Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la campagne "Pour une école du respect" et la prévention contre les violences scolaires, Paris le 30 janvier 2002.

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Circonstance : Rencontre à l'initiative de Jack Lang, rendant hommage aux établissements scolaires engagés dans la bataille pour le respect à l'Ecole, à Paris le 30 janvier 2002

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
C'est avec plaisir que je participe à cette rencontre, rue de Grenelle, au sein d'une " maison " que je connais bien...
Je remercie Jack LANG pour le remarquable travail qu'il accomplit en tant que ministre de l'Education nationale. Avec Jean-Luc MELENCHON, le ministre délégué à l'Enseignement professionnel, il porte avec constance et énergie une priorité décisive pour l'avenir de notre pays, gérant le premier budget de la Nation et préparant les réformes dont a besoin l'Ecole pour mieux assumer ses missions. Je salue l'initiative qu'il a prise de cette rencontre, qui me permet de faire votre connaissance et de vous écouter. J'apprécie ces moments d'échange et de dialogue. Merci à vous tous -élèves, enseignants, chefs d'établissements et directeurs d'écoles, parents d'élèves- d'être venus témoigner de votre expérience et de votre engagement, personnel et collectif, pour le respect à l'Ecole. Merci de vous être rendus au ministère de l'Education nationale, au terme d'un chemin beaucoup plus long que le trajet rue de Varenne, ou plus précisément Place du Palais-Bourbon, où je répondais aux questions d'actualité-rue de Grenelle, que je viens de parcourir, puisque vous venez de Marseille, de Toulouse, de Lille, de Pantin, de Gonesse, de Choisy-le-Roi ou de bien d'autres villes de France.
La conférence mondiale " Violences à l'école et politiques publiques ", qui s'est tenue à Paris l'an dernier, et à laquelle j'avais participé avec Jack LANG, avait permis de le souligner : les causes des comportements agressifs sont complexes et la banalisation des phénomènes de violence est un problème qui se pose à l'ensemble des sociétés démocratiques.
La violence, quelles qu'en soient les formes, est inacceptable. Elle fait souffrir ceux qui la subissent et qui connaissent la peur, parfois la honte ou la culpabilité, avec souvent pour conséquence le silence, le repli sur soi, un sentiment d'abandon et de malheur. De même, les faits d'incivilité et d'indiscipline, en s'accumulant, peuvent rendre insupportable la vie quotidienne des établissements scolaires pour les élèves, les enseignants et tous les personnels.
Mesdames, Messieurs,
Je veux le dire devant vous avec force : je refuse toute fatalité de la violence. Je sais que vous partagez cette conviction, puisque vous tous, ici, apportez la preuve que la bataille pour le respect à l'Ecole peut et doit être gagnée.
Vous venez d'en témoigner, la bataille pour le respect à l'Ecole est déjà bien engagée dans de nombreux établissements.
J'ai pris connaissance à l'instant de vos témoignages : je suis frappé par la détermination, le courage, les qualités humaines qui se dégagent de vos récits.
- Vous avez démontré que l'action collective, le dialogue entre tous les acteurs de la communauté éducative et le travail mené avec les partenaires de l'Ecole peuvent faire reculer les incivilités et l'agressivité.
- Je constate que beaucoup d'établissements du second degré y parviennent, et que si des actes de violence peuvent se produire dans le premier degré, ils sont au bout du compte peu fréquents.
Je me réjouis en effet de constater que plusieurs départements enregistrent des résultats positifs, significatifs et encourageants :
- en Seine-Saint-Denis : -12,5 % ;
- à Paris : - 17 % ;
- dans les Bouches-du-Rhône : - 18 %.
- Restons mobilisés, car les succès sont toujours fragiles dans ce domaine. Mais les résultats sont là, vous en êtes les acteurs et les témoins.
Je rends hommage à tous ceux qui, confrontés à ces problèmes difficiles et si éprouvants, obtiennent ces résultats réconfortants.
- Je rends d'abord hommage à leur courage -car il faut du courage, parfois physique et toujours moral, pour dénoncer la violence. Je salue leur refus de laisser l'intimidation, l'indifférence et la peur envahir leurs vies.
- J'apprécie que la tolérance et le respect d'autrui inspirent leurs actes.
- Leur engagement est un exemple pour leurs condisciples, pour leurs collègues et, c'est très important, pour les plus jeunes, si influençables (les petits frères et soeurs).
Je tiens à rendre un hommage particulier aux collégiens et aux lycéens, dont quelques-uns sont parmi nous, pour leur engagement dans ce combat.
- Je ne peux les citer tous, bien sûr, mais je mentionnerai parmi d'autres :
- les collégiens du collège MATISSE de Choisy-le-Roi, auteurs d'un " manifeste contre la violence ", qui a été adressé à tous les élèves de sixième ;
- les lycéens du Conseil national de la vie lycéenne, qui ont lancé une remarquable campagne de mobilisation ;
- les lycéens d'Ile-de-France, qui ont conçu un " manuel lycéen contre la violence ".
- Je suggère à ceux qui se complaisent dans le fatalisme de prendre exemple sur cette jeunesse qui résiste, qui rappelle qu'il n'y pas de vie en commun sans règles et qui parfois invente de nouvelles formes de citoyenneté.
Dans toutes ces actions, je vois un encouragement à poursuivre l'effort, pour les pouvoirs publics et pour tous ceux qui, jour après jour, travaillent pour que l'on réussisse et que l'on soit heureux à l'Ecole.
- Recteurs, inspecteurs, chefs d'établissements et directeurs d'école, enseignants, surveillants, médecins, infirmières scolaires et assistants sociaux, personnels administratifs et de service, parents d'élèves, militants associatifs et partenaires de l'Education nationale, je tiens à vous remercier chaleureusement pour tout ce que vous faites.
- Ensemble, vous donnez une belle illustration à la formule de Victor HUGO, dont nous fêtons cette année le bicentenaire de la naissance : " vouloir fermement, c'est pouvoir ".
Dans ce combat pour le respect, l'Ecole n'est pas seule.
Elle n'est pas seule parce qu'elle est au coeur d'une mobilisation collective.
Pour sa part, le Gouvernement s'est donné les moyens de lutter plus efficacement contre les actes d'incivilité, d'agressivité, d'irrespect ou de violence à l'Ecole. Nous voulions d'abord parvenir à une connaissance objective du phénomène.
- C'est pourquoi dès l'année scolaire 1997-98, Claude ALLEGRE et Ségolène ROYAL avaient demandé aux recteurs de faire remonter chaque jour, au ministère, un rapport sur les incidents se produisant dans les établissements scolaires.
- Dans la même optique, le Gouvernement a créé, à l'initiative de Jack LANG, en octobre 2000, un Comité national de lutte contre la violence à l'école ; il est animé par des magistrats, des éducateurs, des policiers, des élus, toutes personnalités ayant une expérience concrète du terrain.
- Je remercie sa Présidente, Mme Sonia HENRICH, pour son exposé sur le nouveau logiciel de recensement SIGNA. C'est un plaisir de voir qu'un outil qu'on a suggéré a été mis en place. Depuis la rentrée 2001, SIGNA est devenu un outil essentiel de notre dispositif de compréhension et de prévention : plus simple, plus fiable et plus efficace, il permet à l'Education nationale et à ses partenaires de maintenir une sorte de veille permanente sur ces problèmes et de mieux cibler leur action. La France est le premier pays au monde à s'être doté d'un tel outil de connaissance et de prévention des violences à l'Ecole.
Au sein même des établissements, la mobilisation de l'ensemble de la communauté éducative est le seul moyen d'obtenir des résultats durables. Grâce au plan pluriannuel de création d'emplois engagé par le Gouvernement, nous pourrons au cours des prochaines années démultiplier nos actions contre les incivilités, les agressions et les violences. Avec le ministre, nous proposons en particulier trois mesures :
1. la nomination d'assistants sociaux pour toutes les écoles maternelles et élémentaires dans les zones d'éducation les plus difficiles ; les expérimentations menées en Seine-Saint-Denis ont montré l'efficacité d'un tel dispositif, qu'il faut donc généraliser progressivement ;
2. une meilleure formation et une augmentation des effectifs de conseillers principaux d'éducation et de surveillants ;
3. la nomination auprès des recteurs, dans les plus brefs délais, d'un proviseur " vie scolaire " par département dans les dix académies du plan violence. Là encore, l'expérimentation menée en Ile-de-France s'est révélée efficace.
La mobilisation concerne aussi les partenaires institutionnels de l'Ecole : la police, la Justice, les équipes de prévention sociale, les services de santé et bien sûr les élus locaux. C'est une action collective qui est engagée et qui doit se poursuivre. Les rapports de confiance désormais établis dans le cadre des contrats locaux de sécurité sont encourageants.
L'Ecole n'est pas seule, parce que la lutte pour la sécurité s'inscrit dans une politique d'ensemble, menée par le Gouvernement depuis 1997.
Certes, aucun facteur social ne produit mécaniquement des actes d'incivilités et de délinquance : la responsabilité des individus est irréductible.
- Mais il est vrai aussi que l'injustice sociale favorise ces actes. Le chômage, les inégalités et la misère, souvent en disqualifiant les parents dans leur rôle d'éducateurs, sont un terreau pour la délinquance.
- C'est pourquoi la violence est une question que l'Ecole ne peut régler à elle seule. Elle interpelle la société tout entière et nous devons la résoudre ensemble.
Le Gouvernement lutte résolument pour la sécurité de tous. Il le fait depuis près de cinq ans avec autorité et fermeté, en rappelant les valeurs républicaines, en augmentant les moyens de la police et de la Justice, en luttant de façon globale contre les causes économiques et sociales de l'insécurité.
En particulier, le Gouvernement a fait de la réduction des inégalités une priorité absolue.
- La lutte contre le chômage, l'instauration de la couverture maladie universelle, la mise en place d'une politique de la Ville ambitieuse, la mise en oeuvre de la loi d'orientation contre les exclusions forment une politique ambitieuse.
- Rendre la société plus juste et retrouver une mixité sociale dans les banlieues de nos villes, c'est faciliter la mission de l'Ecole. Amplifions l'action engagée pour casser les " ghettos " et redessiner notre tissu urbain.
- La mixité sociale permettra une meilleure mixité scolaire. J'attends avec beaucoup d'intérêt, sur ce sujet, les conclusions du rapport de M. Jean HEBRARD, Inspecteur général de l'Education nationale.
A travers ce combat, en effet, nous affirmons une ambition plus vaste : l'Ecole doit rester un lieu d'instruction, d'épanouissement et de transmission des valeurs fondatrices de la République.
L'école doit être un lieu ouvert sur le monde, mais protégé de ses turbulences. En son sein, les élèves doivent apprendre et les enseignants transmettre les connaissances en étant assurés de leur sécurité personnelle et collective. Le respect d'autrui, limite de la liberté individuelle, est la condition première de cet échange.
Partout en France, l'Ecole doit être un lieu de paix, où la tranquillité de chacun -élèves, enseignants, personnels administratifs et de service- doit être préservée.
Mesdames, Messieurs,
En vous voyant ici rassemblés, j'en ai la conviction : nous gagnerons et nous réussirons partout, dans toutes les écoles de France, à promouvoir ce respect sans lequel il n'est pas d'éducation ni d'épanouissement possibles.
Je voudrais laisser les derniers mots de cette rencontre aux élèves qui ont participé, dans toutes les Académies de France, de Métropole et d'Outre-Mer, à la campagne " pour une école du respect " organisée par le ministère de l'Education nationale.
Certains ont exprimé de façon remarquable des convictions que nous partageons tous ici. Je pense en particulier :
- aux lycéens de l'Académie de Caen : " Tolérer, écouter, partager, c'est ça le respect " ;
- et aux lycéens de l'Académie de Lyon : " Le respect, c'est comme un boomerang : tu donnes, ça te revient.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er février 2002)