Interview de M. Bruno Lemaire, ministre de l'économie et des finances, avec France Culture le 9 mai 2018, sur les mouvements sociaux à Air France et à la SNCF et sur la politique fiscale du gouvernement.

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Média : France Culture

Texte intégral


GUILLAUME ERNER
Nous accueillons le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le MAIRE, bonjour...
BRUNO LE MAIRE
Bonjour.
GUILLAUME ERNER
On va parler d'un certain nombre de dossiers lourds : AIR FRANCE, la SNCF, les mouvements sociaux les GAFA, les guerres commerciales, bref tout cela, mais, au début, je voulais quand même vous proposer l'extrait d'un discours un peu plus léger - celui d'Edouard BAER hier lors de l'ouverture du 71ème Festival de Cannes.
EDOUARD BAER, MAITRE DE CEREMONIE DU 71EME FESTIVAL DE CANNES – EXTRAIT DISCOURS
Personne ne sait quoi faire, Anna KARINA, est-ce qu'il faudrait faire quelque chose ? Donc, on fait de son mieux quoi, on fait du mieux qu'on peut. Est-ce que Jean-Luc GODARD par exemple quand il réalise « Pierrot Le Fou » dont on vient de voir un extrait et qui fait l'affiche du Festival cette année, est-ce qu‘il sait ce qu'il fait ? Est-ce qu'il savait ce qu'il allait faire ? Est-ce qu'il savait ce qu'il avait fait ? Non ! Je ne crois pas, non, il suit l'inspiration, il suit le mouvement, il avance quoi, il trace sa route, alors nous on n'est pas Jean-Luc GODARD, je ne suis pas GODARD, mais qu'est-ce qui nous interdit d'avancer ? Qu'est-ce qui nous interdit de nous lancer ? On attend quoi, une autorisation ? Mais de qui ? La légitimité ? Mais on l'a prend.
GUILLAUME ERNER
La voix d'Edouard BAER hier lors de l'ouverture du 71ème Festival de Cannes ! Et je me suis demandé, Bruno Le MAIRE, si en politique aussi on faisait ce que l'on pouvait, on n'est pas Jean-Luc GODARD, les journalistes non plus d'ailleurs ne sont pas Jean-Luc GODARD ?
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, il y a une différence par rapport à ce très beau texte Edouard BAER – qui en dit long d'ailleurs sur le talent d'Edouard BAER - c'est que la légitimité on ne la prend pas, on est en démocratie et donc la légitimité on la demande, mais, une fois qu'on a reçu cette légitimité, il faut faire preuve effectivement de cette audace, de cette liberté, aller au bout de ses convictions et surtout aller au bout de ce qu'on a proposé aux gens qui vous ont donné cette légitimité, en ayant toujours conscience - c'est une chose que n'a pas dit Edouard BAER – mais que la vie est courte, que la vie politique encore plus courte, il y a un début, il y a une fin, il y a des mandats, donc il ne faut pas perdre son temps.
GUILLAUME ERNER
Est-ce qu'être audacieux en politique c'est aussi être raisonnable par exemple face à des conflits sociaux qui semblent s'enliser à AIR FRANCE, à la SNCF, est-ce que finalement il ne faut pas entendre raison, entendre ceux qui grognent, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut toujours entendre raison, mais la raison sur la SNCF, sur AIR FRANCE est justement de comprendre qu'il y a des réalités, sur AIR FRANCE il y a une réalité c'est que il y a une concurrence acharnée de la part d'autres compagnies aériennes européennes, il y a une concurrence acharnée des pays du Golfe, il y a un prix du pétrole qui remonte, donc il y a des efforts à faire pour que notre compagnie, cette belle compagnie aérienne soit plus rentable, plus compétitive, et c'est pour moi la seule voie de raison - ça n'exclut pas le dialogue social, comprendre pourquoi il y a de tels tiraillements à AIR FRANCE, tant d'inquiétudes, tracer un cap, le tenir - mais la raison c'est de comprendre la réalité du monde qui nous entoure ; même chose pour la SNCF, il va y avoir une ouverture de la concurrence, il faut qu'elle soit réussie.
GUILLAUME ERNER
Pensez-vous Bruno Le MAIRE qu'AIR FRANCE soit aujourd'hui menacée de disparaître ?
BRUNO LE MAIRE
Je l'ai dit et je le confirme, on a vu beaucoup de magnifiques compagnies aériennes disparaître au cours des 20 ou 30 dernières années, rien n'est acquis, nous sommes dans un monde économique où rien n'est acquis et où les bouleversements peuvent arriver très vite. Moi je tiens à AIR FRANCE, je tiens cette compagnie, je tiens à avoir l'empennage bleu-blanc-rouge continuer à voler à travers tous les ciels de la planète, mais pour ça il faut qu'AIR FRANCE redevienne compétitive, qu'elle arrête d'accumuler les pertes comme elle le fait depuis le début de l'année, qu'elle retrouve le chemin sur lequel elle était depuis deux ans qui est celui des gains de productivité, d'un meilleur service, d'une amélioration de l'offre, parce que c'est comme ça qu'elle s'en tirera - et elle a toutes les qualités, toutes les capacités pour le faire - et la première qualité qu'elle a c'est la qualité de ses personnels.
GUILLAUME ERNER
Est-ce que l'Etat, qui a aujourd'hui un peu plus de 14 % du capital d'AIR FRANCE, est-ce que est l'Etat va peser sur les négociations ou bien au contraire est-ce qu'il ne faudrait pas que l'Etat vende sa participation par exemple et se retire de cette société ?
BRUNO LE MAIRE
Vendre sa participation aujourd'hui, à un moment où le titre s'est effondré ou a beaucoup baissé, je pense que ce ne serait pas une décision très avisé, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour.
GUILLAUME ERNER
C'est dommage, on a trop tardé à vendre cette participation ?
BRUNO LE MAIRE
L'Etat a 14 %, l'Etat jouera son rôle d'actionnaire minoritaire dans l'entreprise AIR FRANCE. Je crois que l'urgence aujourd'hui c'est de mettre en place une direction de transition puisque Jean-Marc JANAILLAC a confirmé qu'il partira prochainement, je verrai Jean-Marc JANAILLAC d'ailleurs aujourd'hui pour discuter avec lui de la manière dont il voit AIR FRANCE, de l'avenir d'AIR FRANCE – c'est intéressant d'avoir le regard de celui qui sera désormais l'ancien président - nous mettrons en place une direction de transition et il faudra que le plus vite possible une nouvelle direction se mette en place, avec une feuille de route très claire : le rétablissement du dialogue social, parce que s'il n'y a pas de dialogue social de toute façon il n'y aura pas de redressement de l'entreprise et l'amélioration de la compétitivité, et je souhaite que cette future direction soit représentée par quelqu'un qui connaisse bien le secteur aérien et donc puisse être à pied d'oeuvre tout de suite.
GUILLAUME ERNER
Mais sur quelle base négocier puisque, semble-t-il, le salaire des pilotes a été jugé comme étant important aujourd'hui, une augmentation de ce salaire semble donc irréaliste, comment allez-vous faire en sorte que ce dialogue social reprenne alors que manifestement...
BRUNO LE MAIRE
Ca ce sera la responsabilité de la direction, c'est pas la responsabilité de l'Etat - qui est je le rappelle actionnaire minoritaire - moi je laisse à la direction, la future direction, le soin de diriger pleinement AIR FRANCE dans la bonne direction. Je voudrais juste faire en observation, qui sort gagnant de ces dernières semaines de ce conflit, de cette grève, de ce référendum ? Personne ! Pas un Français, pas la compagnie AIR FRANCE, pas l'Etat, pas les salariés, pas les pilotes, personne, les seuls qui sortent gagnants c'est nos concurrents des compagnies du Golfe ou des compagnies européennes. Donc, il est vraiment temps que nous passions entre chose.
GUILLAUME ERNER
Concernant maintenant la SNCF, est-ce que cette porte qui était censée être ouverte et qui a été finalement à peine entrouverte par le Premier ministre n'est pas insuffisante pour en finir avec ce conflit social, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je crois que la porte qui était ouverte par le Premier ministre c'est une porte qui est importante, enfin il ne faut pas minimiser l'importance de ce qu'a annoncé le Premier ministre...
GUILLAUME ERNER
Sur quels points ?
BRUNO LE MAIRE
Et ce qu'a annoncé également le président de la République, notre disponibilité à reprendre progressivement à partir de 2020 la dette de la SNCF, 46 milliards d'euros, mais enfin ce n'est pas une paille, 46 milliards d'euros ça va peser sur la dette française et surtout ça pèsera sur les intérêts globaux de la dette française, donc c'est un effort considérable qui est fait - ça fait partie des sujets de discussion - le Premier ministre a également mis sur la table la discussions sur la convention collective des cheminots, donc je crois qu'il y a de quoi discuter entre l'Etat et les représentants syndicaux.
GUILLAUME ERNER
Par exemple, par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le Premier ministre qui est à la manoeuvre sur cette discussion, mais quel est le montant de la dette que nous reprendrons, à quel rythme, selon quelles modalités ? Ca, c'est des vrais sujets de discussion qui sont sur la table.
GUILLAUME ERNER
Pourquoi avoir choisi de faire du statut un élément non négociable alors que les futurs embauchés, qui ne seront plus au statut et qui donc bénéficieront de conditions salariales, de conditions d'emploi moins avantageuses, tout ceci cela va représenter des économies de bouts de chandelle par rapport à ces 46 milliard, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord ça n'existe pas les économies de bouts de chandelle...
GUILLAUME ERNER
Ah !
BRUNO LE MAIRE
Non, non, ça n'existe pas.
GUILLAUME ERNER
Des petites sommes si vous préférez ?
BRUNO LE MAIRE
Oui. Mais malheureusement c'est les petits fleuves qui font les grandes rivières et je suis bien placé...
GUILLAUME ERNER
Par rapport à un énorme océan de dettes ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je suis bien placé comme ministre des Finances pour vous dire qu'à chaque fois qu'on veut faire une économie où que ce soit, on va vous dire : « mais ce n'est pas assez, ça ne sert à rien de la faire, on ne l'a fait pas » et puis, au bout du compte, vous ne faites aucune économie - c'est un combat difficile de réduire la dépense publique je peux vous le dire - et avec Gérald DARMANIN nous travaillons justement à de nouvelles propositions pour le Premier ministre et pour le président de la République pour continuer dans cette voie de la réduction de la dépense publique ; et je reviens sur le point des cheminots...
GUILLAUME ERNER
Je vais vous le dire autrement dans ce cas-là, prendre ce point-là qui est un point symbolique...
BRUNO LE MAIRE
Mais le symbole compte, pourquoi est-ce que les cheminots auraient un statut exorbitant du droit commun ? Qu'est-ce qui le justifie ? Là aussi je pense que quand on veut transformer en profondeur la société française, notre économie, on ne peut plus accepter des statuts exorbitants du droit commun. D'abord ils sont coûteux...
GUILLAUME ERNER
Mais il n'est pas exorbitant, vous le savez bien ?
BRUNO LE MAIRE
Ils sont coûteux, ils empêchent la polyvalence dans les métiers et donc ils ne sont pas adaptés à l'ouverture à la concurrence, donc nous ne céderons pas sur la fin du statut des cheminots.
GUILLAUME ERNER
Donc, c'est uniquement un point symbolique ?
BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas que symbolique, il y a aussi la polyvalence, il y a le coût que ça représente – et vous pouvez considérer que ce coût minime – moi comme ministre des Finances je considère que toute économie est bonne à prendre.
GUILLAUME ERNER
Si toute économie est bonne à prendre, dans ce cas-là pourquoi avoir fait des choix – et je passe maintenant au volet fiscal – pourquoi avoir fait des choix qui sont jugés par beaucoup Bruno Le MAIRE comme étant des cadeaux aux plus riches, président des très riches, François HOLLANDE a qualifié ainsi Emmanuel MACRON, pourquoi avoir fait cette réforme de l'ISF qui permet à un certain nombre de personnes fortunées, qui ont un patrimoine boursier, de ne plus être assujettis à cet impôt ?
BRUNO LE MAIRE
Sur la remarque de François HOLLANDE, je voudrais juste rappeler que lui est le président qui aura appauvri les Français, il a augmenté la dette, a augmenté les dépenses publiques, a augmenté massivement au début du quinquennat les impôts et il s'est montré incapable de réduire le chômage dans notre pays, donc je crois qu'on peut s'abstenir de critiques quand on laisse un bilan comme celui-là ; Ensuite le pari que nous faisons avec le président de la République, il est très clair, c'est la relance de l'activité économique, le soutien aux entrepreneurs pour créer des emplois pour les Français, nos entreprises ont besoin de capital, elles ont besoin d'investir davantage pour innover, faire des produits de meilleure qualité, donc il faut libérer du capital, supprimer l'ISF c'est libérer du capital pour le financement de notre économie ; Les décisions qui sont prises sur le prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les revenus du capital, même décision ; les annonces que j'ai faites sur l'épargne retraite, laisser à chaque salarié la liberté de choisir à la fin de sa carrière professionnelle s'il veut libérer son épargne retraite en rente ou s'il préfère avoir un capital, c'est la même logique, favoriser le développement de l'épargne retraite pour qu'elle puisse aider au financement de notre économie. Quel est le problème majeur de notre économie ? C'est que nos entreprises sont trop petites et, donc, ne créent pas assez d'emplois et mon objectif c'est de lever tous les obstacles qui sont sur la route de ces TPE, de ces PME, de ces commerçants, de ces artisans qui veulent grandir, le manque de financement, le manque d'épargne longue disponible pour se financer, les obligatoires réglementaires, les seuils... nous allons supprimer le seuil de 20 salariés, nous allons donner cinq années aux PME pour qu'elles puissent franchir les seuils dans de meilleures conditions. Les choix que je fais sur les commissaires aux Comptes, j'ai vu les réactions des commissaires aux Comptes, nous sommes en discussion avec eux, mais on ne peut pas imposer aux PME des obligations en matière de commissaires aux Comptes plus lourdes que celles qui existent dans d'autres pays européens, c'est à chaque fois la même logique : aider nos entreprises à grandir pour créer des emplois.
GUILLAUME ERNER
Ce volet-là on le comprend bien, mais pour ce qui concerne les particuliers par exemple qui sont aujourd'hui considérés à juste titre comme des grosses fortunes, qui ont un portefeuille boursier, on a l'impression que tout ceci finalement revient à penser que le ruissellement est un fait, on entend ensuite dire que finalement cette théorie du ruissellement n'est pas prise au sérieux par le gouvernement. Expliquez-nous finalement quelle est la logique de cette réforme, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je ne crois pas du tout à la théorie du ruissellement, je préfère le dire tout de suite, et d'ailleurs j'ai même assumé...
GUILLAUME ERNER
Vous dites comme les autres membres du gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
Oui, parce que je ne fais pas que dire, je prends des décisions - dire ça ne suffit pas, il faut prouver en politique - donc d'ici deux ans nous ferons une évaluation de la politique fiscale du gouvernement...
GUILLAUME ERNER
Et si ça n'a pas marché ?
BRUNO LE MAIRE
Sur le prélèvement forfaitaire unique, sur l'ISF, et, s'il y a des ajustements à faire sur un point ou sur un autre, nous ferons nos ajustements. Nous ne remettrons évidemment pas en cause les grandes directions fiscales du gouvernement, parce que je crois à la stabilité en matière fiscale, mais nous rendrons des comptes, je suis prêt à rendre des comptes sur cette politique d'ici deux ans ; Et puis on parle...
GUILLAUME ERNER
C'est une déclaration importante Bruno Le MAIRE parce que, en économie, il y a une certitude autant qu'on peut en avoir en économie, il n'y a pas de lien entre la diminution des impôts et la croissance ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a une certitude c'est qu'en revanche, lorsque vous augmentez les impôts, vous appauvrissez les Français, vous nourrissez le ras-le-bol fiscal que l'on connaît bien, et...
GUILLAUME ERNER
Ça c'est la courbe de l'affaire ! Et la courbe de l'affaire, comme vous le savez, elle a été tracée...
BRUNO LE MAIRE
Voilà !
GUILLAUME ERNER
Elle a été tracée sur une nappe de restaurant...
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais elle est...
GUILLAUME ERNER
Ce n'est pas vraiment une théorie économie, Bruno Le MAIRE...
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas vraiment une théorie économique, mais vous savez...
GUILLAUME ERNER
C'est un dessin ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a en économie un bon sens qu'il faut savoir écouter et le bon sens est que dépenser beaucoup plus d'argent public et augmenter les impôts des Français, ça été testé depuis 30 ans, ça ne marche pas, c'est purement pragmatique, mais je pense qu'il est temps d'essayer autre chose - c'est ce que nous faisons – nous allons la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages, nous permettons aux entreprises de mieux se financer et avec cela nous créons des emplois pour les Français, les résultats sont là : 270.000 emplois créés en 2017, une croissance qui revient, des emplois créés pour la première fois dans le secteur industriel ; et puis vous me parlez des contribuables les plus fortunés, je voudrais rappeler aussi ce qui est fait pour tous les salariés, quand nous supprimons le forfait social sur l'intéressement, 0 % de forfait social pour tous les salariés qui bénéficieraient d'un intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, c'est un soutien massif à l'augmentation des salaires et des rémunérations de tous ceux qui travaillent. Quand nous supprimons les forfaits sociaux, quand nous supprimons les cotisations sociales pour les salariés c'est une aide massive à ceux qui travaillent, quand nous envisageons avec le président de la République et le Premier ministre de supprimer des cotisations sociales sur les heures supplémentaires c'est toujours la même logique : faire en sorte que le travail paie, et là c'est des millions de Français qui sont concernés.
GUILLAUME ERNER
Justement au sujet du prélèvement à la source il y a un article dans le Canard enchaîné ce matin, vous parlez de simplifier la vie des individus, mais là ça devient une sorte de casse-tête, il va y avoir une année blanche – mais en réalité une année blanche ça ne veut pas dire plus d'impôts – un casse-tête pour les petites entreprises qui vont devoir appliquer cette réforme. Est-ce que vous ne trouvez pas finalement qu'on aurait mieux fait d'ajourner cette réforme, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a toujours 1.000 raisons pour ajourner les réformes, 1.000 bonnes raisons, moi j'avais demandé d'ailleurs à ce qu'on se donne du temps pour mettre en place cette réforme - j'avais proposé qu'on prenne un an supplémentaire - nous avons pris avec Gérald DARMANIN qui est responsable de cette réforme un an supplémentaire pour répondre aux inquiétudes notamment des entreprises...
GUILLAUME ERNER
Et aujourd'hui on est prêts ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'aujourd'hui nous sommes prêts et que Gérald DARMANIN prend toutes les mesures nécessaires pour répondre aux inquiétudes des entreprises, sur le volet pénal par exemple il y avait une vraie inquiétude des PME, nous avons répondu très concrètement et Gérald DARMANIN a répondu à cette inquiétude des PME en supprimant cette incrimination pénale - comme quoi nous écoutons, nous tenons compte des critiques et nous corrigeons - bien sûr que c'est un changement qui est lourd, bien sûr que c'est un changement important dans la fiscalité française, je suis persuadé que dans trois ans ou quatre ans...
GUILLAUME ERNER
Pardon !
BRUNO LE MAIRE
Quand les Français auront pris l'habitude de ce prélèvement à la source, ils se diront : « mais quand même c'est beaucoup plus simple que ce qui existait auparavant ».
GUILLAUME ERNER
En attendant 20218 va être une bonne année pour vous, puisque, lorsque vous allez mettre en place ce prélèvement à la source – vous voyez j'ai déjà fait une erreur, ça sera en 2019...
BRUNO LE MAIRE
2018 !
GUILLAUME ERNER
Donc en 2019, lorsque vous allez mettre en place ce prélèvement à la source, il va y avoir un décalage pour les ménages qui ont un certain nombre de déductions fiscales, notamment pour la déduction de la CSG, cette déduction de la CSG elle va se faire a posteriori, donc vous allez faire rentrer de la trésorerie – le Canard enchaîné dit à peu près trois milliards d'euros – est-ce que ce n'est pas là aussi une manière d'appauvrir un peu la classe moyenne, Bruno Le MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Mais la classe moyenne nous lui permettons d'avoir un travail qui paie plus, je voudrais vraiment ré-insister là-dessus, parce que les décisions que nous avons prises sur les cotisations sociales, sur l'intéressement, sur la participation et demain sur les heures supplémentaires vont permettre à tous ceux qui travaillent d'avoir une meilleure rémunération à la fin du mois...
GUILLAUME ERNER
Mais sur ces trois milliards de CSG...
BRUNO LE MAIRE
Ça, c'est la clé. Ensuite sur la question de la trésorerie moi je suis un peu surpris de cette analyse, parce que, quand on regarde la situation actuelle, aujourd'hui ceux qui ne sont pas mensualisés paient quasiment les 2/3 de leurs impôts avant le 15 mai – donc la trésorerie elle est favorable à l'Etat – ceux qui sont mensualisés...
GUILLAUME ERNER
Je ne parle pas d'eux !
BRUNO LE MAIRE
Et qui sont mensualisés et qui sont mensualisés sur 10 mois...
GUILLAUME ERNER
Je parle de ceux qui ont de la CSG déductible.
BRUNO LE MAIRE
Demain ils seront mensualisés sur 12 mois, ils seront prélevés pardon sur 12 mois, donc la trésorerie sera plus favorable.
GUILLAUME ERNER
Non, mais ceux qui déduisent chaque mois de la CSG et qui ne le déduiront pas avec le prélèvement à la source...
BRUNO LE MAIRE
Je rappelle enfin que chaque contribuable aura la possibilité de choisir chaque mois son niveau de prélèvement, un prélèvement à la source avec une possibilité de correction à la fin, donc je pense que ça permet de s'adapter à la difficulté que vous avez soulignée.
GUILLAUME ERNER
Bruno Le MAIRE, on a beaucoup d'autres dossiers à aborder avec vous, notamment la dénonciation de l'accord sur le nucléaire entre l'Iran et les Etats Unis et puis également évoquer la politique, une politique de droite et de droite – nous dira Frédéric SEITZ (phon) – vous nous direz comment, vous, vous jugez la politique du gouvernement, si vous considérez qu'elle est aussi à droite que Frédéric SEITZ le pense ; et puis on évoquera aussi les GAFA et un certain nombre de réformes que vous souhaitez mener. En attendant, il est 8 h sur France Culture.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2018