Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir ce matin, à l'Assemblée Nationale, le colloque que j'ai souhaité organiser sur le thème de la " maîtrise de l'impact des activités agricoles sur l'environnement ", et je remercie vivement Laurent Fabius, Président de l'Assemblée Nationale, de nous accueillir dans cette maison que je connais bien, que j'estime beaucoup pour ses traditions et qui parce qu'elle est un lieu de réflexion et de propositions publiques était l'idéal pour héberger nos travaux de ce jour.
Le thème de ce colloque qui est la maîtrise de l'impact de l'agriculture sur l'environnement constitue, avec les questions de sécurité alimentaire, une de mes préoccupations majeures et l'un des axes de la politique que j'entends mener.
Il est clair aujourd'hui que, pour une grande majorité de nos concitoyens, l'image du monde agricole a tendance à se dégrader. Dans les média, dans l'opinion, agriculture rime de plus en plus souvent avec pollution des sols et de l'eau.
Et, si l'on en croit les nombreux sondages et enquêtes d'opinion, malgré la forte sympathie des Français à l'égard des Agriculteurs et du monde rural en général, il serait vain de penser que cette sympathie résisterait longtemps à des accusations de détérioration de notre environnement, dès lors que celles-ci sont parfois fondées.
La préservation de l'environnement, de nos ressources naturelles, de nos paysages, le retour à une agriculture raisonnable et raisonnée, est un souci majeur pour nos concitoyens
Nous devons tous, chacun à notre niveau de responsabilités, en avoir pleinement conscience.
Mais, plutôt que de décrire des faits, il nous importe d'analyser les causes de ces évolutions en profondeur.
La Politique Agricole Commune est souvent accusée.
Son objectif de départ, il est bon de le rappeler, était d'assurer l'approvisionnement alimentaire des consommateurs européens dans une Europe très déficitaire. Cet objectif a été atteint et cela a été une chance pour le développement et la modernisation de l'agriculture française.
Préférence communautaire et mécanismes d'intervention ont constitué les deux piliers de ce dispositif qui a incité les agriculteurs à accroître leur production, au rythme des progrès techniques selon le modèle productiviste.
C'est ainsi que, depuis 40 ans, l'évolution technologique et la restructuration agricole ont favorisé la concentration et la spécialisation de la production, grâce au développement de méthodes intensives en culture et en élevage.
Et les résultats ont été au rendez-vous.
La productivité agricole a été multipliée par 7,5.
Le volume de productions végétales a été multiplié par 4 et celui des productions animales a doublé.
Nous sommes aujourd'hui la première puissance agricole de l'Union Européenne et le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires.
Mais les conséquences pour l'espace rural, la ruralité et pour l'environnement ont été le revers de la médaille et n'ont pas été tout de suite perçues.
Ce n'est que peu à peu que l'on a pris conscience des conséquences sur le plan environnemental de cette politique : concentration des exploitations - course à l'agrandissement - exode rural accéléré et, au plan environnemental :
pollution des eaux ; dégradation physique, chimique et biologique des sols ;
pollution atmosphérique.
Même si l'agriculture n'est pas seule en cause, se sont ajoutés à ces facteurs, la détérioration de la qualité de nos paysages et l'abandon des activités agricoles dans certains espaces marginalisés car devenus peu rentables.
La France rurale a vu ainsi sa physionomie se transformer : la population agricole représente moins de 5 % de la population active mais c'est bel et bien l'agriculture qui occupe et gère la plus grande partie du territoire rural. C'est ce paradoxe qu'il nous faut résoudre aujourd'hui. Ces problèmes et les différents moyens d'actions propres à renverser cette tendance seront l'objet des débats de ce matin.
Et c'est pourquoi, je voudrais, à ce propos, vous donner quelques grandes idées qui fondent mon orientation et guident l'action de mon Ministère :
Les préoccupations environnementales, je viens de le dire, sont parfaitement légitimes. Les agriculteurs doivent contribuer, comme les autres secteurs de l'économie et l'ensemble de nos concitoyens, à la prise en compte de ces préoccupations. Il n'y a pas, en la matière, de particularisme agricole. L'environnement est l'affaire de tous. Je sais que beaucoup a déjà été fait et je considère, que le ministère de l'agriculture, est déjà engagé dans la conduite de la politique de défense de l'environnement, d'une part au niveau de la prise de conscience, puisque de nombreux agriculteurs sont d'ores et déjà sensibilisés, et d'autre part sur le plan de l'action, au travers des programmes d'initiative publique ou privée.
Une première réponse aux défis environnementaux a été donnée avec la mise en place de mesures agri-environnementales.
Elles ont accompagné la réforme de 1992 : soutien de l'élevage extensif, soutien des méthodes de culture nécessitant peu d'intrants telles que l'agriculture biologique, la protection des ressources génétiques, l'entretien des terres non cultivées
Elles sont l'objet d'une démarche volontaire des agriculteurs, indemnisés en fonction des surcoûts engagés et des pertes de revenu encourues.
Le PMPOA, c'est à dire le Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole, engagé dès 1993, s'inscrit dans cette démarche.
Ce programme a mobilisé pas moins de 1,4 Milliards de F de l'Etat et des collectivités locales, mais j'en ai demandé une expertise, afin d'en mesurer l'impact réel et procéder, éventuellement, à sa révision.
Je suis conscient qu'il est difficile d'établir un bilan de son efficacité environnementale car la mise en uvre de meilleures pratiques agronomiques ne peut être enregistrée immédiatement.
Mais nous devons aller plus loin avec des moyens plus efficaces pour encourager les bonnes pratiques, mettre en place des dispositifs de contrôle, notamment en terme de conformité des matériels d'épandage, limiter les pollutions lorsque cela s'avère nécessaire et favoriser l'évolution du comportement des agriculteurs.
La Loi d'Orientation Agricole adoptée il y a quinze jours à peine, qui devrait être promulguée sous peu, encourage la multifonctionnalité et celle-ci intègre une dimension environnementale très forte qui se retrouve avec l'EMPLOI et la QUALITE dans les Contrats Territoriaux d'Exploitation. Cette loi, ces contrats sont la pierre angulaire de cette nouvelle politique fondée non plus sur la course folle à la quantité produite, mais sur des critères mieux en phase avec notre société : EMPLOI, QUALITE, ENVIRONNEMENT, PAYSAGES.
Dans le même temps, la prise en compte de l'environnement est aussi une façon d'appréhender la production agricole et je pense en particulier à la production porcine et au lien qu'il y a entre maîtrise de la production et sauvegarde de l'environnement.
3. Un débat existe actuellement sur diverses mesures à caractère environnemental.
Certaines sont issues de l'accord de Berlin comme l'écoconditionnalité, d'autres sont actuellement discutées au plan national, je veux parler de l'application à l'agriculture de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes, la TGAP.
Je voudrais vous préciser tout d'abord que rien n'a été arbitré, ni en ce qui concerne la mise en uvre de l'écoconditionnalité, qui fait l'objet de discussions intenses avec la Commission, ni en ce qui concerne les mesures nationales. La position qui sera retenue sera évidemment celle du Gouvernement et non celle d'un Ministère en particulier.
Je voudrais néanmoins, à cet égard, vous faire part de mes idées
Ma priorité politique est la réorientation des aides et la mise en place des CTE. J'ai donc choisi avec l'aval du Premier Ministre de mettre en uvre la modulation, c'est à dire le plafonnement des aides directes et leur réorientation sur le développement rural par le biais des CTE .
Dans ce contexte, et en tenant compte des conséquences de l'accord de Berlin, je pense qu'il faut maintenir une approche équilibrée pour ce qui concerne les efforts demandés aux agriculteurs et qui préserve notre compétitivité à l'échelle européenne et mondiale.
Je veux dire que quand ont fait prendre un virage aussi direct à l'agriculture avec la mise en place des CTE, la modulation des aides voire le plan de régionalisation, il faut penser à l'effet cumulatif de ces mesures.
Si, dans le cadre d'une écotaxe, un effort devait être demandé à tous les acteurs économiques, avec un objectif de solidarité, je ne vois pas pourquoi les agriculteurs ne prendraient pas leur part, à condition que ce soit une juste part .
Le principe qui doit nous guider est le principe pollueur-payeur.
L'activité agricole ne doit pas être, en soi, considérée comme polluante, mais quand elle l'est, elle doit être polluante payante.
En revanche il est légitime d'obtenir des agriculteurs qu'ils se mettent aux normes, conformément à la loi et à la réglementation., mais je marquerai toujours ma préférence pour une démarche incitative de type IRRIMIEUX ou FERTIMIEUX,
J'ai souhaité personnellement qu'un échange ait lieu avec les professionnels agricoles, les associations représentant la défense de l'environnement, les scientifiques, les consommateurs et les parlementaires. Dans ce domaine, comme dans tout autre, il ne sera pas possible d'imposer des mesures qui ne soient pas comprises, acceptées et équilibrées.
Je voudrais dire que vos réflexions d'aujourd'hui seront très précieuses et nous permettront de progresser dans le sens d'une plus grande justice sociale et d'une meilleure efficacité environnementale des dispositifs qui seront adoptés.
Notre ambition est que l'on redéfinisse la place de l'agriculture dans la société, et que l'on évite de considérer les agriculteurs comme des boucs émissaires. Nous devons nous intéresser aux services que le monde agricole rend à la société et aux attentes que celle-ci formule à son égard : Emploi, environnement, sécurité alimentaire, qualité des produits et traçabilité constituent aujourd'hui les priorités de mon action.
Je ne serai pas plus long pour vous permettre de commencer vos travaux.
Sachez que je serai très attentif aux résultats de ce colloque.
Bon colloque ! Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 24 juin 1999