Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à RMC le 15 mai 2018, sur les moyens du SAMU et les secours d'urgence.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès BUZYN, bonjour…
AGNES BUZYN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. 25 millions d'appels par an, le SAMU en charge 25 millions d'appels par an, ce qui fait à peu près un appel presque chaque seconde, donc il faut des moyens - des moyens humains, des moyens matériels - pour pouvoir répondre à l'urgence. Agnès BUZYN, après ce qui s'est passé à Strasbourg, vous avez décidé de prendre les choses en main, comment ?
AGNES BUZYN
Donc, j'ai convoqué les urgentistes hier au ministère car je voulais qu'ils me donnent une feuille de route pour que ce qu'on a entendu et vu à Strasbourg ne se reproduise pas, il faut quand même que dans 99 % des cas heureusement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout se passe bien.
AGNES BUZYN
Le SAMU évidemment prend merveilleusement en charge de gens - on l'a encore vu au cours de l'attentat de Paris - mais on ne peut pas tolérer que des affaires comme cela viennent salir en fait la réputation du SAMU, à juste titre parce que c'était juste intolérable et je leur est demandé donc les mesures à prendre, je leur ai donné un calendrier qui prévoit que le 1er juillet prochain l'ensemble des représentants des SAMU et des urgentistes me propose une amélioration sensible de leurs pratiques. Car en fait on se rend compte que ces pratiques sont assez peu normées, assez peu encadrées, même si dans la majorité des cas cela se passe bien il n'y a pas de contrôle qualité et, donc, je leur ai demandé de travaillent sur trois pistes : d'améliorer toutes leurs procédures, ça c'est la première piste ; la deuxième, c'est une meilleure formation des professionnels qui interviennent, que ce soit les opérateurs qui répondent au téléphone ou les médecins car il y a des généralistes par exemple qui interviennent au SAMU ; et la troisième piste est un contrôle qualité réelle, avec des procédures qui permettent d'évaluer les appels, la qualité des appels, de faire remonter les événements indésirables - puisque cet événement grave de Strasbourg n'est remonté ni à la direction du CHU, ni à l'Agence régionale de santé et encore moins au ministère, ce qui est invraisemblable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura des sanctions d'ailleurs ?
AGNES BUZYN
Possiblement, nous verrons ce que le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales nous dira, mais possiblement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Possiblement des sanctions. Agnès BUZYN, très bien, on va améliorer la formation, on va améliorer l'accueil, on va améliorer.... mais il va falloir des moyens, c'est ce que vous on dit hier ceux que vous avez reçus ?
AGNES BUZYN
Aucun, aucun des quatre ne m'a parlé des moyens...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Bon.
AGNES BUZYN
Aucun des quatre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que, après, c'est ce qu'ils nous ont dit.
AGNES BUZYN
Non. Alors après... mais parce que tout le monde a envie d'entendre ça et les questions des journalistes ont beaucoup porté sur les moyens, il se trouve qu'à cette réunion aucun des quatre représentants du SAMU n'a parlé des moyens. Pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moyens financiers, moyens humains.
AGNES BUZYN
Oui. D'abord parce que les SAMU sont bien dotés, il est hors de question qu'on ne puisse pas intervenir sur un événement grave parce qu'ils manqueraient de moyens - et d'ailleurs personne n'a jamais pointé du doigt qu'un SAMU n'avait pas pu se rendre sur un événement, les SAMU ont des moyens - le problème qu'ont les SAMU aujourd'hui c'est la gestion des appels qui ne devraient pas aboutir au SAMU, donc la question qu'on doit se poser, c'est : est-ce qu'il faut rajouter des gens qui répondent au téléphone pour répondre à des appels qui n'ont rien à voir avec l'urgence ou est-ce qu'il faut rediriger ces appels qui aboutissent au SAMU vers d'autres structures ? Parce qu'en réalité les urgences vitales représentent moins de 10 % des appels au SAMU, autour de 3 %…
JEAN-JACQUES BOURDIN
3 %.
AGNES BUZYN
Donc ça veut bien dire qu'aujourd'hui le SAMU fait aussi office de réceptacle de tout un tas d'appels qui correspondent à des gens angoissés qui ne savent pas vers qui se tourner. Donc, la question ce n'est pas forcément de rajouter des urgentistes au SAMU mais de faire en sorte que les gens qui ont besoin d'un renseignement médical puissent trouver une écoute évidemment à la hauteur de leurs angoisses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En France, lorsque j'appelle un service d'urgence, je peux appeler le 18 – ce sont les pompiers – je peux appeler le 17 – c'est la police ou la gendarmerie – et je peux appeler le 15 – le SAMU – est-ce qu'on ne doit pas mettre en place un seul numéro, un numéro unique ?
AGNES BUZYN
C'est une question que j'avais posée en janvier, donc j'ai lancé une inspection à la fois du côté des pompiers et du côté des urgentistes avec Gérard COLLOMB puisque ça concerne les pompiers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
AGNES BUZYN
Et la question qui est posée à cette mission d'inspection, c'est d'abord de faire un état des lieux de ce qui se passe dans les autres pays, il y a beaucoup de pays européens qui ont mis un numéro en place unique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.
AGNES BUZYN
Et de voir les inconvénients et les bénéfices. Il y a un inconvénient, c'est que quand vous avez un appel unique vous avez plusieurs relais avant que la personne trouve le bon interlocuteur – et là d'ailleurs pour cette jeune femme on entend le début de la conversation qui est l'appel des pompiers au SAMU, elle a d'abord appelé les pompiers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, exact.
AGNES BUZYN
Et c'est lors du passage de l'appel des pompiers au SAMU que l'opération des pompiers dit : « elle a la grippe » et, donc, on voit bien qu'il y a une transmission d'informations qui de fait n'était pas une bonne information et qui a peut-être créé du trouble chez l'opératrice du SAMU, donc il faut faire attention. Il y a un avantage, c'est-à-dire qu'on a qu'un seul numéro…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que les avantages sont plus forts que les inconvénients ?
AGNES BUZYN
C'est ce que dira ce rapport que j'attends…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
AGNES BUZYN
Avant l'été.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant l'été.
AGNES BUZYN
Donc je leur avais demandé pour fin mai il n'est pas tout à fait prêt, donc nous l'aurons avant l'été, je recevrai les inspecteurs prochainement pour avoir un point d'étape et il y aura des décisions prises dans le courant de l'été. Car en fait il y a deux options pour que vos interlocuteurs comprennent bien, soit de regrouper tous les appels d'urgence, c'est-à-dire pompiers, SAMU et police dans un seul numéro d'urgence, comme le 911 aux Etats-Unis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, aux Etats-Unis le 911…
AGNES BUZYN
Ou le 112…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde connaît le 911 aux Etats-Unis.
AGNES BUZYN
Tout le monde le connaît, donc c'est vraiment le numéro d'urgence absolu, mais dans ce cas-là il ne faut pas qu'il soit polluer par des appels de personnes qui ont besoin de trouver un médecin ou qui ont besoin d'un renouvellement d'ordonnance - c'est ce qui se passe parfois au SAMU aujourd'hui – et dans ce cas-là il faut qu'on ait un autre numéro d'appel pou les non urgences, pour ce qu'on appelle la régulation médicale banale, pour que les gens puissent savoir où trouver un médecin de garde par exemple, ou alors il y a de regrouper sous un même numéro tout ce qui concerne la santé, c'est-à-dire ce qui est très urgent comme les…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est possible ?
AGNES BUZYN
Donc c'est possible, ce sont les deux options qui sont...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle est votre option préférez ? Pour l'instant, non, vous n'avez pas…
AGNES BUZYN
Non, on en a discuté avec les urgentistes hier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors ?
AGNES BUZYN
Et ils ne sont pas d'accord entre eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Bon.
AGNES BUZYN
Donc certains préfèrent un numéro d'urgence unique, donc on privilégie l‘urgence vitale et d'autres préfèrent un numéro santé unique qui privilégie la régulation et ce qui permettrait par exemple aux gens d'appeler d'abord ce numéro avant de se rendre aux urgences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce qu'on peut dire c'est que le 18, le 17, le 15 ce sera terminé dans les mois qui viennent ?
AGNES BUZYN
Non, je ne peux pas dire ça aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
AGNES BUZYN
D'abord ce n'est pas une décision que je prendrai seule, puisque ça concerne aussi le ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est bien d'accord.
AGNES BUZYN
Le ministre d'Etat et ministre de l'Intérieur Gérard COLLOMB, donc ce sera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sera mon invité vendredi, je lui en parlerais d'ailleurs.
AGNES BUZYN
Donc c'est une décision qui nous impacte tous les deux et c'est donc une décision politique que nous prendrons, soit vers l'une des options, soit vers l'autre, mais de façon intéressante les urgentistes, les quatre représentants des syndicats et des sociétés savantes que j'ai reçues hier ne sont pas d'accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne sont pas d'accord, bien, nous verrons. Mais enfin il y a deux solutions, soit le numéro global unique, soit deux numéros, si j'ai bien compris ?
AGNES BUZYN
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 18, 17, 15 ça va disparaître. Agnès BUZYN, mais oui nous verra ça dans l'été et nous verrons ça avec le rapport que vous recevrez en juin, merci d'être venue nous voir ce matin…
AGNES BUZYN
Merci beaucoup.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mai 2018