Déclaration de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur l'installation du Conseil stratégique de l'innovation en santé, Paris le 5 avril 2018.

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Texte intégral


Je voudrais avant tout vous dire mon grand plaisir de présider aujourd'hui ce premier conseil stratégique de l'innovation en santé qui, en quelque sorte, donne le coup d'envoi de la mise en oeuvre du dispositif visant à favoriser l'émergence d'expérimentations pour l'innovation dans le système de santé.
Vous savez sans doute à quel point je tiens à ce dispositif, que j'ai voulu et que j'ai défendu dans le cadre de la LFSS 2018. Il est pour moi l'un des chantiers majeurs du quinquennat, pour ce ministère et pour l'avenir de notre système de santé.
Les constats qui ont mené à l'élaboration de ce dispositif d'expérimentations innovantes, nous les avons tous faits et nous en subissons tous les conséquences : en tant que citoyens, en tant que patients, en tant que professionnels de santé.
Nous connaissons bien les blocages qui existent et les difficultés que rencontrent les professionnels qui souhaitent s'organiser dans un territoire pour promouvoir des organisations innovantes.
Nous connaissons tous la difficulté de financer des démarches de coordination, des parcours de soins ou des coopérations entre professionnels. Nous sommes arrivés au bout du modèle de la tarification en silo qui bloque les coopérations possibles et nécessaires. Et il n'est plus acceptable aujourd'hui que les prises en charge médico-sociales et sociales soient à ce point dissociées des prises en charge sanitaires.
Ce dispositif « article 51 », comme on le nomme désormais, va permettre d'amorcer une démarche de transformation, en faisant « sauter les verrous » pour que la coordination des parcours de santé et les coopérations interprofessionnelles puissent devenir une réalité au quotidien dans les territoires.
Pour y parvenir, j'ai souhaité laisser l'initiative aux territoires pour permettre aux professionnels de s'organiser et de répondre aux défis de demain.
L'« article 51 » offre donc un cadre légal à des expérimentations d'organisations innovantes faisant appel à des modes de financements inédits, des expérimentations qui permettront de dépasser les logiques sectorielles de la ville et de l'hôpital et de prendre en considération la prévention mais aussi la pertinence des actes réalisés. Ce dernier point est d'ailleurs à lui seul une évolution majeure : « il faut favoriser les gens qui travaillent bien, pas forcément ceux qui travaillent plus. »
In fine, ce qui est en jeu, c'est de diversifier progressivement les modes de rémunération, aujourd'hui trop orientés vers l'activité et la production d'actes.
Ce dispositif s'inscrit en totale cohérence avec le cadre plus large de la stratégie de transformation du système de santé présentée par le Premier ministre le 13 février dernier. Il s'articulera donc étroitement avec la task-force que j'ai souhaité mettre en place, dédiée à la réforme du financement du système mais également avec les autres chantiers que sont la qualité et la pertinence des soins, le numérique et l'organisation territoriale des soins.
Je sais que ces possibilités d'expérimentations innovantes suscitent beaucoup d'attente et d'espoir de la part des acteurs du monde de la santé, de votre part à tous. Il nous faut donc, dans sa mise en oeuvre, être collectivement à la hauteur de ces ambitions
Comment va fonctionner le dispositif de l'article 51 ?
Il est primordial pour moi que les réformes soient concrètes, pour qu'elles soient comprises par tous nos concitoyens et que tous bénéficient de leurs effets. Ce dispositif fondé sur des expérimentations répond à cet objectif et à ma volonté de réforme pragmatique.
J'ai choisi de faire confiance aux initiatives venues du terrain, et les idées, ce n'est pas ce qui manque dans les territoires !
Les projets doivent remonter des acteurs de terrain qui sont les plus à même de répondre aux besoins de leur territoire. Des expérimentations nationales seront bien entendu lancées et nous y reviendrons plus avant dans cette séance mais le dispositif a avant tout été conçu pour permettre aux acteurs du système de santé de pouvoir proposer des projets que ce soit à l'échelon local, régional ou national.4
Ce dispositif, je l'ai voulu volontairement très ouvert et je souhaite que cet esprit d'ouverture perdure à toutes les étapes du processus, de manière à ne pas passer à côté des bonnes idées.
L'article 51 ne prévoit par exemple aucune restriction concernant le statut juridique des porteurs de projets. Il pourra s'agir indifféremment d'associations d'usagers, d'établissements de santé (publics ou privés), de fédérations et syndicats, de professionnels de santé, d'entreprises de professionnels de l'aide à domicile, d'organismes complémentaires ou de collectivités territoriales.
Quant aux expérimentations proposées, elles devront concourir à un ou plusieurs des objectifs que sont :
- la pertinence et la qualité de la prise en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale,
- les parcours des patients, via notamment une meilleure coordination des acteurs,
- l'efficience du système de santé,
- l'accès aux soins
- le bon usage du médicament
De nombreuses dérogations sont permises notamment des dérogations aux règles de facturation et de tarification pour tous les offreurs de soins, ainsi que des dérogations au panier de soins remboursables. D'autres dérogations concernent la participation financière des patients ou encore le partage d'honoraires entre professionnels de santé.
Vous le voyez, le cadre expérimental prévu par la loi est très ouvert et le champ d'application est vaste. J'ai demandé aux directions de ce ministère ainsi qu'à la rapporteure générale, Natacha Lemaire, que j'ai nommée pour piloter ce dispositif, une grande réactivité et une grande souplesse dans la mise en oeuvre.
Ainsi les projets seront-ils étudiés au fil de l'eau, et non dans le cadre de fenêtres de dépôt, afin de ne pas ralentir le démarrage et la mise en oeuvre des expérimentations.
Dans le même ordre d'idées, l'article 51 a créé vous le savez un fonds d'innovation du système de santé permettant de financer l'accompagnement des projets et les nouveaux modes de rémunération.
Ce nouveau fonds, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, pourra être réalimenté autant que de besoin au-delà de sa dotation initiale, en fonction des projets qui nous seront présentés.
Pour la sélection des projets qui paraissent prometteurs, en particulier par leur caractère innovant, efficient, reproductible et par l'amélioration du service rendu à la population, j'ai voulu mettre en place un dispositif proche du terrain, réactif et itératif.
J'ai ainsi souhaité que les projets d'expérimentation locaux ou régionaux, puissent être déposés au plus près, auprès de l'ARS concernée, les projets nationaux étant pour leur part centralisés auprès de la rapporteure générale. Proches des acteurs de terrain, les agences sont les plus à même de repérer et de sélectionner des expérimentations innovantes et de les accompagner dans la durée. Elles auront un rôle déterminant à jouer dans l'appui et l'accompagnement des porteurs et j'ai mandaté l'Agence nationale d'appui à la performance (ANAP) pour outiller cette fonction d'incubation en région, afin que les ARS soient en mesure d'accompagner les potentiels porteurs de projet qui en auraient besoin.
A l'échelon national, c'est un comité technique composé des directions de ce ministère, de l'assurance maladie et de l'ARS Ile de France qui, avec la rapporteure générale, aura à examiner l'ensemble des projets. L'implication de l'assurance maladie est une condition essentielle de réussite du dispositif et je sais pouvoir compter sur sa pleine mobilisation.
Quel va être le rôle du conseil stratégique de l'innovation en santé réuni aujourd'hui ?
Vous l'avez compris, ce n'est pas dans cette enceinte que seront examinés les projets d'expérimentations eux-mêmes.
Pour autant, le rôle du conseil stratégique est majeur puisqu'il lui appartient de donner le cap et de définir les grandes orientations, de conseiller, de suivre les expérimentations et in fine, de nous prononcer sur l'opportunité de leur généralisation.
A cet égard, je veux souligner l'importance de l'évaluation dans le dispositif car c'est souvent là que les précédentes expérimentations ont failli.
L'évaluation est primordiale pour déterminer ce qui doit être généralisé, comme ce qui doit être abandonné. Les moyens déployés pour l'évaluation devront être proportionnés aux enjeux et à l'ampleur de l'expérimentation : des orientations vont vous être proposées en ce sens. La méthode que nous privilégierons permettra d'envisager le déploiement des projets dans des délais conformes à l'urgence que nous ressentons à modifier notre système de santé.
En conclusion :
Pour que ce dispositif fonctionne, chacun de nous aura sa partition à jouer : vous, les directions de ce ministère, les ARS, l'Assurance Maladie, ainsi que la HAS.
Chacun de nous doit se sentir impliqué dans la démarche et je souhaite que vous impulsiez et facilitiez cette dynamique dans chacun de vos réseaux, au plus près du terrain et des attentes de nos concitoyens.
Pour ma part, je suivrai personnellement et régulièrement les avancées de ce projet.
C'est à la condition d'une dynamique et d'un engagement collectif que nous réussirons. Je sais pouvoir compter sur vous parce qu'il y va de notre intérêt à tous en tant que concitoyens, professionnels et usagers du système de santé.
Je vous remercie et je vous invite à entrer plus précisément dans le détail du dispositif avec les présentations qui vont suivre et que va commenter Natacha Lemaire.
Source http://expertise.uriopss-hautenormandie.asso.fr, le 4 juin 2018