
OLIVIER DUSSOPT
Ca a changé les choses parce qu'à chaque fois qu'on fait progresser l'égalité, on va dans le bon sens. Et j'ai fait partie de ceux qui, dans l'Hémicycle, ont été extrêmement mobilisés pour permettre à tous les couples d'avoir accès au mariage, d'avoir accès à l'égalité des droits. Et je suis heureux aujourd'hui que 5 ans après, cela soit un sujet qui ne fasse plus débat ou alors de manière extrêmement marginale, j'utilise le mot « marginal » à dessein.
CYRIL VIGUIER
Manuel VALLS pourrait être candidat à la mairie de Barcelone, il vous en a fait part, vous en avez parlé avec lui ?
OLIVIER DUSSOPT
Par principe, Manuel VALLS est un ami et je lui souhaite le meilleur dans tout ce qu'il entreprend et je lui souhaite surtout de décider librement de tout ce qu'il veut entreprendre.
CYRIL VIGUIER
Il ne vous en a pas parlé avant ?
OLIVIER DUSSOPT
Qu'il entreprenne…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous êtes toujours socialiste Olivier DUSSOPT ?
OLIVIER DUSSOPT
Je suis toujours un homme de gauche, toujours progressiste. Vous n'êtes pas le premier à me poser la question…
CYRIL VIGUIER
Merci.
OLIVIER DUSSOPT
Mais je reste attaché à mes valeurs.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et vous ne m'avez pas répondu.
OLIVIER DUSSOPT
Je reste attaché à mes valeurs.
CYRIL VIGUIER
Merci beaucoup. Olivier DUSSOPT, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald DARMANIN, d'avoir été notre invité politique ce matin sur ce plateau.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2018