Interview de M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, avec RTL le 26 avril 2018, sur le plan Borloo pour les banlieues.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Bonjour Jacques MEZARD.
JACQUES MEZARD
Bonjour.
YVES CALVI
Merci d'être avec nous ce matin sur RTL en ligne depuis notre bureau de Toulouse. Vous êtes ministre de la Cohésion des territoires. Alors le plan Borloo, la remise du rapport a été repoussée plusieurs fois, il est finalement remis à Matignon et non à Emmanuel MACRON comme prévu, le président qui n'a pas évoqué la politique de la ville lors de ses deux récentes interviews télévisées. Est-ce toujours une priorité pour le gouvernement, Jacques MEZARD ?
JACQUES MEZARD
Bien sûr, c'est un enjeu national et d'ailleurs si j'avais souhaité proposer que le président lui-même s'exprime à Tourcoing le 14 novembre, si j'ai aussi proposé de confier une mission à Jean-Louis BORLOO, c'est parce que nous considérons que c'est un véritable enjeu national. On ne peut pas avoir dans nos banlieues autant de discriminations, autant de difficultés, deux fois et demie plus de chômeurs que dans les autres quartiers, de la discrimination et aussi, il faut le dire aussi de très belles réussites. Et il est nécessaire de remobiliser, d'accélérer le travail de la République, dans certains quartiers d'ailleurs de ramener la République, donc un plan est nécessaire. Il y a eu un premier plan lancé par Jean-Louis BORLOO en 2003, qui devait durer 10 ans, et qui n'est pas encore terminé.
YVES CALVI
Mais justement Jacques MEZARD, vous savez, l'expression consacrée, alors peut-être l'est-elle trop, c'est de dire en permanence, on a 40 ans d'échecs dans la politique de la ville, on a parfois l'impression qu'on a déversé des milliards en banlieues et que ça ne sert à rien, que ceux qui y vivent, y sont toujours aussi mal et ne peuvent pas se projeter dans l'avenir du pays.
JACQUES MEZARD
Non, je trouve que cela est caricatural, parce qu'il y a aussi de belles réussites dans ces banlieues. Il y a des problèmes, il y a trop de discriminations, il y a trop de difficultés, mais il y a aussi des réussites, et il y a aussi beaucoup de nos concitoyens qui y vivent et qui sont heureux d'y vivre. Il y a aussi la réalité, qu'il y a beaucoup de mobilités dans ces quartiers, qu'ils sont un peu le sas de la République. Et donc il est nécessaire de ramener des équilibres, de faire en sorte que ceux qui y vivent, puissent au niveau de l'éducation, au niveau de la sécurité, au niveau de la santé, au niveau de l'emploi, puissent se retrouver dans des situations comparables à celles du reste du territoire.
YVES CALVI
Jacques MEZARD, on entend votre volonté, après il faut mettre des choses en face. Alors Jean-Louis BORLOO souhaiterait faire des banlieues un sujet prioritaire, c'est exactement ce que vous êtes en train de nous dire, un sujet à 48 milliards d'euros. Ce chiffre d'ailleurs est-il réaliste dans un contexte de rigueur budgétaire que le Premier ministre et le président ne cessent de nous rappeler.
JACQUES MEZARD
Ecoutez, là aussi faisons attention avec les chiffres. Pourquoi 48 milliards d'euros ? Parce que finalement le premier plan initialement sur 10 ans, c'était un peu plus de 40 milliards, tout dépend de la manière dont on regroupe les crédits et sur quelle durée. Ce qui est nécessaire bien évidemment, c'est de faire un effort particulier sur ces quartiers, comme ministre de la Cohésion des territoires, je dis aussi attention, nous avons un certain nombre de territoires ruraux qui sont en décrochage. Il s'agit donc…
YVES CALVI
Donc il n'y a pas de guerre, pardonnez-moi, entre la France de la ruralité qui elle aussi se plaint, et la France des banlieues ? C'est un même projet ?
JACQUES MEZARD
C'est… en tout cas le projet du gouvernement et si je suis ministre de la Cohésion des territoires…
YVES CALVI
Oui, c'est votre intitulé.
JACQUES MEZARD
… Ca a un sens, c'est parce que nous avons un certain nombre de territoires en décrochage pour des raisons diverses, mais la constatation, c'est celle-ci et c'est quelque chose, c'est un véritable enjeu national, je l'ai dit, de restaurer ces équilibres-là. Bien sûr, il y a des territoires ruraux qui vont bien, mais il y en a qui décrochent, avec des pertes de population. Dans certains quartiers, on a au contraire une augmentation de la population et des problèmes sociaux importants, par rapport auxquels il est nécessaire de réagir et de réagir vite. Si on a lancé d'ailleurs, depuis 10 mois, la police de sécurité au quotidien, si avec Muriel PENICAUD, j'ai lancé, il y a une quinzaine de jours l'expérimentation des emplois francs sur 25 % de tous les quartiers, et ça marche déjà, rapidement, si nous avons fait le dédoublement des classes primaires, tout cela a un sens, parce que quand l'illettrisme se développe dans certains quartiers, c'est catastrophique. Il est nécessaire d'agir, vous l'avez dit.
YVES CALVI
Donc, pardonnez-moi, l'argent jouera un rôle aussi, nous sommes bien d'accord ?
JACQUES MEZARD
Nous avons, bien sûr qu'il est nécessaire d'avoir de l'argent.
YVES CALVI
Dans quelles proportions ?
JACQUES MEZARD
Mais il s'agit aussi d'utiliser de manière efficace, de rassembler, de coordonner. Moi, j'ai besoin d'interministériel, pourquoi j'ai souhaité l'implication directe du président de la République et du Premier ministre ? Parce que c'est un enjeu national, parce qu'il faut de l'interministériel, parce qu'on a besoin de l'action du ministre du Travail, on a besoin de l'action du ministre de la Santé, du ministre de la Culture, du ministre de l'Enseignement.
YVES CALVI
Il ne faut pas un ministre de la Ville ?
JACQUES MEZARD
On ne peut réussir dans ces quartiers, pardon ?
YVES CALVI
Il ne faut pas un ministre de la Ville en tant que tel, vous savez à quel point les maires de banlieues ont été déçus, ils voulaient un ministre dédié.
JACQUES MEZARD
Oui, mais écoutez, il faut savoir ce qu'on veut, il y a eu des ministres de la Ville justement depuis 2003. Et on m'explique aujourd'hui que ça n'a pas marché.
YVES CALVI
Et Jean-Louis BORLOO, lui, il veut un Général PATTON soutenu par une équipe musclée, alors est-ce que vous voulez monter sur le char, vous ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, c'est moi qui lui ai parlé du Général PATTON.
YVES CALVI
Voilà, donc c'est vous, PATTON ?
JACQUES MEZARD
Le Général PATTON, il disait, « une troupe, ça se tire, c'est comme un spaghetti, ça se tire, ça ne se pousse pas ». On a besoin dans ce pays effectivement de relancer certaines dynamiques. On a besoin de redonner conscience, de redonner confiance et d'abord à ceux qui sont dans la difficulté, parce qu'on voit bien et on voit bien certains affrontements, certaines difficultés, je suis à Toulouse, parce que j'ai l'habitude d'aller sur le terrain lorsqu'il y a des difficultés, eh bien on voit bien à la fois aussi l'attente. Il y a beaucoup d'inquiétudes, mais il y a aussi beaucoup d'attentes dans ces quartiers. Il y a des jeunes qui veulent réussir, il y a une majorité de jeunes qui veulent réussir. On ne peut pas se contenter de regarder.
YVES CALVI
Deux questions très ponctuelles, à quand le discours du président de la République sur nos banlieues et sur la politique de la Ville ?
JACQUES MEZARD
Normalement, je pense autour de la mi-mai, parce qu'il fallait justement ce délai entre la remise du rapport et puis le travail que nous faisons pour travailler sur l'utilisation de ce rapport et l'expression du président de la République, puis bien sûr le travail que mènera le Premier ministre au niveau du gouvernement.
YVES CALVI
Donc on saura à la mi-mai quelles sont les idées retenues dans le rapport qui va être présenté ce matin. Une toute dernière chose, François HOLLANDE s'est cru obligé hier de qualifier Emmanuel MACRON de président des très riches, au moment où justement on veut travailler sur la politique de la ville, que lui répondez-vous ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, je crois surtout qu'il faut sortir de ces postures et moi, je ne fais pas le procès de ce qui s'est passé sous les quinquennats précédents. Je crois que ce que nos concitoyens attendent, c'est justement qu'au-delà des sensibilités diverses, on arrive à travailler ensemble pour résoudre les problèmes concrets.
YVES CALVI
Et donc à vos yeux, François HOLLANDE n'est pas comptable de l'échec de la politique de la ville jusqu'ici ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, on ne va pas revenir là-dessus, moi ce qui m'importe, c'est qu'on puisse faire plus, qu'on puisse faire mieux, pour redonner de l'espoir dans ces quartiers, dans certains territoires ruraux. Ça ne se fera pas en quelques mois, même si on a depuis plusieurs mois pris un certain nombre de mesures que je crois utiles, il en faut d'autres, il en faudra d'autres et c'est un plan au moins sur ce quinquennat.
YVES CALVI
Bilan des courses, on a bien compris à la mi-mai avec la prise de parole du président de la République et puis on attend bien entendu la remise du plan Borloo au Premier ministre. Merci beaucoup Jacques MEZARD.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2018