Texte intégral
CLELIE MATHIAS
C'est l'heure de l'interview politique de la matinale. Jean-Pierre ELKABBACH reçoit Agnès BUZYN, la ministre des Solidarités et de la Santé, au lendemain du rapport de l'Inspection des Affaires sociales sur le décès de Naomi MUSENGA. Ils vont également aborder le zéro reste à charge ou encore le déficit des hôpitaux publics.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin, je suis doublement impressionné, d'abord parce que c'est vous, alors soyez la bienvenue. Agnès BUZYN, bonjour.
AGNES BUZYN
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ensuite parce que vous pesez en milliards.
AGNES BUZYN
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pesez combien ?
AGNES BUZYN
Plus de 700 milliards d'euros, ça représente en fait les dépenses qui sont redistribuées aux Français, sous la forme de prestation, c'est-à-dire les pensions de retraite, tout ce qu'on paye pour l'assurance maladie, les allocations familiales, les aides sociales au sens large, et donc c'est ce qui est redistribué, de l'argent public vers les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, il faut bien le redistribuer, et c'est bon de le savoir, et que vous représentez plus de la moitié des dépenses publiques. Vous avez demandé un rapport de l'IGAS sur la mort de Naomi MUSENGA, à l'hôpital de Strasbourg, signé par trois médecins qui sont inspectrices de l'IGAS. Le rapport est extrêmement sévère pour l'opératrice du centre et du SAMU, pour les responsables du dysfonctionnement. Est-ce que vous considérez que la faute de ce SAMU est extrêmement grave, d'abord vous-même ?
AGNES BUZYN
Je crois que, comme tous les Français, il suffit d'avoir écouté cette bande, pour savoir qu'il y a eu un dysfonctionnement grave, avec un manque d'humanité qui est intolérable quand on parle de quelqu'un de malade. Donc évidemment sur le plan humain c'est intolérable, et quand en plus ça abouti au décès de quelqu'un, ça doit être sanctionné. Les sanctions ont été prises, monsieur ELKABBACH, vous le savez, d'une part contre l'opératrice qui a répondu, et le chef de service du SAMU a donné sa démission, que nous avons acceptée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'il y aura d'autres sanctions internes et administratives, à Strasbourg ?
AGNES BUZYN
Non, pour l'instant, sur Strasbourg, les sanctions ont été prises, par contre j'ai exigé de la part de tous les urgentistes français, qu'ils me donnent une feuille de route, le 1er juillet prochain, pour d'une part améliorer la formation de ceux qui répondent au téléphone, que ce soit les opérateurs ou les médecins, qu'ils améliorent leur procédure interne de traitement des appels et surtout qu'ils mettent en place dans tous les SAMU de France, un contrôle qualité, une démarche qualité des appels comme dans toute
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce qui n'avait pas été fait jusqu'ici. Ça veut dire, est-ce que vous demandez, mais que ça s'applique dès cet été
AGNES BUZYN
Bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'il y a des SAMU qui sont inquiets de ce qui peut se passer avec les touristes, avec les vacanciers, de réorganiser les urgences sur tout le territoire national ?
AGNES BUZYN
Alors, il y a un sujet urgence au sens large, avec effectivement des urgences qui ont aujourd'hui du mal à fonctionner dans certains hôpitaux, par manque de personnel, non pas qu'on ne veuille pas les employer, mais qu'on ne trouve pas d'urgentistes. Le problème c'est qu'on n'a pas formé dans notre pays, assez de médecins spécialistes des urgences, et dont les postes sont vacants. Donc nous devons organiser un certain nombre de services, notamment avec des médecins généralistes qui sont formés aux urgences et qui absorbent une partie de la chance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin, vous dites que vous avez demandé ou vous demanderez, que l'on réforme les SAMU de France. C'est ça ?
AGNES BUZYN
Alors, ce n'est pas une réforme, c'est une mise en place d'un contrôle qualité
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une meilleure mise en place, oui.
AGNES BUZYN
Une démarche qualité, comme dans toute industrie à risques, quelque part, pour
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Protéger et sauver des vies.
AGNES BUZYN
Pour protéger, absolument.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais justement, je reviens à Strasbourg. Les réponses du rapport sont, dit le rapport, non adaptées, de l'assistante qui n'avait pas pris au sérieux les appels au secours de Naomi, et ça a conduit à un retard d'une prise en charge de 2 heures 20. Avec votre expérience, est-ce qu'on peut sauver quelqu'un en 2 heures 20, quand il y a un cas grave et urgent, ou ne pas le sauver ?
AGNES BUZYN
Il est possible qu'on ait pu la sauver, ou pas, je ne connais pas le dossier médical, ça fait partie du secret médical, donc je ne peux pas dire si on aurait pu la sauver ou pas. Il est possible, mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites que le retard a été fatal.
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, enfin je ne sais pas s'il a été peut-être serait-elle décédée malgré tout, et peut-être pas, et aujourd'hui je pense que le rapport ne le dit pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le rapport médical peut-être.
AGNES BUZYN
Absolument, mais le rapport administratif qui a été demandé, ne le permet pas non plus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La famille MUSENGA a le rapport médical et le rapport administratif, elle ne cache ni sa douleur, d'après ce qu'on entend, ni sa colère, et elle est persuadée que la mort aurait pu être évitée.
AGNES BUZYN
C'est possible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, est-ce que vous comprenez qu'elle soit à la fois encore sous le choc, la douleur, et en même temps la colère ?
AGNES BUZYN
Mais, enfin, bien sûr je comprends et puis je me suis engagée à être totalement transparente vis-à-vis de la famille, ce que j'ai fait, j'ai eu plusieurs fois le papa de Naomi MUSENGA au téléphone, et je lui ai dit que je le recevrai en juillet, quand les urgentistes m'auront apporté la feuille de route, pour lui dire quelles sont les restructurations et de la mise en oeuvre de cette feuille de route que je vais imposer aux différents SAMU de France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si la famille et réclame l'ouverture d'une l'enquête judiciaire, vous le comprendriez aussi ?
AGNES BUZYN
Ça regarde la famille et je comprends tous les choix qu'elle fera.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Même ça ?
AGNES BUZYN
Mais bien sûr, je n'ai absolument rien à dire sur un choix de la famille de madame MUSENGA, ce que je lui dois c'est la transparence sur ce que je suis capable d'apporter
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comme à tous les Français.
AGNES BUZYN
Absolument.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le rapport que j'ai lu, comme tout le monde peut le lire, puisqu'il est en ligne. Page 31, a relevé en une heure, à l'hôpital de Strasbourg, en une heure, plusieurs cas de prises en charge qui étaient inadaptées, mais si ça se reproduit sur tous les sur beaucoup de SAMU, on voit un peu la difficulté et donc, vous promettez que des mesures seront prises dès cet été.
Je voudrais que vous répondiez à un certain nombre de questions qui se posent dans différents domaines. On va les aborder peut-être très vite.
AGNES BUZYN
Allons-y monsieur.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les patientes atteintes de cancer, vous réclament le remboursement des perruques de qualité qu'elles sont obligées de porter après des chimiothérapies, et elles veulent garder de cette façon, autant que possible, à la fois la féminité et le rôle social actif. Est-ce qu'elles auront satisfaction ?
AGNES BUZYN
Bien sûr, parce que c'est une mesure que j'ai rédigée moi-même dans le Plan cancer, quand j'ai écrit le plan cancer, pour le gouvernement précédent, quand je présidais l'Institut national du cancer, on s'est rendu compte qu'on avait un problème de reste à charge, donc les femmes étaient obligées de dépenser beaucoup, pour leur perruque, malgré un forfait de prise en charge. Et donc j'avais inscrit dans le Plan cancer, qu'il fallait que les perruques aient un prix, et qu'elles soient remboursées par la Sécurité sociale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elles le seront.
AGNES BUZYN
Elles le seront, une saisine a été faite de la Haute autorité de santé, qui a déterminé les caractéristiques d'une perruque, pour qu'elles puissent être remboursées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce que ce sont des perruques qui sont coûteuses et il s'agit de vrais cheveux
AGNES BUZYN
Absolument. Et ça sera fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
qui sont souvent importés du Continent indien, il y a d'ailleurs un très beau roman de Laëtitia COLOMBANI qu'il avait bien raconté, dans « La tresse », publié chez Grasset.
AGNES BUZYN
Absolument.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et c'est utile à la fois pour l'esthétique et pour le rôle social qu'elles peuvent avoir.
AGNES BUZYN
C'est prévu, et comme j'ai rédigé moi-même cette mesure, je vais faire en sorte qu'elle soit mise en oeuvre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, et c'est dommage qu'elle ne l'ait pas été déjà. Il faut qu'on vous écoute davantage. Pour se soigner, de nombreux Français font confiance à l'homéopathie. Les médicaments bénéficiant d'une dérogation sont en partie remboursés, chaque année ça coûte 120 millions. Vous avez déclenché une évaluation scientifique pour savoir s'il y a des effets réels, c'est-à-dire que vous avez des doutes ?
AGNES BUZYN
Je pense que tous les médecins savent que l'homéopathie repose en grande partie sur un effet placebo et donc la question qui se pose c'est : est-ce que cet effet placebo doit être remboursé par la Sécurité sociale ? Est-ce qu'il est suffisamment
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Votre avis ?
AGNES BUZYN
Alors, mon avis, moi je n'ai pas d'avis en tant que ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites : il faut évaluer. Est-ce que c'est efficace, un placébo ?
AGNES BUZYN
Non, ce que je dis
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça ne fait pas de mal.
AGNES BUZYN
Non, ça ne fait pas de mal, sauf si ça entraîne des retards diagnostiques ou des retards de prise en charge, quand c'est mal utilisé et que c'est utilisé à la place d'un traitement efficace, ça peut entraîner des retards. Mais si c'est bien utilisé, ça ne fait pas de mal effectivement, parce que, en théorie
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça sera remboursé, mais si ça ne fait aucun effet, est-ce que ça sera prescrit et est-ce que ça sera remboursé de la même façon ?
AGNES BUZYN
Alors, aujourd'hui, rien n'empêchera évidemment les personnes de prendre de l'homéopathie, ce que je demande c'est que tout ce qui est pris en charge par notre argent, l'argent de la collectivité, l'argent de l'assurance maladie, c'est notre argent, je dis simplement que tout ce qui est pris en charge par notre argent, doit être évalué par la Haute autorité de Santé, comme n'importe quel médicament, et c'est remboursé, si ça prouve son utilité, et si ça n'est pas utile, ça ne sera pas remboursé, c'est le cas des médicaments anti-Alzheimer qui ont été évalués comme non-utiles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et justement, vous avez décidé qu'à partir du 1er août, la Sécurité sociale ne remboursera plus les médicaments anti-Alzheimer, et vous savez, vous lisez comme nous que les associations de malades, et en même temps une pétition de 200 médecins, vous demandent de revenir sur votre décision. Est-ce que vous allez revenir sur votre décision ?
AGNES BUZYN
Non, je suis fidèle à l'évaluation scientifique qui a été faite par la Haute autorité de Santé, qui a rendu deux fois des avis défavorables sur les anti-Alzheimer, en considérant que ça n'est
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'abord, est-ce qu'ils sont dangereux ?
AGNES BUZYN
En fait, ils donnent beaucoup d'effets secondaires, et les effets secondaires sont supérieurs en fait aux bénéfices pour les patients, avec énormément de chutes, d'hospitalisations inutiles, voire de décès, et donc la Haute autorité de Santé, pour la deuxième fois, dit que ces médicament posent problème. Ce que craignent en fait les familles de malades, et les neurologues qui écrivent, c'est que ces patients ne soient plus référés à des centres qui ont l'expertise pour les suivre. Et ce que je dis, c'est que tout l'argent qui est aujourd'hui dépensé dans des médicaments, dans des gélules qui visiblement n'apportent pas le service qu'elles doivent rendre, cet argent sera mis dans les centres qui prennent en charge les patients d'Alzheimer, pour une bonne prise en charge comportementale. Ça sera investi pour eux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais si ces médicaments anti-Alzheimer sont inefficaces, peut-être nocifs, avec des effets secondaires, pourquoi ne pas les interdire ? Pourquoi ne pas les retirer du marché ?
AGNES BUZYN
Parce que l'autorisation de mise sur le marché ne dépend pas de la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est européen.
AGNES BUZYN
C'est européen et il faut
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a une décision qui peut être nationale.
AGNES BUZYN
Non, absolument pas, je ne peux pas retirer un produit qui a une autorisation de mise sur le marché, européenne, la seule chose que je peux décider au niveau français, c'est de ne pas la faire prendre en charge un médicament par la solidarité nationale, si nos experts estiment que ce médicament n'est pas à la hauteur du service qu'il doit rendre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui.
AGNES BUZYN
C'est la loi. Alors, on peut demander à l'Europe de réévaluer des médicaments, mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, vous allez demain au Luxembourg, vous pouvez peut-être taper sur la table, dire : si ça ne sert à rien
AGNES BUZYN
Voilà, donc il y a de temps en temps des demandes qui sont faites par les Etats, en disant : il faut que l'Europe réévalue l'intérêt d'un médicament et rien n'empêche des industriels qui auraient de nouvelles données, de redéposer un dossier pour une nouvelle évaluation, et si ça prouve un intérêt, on les remboursera, mais aujourd'hui, toutes les études sont négatives et donc on ne revient pas sur la décision.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Agnès BUZYN, l'état de santé de l'hôpital public se dégrade, tout le monde et qu'il est vraiment malade, on va le voir tout à l'heure, en revanche la Sécurité sociale se porte mieux, c'est l'addition probablement d'économies et de la croissance.
AGNES BUZYN
Pas d'économies, c'est uniquement le fait de la croissance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien il y a des économies, il y a déjà des recommandations qu'avait fait la Cour des comptes, par exemple moins de transports en taxis, moins d'ambulances, une gestion d'ambulatoire, je suppose qu'il y a déjà des économies.
AGNES BUZYN
Il y a des économies qui permettent en fait aujourd'hui de tenir l'évolution des dépenses de la Sécurité sociale, dans une augmentation chaque année de 2,3 %. Et c'est vrai que nous avons cette année une dette qui s'est considérablement réduite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien ?
AGNES BUZYN
On s'attendait à 2,1 milliard de déficit de la Sécurité sociale et on serait à 300 millions. Donc vous voyez que, en fait, ce déficit s'est réduit et c'est uniquement grâce aux recettes supplémentaires liées à la croissance et à l'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et 2018/2019 en chiffres, on dit
AGNES BUZYN
Alors, je pense que ça va dépendre de la croissance et je ne suis pas certaine qu'à l'arrivée on sera à 300 millions, c'est-à-dire en fin d'année, ça va dépendre aussi de la croissance de 2018, mais on aura certainement réduit le déficit plus que ce qu'on imaginait l'année dernière.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est l'hôpital public qui souffre et il faut le sauver. Près de 900 millions de déficit en 2017, en 2018 les prévisions c'est combien ?
AGNES BUZYN
Je n'ai pas de prévisions sur les déficits, mais aujourd'hui, nous mettons en oeuvre une transformation profonde du système de santé français, pour avoir un autre mode de régulation qui ne s'impose pas uniquement sur l'hôpital public, ce qui est le cas aujourd'hui, c'est la raison pour laquelle les hôpitaux souffrent, c'est notre système qui a été construit comme ça. Donc, quand on veut tenir l'enveloppe qui est votée par le Parlement, le seul outil qu'on a c'est de réduire aujourd'hui un certain nombre de budgets hospitaliers, ce qui n'est pas tenable, c'est la raison pour laquelle je transforme, et nous allons faire des annonces sur la transformation du système de santé
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand ? Juillet, août ?
AGNES BUZYN
Cet été. C'est assez technique et assez complexe, c'est une transformation assez large, qui va toucher à la fois
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président de la République et vous à ses côtés.
AGNES BUZYN
Absolument, qui va toucher beaucoup l'organisation de la médecine de ville aussi, pour un meilleur service rendu de proximité aux Français aujourd'hui qui soufflent des déserts médicaux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que les médecins de ville qui sont méritants auront des primes, des gratifications ?
AGNES BUZYN
Vous verrez, il y aura des choses sur la tarification de la santé, de l'hôpital et plus généralement de la santé, sur les bonnes pratiques, et donc nous transformons en profondeur, pour que, aujourd'hui, on arrête ce phénomène de rabot sur les tarifs, notamment qui s'impose à l'hôpital public.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et puis il faut soigner la PH Marseille qui a des déficits et surtout l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, et on attend les remèdes du docteur Agnès BUZYN et du médecin en chef Emmanuel MACRON. Est-ce qu'il faut réduire le nombre d'hôpitaux, parce qu'en France il y a des hôpitaux qui ne sont pas équipés et qui n'ont pas ce qu'il faut, de manière plus sophistiquée dans l'intérêt des malades ?
AGNES BUZYN
Alors, il ne faut pas réduire le nombre d'hôpitaux, je ne souhaite pas fermer des hôpitaux, il faut simplement mieux organiser ce qu'on fait et où on le fait. Aujourd'hui, les hôpitaux sont tous en compétition les uns avec les autres, dont ils veulent tous le meilleur plateau technique, avoir les meilleurs spécialistes, et on peut se retrouver à 20 km de distance avant deux hôpitaux qui font les mêmes spécialités de haute technicité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, vous n'en voulez plus.
AGNES BUZYN
Non. On ne peut pas se permettre, il faut qu'on se répartisse la tâche, il faut que les hôpitaux arrêtent d'être en compétition, il faut qu'ils soient en coordination, en coopération
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, un peu moins.
AGNES BUZYN
Ah non, il faut qu'on se répartisse les spécialités et les plateaux techniques, ce n'est pas la peine d'essayer de faire tout partout, on n'y arrivera pas. On n'a pas les spécialistes pour le faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut se transformer, chacun de nous, en Harpagon. Depuis tout à l'heure vous dites : il faut économiser, il faut économiser, MOLIERE serait
AGNES BUZYN
Non, c'est vous qui dites « économiser », moi je n'ai pas parlé une seule fois d'économies monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, là, vous l'avez dit, il faut sauver de l'argent public
AGNES BUZYN
Ah oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
des contribuables.
AGNES BUZYN
C'est la bonne gestion.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et donc, justement, le gouvernement a lancé Cap 2022, ça devait être publié en mars, ce sera publié quand d'ailleurs ?
AGNES BUZYN
Je pense dans le courant de l'été, les recommandations seront publiées dans le courant de l'été, pour l'instant les
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire a l'été peut-être l'automne, même.
AGNES BUZYN
Ah non non, je ne sais pas, ce n'est pas moi qui suis en charge de ce dossier qui est géré totalement par Matignon.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est pour Comment réduire les dépenses publiques ? Combien on vous demande, pas d'économiser, vous n'aimez pas le mot, mais comment on vous demande de redéployer, de
AGNES BUZYN
Non, en fait, pour un tel rapport, c'est la nécessité de réorganiser un certain nombre de secteurs, c'est ce que nous faisons et quelque part, ce que propre préconise le rapport, c'est ce qui était de toute façon déjà rédigé dans ma feuille de route, que j'avais moi-même rédigée en arrivant comme ministre, qui avait été validée par Matignon. Je n'ai rien de supplémentaire à faire que ce qui est déjà dans ma feuille de route de ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une question un peu personnelle, pour ne pas dire familiale. Aujourd'hui une commission spécialisée et indépendante, va auditionner les candidats à la direction de l'INSERM l'Institut National de Santé, de la Recherche Médicale. Aujourd'hui il est conduit par Yves LEVY, votre mari, qui avait été choisi, d'ailleurs, si je me rappelle bien, avant que vous ne deveniez ministre, il y avait 7 ou 8 candidats, il avait dit : tiens, celui-là, il a des compétences. Bon, vous ne voulez pas vous en mêler, d'après ce que j'ai entendu, pour éviter un conflit d'intérêts, mais ce que c'est douloureux à vivre ?
AGNES BUZYN
Non mais pas du tout, ce n'est pas que je ne veux pas, pour éviter un conflit, le conflit a été évité puisqu'il y a un décret qui fait que je suis en déport de tout ce qui concerne l'INSERM, c'est géré par Matignon et le ministère de la Recherche, et donc je ne m'en mêle pas, ça ne me regarde pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais est-ce que c'est douloureux à vivre ?
AGNES BUZYN
Non, ce n'est pas du tout douloureux, au contraire, je pense que ça me simplifie la vie de ne pas avoir à me mêler effectivement de la carrière de mon mari.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh oui, mais est-ce qu'Yves LEVY vous a confié qu'il serait ou pas candidat tout à l'heure ?
AGNES BUZYN
Vous lui demanderez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donnez son téléphone, on va l'appeler. Les règles sont donc respectées, mais est-ce qu'il faudrait qu'il renonce, malgré ses compétences, parce qu'il est l'époux d'une ministre ?
AGNES BUZYN
Ecoutez, nous avons fonctionné cette année avec un déport qui fait que tout est géré par Matignon, y compris quand je dois demander par exemple une enquête à l'INSERM ou un avis sur un certain nombre de choses, c'est Matignon qui le décide, et donc
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites : surveillez les comptes de mon mari, non, de Yves LEVY
AGNES BUZYN
Non, en fait je ne m'en mêle pas. Voilà.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi il est si difficile à votre gouvernement et au président MACRON de se débarrasser de l'étiquette qui vous colle : gouvernement de riches, président de riches. Pourquoi ?
AGNES BUZYN
Je pense que c'est une faute collective, qu'on n'a pas su vendre des réformes extrêmement sociales qu'on a faites, on a augmenté les minima sociaux, tout ce qu'on fait sur l'école c'est en faveur des plus démunis, je pense au dédoublement des classes de CP, CE1, je pense aux devoirs faits, je pense aux Plan mercredi de BLANQUER, je pense à la réforme de la formation professionnelle qui est mise en oeuvre par Muriel PENICAUD, les emplois francs, tout ce qu'on fait
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est vrai qu'on ne lit pas encore beaucoup, Agnès BUZYN ministre des riches.
AGNES BUZYN
Non. Non, parce que les mesures que j'ai prises dans le PLFSS de l'année dernière, c'était des mesures en faveur des familles monoparentales pour aider à la garde d'enfants, pour augmenter les allocations de soutien de famille, donc non, vraiment pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous vous sentez plus près des pauvres ou des démunis, des exclus
AGNES BUZYN
C'est mon ministère.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, et le ministère qui peut être
AGNES BUZYN
C'est le ministère des gens malades, des gens âgés, des gens pauvres, des enfants, des familles .
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc c'est la fonction mais c'est peut-être aussi le tempérament et la tradition familiale. Mais simplement, dans un gouvernement qui est jugé de droite, Agnès BUZYN, comment on arrive à défendre une stature de gauche, éventuellement ?
AGNES BUZYN
Mais ça n'est pas un gouvernement de droite, c'est un gouvernement qui fonctionne sur ses deux jambes, et les mesures que je vous ai données, ce sont des mesures sociales, elles ont été prises par ce gouvernement, on a augmenté le minimum vieillesse, on a augmenté l'allocation adulte handicapé, on a augmenté toutes les aides pour les familles monoparentales
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais comme dit BERTRAND, et qu'il soutient à peu près, il dit : pour réduire la pauvreté, est-ce que, en France, les gens en âge, en capacité de travailler, ont le droit de refuser de le faire ? Et il dit : la France peut-elle rester ce pays où on refuse 5 offres d'emploi sans qu'il se passe rien ? Il faut inciter au travail, pousser au travail.
AGNES BUZYN
Oui, je crois que là, sur cet aspect-là nous sommes tous d'accord, il y a des gens qui auront toujours besoin d'aide social, parce que ce sont des gens cassés de la vie, et on en connaît. Sur les 9 millions de personnes pauvres aujourd'hui, il y en a qui auront du mal à retrouver un emploi, mais il y en a qui peuvent être réinsérés et aujourd'hui nous n'investissons pas assez dans les mesures d'insertion, on pense au tout monétaire et il faut maintenant faire de l'accompagnement, c'est ce que nous allons faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Faites-le, c'est bien de le dire, et puis vous reviendrez, on vous reçoit avec intérêt et plaisir. Demain je recevrai Alexandre SAUBOT, qui est un des deux finalistes pour la présidence du MEDEF, la succession de Pierre GATTAZ.
AGNES BUZYN
Merci monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juin 2018